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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 22 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/
Rôle N° RG 21/10557 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHZQ5
[K] [N]
C/
S.C.I. MIOUGRANOU
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pascale VAYSSIERE
Me François COUTELIER
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de TOULON en date du 11 mai 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01985.
APPELANTE
Madame [K] [N]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/10076 du 01/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AIX-EN-PROVENCE)
née le 1er Janvier 1981 à [Localité 3] (MAROC),
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée par Me Pascale VAYSSIERE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
S.C.I. MIOUGRANOU
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me François COUTELIER de l’ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 26 novembre 2019, la société civile immobilière Miougranou a consenti à Mme [K] [N] un bail d’habitation portant sur un appartement de type 3 situé [Adresse 1] moyennant un loyer mensuel de 460 euros, outre 43 euros de provisions sur charges.
Par exploit d’huissier en date du 26 août 2020, la société Miougranou a délivré à Mme [N] un commandement de payer la somme principale de 1 083 euros au titre d’un arriéré de loyers, charges et accessoires arrêté au 5 juillet 2020 visant la clause résolutoire insérée dans le bail et de justifier d’une assurance contre les risques locatifs pour l’année.
Se prévalant d’un commandement demeuré infructueux, la société Miougranou a, par acte d’huissier en date du 23 novembre 2020, assigné Mme [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de constater la résiliation du bail, ordonner son expulsion et la condamner à lui verser diverses sommes.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 11 mai 2021, ce magistrat a :
– rejeté la demande de réouverture des débats ;
– déclaré la SCI Miougranou irrecevable en sa demande tendant au constat de résiliation du bail ainsi qu’en ses demandes subséquentes relatives à l’expulsion et au paiement d’une indemnité d’occupation ;
– condamné Mme [K] [N] à payer en deniers ou quittance à la SCI Miougranou la somme de 1 351 euros à titre de provision représentant les loyers, charges et indemnités d’occupation impayés au ler novembre 2020, échéance du mois de novembre 2020 incluse, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance ;
– condamné Mme [K] [N] à payer à la SCI Miougranou la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus ;
– condamné Mme [K] [N] aux dépens de l’instance, comprenant notamment le coût du commandement de payer et de l’assignation.
Selon déclaration reçue au greffe le 13 juillet 2021, Mme [N] a interjeté appel de cette décision, l’appel visant à la critiquer en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions transmises le 22 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [N] sollicite de la cour qu’elle :
– confirme la décision dont appel en ce qu’elle a déclaré la SCI Miougranou irrecevable en sa demande tendant au constat de la résiliation du bail ainsi qu’en ses demandes subséquentes relatives à l’expulsion et au paiement d’une indemnité d’occupation ;
– infirme la décision dont appel en ce qu’elle l’a condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation ;
– lui accorde des délais de paiement pour régler l’arriéré locatif arrêté à la somme de 1 351 euros au 1er novembre 2020 dans la limite de trois années ;
– suspende les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues pendant le délai de paiement de l’arriéré locatif ;
– condamne la SCI Miougranou à payer à Maître Pascale Farhat-Vayssière la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile sous réserve qu’elle renonce au bénéfice de l’indemnité due au titre de l’aide juridictionnelle totale en application des dispositions de l’article 37 de la Loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions transmises le 25 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Miougranou sollicite de la cour qu’elle :
– infirme la décision dont appel, sauf en ce qu’elle a accordé une somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau ;
– constate le jeu de la clause résolutoire et prononce en conséquence la résiliation du bail ;
– constate qu’un accord est intervenu entre les parties ;
– condamne Madame [N] à lui payer, à titre provisionnel, la somme totale de 3 067 euros au titre de son arriéré de loyers, charges et accessoires ;
– la condamne à lui payer une indemnité provisionnel de 2 000 euros pour recours abusif, outre une éventuelle amende civile ;
– la condamne à lui payer à la SCI Miougranou la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 400 euros accordée en première instance ;
– la condamne aux dépens, en ce compris les frais de délivrance du commandement de payer, les frais de délivrance de la présente assignation et de la signification de l’ordonnance à intervenir.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 1er juin 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’assignation aux fins de constat de la résiliation du bail
Il résulte de l’article 24 II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 que les bailleurs personnes morales autres qu’une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ne peuvent faire délivrer, sous peine d’irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette saisine est réputée constituée lorsque persiste une situation d’impayés, préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement en vue d’assurer le maintien du versement des aides mentionnées à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation. Cette saisine, qui contient les mêmes informations que celles des signalements par les huissiers de justice des commandements de payer prévus au I du présent article, s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée.
