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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/01403 – N° Portalis DBVK-V-B7E-ORNY
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 29 JANVIER 2020
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER
N° RG 17/03711
APPELANT :
Monsieur [C] [Y]
né le 03 Février 1958 à AHLAF (MAROC)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Mourad RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMEE :
Madame [K] [P]
née le 03 Juillet 1952 à BOUSQUET D’ORB (34260)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Claude ALLE de la SCP 91 DEGRES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Ordonnance de clôture du 24 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 JUIN 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Estelle DOUBEY
ARRET :
– Contradictoire.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.
*
**
Le 4 octobre 1996, [X] [B] a donné à bail commercial à [I] [R] et [J] [D], un immeuble composé d’une station- service, boutique et garage, et d’un local d’habitation, pour une durée de 9 ans.
Les 14 mars et 27 mars 2008, [K] [P], venant aux droit d'[X] [B], décédée, a convenu avec les locataires le renouvellement du bail pour 9 ans commençant.
Le 18 juin 2008, [I] [R] et [J] [D] ont cédé leurs fonds de commerce à [C] [Y], comprenant notamment le droit au bail.
Le 27 novembre 2008, [K] [P] a assigné [I] [R], [J] [D] et [C] [Y], devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise afin de dire s’il existe des désordres, malfaçons et non-conformité, dans les locaux donnés à bail et de préconiser les travaux nécessaires, à la charge selon elle du preneur.
Le 25 mars 2009 et le 5 mars 2010, deux accédits ont permis de conclure au mauvais état général des lieux, suite à quoi l’expert a suspendu ses opérations dans l’attente du versement de la consignation par [K] [P] qui n’interviendra pas.
Le 26 juillet 2016, l’ARS saisie par le locataire a notifié à [K] [P] un rapport d’inspection constatant l’insalubrité du logement, et le 11 janvier 2017 le préfet prenait un arrêté d’insalubrité enjoignant à la propriétaire de réaliser les travaux sous dix mois.
Le 20 juillet 2017, [C] [Y] a assigné [K] [P] aux fins d’obtenir la résiliation du bail aux torts de la bailleresse, et sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts, au titre de la perte d’exploitation au cours des exercices 2011 à 2015, de la valeur du fonds de commerce, des frais de déménagement et de réinstallation, et de la perte de gains pendant le temps nécessaire à sa réinstallation.
[K] [P] a demandé reconventionnellement la résiliation judiciaire du bail au 1er janvier 2016 au motif que le locataire aurait cessé son activité le 31 décembre 2015, et la condamnation du locataire à lui payer une indemnité d’occupation et les travaux nécessaires à la réfection des locaux en nommant un expert pour décrire et chiffrer les travaux.
Le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier énonce dans son dispositif :
Déboute [C] [Y] de l’ensemble de ses prétentions.
Prononce la résiliation judiciaire du bail commercial au 1er janvier 2016.
Condamne [C] [Y] à payer à [K] [P] une indemnité mensuelle d’occupation de 648, 80 € à compter du 1er janvier 2016, jusqu’à son départ effectif, soustraction faite des sommes déjà versées au titre des loyers.
Déboute [K] [P] de sa prétention visant à voir [C] [Y] condamné à payer les travaux nécessaires à la remise en état des lieux loués.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamne [C] [Y] aux entiers dépens.
Le jugement expose que les contrats de bail conclus ou renouvelés avant le 5 novembre 2014 permettent aux parties de déroger aux dispositions de l’article 1720 du Code civil soit au titre des obligations de faire, selon la nature des travaux, soit au titre des obligations pécuniaires. Il constate que le bail conclu le 4 octobre 1996 prévoit que le preneur entretiendra les lieux loués en bon état de réparations quel qu’en soit la nature, et ce compris les grosses réparations prévues à l’article 606 du Code civil. Ces dispositions contractuelles s’imposent aux parties.
Le jugement constate que le bail prévoit une obligation d’exploitation, et que [K] [P] produit un extrait du Bodacc duquel il ressort que le locataire a cessé son activité à cette adresse au 31 décembre 2015, ce qui permet de résilier le bail. Il relève que [K] [P] ne démontre pas les préjudices allégués, à savoir l’impossibilité de louer le bien à un tarif supérieur et la dépréciation du bien du fait de l’absence d’entretien des lieux, pour justifier le versement d’une indemnité mensuelle de 300 €.
Le jugement rejette la demande de remise en état formulée par la bailleresse à l’encontre du locataire. Il constate qu’il est exact qu’aucun état des lieux n’a été versé aux débats, cependant l’expertise ordonnée en référé ne permet pas d’établir les responsabilités contractuelles de chacune des parties puisque les consignations supplémentaires n’ont pas été versées. Le fait que la bailleresse ait demandé elle-même une expertise semble permettre de douter de l’origine des désordres.
