Bail d’habitation : 20 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06415

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Bail d’habitation : 20 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06415
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 20 MARS 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06415 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDN4J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2020 -TJ de PARIS – RG n° 17/16900

APPELANT

Monsieur [F] [Z]

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 5]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 9]

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, Me Bertrand de CAMPREDON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A.S. OCEANIS OUTREMER

VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE O CEANIS REUNION

Ayant son siége social

[Adresse 7]

– [Adresse 7]

[Localité 6]

– LA REUNION

Représentée par Me Sarah GEAY de l’AARPI ABSYS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152, Me Julien QUEROL PALOMO de la SELARL BPG AVOCATS au Barreau de MONTPELLIER

S.A.S. EXELL FINANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 424 582 823

Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240,

Représentée par Maître Frédéric CAZAUX , Avocat au barreau de TOULOUSE, Avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président et de Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Madame Sylvie CASTERMANS Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

En septembre 2007, M. [F] [Z] a été démarché par M. [H] [G], se présentant comme conseiller en patrimoine et fiscaliste, intervenant pour le compte de la société Exell Finance.

La société Exell Finance commercialise les produits de défiscalisation de la société Océanis Outremer, et propose des investissements immobiliers locatifs bénéficiant du régime fiscal de faveur dit ‘Girardin’.

Ce dispositif était valable de 21 juillet 2003 au 31 décembre 2017 et permettait, pour l’essentiel, à l’acquéreur d’un immeuble mis en location de bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 50% du prix d’acquisition, étalée sur cinq ans, à la condition de louer ce bien à un loyer plafonné pour une durée de 6 ans minimum.

M. [Z] a signé le 15 mai 2008 un contrat de réservation pour un appartement de type T3, d’une surface de 53,26 m2, avec une varangue de 16,89 m2 et un parking, dans la résidence [Adresse 8], moyennant un prix de 225 644 euros TTC, promu par la société Océanis Réunion.

La vente a été régularisée le 20 novembre 2008, en l’étude de Me [T] [S], notaire à [Localité 10], et la livraison du bien a eu lieu le 30 juillet 2009.

Le financement de cette acquisition s’est fait au moyen d’un prêt souscrit en juillet 2008, auprès du Crédit Foncier de France, pour un montant de : 234 494 euros, remboursable en 240 mensualités, au taux annuel révisable de 5,15 % l’an.

Le prêt a été racheté par la Banque Postale le 31 décembre 2018, le capital restant dû à cette date était de 165 754,47 euros.

L’appartement a été loué à compter du 17 mars 2010 pour un montant de 580 euros, conformément à la simulation remise par la société Exell Finance, jusqu’en juin 2011. Un deuxième contrat de bail d’habitation a été conclu le 5 octobre 2012 jusqu’au 3 juillet 2013 pour un loyer de 540 euros hors charges, puis dans les mêmes conditions du 3 février 2014 jusqu’au 17 janvier 2015, ainsi qu’à compter du 11 février 2015.

En décembre 2016, M. [Z], alerté par un autre propriétaire ayant également acquis un appartement dans cette résidence afin de bénéficier du dispositif « Girardin » de la perte de valeur de cet immeuble, a fait évaluer son bien immobilier. Une première évaluation réalisée le 11 avril 2016 a estimé l’appartement à la valeur de 97 868 euros, puis une deuxième en date du 2 mai 2017 l’a estimé entre 80 000 et 85 000 euros et le 16 janvier 2019 à la valeur de 72 306 euros.

Par actes d’huissier de justice en date du 4 et du 6 septembre 2017, M. [F] [Z] a fait assigner la Sas Oceanis Outremer venant aux droits de la société Océanis Reunion et la Sas Exell Finance.

Par jugement rendu le 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

– déclare M. [F] [Z] irrecevable en ses demandes,

– le condamne au paiement de la somme de 1 800 euros à la Sas Exell Finance ainsi qu’au paiement de la somme de 1 800 euros à la Sas Océanis Outremer au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– le condamne aux entiers dépens,

– autorise les avocats de la Sas Océanis Outremer et de la Sas Exell Finance à recouvrer directement contre M. [F] [Z] ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance directement en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 2 avril 2021, monsieur [F] [Z] a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 27 décembre 2021, monsieur [F] [Z] demande à la cour de :

vu les articles 1103, 1104, 1154, 1217, 1231 et 2224 du code civil, les anciens articles 1134, 1135, 1147 et 1382 (devenu 1240) du code civil, les articles L 111-1, L.120-1, L 121-21 et suivants, R 121-3 et suivants, L 312-12 et suivants du code de la consommation, les articles L.541-1 à L.541-9, L.573-9 à L.573-11, D.541-8, D.541-9 et R.541-10 du code monétaire et financier, les articles 325-1 à 325-31 du règlement général de l’autorité des marchés financiers,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré Monsieur [F] [Z] irrecevable en ses demandes et en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 1 800 euros à chacun des deux défendeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

statuant à nouveau,

– déclarer l’action de Monsieur [F] [Z] à l’encontre des sociétés Oceanis Outre-Mer et Exell Finances pour le manquement de ces dernières à leurs obligations d’information et de conseil recevable et bien fondée ;

