Bail d’habitation : 2 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/08606

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Bail d’habitation : 2 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/08606
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 02 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 469

N° RG 21/08606

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHTMI

[J] [K]

[S] [W]

SA MACIF

C/

[R] [X]

[T] [X]

[U] [X]

MMA IARD Assurances Mutuelles

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Monsieur le Bâtonnier Thierry TROIN

Me Katia CALVINI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 06 Mai 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/01345.

APPELANTS

Monsieur [J] [K]

né le 20 Juillet 1958 à [Localité 11] (92), demeurant [Adresse 4]

Madame [S] [W]

née le 24 Mai 1959 à [Localité 9] (92), demeurant [Adresse 4]

SA MACIF

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1], en sa qualité d’assureur des consorts [K]

représentés par Monsieur le Bâtonnier Thierry TROIN, membre de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [R] [X]

née le 1er Août 1945 à [Localité 6] (03), demeurant [Adresse 3]

Monsieur [T] [X]

né le 20 Janvier 1973 à [Localité 5] (18), demeurant [Adresse 8]

Monsieur [U] [X]

né le 03 Avril 1974 à [Localité 5] (18), demeurant [Adresse 7]

MMA IARD Assurances Mutuelles

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentés par Me Katia CALVINI, membre de la SELARL CABINET DELMAS CALVINI MONDINI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Novembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat ayant pris effet à compter du 1er juillet 2000, Madame [R] [X] a donné à bail d’habitation à Monsieur [J] [K] et Madame [S] [W] une villa faisant partie d’un ensemble immobilier en copropriété dénommé ‘[Adresse 10]’, située [Adresse 4]. Le bail a été tacitement reconduit à chacune de ses échéances.

Le 15 mars 2015, un incendie a pris naissance dans les combles de la villa, occasionnant des dommages matériels importants.

Un procès-verbal de constatations ‘relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages’ a été établi contradictoirement entre les différents experts représentant respectivement :

– la propriétaire Madame [X],

– la compagnie MMA, assureur du propriétaire,

– le GAN, assureur de la copropriété,

– et la MACIF, assureur des locataires.

Les trois premiers experts ont conclu à une origine indéterminée du sinistre, tandis que le cabinet IXI, représentant la MACIF, a imputé celui-ci à un défaut d’étanchéité du conduit de fumée de la cheminée.

La compagnie MMA a indemnisé partiellement son assuré, faisant application d’une clause de réduction proportionnelle en raison d’une différence existant entre la surface réelle de l’immeuble et celle déclarée au contrat.

Les locataires ont pu réintégrer le logement le 7 décembre 2015, et ont obtenu par la suite de la part du bailleur une réduction de 10 % du loyer pour la période d’août à décembre 2016 en raison du retard pris dans la réalisation d’une partie des travaux de réparation.

Par exploits d’huissier délivrés les 12 et 13 mars 2018, Madame [R] [X] et ses deux fils [T] et [U] [X], agissant en qualités de propriétaires indivis de la villa, ainsi que leur assureur MMA IARD, partiellement subrogé dans leurs droits, ont fait assigner Monsieur [K], Madame [W] et la MACIF à comparaître devant le tribunal de Grasse afin de les entendre condamner à réparer les conséquences dommageables du sinistre.

Les défendeurs ont conclu au rejet de cette action en invoquant l’existence d’un vice de construction, et réclamé reconventionnellement la prise en charge de leur propre préjudice.

Aux termes d’un jugement prononcé le 6 mai 2021, le tribunal, faisant application de l’article 1733 du code civil, a considéré que les locataires ne rapportaient pas la preuve de l’existence d’un vice de construction en lien avec le sinistre, et devaient donc répondre des conséquences dommageables de l’incendie.

En conséquence le premier juge a :

– condamné in solidum Monsieur [K], Madame [W] et leur assureur la MACIF à payer à la compagnie MMA IARD la somme de 41.984,70 euros, et aux consorts [X] celle de 27.402,23 euros,

– débouté Monsieur [K], Madame [W] et la MACIF de leurs demandes reconventionnelles,

– condamné in solidum les défendeurs aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000 euros à la compagnie MMA au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [K], Madame [W] et la MACIF ont interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 10 juin 2021 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs écritures notifiées le 9 août 2021, Monsieur [J] [K], Madame [S] [W] et la MACIF reprennent les conclusions de leur expert Monsieur [D], membre du cabinet IXI, suivant lesquelles le défaut d’étanchéité du conduit de fumée serait à l’origine du sinistre, et soutiennent qu’il s’agit là d’un vice de construction de nature à les exonérer de leur propre responsabilité en application de l’article 1733 du code civil.

Ils ajoutent que les conclusions de cet expert sont corroborées par les constatations effectuées le 17 décembre 2015 par un huissier de justice.

Ils font observer en outre que le bailleur a accepté de réduire le montant du loyer durant le cours des travaux de réparation pour tenir compte de leur préjudice de jouissance.

Ils demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

– de débouter les consorts [X] et la compagnie MMA de l’ensemble de leurs prétentions,

– de les condamner in solidum à payer à la MACIF la somme de 24.767 euros, et à M. [K] et Madame [W] celle de 16.107,54 euros,

– et de condamner en outre les intimés aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme totale de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réplique notifiées le 22 septembre 2021, les consorts [X] et la compagnie MMA IARD soulignent que selon leurs propres experts les anomalies constatées sur le conduit de cheminée ne sont pas en lien avec le déclenchement de l’incendie.

