Bail d’habitation : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00016

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Bail d’habitation : 21 septembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00016
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21/09/2022

ARRÊT N°12/2022

N° RG 21/00016 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OPVA

MD/CD

Décision déférée du 21 Septembre 2021 – Juge de l’expropriation de TRIBUNAL JUDICIAIR DE TOULOUSE – 20/00051

M. GAUCI

S.C.I. SCI MAN

C/

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Syndicat SYNDICAT MIXE DES TRANSPORTS EN COMMUN DE L’AGGLOM ERATION TOULOUSAINE (TISSEO COLLECTIVITES)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

S.C.I. MAN

Société Civile Immobilière, immatriculée au RCS de Castres, au capital de 53.357,16 euros prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 17]

[Localité 10]

Représentée par Me Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

SYNDICAT MIXE DES TRANSPORTS EN COMMUN DE

L’AGGLOMERATION TOULOUSAINE (TISSEO COLLECTIVITES)

Représenté par son mandataire la Société de Mobilité de l’Agglomération Toulousaine (TISSEO INGENIERIE)

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Christine TEISSEYRE de la SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 20]

[Localité 5]

représenté par Mme [K] [R]

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 15 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de:

Président : M. DEFIX,

Assesseurs : A-M. ROBERT

I. MARTIN DE LA MOUTTE

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

– signé par M. DEFIX, président, et par I. ANGER, greffier présent lors du prononcé.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La réalisation d’une troisième ligne de métro sur le territoire de l’agglomération toulousaine s’inscrit dans la cadre du programme [Localité 5] Aerospace Express (TAE) qui constitue l’un des axes opérationnels de la stratégie de mobilité définie à l’horizon 2025 avec le projet de connexion de la ligne B du métro toulousain.

Dans le but d’acquérir la totalité des emprises nécessaires à la réalisation de ce projet d’infrastructures, le Syndicat Mixte des Transports en Commun de l’agglomération toulousaine ( Tisseo Collectivités) et son mandataire Tisseo Ingénierie ont décidé d’engager une procédure d’expropriation.

Par délibération du 6 février 2019, le conseil syndical de Tisseo Collectivités a approuvé le dossier d’enquête publique unique des opérations [Localité 5] Aerospace Express et Connexion Ligne B et autorisé Tisseo Collectivités à engager l’ensemble des démarches nécessaires à l’organisation de l’enquête publique.

Par arrêté du 17 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a prescrit l’ouverture de l’enquête publique unique préalable aux déclarations d’utilité publique des opérations [Localité 5] Aerospace Express et Connexion Ligne B, valant mise en compatibilité du PLU de [Localité 5] Métropole – Commune de [Localité 5], ainsi que des autres communes concernées par le périmètre, et la cessibilité des immeubles nécessaires à la réalisation de ces opérations.

L’enquête publique s’est déroulée du 6 juin au 18 juillet 2019.

Suivant arrêté préfectoral en date du 7 février 2020, ont été déclarés d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l’opération [Localité 5] Aerospace Express sur le territoire des communes de [Localité 13], [Localité 14], [Localité 18] et [Localité 5].

Suivant arrêté préfectoral en date du 7 février 2020, ont également été déclarés d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l’opération Connexion Ligne B sur le territoire des communes de [Localité 18], [Localité 21] et [Localité 5].

Les acquisitions par voie d’expropriation sont poursuivies selon la procédure d’urgence prévue par les articles L. 232-1 et suivants et R.232-1 et suivants du code de l’expropriation.

Parmi les parcelles concernées figurent deux parcelles appartenant à la Sci Man, situées à [Adresse 23].

Ces deux parcelles ont fait l’objet d’une ordonnance d’expropriation en date du 16 juin 2021.

À défaut d’accord sur le montant des indemnités, le juge de l’expropriation a été saisi le 16 décembre 2020 aux fins de fixation judiciaire des indemnités d’expropriation.

Le juge de l’expropriation s’est transporté sur les lieux le 8 mars 2021.

