Your cart is currently empty!
5ème Chambre
ARRÊT N°
N° RG 19/04821 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P6JT
M. [G] [W]
C/
M. [K] [E]
Mme [Y] [X] épouse [E]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Gonet
Me Bonneau
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats, et Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Septembre 2022, devant Madame Virginie HAUET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 02 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [G] [W]
né le 27 Janvier 1964 à [Localité 6], de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par Me Philippe GONET, plaidant/postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/08557 du 26/07/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉS :
Monsieur [K] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [Y] [X] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Franck BONNEAU, plaidant/postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Par acte sous seing privé du 9 décembre 2011, les époux [E] ont donné à bail à M. [G] [W] un immeuble à usage d’habitation situé au [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel de 580 euros.
Par acte d’huissier en date du 9 mars 2018, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer les loyers à hauteur de la somme de 7 994 euros, en visant la clause résolutoire.
Par acte du 7 janvier 2019, les époux [E] ont fait citer M. [G] [W], locataire, devant le tribunal de Saint-Nazaire afin de faire constater que la clause résolutoire est acquise de plein droit et obtenir , notamment, l’expulsion de M. [W] ou tout occupant de son chef.
Par jugement en date du 19 juin 2019, le tribunal a :
– constaté la résiliation du bail conclu le 9 décembre 2011 entre les époux [E] et M. [G] [W] relatif à 1’immeuble à usage d’habitation situé au [Adresse 2], conformément à la clause résolutoire acquise le 9 mai 2018,
– condamné M. [G] [W] à payer aux époux [E] la somme de 16 114 euros au titre des loyers impayés et des indemnités d’occupation, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
– condamné M. [G] [W] à payer aux époux [E] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 580 euros due à compter du 1er mai 2019 et jusqu’à sortie des lieux,
– dit qu’à défaut pour le locataire d’avoir libéré les lieux après la signification de la présente décision, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, deux mois après un commandement de quitter les lieux, avec si nécessaire 1’assistance de la force publique,
– dit qu’une copie de la présente décision sera transmise à la préfecture à la diligence du greffe,
– débouté les époux [E] de leurs demandes au titre de la clause pénale, des dégradations locatives et du préjudice moral,
– débouté M. [G] [W] de ses demandes,
– condamné M. [G] [W] à payer aux époux [E] la somme de 600 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné 1’exécution provisoire,
– condamné M. [G] [W] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 9 mars 2018.
Le 17 juillet 2019, M. [G] [W] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 30 novembre 2021, il demande à la cour de :
– le déclarer de recevable et bien-fondé en son appel,
– infirmer le jugement du 19 juin 2019 du tribunal d’instance de Saint-Nazaire,
– condamner les époux [E] à lui payer la somme de 13 000 euros de dommages-intérêts,
– débouter les époux [E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
– les condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2019, les époux [E] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement du 19 juin 2019 du tribunal d’instance de Saint Nazaire en ce qu’il a :
* constaté la résiliation du bail conformément à la clause résolutoire acquise le 9 mai 2018,
* condamné M. [G] [W] à payer aux époux [E] la somme de 16 114 euros au titre des loyers impayés et des indemnités d’occupation,
* condamné M. [G] [W] à payer aux époux [E] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 580 euros à compter du 1er mai 2019,
* ordonné l’expulsion de M. [G] [W] et de tous occupants de son chef,
* débouté les époux [E] de leurs demandes au titre de la clause résolutoire, des dégradations locatives et du préjudice moral,
* débouté M. [G] [W] de ses demandes
* condamné M. [G] [W] à payer aux époux [E] la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– infirmer le jugement en ce qu’il les a débouté de leur demande au titre du préjudice moral,
Et statuant à nouveau,
– condamner M. [G] [W] à payer aux époux [E] la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice moral
– condamner M. [G] [W] à payer aux époux [E] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur les demandes relatives au bail d’habitation
M. [W] soutient que le bail d’habitation a un caractère fictif. Il explique que le logement a été mis à sa disposition en contrepartie des travaux qu’il effectuait pour le compte de la société Live productions dont M. [E] est le gérant et n’a ainsi jamais réglé de loyer. Il reproche également à M. [E] de varier dans les sommes qu’il réclame au titre des loyers impayés et de la date de début de ses impayés.
