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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/00056 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IVND
CS/MM
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES
28 novembre 2022
RG :22/00799
G.F.A. GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DU [Localité 8]
C/
[M]
[X]
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section B
ARRÊT DU 02 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 28 Novembre 2022, N°22/00799
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre
Mme Corinne STRUNK, Conseillère
M. André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 02 Mai 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
G.F.A. GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DU [Localité 8]
immatriculé au RCS de NIMES sous le n° 393440516
pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [I] [M]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 6] ([Localité 6])
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Loïc ALVAREZ de l’AARPI LEGAL SQUAD AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représenté par Me Thibault LEVALLOIS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 6] ([Localité 6])
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Loïc ALVAREZ de l’AARPI LEGAL SQUAD AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représenté par Me Thibault LEVALLOIS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Statuant sur appel d’une ordonnance de référé
Ordonnance de clôture rendue le 13 mars 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 02 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 6 août 2018, le GFA du [Localité 8] a donné à bail à M. [I] [M] et Mme [N] [X], un appartement de 90 m² environ situé [Adresse 5], moyennant un loyer de 880 € comprenant une provision de 50 € au titre des charges d’électricité.
Le GFA du [Localité 8] a fait délivrer le 31 mars 2022 à M. [I] [M] et Mme [N] [X] un commandement visant la clause résolutoire leur enjoignant de payer la somme, en principal, de 2.940,27 € au titre des charges d’électricité ainsi que d’avoir à justifier de la souscription d’une assurance locative.
Par exploit du 21 juin 2022, le GFA du [Localité 8] a fait assigner ses locataires devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé, afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner leur expulsion et les condamner au paiement des charges d’électricité restant dues.
Par ordonnance de référé du 28 novembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes a :
– débouté le GFA du [Localité 8] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné le GFA du Mas du Gleize à payer à M. [I] [M] et Mme [N] [X] la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le GFA du [Localité 8] aux entiers dépens,
– rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit.
Par déclaration du 4 janvier 2023, le GFA du [Localité 8] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par des conclusions notifiées le 25 janvier 2023, le GFA du [Localité 8], appelant, demande à la cour, au visa de l’article 873 du code de procédure civile, d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise, et statuant à nouveau, de juger non sérieusement contestable le principe de l’obligation de paiement des charges de consommation de l’électricité et de la taxe de l’enlèvement des ordures ménagères de M. [I] [M] et de Mme [N] [X], les condamner solidairement entre eux à porter et lui payer la somme de 3 380,70 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2022 jusqu’à parfait paiement à titre de provision et la somme de 645,91 € en remboursement de cette somme payée en exécution de l’ordonnance entreprise, outre la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance.
Au soutien de son appel, le GFA du [Localité 8] rappelle tout d’abord qu’une provision doit être allouée par le juge des référés quand bien même son montant serait sujet à controverse des lors que le principe même de l’obligation de paiement n’est pas sérieusement contestable et n’a d’autre limite que le montant incontestable de la créance alléguée, le juge détenant le pouvoir discrétionnaire de fixer, à l’intérieur de cette limite, la somme qu’il convient d’allouer.
Il fait valoir que l’absence de paiement des charges d’électricité par les locataires conduit à leur enrichissement et un appauvrissement corrélatif du bailleur puisqu’il n’est pas remboursé de l’intégralité du coût de l’électricité qu’il assume.
Il soutient que la défaillance des preneurs dans le paiement de l’électricité dont ils jouissent intervient en méconnaissance de leur obligation dont le principe n’est pas sérieusement contestable puisque le bail d’habitation met à charge des intimés, en plus du loyer mensuel, le remboursement des charges d’électricité avec le versement d’une provision mensuelle de 50 € à parfaire ou diminuer tous les ans. Il ajoute que les factures Total Energie au titre de la consommation électrique globale dans les appartements du GFA incluant donc celui loué aux consorts [M]-[X] sont bien libellées au nom de [G] [J] et attestent de l’alimentation en électricité et son paiement.
Il indique avoir tout entrepris, notamment des propositions de rencontre, pour permettre aux consorts [M]-[X] de procéder à un relevé contradictoire de leur consommation d’électricité.
Enfin, il entend préciser ne rencontrer aucune difficulté avec ses autres locataires qui, eux, paient tous l’intégralité de leur consommation électrique et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Par ordonnance du 13 mars 2022, la présidente de chambre de la Cour d’appel de Nîmes a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 6 mars 2023 par Mme [X] et M.[M], qui ne sont plus recevables à conclure.
La clôture de la procédure est intervenue le 13 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 mars 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 2 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Selon les dispositions des articles 7a et g de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges récupérables aux termes convenus.
L’ordonnance dont appel mentionne que le bail signé entre les parties contient une clause résolutoire prévoyant, conformément à l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989, qu’à défaut de paiement des loyers ou charges échus et deux mois après la délivrance d’un commandement resté infructueux, le bail sera résilié de plein droit. Il est ensuite précisé que par exploit du 31 mars 2022, le bailleur a fait commandement d’avoir à payer la somme de 2.940,27 € au titre des charges d’électricité.
Il est acquis que le commandement de payer doit permettre au locataire de connaître précisément les loyers et charges impayés revendiqués à son égard afin de lui donner la possibilité d’en vérifier la régularité et la conformité, ainsi que, le cas échéant, d’en former contestation, étant rappelé que ce commandement visant la clause résolutoire a pour but la résiliation du contrat de bail.
