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Bail d’habitation : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00064

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Bail d’habitation : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00064

ARRET N°

N° RG 22/00064

N°Portalis DBWA-V-B7G-CJMK

Mme [C] [T] [L] [U]

C/

S.C.I. CYTHERE 502

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022

Décision déférée à la cour : Ordonnance de Référé, du Juge des Contentieux de la Protection, près le Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, en date du 14 Janvier 2022, enregistrée sous le

n° 21-0000489 ;

APPELANTE :

Madame [C] [T] [L] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 6]. B105

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Gladys RANLIN, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

S.C.I. CYTHERE 502

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Charlène LE FLOC’H, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Juin 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 13 Septembre 2022 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat signé électroniquement les 14 et 15/03/2019, la SCI CYTHERE 502 a donné à bail d’habitation à Madame [C] [U] à compter du 15/03/2019, pour une durée de 6 ans un appartement situé [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel de 730 euros, outre une provision sur charges de 60 euros.

La bailleresse a fait délivrer à la locataire trois commandements de payer visant la clause résolutoire :

– un commandement de payer en date du 15 juin 2020 pour règlement de la somme de 3.101,34 euros,

– un commandement de payer en date du 20 octobre 2020 pour règlement de la somme de 1.7867,86 euros,

– un commandement de payer en date du 25 février 2021 pour le paiement de la somme de 2.571,07 euros.

Suivant exploit d’huissier en date à Fort-de-France du 02 juin 2021, la société CYTHERE 502 a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France, statuant en référé, aux fins de le voir :

– Constater l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail signé les 14 et 15 mars 2019, entre la SCI CYTHERE 502 et Madame [C] [U], portant sur un appartement de type T3, portant numéro B105 au premier étage du bâtiment B, [Adresse 2],

– Ordonner l’expulsion de Madame [C] [U], et de tout occupant de son chef du bien sis appartement de type T3, portant numéro B105 au premier étage du bâtiment B, [Adresse 2],

– Dire que Madame [C] [U] sera tenue au paiement d’une indemnité d’occupation du montant du loyer, soit 730 + 30 euros jusqu’à libération complète des lieux,

– Condamner Madame [C] [U] à payer à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel, la somme de 4.179,30 euros au titre des loyers et charges impayés, actualisés au jour de la délivrance de l’assignation, somme qui sera majorée de 10% conformément à la clause pénale contenue dans le bail,

– Dire que le dépôt de garantie versé par la locataire, en garantie de l’exécution de ses obligations locatives égal à un mois de loyer en principal, soit la somme de 730 euros sera conservé par le bailleur,

– Condamner Madame [C] [U] au paiement de la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance du 14 janvier 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu les 14 et 15 mars 2019 entre la SCI CYTHERE 502 et Mme [U] [C] concernant un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2] sont réunies à la date du ;

ORDONNE en conséquence à Mme [U] [C] de libérer les lieux et de restituer les clés dès la signification dela présente ordonnance ;

DIT qu’à défaut pour Mme [U] [C] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SCI CYTHERE 502 pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

CONDAMNE Mme [U] [C] à verser à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel la somme de 4 825,88 euros selon décompte arrêté au 22 novembre 2021, en deniers ou quittances des règlements effectués et encaissés, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 2 390, 88 euros à compter du commandement de payer du 25 février 2021, sur la somme de 4 179, 30 euros à compter de l’assignation du 02juin 2021 et à compter de la présente ordonnance pour le surplus ;

DIT que la somme de 730 euros versée à titre de dépôt de garantie sera déduite des sommes restant dues ;

DEBOUTE la SCI CYTHERE 502 de sa demande au titre dela clause pénale ;

CONDAMNE Mme [U] [C] à verser à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel une indemnité mensuelle d’occupation à compter du 1er janvier 2022 etjusqu’à la date dela libération définitive des lieux et la restitution des clés ;

FIXE cette indemnite mensuelle d’occupation au montant mensuel du loyer et des charges, calculés tels que si le contrat s’étaít poursuivi ;

DEBOUTE Mme [U] [C] de sa demande de délais de paiement ;

CONDAMNE Mme [U] [C] à verser àla SCI CYTHERE 502 une somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [U] [C] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de l’assignation en référé et de sa notification à la préfecture ;