M. et Mme [E] rétorquent que les parties ont régularisé un contrat de bail le 9 décembre 2011 que M. [W] occupe avec sa famille depuis le 1er décembre 2012 et que celui-ci connaissait parfaitement son obligation de paiement. Ils soutiennent que peu après son entrée dans les lieux, M. [W] a cessé de payer régulièrement ses loyers et ce malgré leurs relances. Ils ont délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire le 09 mars 2018 et indiquent que M. [W] n’a pas acquitté l’intégralité des termes du commandement. Ils demandent la confirmation du montant de l’indemnité d’occupation à compter du 9 mai 2018 en précisant qu’ils ont appris par l’intermédiaire de la CAF que M. [W] avait quitté le logement le 25 février 2019 sans congé ni remise des clés. Ils produisent un tableau sur le montant des loyers dûs.
Aux termes des dispositions de l’article 1353 du code civil, ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
En l’espèce, il est constant que par acte sous seing privé du 9 décembre 2011, M. et Mme [E] ont donné à bail à M. [W] un immeuble à usage d’habitation moyennent un loyer mensuel de 580 euros. Aux termes du contrat, M. [W] s’est engagé à régler le montant de ce loyer. Or celui-ci soutient que le logement lui a été mis à disposition gratuitement dans le cadre d’une relation de travail avec la société dont M. [E] est le gérant mais il convient de relever qu’il ne produit aucune pièce susceptible de démontrer la réalité de cet engagement.
En effet, il résulte du jugement du conseil des prud’hommes de Saint Nazaire du 12 octobre 2018 que M. [W] avait saisi pour voir qualifier sa relation contractuelle avec la société Live productions en contrat à durée indéterminée, que la juridiction a écarté l’existence d’un lien de subordination entre M. [W] et la société Live productions et qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance pour statuer sur le litige les opposant. Dans le cadre de cette procédure, M. [W] soutenait que l’absence de paiement de loyer était une sorte d’avantage en nature, ce que contestait la société Live productions qui indiquait qu’il devait régler le montant du loyer résiduel après versement de l’allocation logement à savoir 200 euros. Il ne produit aucune autre pièce sur la relation contractuelle qu’il invoque et qui serait de nature à justifier l’absence de paiement de tout loyer et ne démontre pas le caractère fictif du bail.
M. [W] verse aux débats notamment un mail adressé par M. [E] qui lui indique ‘tu gagnes 200 euros par mois de loyer sur mes propres deniers….seulement depuis tes positions envers moi fin 2015, je ne peux plus tenir l’accord, puisque tu ne donnes plus signe de vie et que de fait notre collaboration s’est éteinte. Il fait donc reprendre les règlements du loyer normalement, ce que je te demande depuis plus de 6 mois mais tu fais la sourde oreille’. M. et Mme [E] produisent un mail du 22 juin 2016 dans lequel ils lui demandent de régler la part du loyer résiduel après versement de l’allocation logement soit 201 euros par mois auquel M. [W] va répondre par mail du 23 juin 2016 ‘pas de souci’. De plus, il résulte d’une déclaration de main courante réalisée par M. [W] le 16 avril 2019 qu’il indique avoir cessé de payer son loyer depuis janvier 2018 en raison de l’insalubrité du logement. Il doit en être déduit que M. [W] connaissait parfaitement son obligation de paiement du loyer et s’est abstenu de l’exécuter en toute connaissance de cause.
C’est dès lors à bon droit que le jugement entrepris a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au profit du bailleur à compter du 9 mai 2018 et a fixé l’indemnité d’occupation, due par le locataire jusqu’a sa sortie effective des lieux qui n’est pas confirmée par ce dernier, soit la somme de 580 euros par mois à compter du 9 mai 2018 et non à compter du 1er mai 2019 comme indiqué dans le jugement qui sera réformé sur ce point.
S’agissant du montant des loyers dus, M. et Mme [E] indiquent dans leurs écritures qu’à la date du commandement de payer du 9 mars 2018, M. [W] est redevable d’une somme de 9 154 euros. Cette somme correspondant au montant retenu dans le commandement de payer produit en pièce n° 9 soit 7 994 euros augmenté de deux échéances de loyer de 580 euros, la CAF ayant suspendu l’allocation logement depuis décembre 2017. M. [W] ne conteste pas ne pas avoir réglé cette somme ou le moindre loyer. Par conséquent, le montant de l’arriéré due par M. [W] sera fixé à la somme de 9 154 euros. Le jugement sera réformé sur le montant de l’arriéré de loyer
– Sur la demande d’indemnisation de M. [W] en raison de l’insalubrité du logement
M. [W] affirme que le logement qui a été mis à sa disposition était insalubre. Il indique que le logement ne remplissait pas les conditions minimales d’habitabilité au vu du courrier des services de la mairie du 18 février 2019 qui a constaté un éclairage insuffisant, des infiltrations et une ventilation insuffisante et précise qu’il avait averti les époux [E] de ces difficultés dès 2013. Il ajoute que le logement a été envahi par des rats et qu’il a du faire appel à une société spécialisée en septembre 2016. Il reproche à M. [E] de l’avoir harcelé après qu’il se soit plaint des conditions d’hygiène du logement.
