Bail d’habitation : 22 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13879

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Bail d’habitation : 22 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/13879
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 22 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13879 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHDC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Mai 2022 -Juge des contentieux de la protection de SAINT OUEN – RG n° 1222000163

APPELANTE

Madame [C] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4] (99)

représentée par Me Sylvie BONAMI de la SELEURL Cabinet Sylvie BONAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1581

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/017179 du 01/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

S.C.I. MOUFFOK prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : D 4 23 186 980

représentée par Me Lisa GUILLET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 250

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Patricia LEFEVRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, greffière présente lors de la mise à disposition.

*****

Selon acte sous seing privé du 15 décembre 2018, la société Mouffok a donné à bail d’habitation à Mme [C] [M] un appartement situé [Adresse 2] moyennant un loyer de 950 euros. Il était précisé à l’acte qu’en sus du loyer, le locataire remboursera au bailleur sa quote-part de charges complémentaires conformément à la liste fixée par le décret prévu à l’article 23 de la loi et que la provision mensuelle pour charges s’élèvait à zéro euro.

Faisant valoir qu’elle avait fait délivrer à la locataire, le 18 août 2021, un commandement de payer visant la clause résolutoire resté infructueux la SCI Mouffok a, par acte extrajudiciaire en date du 30 janvier 2022 fait assigner Mme [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Ouen, statuant en référé, afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner son expulsion aux conditions d’usage et obtenir le versement de provisions.

Par une ordonnance réputée contradictoire en date du 6 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Ouen statuant en référé a :

– déclaré l’action de la société Mouffok recevable ;

– constaté la résiliation du bail conclu entre les parties à compter du 18 octobre 2021 à minuit portant sur les lieux situés au [Adresse 2] (93) ;

– ordonné en conséquence à Mme [M] de libérer les lieux et remettre les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement et dit qu’à défaut de départ volontaire des lieux, la société Mouffok pourra faire procéder à l’expulsion de Mme [M], ainsi que de tous les occupants de son chef, avec le concours d’un serrurier et de la force publique le cas échéant, sous réserve des dispositions de l’article L.412-l du code des procédures civiles d’exécution ;

– rappelé que le sort des meubles éventuellement laissés sur place est régi par les L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

– condamné Mme [M]  à payer à la société Mouffok, à compter du 19 octobre 2021 et jusqu’au départ effectif des lieux par remise des clés, procès-verbal d’expulsion ou de reprise, une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à la somme de 950 euros ;

– condamné Mme [M] pour les loyers, charges et indemnités d’occupation d’ores et déjà échus selon décompte du 15 avril 2022, à payer à la société Mouffok la somme de 5355 euros (avril 2022 inclus) avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– condamné Mme [M] à payer à la société Mouffok la somme de 800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le 20 juillet 2022, Mme [M] a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 25 janvier 2023 et signifiées le 31 janvier suivant, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour au visa de la loi du 6 juillet 1989, des articles 1103, 1227, 1228, 1240, 1343-5, 1728, 1729 et 1741 du code civil, des articles L.441 à L-441-2-6 et R.441-l à R.441-5 du code de l’habitation et de la construction, des articles L.411-1 à L.433-3 du code des procédures civiles d’exécution, et des articles 484 et suivants, et 835 du code de procédure civile, d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

– déclarer irrecevable et mal fondée la société Mouffok en ses demandes et l’en débouter ;

– prononcer la nullité du contrat de location en date du 15 décembre 2018 ;

– dire qu’il existe une contestation sérieuse sur le montant de la dette locative à hauteur de 5.355 euros ;

– rejeter les demandes de condamnation provisionnelle à hauteur de 5.355 euros, de condamnation à payer une indemnité d’occupation, d’acquisition de la clause résolutoire, et d’expulsion ;

– ordonner à la société Mouffok de procéder à la régularisation des charges depuis 2018 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt ;

– déduire la somme de 5.000 euros du montant de la dette locative, correspondant aux charges locatives payées et non régularisées de décembre 2018 à janvier 2023 (100 euros x 50 mois) ;

– lui accorder une remise sur le montant du loyer pour logement non décent, soit la somme de 500 euros par mois, soit la somme de 25.000 euros depuis le mois de décembre 2018 à janvier 2023 (500 euros x 50 mois) et de condamner la société Mouffok à lui payer cette somme ;

– ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d’autre ;

– lui accorder des délais de paiement et dire qu’elle pourra s’acquitter de sa dette par 36 versements mensuels, en plus du loyer courant ;

– dire que les effets de la clause résolutoire seront suspendus, et n’y avoir lieu à expulsion du logement ;

– condamner la société Mouffok aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile et à la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle.

L’intimé a constitué un avocat le 22 novembre 2022. Son conseil n’a pas conclu.