[C] [Y] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 9 mars 2020.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2022.
Les dernières écritures pour [C] [Y] ont été déposées le 21 mai 2022.
Les dernières écritures pour [K] [P] ont été déposées le 6 mai 2022.
Le dispositif des écritures pour [C] [Y] énonce :
Réformer la décision attaquée en ce qu’elle a débouté [C] [Y] de l’ensemble de ses demandes.
Prononcer la résiliation du bail liant les parties aux torts de la bailleresse.
Condamner [K] [P] à payer à titre de dommages et intérêts à [C] [Y] les sommes suivantes :
1 022 172 € au titre de la perte d’exploitation au cours des exercices 2011 à 2015,
150 000 € correspondant à la valeur du fonds de commerce,
10 000 € correspondant aux frais normaux de déménagement et de réinstallation,
20 000 € au titre de la perte de gains pendant le temps nécessaire à la réinstallation de [C] [Y].
Débouter [K] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions incidentes.
Condamner [K] [P] à payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens.
[C] [Y] soutient que le local loué ne peut pas être utilisé conformément à sa destination ce qui lui permet d’obtenir la résiliation judiciaire du bail aux torts du bailleur. Il avance que la perte de la chose louée ne nécessite pas nécessairement la destruction de la chose, que le local commercial ne peut plus être utilisé avec son accessoire le bail d’habitation, et conformément à ses caractéristiques essentielles, du fait notamment du non-respect des normes. [C] [Y] expose que la charge des travaux pesait sur l’ancien locataire. Les désordres constatés sont anciens et étaient connus par la bailleresse bien avant le renouvellement du bail commercial. Aucun des engagements de réalisation de travaux pris par la bailleresse n’a été suivi d’effet. Il souligne que suite à la déclaration d’insalubrité, les travaux de réfection ont été mis exclusivement à la charge du propriétaire, le locataire étant dispensé de payer le loyer.
Il a restitué les clés le 28 décembre 2021.
[C] [Y] soutient que les fautes de la bailleresse lui ont causé un préjudice financier certain en l’empêchant d’exploiter son fonds de commerce et de jouir du local conformément à sa destination. Il fait valoir que son chiffre d’affaire de 2015 est inférieur à celui de 2008 alors que ce dernier n’a été réalisé que sur la moitié de l’année. Il affirme qu’il a été contraint en raison des fautes commises par la bailleresse de cesser son activité à l’adresse du local loué au 31 décembre 2015. Dès lors les demandes incidentes de [K] [P] se heurtent à sa mauvaise foi.
Le dispositif des écritures pour [K] [P] énonce :
Confirmer le jugement ayant débouté [C] [Y] de l’ensemble de ses demandes, et prononcé la résiliation à effet du 1er janvier 2016 aux torts du preneur et la décision d’indemnité d’occupation.
Réformer le jugement et condamner l’appelant à verser à [K] [P] au titre de la remise en état, la somme de 119 850 € assortie de l’application de l’index INSEE BT 01.
Réformer le jugement et condamner l’appelant d’une part à verser 3 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance d’autre part 3 000 € au titre des frais irrépétibles en appel, soit au total 6 000 €.
Sur les dépens, condamner [C] [Y] en tous dépens d’instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise judiciaire pour 2 300 € selon l’ordonnance de taxe.
[K] [P] rappelle que la faute du bailleur prévue à l’article 1720 du Code civil ne peut être retenue en l’espèce, que le bail a été renouvelé avant le 6 novembre 2014, soit avant l’interdiction prévue à l’article R 145-35 du Code de commerce. La clause mettant les travaux à la charge du preneur est donc valable. La bailleresse souligne que l’appelant ne remet pas en cause ce raisonnement du juge en première instance et ne demande donc pas la réformation du jugement sur la validité de la clause litigieuse.
[K] [P] conteste la vétusté du logement délivré et fait valoir l’article 1731 du Code civil qui prévoit une présomption de réception en bon état de réparations locatives des lieux en l’absence d’état des lieux. Elle fait également valoir le rapport Mutel du 30 septembre 2007 qui démontre, avec photos, le bon état d’usage des lieux sauf quelques défauts résultant du manque d’entretien par le locataire entre 1996 et 2007.
[K] [P] soutient que [C] [Y] n’a jamais occupé un seul jour le logement loué alors que ce dernier était en parfait état en 2008. Il ne peut pas lui être opposé l’existence d’un arrêté préfectoral d’insalubrité en date du 11 janvier 2017 pour déduire qu’elle connaissait le mauvais état des lieux au moment de la mise en location des lieux en 2008. La bailleresse ajoute qu’alors qu’il ne logeait pas dans les lieux, [C] [Y] a signalé l’état du logement à l’ARS sans qu’il n’y ait de lien entre l’arrêté pris et l’objet du présent litige. En effet, l’autorité publique ne tient pas compte des rapports de droit privé entre le propriétaire du bien et son éventuel locataire. [K] [P] soutient que l’insalubrité déclarée est la conséquence des manquements des locataires successifs. Elle précise que l’arrêté ne vise que le logement et non les parties commerciales des locaux. Il n’est donc pas possible d’estimer que l’état du logement aurait eu des conséquences sur l’exploitation par [C] [Y] de son activité.