– condamner in solidum, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir, les sociétés Oéanis Outre-Mer et Exell Finance, à payer à Monsieur [F] [Z] la somme totale de 116 110,20 euros, détaillée comme suit, et résultant des manquements de ces sociétés à leurs obligations d’information et de conseil :

104 110,20 euros correspondant à la aleur de la chance perdue évaluée à 90% du préjudice subi (résultant de la différence des gains perçus et frais et dépenses engagées dans le cadre de l’opération litigieuse)

12 000 euros en réparation de son préjudice moral,

– ordonner la capitalisation sur les sommes in solidum ainsi dues dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

– condamner in solidum les sociétés Océanis Outre-Mer et Exell Finance au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2021, la Sas Océanis Outre-mer venant aux droits de la Sas Océanis Réunion demande à la cour, au visa de l’article 2224 du code civil, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et ce faisant, de déclarer l’action de monsieur [Z] prescrite et de débouter monsieur [Z] de l’ensemble de leurs demandes,

à titre subsidiaire, débouter monsieur [Z] de l’ensemble de leurs demandes,

en tout état de cause, condamner Monsieur [Z], à payer à la société Océanis Outre-Mer, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance avec droit pour l’avocat soussigné, conformément à l’article 699 du même code de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

Par dernières conclusions signifiées le 1 octobre 2021, la Sarl Exell Finance demande à la cour, au visa des articles 1382 (ancien), 2222 et 2224 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

subsidiairement, si l’action de Monsieur [Z] était en tout ou partie jugée recevable, débouter monsieur [O] [Z] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Exell Finance.

en tout état de cause, ajoutant au jugement, condamner Monsieur [O] [Z] à verser à la société Exell Finance une somme complémentaire de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de la Scp Brodu, société d’avocats, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la prescription

Monsieur [Z] soutient que la nature complexe de l’opération litigieuse est déterminante pour le point de départ du délai de prescription (qui ne saurait être fixé automatiquement au moment de la régularisation de l’acte authentique, mais doit être apprécié in concreto, soit uniquement au moment où l’appelant a eu ou aurait dû avoir connaissance des manquements commis par les intimées conformément à l’article 2224 du code civil ; qu’en l’espèce, il ne saurait commencer à courir avant la fin de la période de location obligatoire, prévue dans le cadre du dispositif fiscal Girardin dans la mesure où aucune vente ne peut intervenir avant cette date et en l’espèce, à compter de laquelle le dommage s’est révélé, soit à compter du 11 avril 2016, date de la première estimation de l’appartement.

Il expose que, se fiant aux conseils prodigués dès la phase pré-contractuelle par des professionnels en ingénierie financière, l’investisseur n’a pas de raison particulière de s’intéresser, avec une vigilance renforcée, à la valeur vénale de son bien au cours de la période de défiscalisation puisque celle-ci lui a été présentée comme sécurisée par un conseiller-expert ; qu’ensuite, dans le montage proposé par les porteurs de l’opération, tout est mis en ‘uvre pour tenir l’investisseur éloigné de son investissement, tant dans la phase d’acquisition que dans la phase de gestion du bien, le bien, support du projet, étant souvent implanté au sein d’une résidence géographiquement éloignée du domicile de l’investisseur auquel il est conseillé de ne pas avoir une « approche affective » de l’investissement, et à chaque étape, des partenaires sont imposés par le promoteur pour « soulager » l’investisseur des contraintes commandées par l’opération ; que le point de départ du délai de prescription de cinq ans doit coïncider avec la connaissance par les demandeurs à l’action de l’atteinte à leur droit, ou avec le moment où ils auraient dû le connaître, ce qui nécessite de réaliser une analyse in concreto des circonstances.