Il est acquis que la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ne s’impose que dans le cas de la délivrance d’une assignation aux fins de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus et non pour défaut d’assurance contre les risques locatifs.
En l’espèce, le commandement délivré par la société Miougranou le 26 août 2020 porte tant sur le défaut de paiement des loyers et loyers que sur le défaut de justificatif de l’assurance contre les risques locatifs.
Si la bailleresse soutient que l’assignation aux fins de constat de la résiliation du bail l’a été au motif de l’absence de justificatif par la locataire du contrat contre les risques locatifs, elle n’en apporte aucunement la preuve, l’assignation n’étant pas produite aux débats, tandis que la lecture de l’ordonnance entreprise laisse apparaître que cette dernière a été faite aux fins de voir constater la résilition du bail par l’effet de la clause résolutoire pour non paiement de la somme de 1 351 euros correspondant à un arriéré locatif arrêté au mois de novembre 2020, sans qu’il ne soit fait état, dans cette décision, d’un défaut d’assurance contre les risques locatifs.
Or, alors même que la bailleresse ne justifie pas être une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives est intervenue le 4 novembre 2020, soit moins de deux mois avant l’audience du 2 mars 2021 pour laquelle l’assignation a été délivrée.
Dans ces conditions, c’est à bon droit que le premier juge a déclaré la demande de la bailleresse tendant au constat de la résiliation du bail ainsi que les demandes subséquentes relatives à l’expulsion et au paiement d’une indemnité d’occupation irrecevables.
Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.
Sur la demande de provision au titre des loyers et charges
Par application de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement constestable de la créance alléguée.
Au terme de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges récupérables aux termes convenus.
En l’espèce, la bailleresse produit aux débats un décompte mentionnant une dette locative de 3 067 euros pour la période comprise entre le 26 novembre 2019 et le 2 septembre 2021.
Si Mme [N] conteste devoir cette somme au motif que le décompte ne tient pas compte de versements qui auraient été effectués postérieurement au 2 septembre 2021, elle ne démontre pas s’être libérée d’autres sommes que celles mentionnées au crédit de son compte, et ce, alors même que cette preuve lui appartient.
Alors même que la bailleresse se prévaut d’un accord signé entre Mme [N] et M. [B] en date du 19 octobre 2021 aux termes duquel il apparaît que la locataire s’engageait à libérer l’appartement de type 3 du 2ème étage pour occuper le studio du 1er étage et à régler, en plus du loyer afférent au logement, 100 euros par mois afin de régulariser sa dette, Mme [N], qui conteste la validité de cet accord, n’établit pas avoir apuré, en tout ou partie, sa dette locative résultant du décompte susvisé, étant rappelé qu’il appartient à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement.
Dans ces conditions, il y a lieu de condamner Mme [N] à verser à la société Miougranou la somme provisionnelle de 3 067 euros au titre des loyers et charges pour la période comprise entre le 26 novembre 2019 et le 2 septembre 2021 portant sur le logement de type 3 situé [Adresse 1].
Compte tenu de l’augmentation de cette somme par rapport à ce qu’a jugé le premier juge, l’ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.