Par jugement en date du 21 septembre 2021, le juge de l’expropriation a :

– fixé le montant de l’indemnité de dépossession revenant à la Sci Man du fait de l’expropriation par Tisseo Collectivités des parcelles cadastrées [Cadastre 12] AL 2 (lieu-dit [Localité 19]) pour 824 m² et [Cadastre 12] AL 51 ([Adresse 7]) pour 817 m², situées sur la commune de [Localité 5], lui appartenant, à la somme globale de 217.612 euros dont 20.692 euros d’indemnité de remploi;

– fixé le montant de l’indemnité pour perte de loyers due par Tisseo Collectivités à la Sci Man à la somme de 22.155 euros ;

– condamné Tisseo Collectivités à payer à la Sci Man la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé les dépens à la charge de l’expropriant ;

– rejeté toute autre demande.

Pour statuer ainsi, le premier juge a constaté que le commissaire du gouvernement et l’autorité expropriante proposaient une valorisation à hauteur de 120 €/m² à laquelle ils appliquaient un abattement de 20 % pour occupation et qu’il était communiqué une référence pertinente, à savoir l’acquisition amiable par ses soins suivant acte du 1er décembre 2020 des parcelles AL [Cadastre 1] et [Cadastre 6] jouxtant les parcelles litigieuses, pour un prix de 120 €/m².

Il a constaté que la Sci Man ne produisait aucune référence de cession à l’appui de ses prétentions fondées sur la méthode par capitalisation et a écarté cette méthode d’évaluation comme non convaincante en raison des nombreuses incertitudes affectant la rentabilité réelle du bien.

Il a en outre relevé qu’en appliquant le taux de capitalisation forfaitaire de 8,5 % avancé par la Sci Man au revenu net foncier de cette société, il aboutissait à un montant de 123,79 €/m².

Il en a conclu que l’offre de Tisseo Collectivités était cohérente au regard des réalités actuelles du marché.

Par ailleurs, dans la mesure où les parcelles expropriées étaient par nature des biens de rapport dont la vocation était d’être louées afin de procurer un revenu à leur propriétaire, il a estimé qu’il n’y avait pas lieu de pratiquer l’abattement de 20% pour occupation revendiqué par l’autorité expropriante.

Enfin, il a alloué à la Sci Man une indemnité de 22.155 euros pour perte de loyers.

Selon déclaration enregistrée le 25 novembre 2021, la Sci Man a interjeté appel de ce jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant mémoire déposé au greffe le 13 juin 2022, la Sci Man, appelante, demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

– de fixer l’indemnité d’expropriation à la somme globale de 499.029,85 € se décomposant de la manière suivante :

‘ 410 250,00 euros au titre de l’indemnité principale,

‘ 42 000,00 euros au titre de l’indemnité de remploi,

‘ 46 779,85 euros au titre des pertes locatives,

– condamner la société Tisseo Collectivités au paiement d’une indemnité de 5000,00 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Dalmayrac conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La Sci Man fait valoir qu’alors que les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation, la somme allouée étant manifestement insuffisante pour lui permettre d’acquérir un terrain comparable et de prétendre aux mêmes revenus locatifs et fonciers.

Elle produit un rapport d’expertise établi à sa demande par M. [N] qui retient un prix moyen de 270 €/m² selon la méthode par comparaison et un prix de 389 832 euros selon la méthode par capitalisation en appliquant un taux de capitalisation de 8 %.

Elle chiffre sa demande sur la base d’une valeur de 250 €/m².

Elle conteste par ailleurs le chiffrage de la perte locative sur la base des loyers déclarés aux services fiscaux en 2018. Elle explique que cette somme ne correspond pas à celle à laquelle elle pouvait prétendre en application des baux consentis, la différence résultant du refus des locataires de régler l’intégralité de leur loyer et de prendre en compte sa révision en raison de la procédure d’expropriation qui dévalorisait leur fonds de commerce. Elle ajoute que la perte locative peut s’étendre au-delà d’un an lorsque ce délai est nécessaire pour acquérir un autre bien et le donner à bail, ce qui est le cas en l’espèce.

Suivant mémoire déposé au greffe le 13 juin 2022, le Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération toulousaine (Tisseo Collectivités), intimé et appelant incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu sauf en ce qu’il n’applique pas d’abattement pour occupation ;

– en conséquence, fixer le montant de l’indemnité globale de dépossession due par Tisseo Collectivités à la Sci Man au titre de l’expropriation des parcelles [Cadastre 12] AL n° 2 et n° 51, à la somme globale de 196 444,60 € comprenant :

‘ indemnité principale : 157 536,00 euros,

‘ indemnité de remploi : 16 753,60 euros,

‘ indemnité pour perte de loyers : 22 155 euros,

– condamner la Sci Man à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens d’appel.