En réponse, M. et Mme [E] font valoir que M. [W] n’établit pas la preuve du caractère insalubre du logement qu’il occupe avec sa famille depuis 2012 ni d’un quelconque manquement de leur part en qualité de bailleurs. Ils indiquent que le courrier de la mairie du 18 février 2019 ne leur a pas permis de réagir dans la mesure où M. [W] a quitté les lieux le 25 février suivant. Ils précisent que M. [W] se contente d’alléguer la présence de rongeurs dans l’immeuble mais qu’ils ont, dans le doute, pris l’initiative de faire intervenir une société de dératisation dans l’appartement et les parties communes.
Aux termes de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa version applicable au litige, le bailleur est tenu de remettre un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Le bailleur est notamment obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement et d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement.
M. [W] produit un courrier de la ville du 18 février 2019 qui mentionne des désordres constatés lors de sa visite du 11 février 2019 et qui demande au propriétaire d’assurer un éclairage suffisant et en bon état de fonctionnement, d’entretenir les couvertures et terrasses, les murs et leurs enduits, les cloisons pour ne pas donner passage à des infiltrations, de rechercher les causes d’humidité et les traiter et d’assurer une ventilation générale et permanente. Il verse également une copie de pages d’un carnet de santé dont il indique qu’il s’agit de celui de son fil et une main courante du 25 février 2019 dans laquelle il indique quitter le logement.
Comme l’a relevé à juste titre le jugement entrepris, le courrier de la ville de [Localité 7] est insuffisant à établir le caractère insalubre du logement en l’absence de mise en demeure du bailleur. M. [W] ne justifie pas avoir adressé un courrier ou informé son bailleur du caractère insalubre du logement.
De plus, les pages d’un carnet de santé, dont il affirme qu’il s’agit de celui de son enfant, mentionnant des angines en janvier et février 2018 sont insuffisantes à établir un quelconque lien de causalité avec l’insalubrité du logement. De même, la main courante établie sur les seules déclarations de M. [W] sans constatation des services de police n’est pas plus probante.
S’agissant de l’invasion de rongeurs, M. et Mme [E] justifient avoir réglé une facture d’une société de dératisation et ils produisent un courrier de plainte à l’égard du syndic pour le mauvais état des communs. Il ne peut, dès lors, leur être reproché aucun manquement. Le jugement qui a débouté M. [W] de sa demande d’indemnisation pour logement insalubre sera confirmé.
– Sur la demande de préjudice moral de M. et Mme [E]
M. et Mme [E] invoquent le fait que M. [W] ne paye plus son loyer depuis 2015, qu’il aurait quitté les lieux le 25 février 2019 mais n’a pas délivré de congé et n’a pas restitué les clés du logement, ce qui démontre, selon eux, sa mauvaise foi. Ils ajoutent qu’ils subissent des difficultés financières et se trouvent en difficultés pour régler leur emprunt immobilier.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il résulte des articles 6 et 9 du code de procédure civile que chaque partie doit rapporter les preuves nécessaires au succès de ses prétentions.
M. et Mme [E] évoquent des difficultés financières mais ils ne produisent aucune pièce établissant le préjudice invoqué. Le jugement sera confirmé en ce qu’il les a débouté de leur demande.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, M. [W] sera condamné à verser à M. et Mme [E] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel et aux dépens en cause d’appel étant précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens comprenant le coût du commandement de payer du 9 mars 2018 seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement sauf :
– en ce qu’il a condamné M. [G] [W] à payer à M. [K] [E] et à Mme [Y] [X] épouse [E] la somme de 16 114 euros au titre des loyers impayés et des indemnités d’occupation avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– en ce qu’il dit que le montant de l’indemnité d’occupation est due à compter du 1er mai 2019 ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [G] [W] à payer à M. [K] [E] et à Mme [Y] [X] épouse [E] la somme de 9 154 euros au titre des loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision;
Dit que le montant de l’indemnité d’occupation sera due par M. [G] [W] à compter du 9 mai 2018 jusqu’à sa sortie des lieux ;
Y ajoutant,
Condamne M. [G] [W] à payer à M. [K] [E] et à Mme [Y] [X] épouse [E] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
Condamne M. [G] [W] aux dépens en cause d’appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Le greffier, La présidente,