Ils ajoutent que ce conduit a pu être endommagé par les locataires eux-mêmes, et que ceux-ci ne justifient pas d’un entretien régulier par un professionnel.

Ils font enfin valoir qu’aucun dysfonctionnement de la cheminée en rapport avec un vice de construction ne leur avait été signalé en 15 ans d’usage par les preneurs.

Ils considèrent dès lors que, l’origine de l’incendie demeurant indéterminée, les locataires doivent répondre de ses conséquences dommageables.

Ils demandent en conséquence à la cour de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, et y ajoutant de condamner les parties adverses aux dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000 euros à la compagnie MMA en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 23 août 2022.

DISCUSSION

En vertu de l’article 1733 du code civil, le locataire répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve que celui-ci est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou encore que le feu a été communiqué par une maison voisine.

En l’espèce Monsieur [B] [D], membre du cabinet d’expertise IXI mandaté par la MACIF, a rapporté les constatations suivantes :

‘Suite à l’essai fumigène fait le 18 mai 2016 par ALP CHEMINEE, il s’est avéré que le conduit en boisseaux d’évacuation de la fumée de la cheminée n’est pas étanche et que les fumées passent dans le coffrage habillant le conduit et le tuyau d’évacuation d’air chaud de la hotte aspirante de la cuisine, et se répandent dans les combles. La chaleur dégagée par ces fumées et le débit constaté sont pour nous à l’origine de l’incendie, de nombreux cartons, livres, tissus, décorations, etc… (combustibles) étant rangés dans les combles, à proximité de ces débouchés du coffrage d’habillage du conduit de fumée défaillant.

Je rappelle que le jour du sinistre, Mme [K] avait allumé un feu dans la cheminée et qu’elle cuisinait avec sa fille, qu’elles ont senti une odeur de plastique brûlé et ont constaté qu’il y avait énormément de fumée dans la salle de bain au premier étage, dont la gaine d’aération passe dans les combles.

M. et Madame [K] ne faisaient que deux ou trois feux de cheminée par an, en complément du chauffage par radiateurs électriques de la maison, ce qui peut expliquer que l’incendie n’ait pas eu lieu plus tôt.

Nous avons pu également constater que le conduit en boisseaux s’arrête en débouché de toiture et qu’il manque deux boisseaux pour arriver en tête de souche, il s’agit là d’un vice manifeste de construction, datant d’avant l’entrée dans les lieux de M. [K] et vraisemblablement de la construction de la maison.

Nous rappelons également que l’incendie s’est déclaré au fond des combles, à côté du conduit, la partie à l’opposé où débouche l’escalier d’accès ayant été beaucoup moins impactée.

De notre avis, le défaut d’étanchéité du conduit de fumée, ainsi que celle du coffrage dans lequel passait ledit conduit, sont à l’origine du sinistre et il s’agit bien là d’un vice de construction exonératoire de la responsabilité du locataire.’

Un constat d’huissier dressé le 17 décembre 2015 à la requête des locataires confirme que le conduit de cheminée était percé de deux orifices au niveau des combles de la maison.

Les autres experts, représentant notamment le propriétaire et son assureur MMA, ont admis que l’incendie s’était déclaré dans les combles, et que des anomalies avaient pu être constatées sur le conduit de cheminée le 16 février 2016, qui étaient invisibles avant les opérations de désamiantage.

Ils ont exclu tout lien entre ces anomalies et la survenance du sinistre en une phrase lapidaire contenue dans le procès-verbal de constatations, sans indiquer cependant les arguments techniques qui leur permettaient de conclure en ce sens, ni répondre aux réserves précisément formulées par l’expert de la MACIF, de sorte que leur avis est dépourvu de toute valeur probante.

D’autre part, il n’est pas établi que les locataires auraient apporté des modifications au conduit litigieux depuis la prise d’effet du bail, ni que le défaut de ramonage serait la cause du sinistre.

Dans ces conditions, il convient de considérer que la preuve est suffisamment rapportée de ce que l’incendie est imputable à un vice de construction, cette circonstance étant de nature à exonérer les locataires de la présomption de responsabilité édictée par la loi.

Les consorts [X] et la compagnie MMA IARD doivent être par conséquent déboutés de leurs demandes indemnitaires.

Monsieur [K], Madame [W] et la MACIF sont en revanche bien fondés à poursuivre l’indemnisation de leur propre préjudice sur le fondement des articles 1721 du code civil et L 121-12 du code des assurances, et ce dans les proportions établies par le rapport d’expertise de Monsieur [D] qui ne font l’objet d’aucune discussion de la part des parties intimées, ainsi que dans la limite des demandes formulées, à savoir :

– pour la MACIF, les sommes de 4.331,03 euros au titre de la reprise des embellissements, 19.210,17 euros au titre des dommages mobiliers et 1.225,80 euros au titre de la perte d’usage,

diminuées du montant de la franchise de 106 euros, soit au total 24.661,00 euros,

– pour M. [K] et Madame [W], la somme de 7.666,93 euros au titre des frais de relogement, et celle de 8.440,61 euros au titre du découvert de garantie subi en raison de l’application d’un coefficient de vétusté, soit au total 16.107,54 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

Déboute les consorts [X] et la compagnie MMA IARD de l’intégralité de leurs prétentions,

Condamne in solidum Madame [R] [X], MM. [T] et [U] [X] et la compagnie MMA IARD à payer :

– à la MACIF la somme de 24.661,00 euros,

– à Monsieur [J] [K] et Madame [S] [W], pris solidairement, la somme de 16.107,54 euros,

Condamne solidairement les parties intimées aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer aux appelants la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

 


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