Tisseo Collectivités estime que c’est à bon droit que le juge de l’expropriation a considéré que la référence à la vente du 1er décembre 2020 était tout à fait pertinente dès lors que les parcelles vendues jouxtent les parcelles expropriées et bénéficient d’un accès direct depuis la [Adresse 22]. Il affirme que la somme allouée en première instance permet à la Sci Man d’acquérir un terrain comparable, c’est à dire un terrain bien placé mais de mauvaise configuration, dont elle pourra tirer des revenus fonciers comparables.

S’agissant des sept termes de référence produits par l’expert [N], il fait valoir qu’il n’est produit aucun élément venant accréditer la réalité de ces ventes, ce qui suffit pour écarter les références invoquées, et qu’en toute hypothèse ces références ne sont pas pertinentes pour des motifs qu’il développe point par point (références concernant des zones d’habitation, références portant sur de très grands terrains non comparables, référence à un jugement du 16 mars 2021 totalement inopérante).

Il critique comme peu fiable la méthode d’évaluation par capitalisation et surtout l’application qui en est faite par la Sci Man et l’expert [N].

Il rappelle qu’il est d’usage de pratiquer un abattement de 20 % sur la valeur d’un bien afin de tenir compte de son occupation et critique sur ce point le jugement entrepris.

Enfin, sur l’indemnité pour perte de loyers, Tisseo Collectivités fait observer que le juge de l’expropriation a alloué le montant déclaré à l’administration fiscale et que l’expropriée ne produit aucun élément venant accréditer un montant supérieur, et, par ailleurs, qu’elle n’apporte pas la preuve de difficultés particulières pour trouver un bien de remplacement justifiant une indemnité égale à 18 mois de loyer plutôt que 12 mois.

Suivant conclusions déposées au greffe le 17 mai 2022, le commissaire du gouvernement demande à la cour de fixer l’indemnité principale à la somme de 196 200 euros et l’indemnité de remploi à la somme de 20 620 euros, sur la base d’une valeur de 120 €/m² .

Il indique qu’en zone UE 12, la seule référence pertinente demeure la cession enregistrée le 1er décembre 2020 des parcelles jouxtant les parcelles sous emprise.

Il relève que l’expert [N] reconnaît lui-même en conclusion que le prix de 120 €/m² correspond à une valeur de terrain situé en zone d’activité.

Il précise que la méthode de calcul de la valeur d’un immeuble par son rendement financier, dite ‘méthode par capitalisation’, ne peut être qu’une technique de vérification de la cohérence des valeurs retenues.

Il indique également que l’abattement de 20 % auquel fait référence l’expropriant ne peut être appliqué que dans un contexte de bail d’habitation, l’application d’un taux de 40 % étant plus courante en matière de baux commerciaux.

MOTIVATION

– Sur le bien exproprié :

Le bien exproprié correspond à deux parcelles contiguës, en nature de terre pour l’une et de sol pour l’autre, d’une surface totale de 1641 m² cadastrées [Cadastre 12] AL 2, lieu-dit [Localité 19], pour 824 m² et [Cadastre 12] AL 51, [Adresse 7], pour 817 m², situées sur la commune de [Adresse 24].

De forme plutôt rectangulaire mais irrégulière, ces terrains entièrement clôturés sont accessibles depuis la [Adresse 22] sur laquelle la parcelle [Cadastre 8] dispose d’une façade.

L’ensemble foncier dispose d’une large façade sur la rue [Adresse 16], représentant un atout commercial par sa visibilité, sur laquelle il n’a pas d’accès.

Une construction légère à usage de restauration rapide a été édifiée en façade sur la [Adresse 22].

À côté de cette construction, un passage permet d’accéder à l’arrière de la propriété qui est utilisée pour une activité d’achat/vente de véhicules. Trois ‘Algeco’ ainsi que deux abris ouverts y ont été installés. Il n’a pas été possible lors du transport sur les lieux de visiter cette partie du bien, mais il a été constaté visuellement que ces constructions légères étaient anciennes et en état passable.

La propriété est délimitée côté domaine public par une clôture rigide.