RAPPELLE que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2022, Madame [C] [T] [L] [U] a critiqué tous les chefs de l’ordonnance rendue le 14 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judicaire de Fort-de-France, sauf en ce qu’il a débouté la SCI CYTHERE 502 de sa demande au titre de la clause pénale, a fixé l’indemnité mensuelle d’occupation au montant mensuel du loyer et des charges, calculés tels que si le contrat s’était poursuivi, et a rappelé que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Dans des conclusions d’appel III en date du 10 juin 2022, Madame [C] [T] [L] [U] demande à la cour de :

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires ;

Vu les dispositions des articles 905-1 (alinéas 2-3-4) et 914 du code de procédure civile ;

JUGER la société CYTHERE 502 irrecevable, en ses demandes tendant à voir la cour statuer sur une irrecevabilité de conclusions versées par l’appelante ;

Subsidiairement l’en dire mal fondée ;

Vu les dispositions des articles 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 ;

Vu le décret du 09 mai 2017 n°2017-923 ;

Vu les dispositions de l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 ;

Vu les dispositions de l’article 1343-5 du Code civil ;

– Réformer la décision entreprise en ce qu’elle a ;

– Constaté que les conditions de l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu les 14 et 15 mars 2019 entre la SCI CYTHERE 502 et Madame [U] [C] concernant

un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2] sont réunies ;

– Ordonné en conséquence à Madame [U] [C] de libérer les lieux et de restituer les clés dès la signification de la présente ordonnance ;

– Dit qu’à défaut pour Madame [U] [C] de libérer les lieux et de restituer les clés dans ce délai, la SCI CYTHERE 502 pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

– Condamné Madame [U] [C] à verser à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel la somme de 4.825,88 euros selon décompte arrêté au 22 novembre 2021, en deniers ou quittances des règlements effectués et encaissés, avec les intérêts au taux légal sur la somme 2.390,88 euros à compter du commandement de payer du 25 février 2021, sur la somme de 4.179,30 Euros à compter de l’assignation du 02 juin 2021 et à compter de la présente ordonnance,

– Dit que la somme de 730 euros versée à titre de dépôt de garantie sera déduite des sommes restant dues ;

– Débouté la SCI Cythère de sa demande au titre de la clause pénale ;

– Condamné Madame [U] [C] à verser à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel une somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné Madame [U] [C] aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer de l’assignation en référé et de sa notification en préfecture.

Et statuant de nouveau :

– Accorder à Madame [U] les plus larges délais pour s’acquitter de la somme de 2.350,31 euros en principal, assortie des frais et accessoires, arrêtée au jour de l’audience de plaidoirie ;

– Subordonner en tant que de besoin, cette mesure à l’accomplissement par Madame [U], d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ;

– Juger que Madame [U] devra en outre, assurer le règlement des loyers courants ;

– Débouter la société CYTHERE 502 de ses demandes d’expulsion ;

– Débouter la société CYTHERE 502 de ses demandes de paiement ;

– Condamner la société CYTHERE 502 au paiement de la somme de 1 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Madame [C] [T] [L] [U] soutient qu’elle a sollicité la réformation de la décision entreprise et que l’irrecevabilité de conclusions pour non-respect des délais par un concluant relève du pouvoir du président de chambre, saisi par conclusions spécialement motivées, et non de l’appréciation de la cour. Madame [C] [T] [L] [U] expose que le commandement de payer délivré le 15 juin 2020 a contrevenu aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, de sorte que la bailleresse a pratiqué à l’endroit de la locataire un acte malveillant et de pure mauvaise foi. Elle fait valoir que le document d’information prévu par le décret n°2017-923 du 09 mai 2017 ne lui a pas été remis concomitamment à l’assignation, alors que la remise de ce document d’information est obligatoire et que cette défaillance a privé la locataire des effets de ce document, à savoir connaître les droits qui s’offrent à elle. Madame [C] [T] [L] [U] indique également qu’elle a effectué plusieurs versements, ramenant le montant de la dette locative à la somme de 2.350,31 euros au 09 décembre 2021.

Par ailleurs, Madame [C] [T] [L] [U] sollicite des délais de paiement sur le fondement des dispositions de l’article 1343-5 du code civil. Elle ajoute que l’octroi de délais de paiement peut être subordonné à la remise d’un cautionnement.

Dans ses conclusions d’appel contenant appel incident en date du 09 juin 2022, la société dénommée CYTHERE 502 demande à la cour de :

– Confirmer l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions, sauf à actualiser la dette de loyers et sauf en ce qu’elle a rejeté l’application de la clause pénale.