Il expose que la présente action vise à constater la défaillance des sociétés intimées dans leurs devoirs pré-contractuels d’information et de conseil quant à la rentabilité et la faisabilité d’une opération immobilière défiscalisée, et plus généralement un manquement manifeste sur les informations données quant à la véritable valeur du bien immobilier cédé à l’investisseur, et sur les risques véritablement pris dans le cadre de l’opération ; que dès lors, le point de départ du délai de prescription doit être décompté à partir de la date à laquelle l’appelant a pris ou a pu prendre connaissance du fait que la faisabilité de l’opération était sensiblement différente des présentations faites par les intimées et cela, notamment du fait de la surévaluation du bien. Il précise qu’il ne pouvait pas, au moment de la souscription de l’opération avoir une quelconque connaissance des faits dommageables fondant justement son action en responsabilité, puisque précisément il reproche aux sociétés Océanis Outremer et Exell Finance de n’avoir pas communiqué les informations sur les risques pesant sur l’opération, sur le caractère purement spéculatif des valeurs futures de revente de leurs biens, au regard du contexte de « surchauffe » du marché immobilier réunionnais que ces professionnels ne pouvaient ignorer.

Il ajoute que le devoir vérification de la part des investisseurs ne repose sur aucun fondement textuel et qu’il ne peut pas pallier l’absence d’information donnée par le vendeur.

Les intimés soutiennent que le préjudice invoqué ne peut être que la perte de chance de n’avoir pas contracté et que le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter de l’engagement litigieux, soit en l’espèce, à compter, au plus tard, de la signature de l’acte authentique de vente, à savoir le 20 septembre 2008 de sorte que son action est prescrite. Ils ajoutent que prendre pour départ une date aléatoire et déterminée par l’acquéreur, conduirait à une insécurité juridique qui permettrait au propriétaire, comme en l’espèce, d’assigner un promoteur ou un commercialisateur, plus de 10 ans après l’acquisition d’un bien.

Ceci étant exposé, la prescription quinquennale de l’action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Monsieur [Z] fait valoir qu’il a souscrit à une opération complexe et qu’il n’a pu se rendre compte des dommages subis qu’à l’issue de la période obligatoire de location et qui ont été causés par les manquements des intimées à leurs obligations pré-contractuelles de conseil et d’information. Il estime avoir été trompé sur le potentiel locatif du bien, sa rentabilité son prix d’acquisition et l’état du marché immobilier sur l’île de la Réunion.

Il invoque la surévaluation du prix d’achat , un potentiel locatif moindre que celui envisagé et une atteinte à la rentabilité de son investissement.

Le fondement de son action indemnitaire est donc la surévaluation du prix d’achat au regard du marché à la Réunion ainsi qu’un défaut d’information de la valeur locative du bien qui ont entraîné un défaut de rentabilité de l’opération.

Or, au jour de la vente de l’immeuble, Monsieur [Z] disposait de tous les éléments lui permettant d’en apprécier les caractéristiques, sa valeur et de vérifier le prix d’achat au regard du prix au mètre carré d’immeubles présentant des caractéristiques similaires sur l’île de la Réunion. Il ne justifie pas qu’il en aurait été empêché. Il est précisé qu’il ne verse pas aux débats d’estimation de la valeur de ce bien à l’époque de son achat et que les trois estimations consécutives versées aux débats démontent qu’en le mois d’avril 2016 et le mois de janvier 2019, la valeur de cet appartement a continué à baisser de près de 26 000 euros sur une période de moins de trois ans.

La prescription qui avait commencé à courir du 20 novembre 2008, date de régularisation de la vente, était donc acquise les 4 et 5 septembre 2017, dates de délivrance de l’assignation.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a déclaré M. [Z] irrecevable en son action en réparation de la perte de chance de n’avoir pas contracté au regard des informations et conseils portant sur la valeur du bien au jour de son acquisition dont il n’aurait pas été destinataire.

S’agissant de la perte de rentabilité de l’immeuble résultant d’un défaut d’information sur la valeur locative du bien, qu’après une carence de locataire débutant en juin 2011, M. [Z] a expressément accepté de louer cet appartement pour un loyer de 540 euros au lieu de 580 euros par courrier électronique daté du 27 juillet 2012 de sorte qu’il était en conséquence en mesure au plus tard à compter de cette date, d’apprécier les inconvénients ou les aléas économiques liés à cette opération de défiscalisation laquelle reposait sur l’obligation de louer l’immeuble à titre d’habitation et suivant un loyer plafonné.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a déclaré M. [Z] irrecevable en son action lié à la perte de rentabilité locative.

La décision déférée sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Z], succombant en son appel, sera condamné aux dépens de la présente procédure et débouté de sa demande d’indemnité de procédure. Il sera condamné, sur ce même fondement, à payer aux sociétés intimées, la somme de 1 500 euros chacune.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [F] [Z] aux dépens d’appel ;

DÉBOUTE Monsieur [F] [Z] de sa demande d’indemnité de procédure ;

CONDAMNE Monsieur [F] [Z] à payer à la société Excell Finance et à la société Oceanis Outremer la somme de 1 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

S.MOLLÉ E.LOOS

 


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