[K] [P] souligne que le bail est bien applicable à [C] [Y] quand bien même la situation du local serait antérieure au renouvellement de celui-ci. Le preneur est une seule entité et la cession du bail avec le fonds emporte la transmission de tous droits et obligations du bail.
[K] [P] conteste la pertinence de l’argument relatif à la perte partielle de la chose louée puisque l’article 1722 du Code civil règle exclusivement l’hypothèse de perte de la chose louée par cas fortuit. La perte de la chose louée n’est nullement assimilée à la situation de faute d’un bailleur et selon la bailleresse, le non respect de normes techniques, qui n’est pas démontré, ne s’assimile pas à une perte partielle. En tout état de cause, le bail prévoit que ces éléments sont à la charge du preneur.
[K] [P] conteste les demandes d’indemnisation de [C] [Y]. Elle affirme que quand bien même sa faute serait retenue, le locataire ne démontre ni préjudice, ni lien de causalité, direct et certain. Elle soutient que [C] [Y] a cessé son activité de lui-même, sans même chercher à vendre son fonds de commerce.
Le bail prévoit une obligation d’exploiter les lieux loués à laquelle [C] [Y] a cessé de se conformer à la date de sa radiation du RCS le 31 décembre 2015.
[K] [P] conteste le raisonnement du juge en première instance en ce qu’il a reconnu la validité de la clause du bail litigieuse et son opposabilité à [C] [Y] sans toutefois le condamner à réparer les lieux.
MOTIFS
Le preneur n’argumente pas de critiques sérieuses des motifs pertinents du premier juge, en ce que celui-ci constate que le preneur a cessé de remplir son obligation contractuelle d’exercice de l’activité commerciale du bail au 31 décembre 2015, que les clauses du bail sur la charge exclusive au preneur des travaux d’entretien sont valides pour un contrat de bail renouvelé avant le 5 novembre 2014.
Dans ces conditions, le preneur n’est pas fondé à obtenir une résolution judiciaire du bail aux torts du bailleur, ni l’indemnisation de préjudices, pour un défaut d’entretien et de conformité de la chose louée, ni sur le fondement d’une déclaration d’insalubrité du seul logement dont il ne conteste pas qu’il ne l’a jamais occupé dans cette destination, et sans établir un quelconque lien de causalité entre l’état du logement et l’exercice de l’activité commerciale, et notamment la cessation de l’activité.
La cour confirme en conséquence la résiliation judiciaire du bail à la date du 1er janvier 2016, et la condamnation au versement de l’indemnité d’occupation.
Le courrier manuscrit daté du 28 décembre 2021 par lequel [C] [Y] écrit à [K] [P] qu’il lui envoie dans une pochette recommandée avec accusé de réception les clés des locaux ne peut valoir la preuve de la restitution des lieux à défaut d’une constatation contradictoire reconnue, et en l’absence même de l’accusé de réception annoncé.
Concernant la demande de condamnation à des frais de remise en état, [K] [P] n’apporte pas de critiques sérieuses au motif pertinent du premier juge d’écarter cette prétention en relevant que le dépôt en l’état d’un défaut de consignation supplémentaire du rapport d’expertise ne permet pas d’établir si les désordres relevés étaient imputables, soit à une erreur de conception ou un vice de construction, soit à une négligence dans l’entretien et l’exploitation les locaux.
Le procès-verbal de constat diligenté par [K] [P] le 29 juillet 2008 à l’occasion de la cession du bail commercial à [C] [Y] relate déjà de nombreux désordres aussi bien dans les locaux exploitations commerciales que de logement.
La cour observe que le bailleur fonde le montant de sa demande de remise en état à la charge d'[C] [Y] sur une évaluation d’un professionnel du bâtiment datée du 27 août 2008, quelques semaines après la cession du fonds de commerce à [C] [Y], ce qui ne permet pas une évaluation sérieuse d’un état des lieux dégradé imputable au preneur à la résiliation du bail prononcée au 1er janvier 2016.
La cour confirme le rejet de l’application en première instance de l’article 700 du code de procédure civile, et rejette la prétention au même titre pour les frais exposés en appel.
La cour confirme la condamnation d'[C] [Y] aux dépens de première instance, et le condamne au paiement des dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition greffe ;
Confirme le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.
Condamne [C] [Y] aux dépens de l’appel.
Le greffier, Le président,