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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/02697 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDHB
[U] [I]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/21/11743 du 17/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
[W] [D]
[M] [E] [Y] épouse [D]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 15 SEPTEMBRE 2022
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 janvier 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 19-002375) suivant déclaration d’appel du 10 mai 2021
APPELANTE :
[U] [I] Madame [I]
née le 29 Juillet 1976 à [Localité 5] (MAROC)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Fanny SOLANS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[W] [D]
né le 19 Janvier 1965 à [Localité 4] – MAROC
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
[M] [E] [Y] épouse [D]
née le 07 Août 1976 à [Localité 6] (82)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
Représentés par Me Alexandre NOVION, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 20 mai 2017, M. [W] [D] et Mme [M] [Y] épouse [D] (ci-après dénommés les époux [D]) ont donné à bail d’habitation à Mme [U] [I] un logement sis [Adresse 2]. La date de prise d’effet du contrat était fixée au 15 août 2017 pour une durée d’un an.
Par actes d’huissier du 14 février 2019, les époux [D] ont fait délivrer à Mme [U] [I] un congé pour motif légitime et sérieux ainsi qu’un commandement de payer les loyers et de justifier d’une assurance couvrant les risques locatifs.
Par acte d’huissier du 18 juin 2019, Mme [U] [I] a fait assigner les époux [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal d’instance de Bordeaux aux fins notamment de voir constater la nullité du congé délivré pour absence de motif légitime et sérieux, dire le commandement de payer les loyers dépourvu de fondement et les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral subi.
Par jugement contradictoire du 6 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection, pôle protection et proximité, du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– débouté Mme [U] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– déclaré valable le congé délivré le 14 février 2019 par les époux [D] à Mme [U] [I], à effet au 14 août 2019 à minuit, concernant le bien immobilier qu’ils lui louent, sis [Adresse 2],
– constaté que Mme [U] [I] est devenue occupante sans droit ni titre dudit bien, à compter du 15 août 2019,
En conséquence,
– autorisé, à défaut pour Mme [U] [I] d’avoir volontairement libéré les lieux, qu’il soit procédé à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique, deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– dit qu’en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution,
– fixé une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles, et de la provision sur charges (690 euros par mois à la date de l’audience), augmentée de la régularisation au titre des charges dûment justifiées,
– condamné Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 3 001,37 euros au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 juillet 2019 (échéance du mois de juillet 2019 incluse),
– condamné Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 5 110 euros au titre des indemnités d’occupation dues jusqu’au 30 juin 2020 (échéance du mois de juin 2020 incluse) et une indemnité d’occupation mensuelle de 690 euros à compter du 5 juillet 2020, jusqu’à la libération effective des lieux,
– débouté les époux [D] du surplus de leurs demandes reconventionnelles, ainsi que de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamné Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande en paiement de Mme [U] [I] émise sur ce chef,
– constaté que Mme [U] [I] bénéficie de l’aide juridictionnelle totale,
-condamné Mme [U] [I] au paiement des entiers dépens de l’instance,
-rappelé que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Pour statuer ainsi qu’il l’a fait, le premier juge a essentiellement dit que le congé est régulier et l’a validé au motif d’impayés de loyers, provisions pour charges et taxe ordures ménagères 2028.
Mme [U] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 10 mai 2021.
Par conclusions déposées le 30 juillet 2021, elle demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondée Mme [U] [I] en son appel,
En conséquence,
– réformer le jugement du 6 janvier 2021,
Et,
– constater la nullité du congé délivré pour absence de motif légitime et sérieux,
– constater le paiement de l’ensemble des loyers dus par la locataire,
– dire le commandement de payer les loyers dépourvu de fondement,
– condamner solidairement les époux [D] à régler à Mme [U] [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (article 31 de la loi de 1991 -sic), ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
Par conclusions déposées le 5 octobre 2021 comportant appel incident, les époux [D] demandent à la cour de :
– débouter Mme [U] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– recevoir les époux [D] en leurs conclusions,
– constater la validité du congé pour motifs légitimes et sérieux délivré à Mme [U] [I] le 14 février 2019,
– constater que Mme [U] [I] aurait dû quitter les lieux le 14 août 2019 à minuit,
– constater la résiliation du contrat de bail litigieux,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux, juge des contentieux de la protection en date du 6 janvier 2021, sauf en ce qu’il a condamné Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 3 001,37 euros au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 juillet 2019, (échéance du mois de juillet 2019 incluse), et condamné Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 5 110 euros au titre des indemnités d’occupation dues jusqu’au 30 juin 2020 (échéance du mois de juin 2020 incluse) et une indemnité d’occupation mensuelle de 690 euros à compter du 5 juillet 2020, jusqu’à la libération effective des lieux,
Statuant à nouveau en cause d’appel,
– condamner Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 4 973,51 euros au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 juillet 2019, échéance du mois de juillet incluse,
– condamner Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 7 590 euros au titre des indemnités d’occupation dues jusqu’au 30 juin 2020, échéance du mois de juin incluse, et une indemnité d’occupation mensuelle de 690 euros à compter du 5 juillet 2020, jusqu’à libération effective des lieux,
– condamner Mme [U] [I] à payer aux époux [D] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [U] [I] aux entiers dépens de l’instance.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 13 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité et le bien-fondé du congé
En application de l’article 15’I de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié par exemple par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. À peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué.