Statuant à nouveau sur ce chef,

– Condamner Madame [C] [U] à payer à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel, de la somme de 3.060,91 euros au titre des loyers et charges impayés actualisés, somme qui sera majorée de 10% conformément à la clause pénale contenue dans le bail ;

– Condamner Madame [C] [U] au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SCI CYTHERE 502 expose que Madame [C] [U] a demandé la confirmation de l’ordonnance entreprise. Elle fait valoir que le dispositif des premières conclusions n’est plus régularisable, de sorte que la cour devra confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de la locataire avec fixation d’une indemnité d’occupation à hauteur du montant du loyer contractuel. Elle soutient que la clause résolutoire contenue dans le bail est acquise, faute de règlement des causes du

commandement de payer visant la clause résolutoire du 25 février 2021, passé le délai de deux mois. La SCI CYTHERE 502 sollicite également la confirmation de la décision de première instance en ce ce qu’elle a condamné Madame [C] [U] au paiement, à titre provisionnel, des loyers et charges impayés actualisés à la somme de 3.060,91 euros, ainsi que le rejet de la demande de délais de paiement en l’absence de pièces justificatives produites par la débitrice. Enfin, elle demande à la cour de majorer de 10% le montant de la dette locative conformément à la clause pénale contenue dans le bail.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 juin 2022 à 10H30.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.

L’affaire a été plaidée le 10 juin 2022. La décision a été mise en délibéré au 13 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle que les demandes tendant à voir dire, juger et constater ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile de sorte qu’il n’en sera pas fait mention dans le dispositif.

Sur la recevabilité des conclusions.

L’article 905 du code de procédure civile dispose que le président de la chambre saisi fixe les jours et heures auxquels l’affaire sera appelée à bref délai, lorsque l’appel est notamment relatif à une ordonnance de référé.

En l’espèce et s’agissant d’un appel relatif à une ordonnance de référé du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France rendue le 14 janvier 2022, la présidente de la chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Fort-de-France a fixé le 19 mai 2022 l’audience de plaidoirie au 10 juin 2022 et a reporté la clôture qui devait intervenir intialement le 19 mai 2022, au 10 juin 2022, l’affaire étant appelée en circuit court.

Aux termes de l’article 905-2 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

Seule la force majeure peut permettre d’écarter l’application des sanctions prévues par l’article 905-2, conformément aux dispositions de l’article 910-3 du code de procédure civile.

La cour d’appel peut, d’office, relever l’irrecevabilité des conclusions d’une partie.

Il lui appartient également de statuer, à défaut de saisine du président de chambre dans le cadre d’une saisine à bref délai, sur la recevabilité des conclusions de l’intimé à un appel incident déposées dans le cadre du respect des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile.

En l’espèce, la SCI CYTHERE 502 sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise. Elle fait valoir que le dispositif des premières conclusions d’appel n’est plus régularisable, de sorte que la cour devra confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de la locataire avec fixation d’une indemnité d’occupation à hauteur du montant du loyer contractuel.

Par note transmise aux parties par RPVJ le 19 mai 2022, la présidente de la chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Fort-de-France a invité Madame [C] [T] [L] [U] à faire des observations sur l’irrecevabilité des conclusions qu’elle souhaite prendre, l’appel incident ayant été notifié le 08 avril 2022, de sorte que Madame [C] [T] [L] [U] aurait dû conclure avant le 10 mai 2022. La présidente de la chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Fort-de-France a indiqué aux parties que, en application des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile, elle entend soulever cette irrecevabilité et leur a précisé qu’elles pouvaient formuler des observations sur ce point avant le 09 juin 2022, la clôture étant reportée au 10 juin 2022.

Force est de constater que la SCI CYTHERE 502 a présenté ses observations sous forme de nouvelles conclusions d’appel contenant appel incident en date du 09 juin 2022, alors que Madame [C] [T] [L] [U] a présenté ses observations le 08 juin 2022, avant de conclure à deux reprises respectivement les 08 juin 2022 et 10 juin 2022.

En l’espèce, il sera d’abord rappelé que, si les dispositions précitées prévoient la compétence du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président pour statuer sur l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé à l’appel incident, ces textes ne prévoient pas, contrairement à ce qu’indique l’article 914 du code de procédure civile pour les décisions du conseiller de la mise en état, que les parties ne seraient plus recevables, devant la cour, à invoquer l’irrecevabilité.