SUR CE,

L’appelante soutient en premier lieu, la nullité du bail, faute de faire figurer certaines mentions obligatoires et notamment la distinction entre le montant du loyer et celui des charges. Elle souligne que la bailleresse n’a jamais procédé à la régularisation des charges depuis son entrée dans les lieux, le 15 décembre 2018, en déduisant que sa dette locative ramenée par le premier juge à la somme de 5 335 euros est incertaine dans son montant. Elle estime que la décision déférée doit être infirmée en ce qu’elle a prononcé la résiliation du bail, et fixé la dette locative à la somme de 5 355 euros et que les demandes de la bailleresse à ce titre doivent être rejetées. Elle ajoute qu’elle est fondée à réclamer qu’il soit fait injonction à la bailleresse de procéder à la régularisation des charges et l’imputation de la somme de 5000 euros due à ce titre sur la dette locative.

En second lieu, au constat de l’insalubrité de son logement par les services municipaux, elle soutient qu’elle est fondée à réclamer une remise sur le montant du loyer, depuis le début du bail et elle sollicite en dernier lieu des délais de paiement pour s’acquitter de sa dette locative, lesquels suspendent les effets de la clause résolutoire.

*

L’article 834 du code de procédure civile énonce : dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

En application de l’article 835 du même code, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Ces dispositions ne permettent pas au juge des référés, dont les décisions ne peuvent préjudicier au fond, d’annuler une convention. Il ne peut pas plus octroyer à la locataire une remise de loyer au motif de l’insalubrité alléguée de son logement et ainsi faire droit à une demande portant sur une créance indemnitaire et non sur une provision de ce chef. Il n’y a donc lieu à référé du chef de la demande de nullité du bail et de remise de loyer.

En revanche, il convient de vérifier si ces moyens sont de nature à constituer une contestation sérieuse qui empêcherait de constater l’acquisition de la clause résolutoire, alors qu’il est constant que les causes du commandement de payer n’ont pas été payées dans le mois de sa délivrance.

L’omission au bail d’une des mentions exigées par l’article 3 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 au rang desquelles ne figure par la répartition du prix en loyer principal et charges récupérables n’est pas sanctionné par sa nullité, l’avant dernier alinéa venant préciser que si l’une ou l’autre de ces mentions est omise, chaque partie pourrait exiger à tout moment l’établissement d’un contrat conforme aux dispositions de la loi.

S’agissant de l’insalubrité du logement, il convient de rappeler que le locataire ne peut toutefois refuser de payer le loyer en invoquant l’exception d’inexécution liée à l’insalubrité du logement que lorsqu’il se heurte à une impossibilité totale d’utiliser les lieux.

En l’espèce, la locataire produit un rapport d’enquête de la direction générale des services techniques de la commune d’Epinay-sur-Seine en date du 20 août 2020, qui retient l’existence d’une sur-occupation du logement (qui n’est pas le fait du logeur), une ventilation du logement non conforme à la réglementation, une invasion de cafards et une insuffisance de moyens de chauffage concluant à la nécessité de prendre des dispositions pour assurer une ventilation générale et permanente du logement et un chauffage suffisant et de faire procéder à la désinsectisation.

Elle n’invoque pas pour autant une impossibilité d’utiliser les lieux qu’elle habite depuis décembre 2018 et elle ne démontre pas davantage un quelconque refus de la bailleresse d’exécuter les travaux nécessaires ni même avoir sollicité leur exécution. L’exception d’inexécution invoquée ne saurait, dans ces conditions, constituer une contestation sérieuse.

S’agissant des causes du commandement, soit selon la décision déférée la somme de 4 972 euros, force est de constater qu’en l’absence de production par la société bailleresse de ce commandement et du décompte produits en première instance, la cour est dans l’incapacité de se prononcer sur la nature de la créance alléguée, sur la période à laquelle elle se rapporte mais également sur l’existence et la persistance d’une dette au titre des causes du commandement dans le délai dont disposait la locataire pour s’en acquitter. Il convient également de relever que le premier juge, a constaté de nombreuses imprécisions et incohérences affectant le décompte qui lui était présenté (imputation inexpliquée d’une somme de 1648 euros, imputation d’une somme non encore exigible ou dans une colonne intitulée dette des sommes cumulées qui ne correspondent plus aux sommes effectivement dues).

Dès lors, cette défaillance de l’intimée dans l’administration de la preuve qui lui incombe ne peut conduire qu’au rejet tant de sa demande tendant à voir constater, avec les suites de droit, l’acquisition de la clause résolutoire que sa demande de provision.

Enfin, la demande de Mme [M] au titre de la reddition des charges et du constat d’une créance au titre des charges payées et non régularisées ne peut pas prospérer, faute pour elle de justifier que contrairement aux stipulations du bail elle aurait été amenée à régler une provision pour charges.

La décision déférée sera infirmée et les demandes de la SCI Mouffok seront rejetées.

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront infirmées.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l’ordonnance rendue le 6 mai 2022 ;

statuant à nouveau

Rejette les demandes de la SCI Mouffok ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de Mme [M] ; .

Condamne la SCI Mouffok aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions légales et réglementaires relatives à l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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