Le bien exproprié fait l’objet d’un bail de courte durée du 28 mars 1994 conclu au bénéfice de Mme [I] [U] (commerce de restauration rapide), d’un bail commercial en date du 1er janvier 2004 conclu au bénéfice de M. [E] [B] (achat/vente de véhicules), et d’un contrat de location d’emplacement publicitaire.

– Sur l’indemnité principale :

Selon les dispositions de l’article L.321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Aux termes de l’article L.322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance d’expropriation.

En l’espèce, l’ordonnance d’expropriation a été rendue le 16 juin 2021, antérieurement au jugement en date du 21 septembre 2021 fixant le montant de l’indemnité d’expropriation. La consistance du bien sera appréciée à la date du jugement.

L’article L.322-2 du même code dispose que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, selon leur usage effectif un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique.

L’article L.213-6 du code de l’urbanisme dispose que lorsqu’un bien soumis au droit de préemption fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique, la date de référence prévue à l’article L.322-2 du code de l’expropriation est celle prévue au a) de l’article L.213-4 du code de l’urbanisme.

Aux termes de ce dernier article, la date de référence prévue à l’article L.322-2 du code de l’expropriation est, pour les biens non compris dans le périmètre d’une ZAD, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

En l’espèce, l’emprise étant située dans un secteur soumis au droit de préemption urbain, et pour partie dans un emplacement réservé, la date de référence est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ou l’emplacement réservé.

En outre, il n’est pas tenu compte de l’emplacement réservé pour l’évaluation du bien.

En application de ces dispositions, la date de référence est le 17 novembre 2016, date à laquelle est devenu exécutoire le PLU-commune de [Localité 5] approuvé le 16 novembre 2016.

À cette date, le terrain est situé en zone UE 12 du PLU qui est une zone dédiée aux activités commerciales.

Il est constant que les critères juridiques et matériels de qualification de terrain à bâtir peuvent être considérés comme remplis à la date de référence.

Il convient de rechercher la valeur du terrain au moyen de la méthode par comparaison avec des transactions déjà réalisées sur des biens similaires, présentant les mêmes caractéristiques, dans la même zone.

La méthode de calcul de la valeur d’un immeuble par son rendement financier, dite encore ‘méthode par capitalisation’, doit en principe être écartée en raison notamment du très important effet de levier qu’engendre une modification, même minime, du taux retenu. Elle peut toutefois être admise comme une technique de vérification de la cohérence des sommes retenues.

Le commissaire du gouvernement indique qu’en zone UE 12, la seule référence pertinente demeure la cession enregistrée le 1er décembre 2020 des parcelles sises section [Cadastre 12] AL [Cadastre 1] et [Cadastre 6] de 540 et 4961 m², jouxtant les parcelles sous emprise, au prix de 120 €/m².

La Sci Man critique le choix de ce terme de comparaison par le premier juge aux motifs que ce terrain serait libre de toute occupation, sans clôture, non viabilisé, impropre à la circulation des véhicules, sans accès routier, seulement visible de l’autoroute et sans intérêt publicitaire.

Mais le premier juge a justement retenu sur ce point que ces parcelles bénéficiaient d’un accès direct depuis la [Adresse 22] par la parcelle [Cadastre 4] ainsi que d’une bien meilleure configuration que le terrain sous emprise, et qu’elles constituaient donc une référence tout à fait pertinente.

En première instance, la Sci Man avait invoqué une mutation intervenue en 2017 au prix de 109 €/m² non reprise dans son mémoire d’appel (vente du 21/12/2017 rue [Adresse 15] – parcelles [Cadastre 11] BL n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour un total de 1672 m²) qui confirme le montant de l’offre de l’expropriant.

En cause d’appel, la Sci Man produit un rapport d’expertise de M. [N], lequel axe pour l’essentiel son analyse sur la méthode par capitalisation, justement écartée par le premier juge pour des motifs conformes aux principes susvisés que la cour adopte, et cite sept termes de référence issus du fichier Perval des notaires tout en précisant qu’il n’a pas vérifié ces références. Il n’est produit aucun document venant accréditer la réalité de ces ventes et, en toute hypothèse, Tisseo Collectivités démontre point par point que ces termes de référence ne sont pas pertinents dans la mesure où ils concernent des terrains classés par le PLU dans des zones d’habitation (termes de comparaison 1 et 5), ou des terrains de grande superficie avec lesquels la comparaison n’est pas possible (termes de comparaison 2, 3 et 7), ou encore des terrains non comparables pour d’autres motifs (termes de comparaison 4 et 6).