De surcroît, la cour relève que, l’affaire ayant été orientée à bref délai selon avis de la présidente de chambre en date du 14 mars 2022, le conseiller de la mise en état n’a pas été saisi.

Il y a donc lieu, pour la cour, de statuer sur la question de la recevabilité des conclusions d’appel II et III de Madame [C] [T] [L] [U], au regard des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile.

Le conseil de Madame [C] [T] [L] [U] évoque un cas de force majeure en raison de l’agression dont a été victime sa fille qui l’a obligée à la déscolariser et à l’inscrire dans un autre établissement scolaire, et en raison du décès de sa tante.

Constitue, au sens de l’article 910-3 du code de procédure civile, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

La cour relève que les évènements familiaux auxquels a été confronté le conseil de l’appelante ont revêtu un caractère insurmontable. Ce cas de force majeure invoqué par le conseil de Madame [C] [T] [L] [U] n’a pas fait l’objet d’une contestation par la partie adverse. Dès lors, la force majeure sera retenue et l’application des sanctions prévues à l’article 905-2 du code de procédure civile sera écartée.

En conséquence, seront déclarées recevables :

– les conclusions II notifiées par RPVA le 08 juin 2022 et les conclusions III notifiées par RPVA le 10 juin 2022 par l’appelante;

– les conclusions d’appel contenant appel incident notifiées par RPVA le 09 juin 2022 par l’intimée.

Sur l’irrégularité de la procédure.

Madame [C] [T] [L] [U] fait valoir que la procédure aux fins de constat d’acquisition de la clause résolutoire est irrégulière pour non-respect des dispositions de l’article 24 II de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 et de l’article 1er du décret n° 2017-923 du 09 mai 2017.

Sur ce point, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs moyens de première instance. En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties pour rejeter le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure soulevé par l’appelante. Ce moyen sera déclaré inopérant. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Sur l’acquisition des effets de la clause résolutoire.

Aux termes de l’article 24 I de la loi du 06 juillet 1989, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le commandement de payer contient, à peine de nullité :

1° La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ;

2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;

3° Le décompte de la dette ;

(…)

Le bail conclu entre les parties les 14 et 15 mars 2019 contient une clause résolutoire (article 10) et un commandement de payer visant cette clause résolutoire a été signifié le 25 février 2021, pour la somme en principal de 2.390,88 euros en principal. Ce commandement de payer est demeuré infructueux pendant plus de deux mois.

En conséquence, les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu les 14 et 15 mars 2019 étaient réunies au 25 avril 2021. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Sur la dette locative.

L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article 7 de la loi du 06 juillet 1989 dispose que le locataire est obligé :

a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus (…).

b) D’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement.

d) De prendre à sa charge l’entretien courant du logement des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure (…).

e) De permettre l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution de travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l’entretien normal des locaux loués, de travaux d’amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux (…).

f) De ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l’accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l’état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d’exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l’état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local.

g) De s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur. La justification de cette assurance résulte de la remise au bailleur d’une attestation de l’assureur ou de son représentant. Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux (…).

Dans ses dernières conclusions, la SCI CYTHERE 502 a précisé que la dette locative de Madame [C] [U] s’élève désormais à la somme de 2.145,79 euros. Toutefois, l’appelante fait valoir à juste titre que, dans son décompte, le bailleur a intégré le montant des frais irrépétibles qui lui ont été alloués en première instance, de sorte que le montant de la dette locative arrêtée au 1er juin 2022 s’élève en réalité à la somme de 1.545,79 euros.

En conséquence, Madame [C] [T] [L] [U] sera condamnée à verser à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel la somme de 1.545,79 euros, selon décompte arrêté au 1er juin 2022, en deniers ou quittances des règlements effectués et encaissés, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 25 février 2021. La décision de première instance sera infirmée sur ce point.

Sur la clause pénale.

L’article 1231-5 du code civil dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

La SCI CYTHERE 502 sollicite que la somme due au titre des loyers et charges impayés actualisés soit majorée de 10% conformément à la clause pénale contenue dans le bail.

En l’espèce, les parties avaient convenu au bail que, pour couvrir le bailleur des frais supplémentaires qu’aura entraîné pour lui la mise en recouvrement d’un avis d’échéance de loyer resté impayé,

celui-ci sera majoré de 10% du montant de toutes sommes dues par le preneur, à titre de dommages et intérêts au sens des articles 1146 et suivants du code civil, et non compris les frais de justice éventuels qui seront intégralement à la charge du locataire et les intérêts au taux légal à compter des échéances contractuelles.