Dans sa version issue de la loi numéro 2014’366 du 24 mars 2014, lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise étant précisé qu’il incombe au locataire de démontrer qu’il a respecté ses obligations notamment celle de payer le loyer et les charges prévues au contrat.
Il incombe au bailleur de prouver qu’à la date du congé pour motif légitime et sérieux, il pouvait justifier d’un intérêt légitime, né et actuel à délivrer ce congé.
L’appréciation du caractère légitime et sérieux relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Mme [U] [I] fait valoir pour l’essentiel que la procédure d’information de la Caf et de la Ccapex n’a pas été respectée et qu’elle ne peut donc faire l’objet d’une expulsion, que M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] ne démontrent pas qu’elle reste devoir des loyers ou qu’elle a eu des retards de paiement, qu’elle justifie avoir tout réglé, qu’à défaut d’avoir communiqué la régularisation des charges de 2018, M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] ne peuvent les lui réclamer, que la taxe foncière n’est pas une charge récupérable, que le bail ne prévoit qu’un loyer et non une provision pour charges, qu’elle est assurée et qu’elle n’a causé aucun trouble de voisinage.
M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] répliquent pour l’essentiel que Mme [U] [I] ne s’est jamais acquittée des charges, que 7 loyers sont demeurés impayés depuis novembre 2018, qu’elle n’a jamais fourni d’attestation d’assurance et qu’elle a dégradé les espaces verts.
S’agissant des formalités d’information à la Ccapex ou à la Caf, elles sont prévues par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable au litige, disposition relative au constat d’acquisition de la clause résolutoire.
Tel n’est pas le cas de la procédure litigieuse qui tend à la validation d’un congé pour motif légitime et sérieux.
Il n’y a donc pas d’irrégularité du congé pour ce motif.
Par le congé délivré le 14 février 2019, M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] reprochaient à Mme [U] [I] de rester devoir la somme de 3.593,51 euros à titre de loyers et charges, de ne pas justifier être assurée et de stationner sur les espaces verts, occasionnant ainsi un trouble de voisinage conséquent.
Le décompte arrêté au 31 mars 2020 fait apparaître 7 loyers impayés de 620 euros (novembre 2018, juin, juillet et décembre 2019, janvier et février 2020).
Mme [U] [I] produit des bordereaux de remise de chèques avec pour bénéficiaire M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] et une partie de ses relevés bancaires correspondants.
L’ensemble de ces paiements a été pris en compte dans le relevé versé par M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D].
Mme [U] [I] ne démontre pas avoir réglé les sommes réclamées non plus que l’indemnité d’occupation due à compter d’avril 2020.
M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] ne justifient pas avoir réclamé en vain auprès de leur locataire l’attestation d’assurance et Mme [U] [I] démontre être assurée pour l’année 2019.
C’est par des motifs pertinents et une juste analyse des pièces qui lui étaient soumises que le premier juge a dit qu’en l’absence de régularisation annuelle de charges, Mme [U] [I] n’était pas exonérée du paiement de la provision pour charges de 70 euros contractuellement prévue et qu’au vu des relevés de copropriété d’octobre 2017 à mars 2019 inclus, elle restait devoir la somme de 858,35 euros à titre de charges pour cette période.
En revanche, il n’est pas démontré que M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] devaient faire l’avance de la consommation de gaz par Mme [U] [I] étant observé que les relevés de copropriété n’en font pas état.
S’agissant de la taxe ordures ménagères, M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] ne produisent que la copie de la première page de l’avis d’imposition de la taxe foncière des années 2017 et 2018 ne permettant pas de vérifier le montant de la taxe ordures ménagères exigible, seule récupérable auprès de la locataire.
Enfin, il ressort d’un courrier adressé le 10 septembre 2018 par le syndic à M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] que Mme [U] [I] a dégradé les espaces verts en se garant mal.
Le jugement déféré qui a déclaré régulier et valide le congé et a condamné Mme [I] à payer un arriéré locatif, sera confirmé.
Sur les autres demandes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Mme [U] [I] qui succombe en son appel en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Mme [U] [I] qui succombe, sera condamnée à payer à M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] ensemble la somme de 750 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [I] à payer à M. [W] [D] et Mme [M] [E] [D] ensemble la somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [U] [I] aux entiers dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,