Sur les demandes de délais de paiement et de suspension des majorations d’intérêts et de pénalités encourues pendant ces délais
Il résulte de l’article 1343-5 du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Par ailleurs, l’article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 énonce que le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
En l’espèce, Mme [N] ne justifie pas de sa situation personnnelle et financière et, dès lors, de ses capacités à apurer sa dette locative d’un montant de 3 067 euros en plusieurs versements.
Au contraire, outre le fait qu’elle ne justifie pas avoir réglé, à la suite du protocole d’accord en date du 19 octobre 2021 dont se prévaut la bailleresse, la somme mensuelle de 100 euros, en tout ou partie, la décision du bureau d’aide juridictionnelle en date du 1er octobre 2021 lui accordant l’aide totale mentionne des revenus de 328 euros par mois et des correctifs familiaux de 445 euros, ce qui tend à établir qu’elle n’est pas en mesure de régler sa dette locative en plusieurs versements.
Par ailleurs, dès lors que Mme [N] discute la validité de l’accord dont se prévaut l’intimée, en ce qu’il n’aurait pas été signé par les deux gérants de la société Miougranou et n’apporterait aucune précision sur le montant de la dette, la date de libération de l’appartement de type 3, la date d’occupation du studio et le montant du loyer de ce dernier, il n’y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement en application de cet accord.
En conséquence, Mme [N] sera déboutée de sa demande de délais de paiement ainsi que de ses demandes subséquentes portant sur les majorations d’intérêts et les pénalités encourues.
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
L’article 559 du code de procédure civile énonce qu’en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.
Il résulte de l’article 560 du même code que le juge d’appel peut condamner à des dommages et intérêts celui qui forme un appel principal après s’être abstenu, sans motif légitime, de comparaître en première instance.
En l’espèce, dans la mesure où Mme [N] n’a pas comparu devant le premier juge ni n’était représentée, ce dernier n’ayant pas fait droit à la demande de réouverture des débats sollicitée par le conseil de Mme [N] par une note en délibéré en date du 9 mars 2021 au motif que sa cliente n’a pas pu comparaître à l’audience du 2 mars précédent pour des raisons de santé, le recours formé par cette dernière pour faire valoir ses moyens de défense ne peut s’analyser comme un appel abusif.
Le fait qu’un accord ait été signé entre les parties postérieurement à l’ordonnance entreprise ne rend pas pour autant l’appel exercé par Mme [N] abusif en l’absence de véritable protocole d’accord transactionnel mettant un terme au litige.
La société Miougranou sera donc déboutée de sa demande de voir condamner Mme [N] à des dommages et intérêts, outre une éventuelle amende civile, pour appel abusif.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Dès lors que Mme [N] n’obtient pas gain de cause à hauteur d’appel concernant la provision sollicitée par la société Miougranou, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de l’assignation, et au paiement de la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux dépens d’appel.
L’équité et la considération économique des parties commandent de la condamner à verser à la société Miougranou la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens.
En tant que partie perdante, Mme [N] sera déboutée de sa demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a condamné Mme [K] [N] à payer en deniers ou quittance à la SCI Miougranou la somme de 1 351 euros à titre de provision représentant les loyers, charges et indemnités d’occupation impayés au ler novembre 2020, échéance du mois de novembre 2020 incluse, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance ;
Statuant à nouveau et ajoutant ;
Condamne Mme [K] [N] à payer à la SCI Miougranou la somme de 3 067 euros à titre de provision représentant les loyers et charges pour la période comprise entre le 26 novembre 2019 et le 2 septembre 2021 portant sur le logement de type 3 situé [Adresse 1] ;
Déboute Mme [K] [N] de sa demande de délais de paiement et de ses demandes subséquentes portant sur les majorations d’intérêts et les pénalités encourues ;
Déboute la SCI Miougranou de sa demande de dommages et intérêts et d’amende civile pour appel abusif ;
Condamne Mme [K] [N] à payer à la SCI Miougranou la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Déboute Mme [K] [N] de sa demande formée sur le même fondement ;
Condamne Mme [K] [N] aux dépens dépens de la procédure d’appel.
La greffière La présidente