La cour relève que la bailleresse ne justifie pas avoir engagé des frais de recouvrement distincts des frais de justice, de sorte qu’elle ne saurait réclamer des dommages et intérêts.

Dès lors, la SCI CYTHERE 502 sera déboutée de sa demande en paiement au titre de la majoration de 10%. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Sur les délais de paiement.

L’article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

L’article 24 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, permet au juge même d’office d’accorder des délais de paiement, dans la limite de trois années et dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du Code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus pendant ce délai. Si le locataire se libère dans les conditions définies par le juge, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué.

L’appelante sollicite un échelonnement de sa créance sur une période de 24 mois, ce à quoi l’intimée a déclaré s’opposer.

La cour relève que, depuis six mois, Madame [C] [T] [L] [U] a consenti des efforts importants aux d’apurer de manière significative sa dette locative.

Par ailleurs, Madame [C] [T] [L] [U] justifie bénéficier actuellement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

Dans ces conditions, il sera accordé à la débitrice des délais de paiement selon des modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt. La décision de première instance sera infirmée sur ce point.

Les effets de la clause de résiliation de plein droit seront suspendus pendant ce délai. Si la locataire se libère dans les conditions définies par la cour d’appel, la clause de résiliation est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, la totalité de la somme due deviendra immédiatement exigible.

Les dispositions de l’ordonnance du 14 janvier 2022 relatives à la libération des lieux, l’expulsion du locataire, à la déduction du montant du dépôt de garantie des sommes restant dues et la condamnation à paiement d’une indemnité d’occupation seront confirmées, étant précisé que leur exécution n’interviendra qu’en cas de non respect des modalités de paiement des loyers et charges impayés et que, dans ce cas, l’indemnité d’occupation mensuelle sera égale au montant du loyer mensuel révisé augmenté des charges, qui aurait été payé en cas de non résiliation du bail et ce jusqu’à la libération effective des lieux.

Sur les demandes accessoires.

Les dispositions de l’ordonnance déférée sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

Il sera alloué à la SCI CYTHERE 502 la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles dans le cadre de la présente procédure.

Succombant, Madame [C] [T] [L] [U] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en référé, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE recevables les conclusions d’appel II et III de Madame [C] [T] [L] [U] ;

DECLARE recevables les conclusions d’appel contenant appel incident de la SCI CYTHERE 502 ;

INFIRME l’ordonnance rendue le 14 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Fort-de-France dont appel, sauf en ses dispositions relatives à l’acquisition de la clause résolutoire du bail et aux conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire du bail, à savoir la libération des lieux, à défaut l’expulsion de la locataire, la déduction du montant du dépôt de garantie des sommes restant dues et la condamnation à paiement d’une indemnité d’occupation, aux dépens et frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE Madame [C] [T] [L] [U] à verser à la SCI CYTHERE 502 à titre provisionnel la somme de 1.545,79 euros, selon décompte arrêté au 1er juin 2022, en deniers ou quittances des règlements effectués et encaissés, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 25 février 2021 ;

AUTORISE Madame [C] [T] [L] [U] à s’acquitter de cette somme par 24 mensualités de 64,40 euros chacune, la 24ème mensualité soldant la totalité de la dette en principal et intérêts, chaque mensualité devant être réglée en sus du paiement de l’indemnité mensuelle d’occupation, avant le cinq de chaque mois, la première mensualité étant versée le mois suivant la signification du présent arrêt ;

DIT qu’à défaut de paiement d’une mensualité à sa date, le solde de la dette sera immédiatement exigible ;

SUSPEND les effets de la clause résolutoire du bail ;

DIT qu’en cas de respect des modalités de règlement de la dette susvisées, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué, le bail reprenant son cours ;

DIT qu’à défaut de paiement d’une mensualité à sa date, les effets de cette clause résolutoire tels qu’ordonnés par la décision entreprise reprendront leur plein effet ;

Y ajoutant,

DIT que, dans le cas où les effets de la clause résolutoire reprennent leur plein effet pour non-respect des modalités de règlement susvisées, l’indemnité d’occupation mensuelle sera égale au montant du loyer mensuel révisé augmenté des charges, qui aurait été payé en cas de non résiliation du bail et ce jusqu’à la libération effective des lieux ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

CONDAMNE Madame [C] [T] [L] [U] à payer à la SCI CYTHERE 502 la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [C] [T] [L] [U] aux dépens de la présente instance.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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