L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit notamment que les charges récupérables, sommes accessoires, loyer principal sont exigibles sur justification en contrepartie des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée, des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée.
Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas faire l’objet d’une régularisation au moins annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel
Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs. Durant six mois à compter de l’envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues, dans des conditions normales, à la disposition des locataires.
A compter du 1er septembre 2015, le bailleur transmet également, à la demande du locataire, le récapitulatif des charges du logement par voie dématérialisée ou par voie postale.
Par ailleurs, l’article 835 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il convient de rappeler qu’il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, qui n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiales ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
En l’espèce, le contrat de bail, versé par l’appelant et signé entre les parties, mentionne en page 2 que les locataires doivent verser une provision sur charges au titre de l’électricité fixée à la somme de 50 € en sus de leur loyer mensuel. Les charges récupérables telles que définies par l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 donnent lieu au versement de provisions mensuelles, payables dans les mêmes conditions que le loyer. Elles feront l’objet d’une régularisation annuelle en fonction de leur consommation réelle d’après un relevé du compteur individuel.
Il n’est pas contesté par l’appelant que les loyers mensuels ainsi que la provision sur charges de 50 € par mois au titre des charges d’électricité ont été régulièrement réglés par les locataires. Il résulte de la lecture du commandement de payer que le litige est circonscrit uniquement à la régularisation des charges au titre des consommations d’énergie et à la taxe d’enlèvement des ordures ménages. Or, la cour constate que l’appelant fonde ses écritures sur les conditions dans lesquelles les relevés de consommation d’électricité ont été effectués et la preuve de ladite consommation par les locataires.
Le premier juge a considéré que le bailleur ne justifiait pas de la créance dont il se prévalait en l’absence d’éléments probants relatifs à l’existence d’un compteur individuel et de justificatifs des paiements effectués à EDF pour le compte du logement loué par M. [I] [M] et Mme [N] [X].
Le premier juge a également soulevé que les relevés du compteur EDF à l’entrée dans les lieux loués n’était pas mentionné sur l’exemplaire du bail signé par les locataires, de sorte qu’il était impossible de chiffrer la consommation réelle de M. [M] et Mme [X] depuis leur entrée dans les lieux bien que le contrat de bail versé par l’appelant portait mention manuscrite desdits relevés. L’appelant reconnaît par ailleurs ne pas avoir été présent lors de l’état des lieux d’entrée des locataires, de sorte que le relevé du compteur n’a pu être réalisé en présence des parties cocontractantes. Cette incertitude ne permet pas d’avoir une base de calcul fiable et précise de la réelle consommation d’énergie des locataires.
Il ressort des pièces versées aux débats que les intimés ne peuvent accéder librement à leur compteur électrique aux fins de contrôler leur consommation d’énergie et d’en s’assurer l’exactitude et qu’aucun relevé contradictoire du compteur électrique n’a été réalisé. Les deux photographies d’un compteur électrique versées par l’appelant sont dépourvues de toute force probante n’étant ni datées, ni authentifiées à l’instar d’un procès-verbal de constat dressé par un commissaire de justice.
De plus, les éléments du dossier ne permettent pas de savoir de quelle manière l’électricité est facturée aux locataires, ni de quelle manière l’électricité est répartie entre les logements loués et s’il existe ou non des compteurs individuels ou des sous-compteurs par logement. Les factures établies par Total Direct Energies et produites par l’appelant ne justifient pas de la consommation exacte des locataires puisqu’aucun élément ne permet d’identifier avec certitude le compteur leur appartenant et donc leur consommation personnelle d’énergie. Enfin, les relevés du compteur 2021/2022 (pièce n°12) ont été établis par le bailleur lui-même et pour son compte uniquement. Or, ces éléments sont essentiels pour apprécier le bien-fondé de la demande de l’appelant.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le GFA du [Localité 8] succombe dans la démonstration de la preuve de l’existence d’un compteur individuel d’une part et du quantum réel de sa créance d’autre part.
Même si le principe de l’existence d’une créance n’est pas contestable étant donné que le logement est alimenté en électricité, laquelle est elle-même réglée par le GFA du [Localité 8], il existe néanmoins une contestation sérieuse tenant le caractère incertain du quantum de celle-ci, le bailleur ne justifiant pas avec l’évidence requise en référé du montant de la régularisation des charges au titre de la consommation d’électricité effectivement due.
En conséquence, si l’obligation de paiement des charges est acquise, l’étendue de la créance est sérieusement contestable et rien ne justifie que soit allouée à l’appelant une somme provisionnelle supérieur au montant de la provison sur charges mensuelle. Il appartient donc au GFA du [Localité 8] de saisir le juge du fond compétent pour apprécier sa demande et d’apporter les éléments justificatifs nécessaires.
Il convient donc de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formulée par le GFA du [Localité 8] au titre des charges d’électricité et de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.
Le GFA du [Localité 8], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et ne saurait bénéficier d’une somme au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation solidaire de M. [I] [M] et Mme [N] [X] au paiement de la somme de
3 780,70 € à titre de provision,
Confirme l’ordonnance de référé rendue le 28 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes en toutes ses dispositions portées à la connaissance de cour,
Y ajoutant,
Déboute le GFA du [Localité 8] de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne le même aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE