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uCOUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 20/01912
N° Portalis DBV3-V-B7E-UBPR
AFFAIRE :
[D] [E]
C/
SASU [M] [F] TRAVAUX PUBLICS (MBTP)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Août 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Montmorency
N° Section : Industrie
N° RG : F18/00423
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2
Me Stéphanie LUC de la SELARL 2APVO
Expédition numérique délivrée à : Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 06 juillet 2022, prorogé au 14 septembre 2022 et différé au 15 septembre 2022, les parties ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Monsieur [D] [E]
né le 11 Janvier 1985 à [Localité 5] (Maroc)
de nationalité Marocaine
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445- Représentant : Me Aurelien DAIME, Plaidant, avocat au barreau de COMPIEGNE
APPELANT
****************
SASU [M] [F] TRAVAUX PUBLICS (MBTP)
N° SIRET : 343 147 781 00029
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie LUC de la SELARL 2APVO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 165
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
FAITS ET PROCÉDURE,
Monsieur [D] [E] a été engagé par la société [M] [F] Travaux Publics (MBTP) par contrat à durée indéterminée à compter du 14 juin 2013 en qualité d’ouvrier d’exécution classification N1P1 pour une rémunération mensuelle brute de 1 430, 25 euros.
Monsieur [E] occupait par ailleurs un appartement selon bail d’habitation du 24 mars 2014 conclu avec la SCI Marion représenté par Monsieur [F] [M], son gérant et Président directeur général de la société MTBP.
La société MBTP a prélevé le loyer dû par le salarié au titre de la location de ce logement sur ses salaires.
Par requête reçue au greffe le 27 juin 2018, Monsieur [D] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.
Par jugement du 11 août 2020, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :
– Débouté Monsieur [D] [E] de l’intégralité de ses demandes ;
– Débouté la SAS MBTP de sa demande reconventionnelle ;
– Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Monsieur [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 14 septembre 2020.
Monsieur [E] ne s’est plus rendu à son poste de travail à compter du 25 décembre 2021.
La société l’a convoqué à un entretien préalable fixé au 25 février 2022 auquel il ne s’est pas présenté.
La société l’a licencié pour faute grave par courrier du 8 mars 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 21 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, Monsieur [E] demande à la cour de :
– Dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en toutes ses demandes,
– Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Montmorency en date du 11 août 2020 en ce qu’il l’a débouté de la totalité de ses demandes,
Statuant à nouveau
A titre principal
– Dire et juger que le demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur était justifiée et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire
– Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
Dans tous les cas,
– Condamner la Société MBTP à lui payer les sommes suivantes :
– remboursement des loyers : 30 193,55 euros (net)
– remboursement de la caution 705 euros (net)
– majoration légale suite à la non-restitution de la caution 2 256 euros (net)
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7 mois) 14 438,96 euros (net)
– indemnité compensatrice de préavis (2 mois) 3.609,74 euros (brut)
– congés payés y aff érents 360,97 euros (brut)
– indemnité de licenciement 4 024,87 euros (net)
– article 700 du Code de Procédure Civile 4 000 euros (net)
– Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,
– Condamner la Société MBTP aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution du jugement à intervenir,
– Ordonner le paiement des intérêts légaux de droit à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes,
– Ordonner l’anatocisme,
– Ordonner l’exécution provisoire.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 12 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la sociét [M] [F] Travaux Publics (MBTP), intimée, demande à la cour de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Montmorency,
Y faisant droit,
– Dire et juger la compensation qu’elle a effectuée parfaitement justifiée,
– Débouter Monsieur [E] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur,
– Débouter Monsieur [D] [E] de l’ensemble de ses fins et demandes,
En tout état de cause,
– Condamner Monsieur [E] à verser à la Société MBTP la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 mai 2022, avant l’ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est rappelé à titre liminaire qu’en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Sur le remboursement des loyers et de la caution
Monsieur [E] explique que la société MBTP a indument prélevé son loyer dû au titre du logement qu’il louait auprès de la SCI Marion sur ses salaires et que suite à son départ des lieux, elle ne lui a pas remboursé la caution.
La société MBTP affirme que Monsieur [E] ne payait pas ses loyers, qu’elle les a donc prélevés sur ses salaires, que Monsieur [E] avait donné son accord pour ces prélèvements, que le logement octroyé au salarié avait un caractère accessoire au contrat de travail étant situé à la même adresse que son siège, qu’elle était donc en droit de procéder à ces retenues sur salaire, qu’elle a reversé l’intégralité des loyers ainsi perçus à la SCI Marion, qu’elle ne peut donc être condamnée à les restituer à Monsieur [E], qu’elle ne peut pas plus restituer à ce-dernier la caution et lui payer une majoration à ce titre alors qu’elle n’est pas son bailleur.
Il est acquis que la Sci Marion a loué à Monsieur [E] selon bail d’habitation du 24 mars 2014 un appartement sis [Adresse 1]) pour un loyer mensuel de 750 euros charges comprises et que la société MBTP a prélevé ces derniers sur son salaire.
Or, bien que toutes deux représentées par Monsieur [M] [F], la SCI Marion et la société MBTP n’en étaient pas moins deux personnes morales distinctes et rien n’autorisait la société MBTP qui n’était pas le bailleur du salarié à retenir le loyer du logement loué par celui-ci auprès de la SCI Marion sur ses salaires.
Il n’est justifié d’aucun accord entre Monsieur [E] et la société MBTP à ce titre et il n’est pas démontré que l’appartement ainsi occupé par le salarié était un accessoire de son contrat de travail, ledit contrat n’en faisant aucune mention et la seule circonstance selon laquelle le logement était situé dans le même immeuble que le siège de la société MBTP ne permettant pas d’en justifier.
La société MBTP qui a ainsi indûment prélevé les loyers sur les salaires de Monsieur [E] lui en doit restitution peu important par ailleurs qu’elle ait ultérieurement reversé elle-même ces sommes à la société Marion, bailleur.
En conséquence, le jugement sera infirmé et la société MBTP condamnée à payer à Monsieur [E] la somme réclamée et non discutée en son quantum de 30 193, 55 euros.
Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la société MBTP doit rembourser à Monsieur [E] la caution qu’elle a prélevée, peu important qu’elle ne soit pas son bailleur. La société sera en conséquence condamnée à lui payer la somme non discutée en son quantum de 705 euros de ce chef. Le jugement sera infirmé sur ce point.
En revanche, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la société MBTP la majoration prévue en cas de restitution tardive du dépôt de garantie par l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, la société MBTP n’étant pas le bailleur de Monsieur [E]. Monsieur [E] sera en conséquence débouté de la demande formée à ce titre.
Sur la résiliation judiciaire
Lorsque la saisine du conseil de prud’hommes aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail a précédé le licenciement du salarié, il convient d’examiner en premier lieu la demande de résiliation, avant d’examiner le cas échéant, la contestation du licenciement.
Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de rapporter la preuve de manquements suffisamment graves par l’employeur à ses obligations contractuelles pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts
Le prélèvement indû chaque mois et pendant plusieurs années par la société MBTP sur le salaire de Monsieur [E] d’une somme de 750 euros représentant près de la moitié de son salaire de base pour une somme totale de plus de 30 000 euros constitue un manquement grave de l’employeur justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts.
Cette rupture produit en conséquence les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 8 mars 2022 date du licenciement du salarié devenu sans objet, Monsieur [E] pouvant dès lors prétendre aux indemnités de rupture suivantes justifiées par les pièces produites et non discutées en leur quantum :
– 3 609, 74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 360, 97 euros au titre des congés payés afférents,
– 4 024, 87 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 14 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au vu de l’âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi en application de l’article L.1235-3 du code du travail qui prévoit lorsque le salarié a 8 années complètes d’ancienneté et que la société compte au moins onze salariés une indemnité comprise entre 3 mois minimum et 8 mois maximum de salaire.
Le jugement sera infirmé et la société condamnée à payer ces sommes à Monsieur [E].
Sur la remise des documents de fin de contrat
Au vu des sommes allouées à Monsieur [E], la société sera condamnée à lui remettre les documents de fin de contrat conformes à la présente décision sans qu’il y ait lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à Monsieur [E] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les intérêts
Les créances salariales et assimilées produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.
Les créances indemnitaires produit intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
La capitalisation de intérêts sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
La société MBTP qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Elle sera déboutée de sa demande en paiement formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparait en outre équitable de la condamner à verser à Monsieur [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montmorency du 11 août 2020,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [D] [E] aux torts de la société MBTP à effet au 8 mars 2022 date de son licenciement devenu sans effet,
Dit que la rupture de contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société MBTP à payer à Monsieur [D] [E] les sommes suivantes :
– 30 193, 55 euros au titre des loyers prélevés indument sur ses salaires,
– 705 euros au titre de la caution prélevée indûment,
– 3 609, 74 euros au titre de l’indemnité de préavis
– 360, 97 euros au titre des congés payés afférents,
– 4 024, 87 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 14 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,
Y ajoutant,
Rappelle que les créances salariales et assimilées produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation,
Rappelle que la créance indemnitaire produit intérêts à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation de intérêts,
Ordonne le remboursement par la société MBTP à Pôle emploi des indemnités de chômage qu’elle a versées à Monsieur [D] [E] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d’indemnités,
Ordonne à la société MBTP de remettre à Monsieur [E] [D] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte,
Déboute la société MBTP de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société MBTP à payer à Monsieur [E] [D] la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société MBTP aux dépens de première instance et d’appel.
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,