La Sci Man cite également un jugement rendu le 16 mars 2021 par lequel a été confirmé le prix de 316 €/m² déclaré dans une déclaration d’intention d’aliéner pour un terrain destiné à la construction de bureaux, mais cette référence est inopérante, le prix du terrain ayant été fixé par le juge de l’expropriation au regard d’un permis de construire accordé le 9 novembre 2020 pour la construction de 3509 m² de bureaux et 149 m² de commerces.

Il apparaît en définitive qu’il n’est produit aucun élément de preuve permettant de fixer l’indemnité principale à une valeur supérieure à celle de 120 €/m² retenue par le premier juge, cette valeur se situant de surcroît dans la fourchette haute pour ce type de terrain en zone d’activité au vu des conclusions de première instance du commissaire du gouvernement confirmées par ce dernier en appel.

Il est constant qu’à la date de l’ordonnance d’expropriation, le bien était occupé par des locataires.

Dans un tel cas, il est d’usage de pratiquer un abattement sur la valeur du bien afin de tenir compte de son occupation dès lors que l’acquéreur d’un bien occupé ne pourra pas en avoir la jouissance sauf à refuser le renouvellement du bail et à régler une indemnité d’éviction.

En l’espèce, eu égard à la nature des baux en cours, rien ne justifie qu’il ne soit pas fait application d’un tel abattement et le commissaire du gouvernement suggère même dans ses conclusions d’appel un abattement de 40 %.

Il convient sur ce point d’infirmer le jugement dont appel et de faire application d’un abattement de 20 % conformément à ce que propose Tisseo.

L’indemnité principale s’établit donc comme suit :

1641 m² x 120 €/m² x 0,8 = 157.536 euros.

– sur l’indemnité de remploi :

En application de l’article R.322-5 du code de l’expropriation et conformément aux usages en la matière, l’indemnité de remploi sera fixée à :

(5000 € x 20 %) + (10.000 € x 15 %) + (142.536 € x 10 %) = 16.754 euros.

– sur l’indemnité pour perte de loyers :

Le préjudice causé au propriétaire-bailleur par l’expropriation est en principe indemnisé à hauteur d’une année de loyer, sauf au bailleur à prouver que le délai nécessaire pour acquérir un autre bien et le donner à bail est supérieur à un an.

En l’espèce, cette indemnité n’est pas contestée dans son principe par l’expropriant et le premier juge a alloué à la Sci Man une indemnité d’un montant de 22 155 euros correspondant aux loyers déclarés par la société expropriée aux services fiscaux.

La Sci Man soutient que cette somme ne correspond pas au préjudice auquel elle peut prétendre en application des baux consentis, la différence résultant du refus des locataires de régler l’intégralité de leur loyer et de prendre en compte sa révision en raison de la procédure d’expropriation venant dévaloriser leur fonds de commerce.

Elle sollicite en conséquence la somme de 31 186,57 euros au titre de la perte locative sur une année (janvier à décembre 2021) outre la somme de 15 593,28 euros au titre de la perte locative sur six mois supplémentaires dans la mesure où elle n’a pas retrouvé de terrain correspondant à celui exproprié.

Sur ce point, il convient de débouter la Sci Man de sa demande supplémentaire et de confirmer le jugement entrepris. En effet, la Sci Man ne fournit à la cour aucun élément de preuve justifiant l’évaluation de son préjudice locatif sur une base autre que le montant des loyers déclarés à l’administration fiscale et elle ne rapporte pas la preuve de difficultés particulières pour trouver un bien de remplacement ni même de l’effectivité de ses recherches d’un tel bien.

– Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

La décision entreprise doit être confirmée en ce qui concerne les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Sci Man, partie principalement perdante en appel, sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse, service expropriation, en date du 21 septembre 2021, sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à faire application d’un abattement sur l’indemnité principale.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Dit qu’il doit être fait application d’un abattement pour occupation de 20% sur l’indemnité principale ;

Fixe en conséquence l’indemnité de dépossession revenant à la Sci Man à la somme totale de 174 290 euros, dont 16 754 euros d’indemnité de remploi.

Condamne la Sci Man aux dépens d’appel.

Déboute les parties de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER M. DEFIX

 


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