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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51D
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 OCTOBRE 2022
N° RG 22/00773 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U7UX
AFFAIRE :
[F] [V]
C/
L’OFFICE DE L’HABITAT DE [Localité 5] – OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – EPT [Localité 4]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2022 par le Juge de l’exécution de NANTERRE
N° RG : 21/06649
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 13.10.2022
à :
Me Karema OUGHCHA, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Muriel MIE de la SCP CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [F] [V]
Né le 24 Novembre 1980 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Karema OUGHCHA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 285A
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000944 du 25/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT
****************
L’OFFICE DE L’HABITAT DE [Localité 5] – OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – EPT [Localité 4]
Anciennement dénommé L’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE LA COMMUNE DE [Localité 5]
N° Siret : 279 200 406 (RCS Nanterre)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Muriel MIE de la SCP CENTAURE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 194
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par arrêt en date du 1er juin 2021, la cour d’appel de Versailles, infirmant un jugement en sens contraire du tribunal d’instance de Puteaux, a prononcé la résiliation judiciaire, aux torts exclusifs du locataire, du bail d’un appartement sis [Adresse 1], consenti le 7 avril 2014 par l’OHP ‘ Office de l’Habitat de [Localité 5] à M. [V], et a ordonné, en conséquence, l’expulsion de ce dernier des lieux loués.
La décision a été signifiée à M. [V] le 12 juillet 2021 et, par acte d’huissier du même jour, un commandement de quitter les lieux lui a été signifié à la demande de l’Office.
Saisi par M. [V] d’une demande de délai pour quitter les lieux, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre, par jugement contradictoire rendu le 18 janvier 2022, a :
accordé à M. [V] un délai jusqu’au 18 mai 2022 inclus pour quitter l’appartement qu’il occupe au [Adresse 1] ;
laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens et ses frais en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
rejeté le surplus des demandes ;
rappelé que [sa] décision est de plein droit exécutoire par provision.
Le 8 février 2022,’M. [V] a relevé appel de cette décision.
Il a, par ailleurs, vainement sollicité du magistrat délégué par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Versailles, statuant en matière de référé, qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 21 juin 2022, avec fixation de la date des plaidoiries au 8 septembre 2022.
Aux termes de ses premières et dernières conclusions remises au greffe le 25 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [V], appelant, demande à la cour de :
infirmer la décision du juge de l’exécution de Nanterre du 18 janvier 2022,
Y faisant droit,
lui accorder un délai de 30 mois pour quitter les lieux sis [Adresse 1],
condamner l’OHP aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 29 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’Office de l’Habitat de [Localité 5], Office Public de l’Habitat, EPT [Localité 4], anciennement dénommé l’Office Public de l’Habitat de la commune de [Localité 5], intimé, demande à la cour de :
prendre acte des troubles graves au voisinage ayant fondé la décision de résiliation du bail d’habitation de l’appelant ;
confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nanterre le 18 janvier 2022 ;
rejeter la demande d’un délai de 30 mois pour quitter les lieux ;
En tout état de cause :
condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
condamner M. [V] aux entiers dépens.
Le 1er juillet 2022, M. [V] a déposé, à l’adresse de la cour, des conclusions aux fins de révocation de la clôture.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de la clôture
M. [V], aux termes de ses conclusions signifiées le 1er juillet 2022, demande à la cour, au visa de l’article 803 du code de procédure civile, d’ordonner le rabat de la clôture, et de fixer une nouvelle date de clôture, lui permettant d’apporter de nouveaux éléments.
Il expose que la clôture a été prononcée alors qu’il avait sollicité la veille, par le biais de son conseil, un report de celle-ci, pour pouvoir communiquer de nouvelles pièces importantes, et qu’il souhaite répliquer aux dernières conclusions adverses, et communiquer les pièces en question, qui sont essentielles pour la résolution du litige.
L’intimé n’a pas conclu sur cette demande.
En vertu de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
A titre liminaire, il sera rappelé que le report de la clôture à la demande de l’une des parties n’est qu’une faculté, et non une obligation.
Ensuite, M. [V] n’explique en rien pour quelle raison il n’était pas en mesure de répliquer avant le 21 juin 2022 aux conclusions de son adversaire, que celui-ci lui avait notifiées près de deux mois plus tôt, le 29 avril 2022, et alors au surplus qu’il savait depuis le 28 février 2022, date à laquelle lui a été envoyé un avis de fixation de l’affaire, que la clôture interviendrait le 21 juin 2022.
De la même manière, il n’explique pas pour quel motif il ne lui était pas possible de produire ses pièces complémentaires avant la date fixée pour la clôture de la procédure, alors qu’à l’exception de deux d’entre elles ( une attestation de paiement de la CAF, datée du 28 juin 2022, portant sur les prestations perçues au mois de mai 2022, qui constitue manifestement un document que M. [V] reçoit chaque mois, de sorte qu’il pouvait parfaitement produire celui du mois précédent, et une copie d’une lettre datée du 27 juin 2022 adressée par M. [V] lui-même au secrétariat de la commission de médiation DALO des Hauts de Seine, en réponse à un courrier reçu à ses dires trois semaines plus tôt), toutes les pièces produites sont antérieures à cette date du 21 juin 2022.
Ainsi, M. [V] ne justifie d’aucune cause grave permettant qu’il soit fait droit à sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture.
Cette demande est donc rejetée, et la cour statuera au vu des conclusions notifiées par M. [V] le 25 mars 2022, visées ci-dessus.
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Au soutien de ses demandes,’M. [V] fait valoir’:
que c’est à tort que le juge de l’exécution a indiqué qu’il n’était pas possible de confirmer qu’il n’avait pas d’autre revenu que le RSA, alors que sa déclaration de revenus 2020 comporte toutes les informations utiles, et indique bien, en dernière page, qu’il est enregistré en qualité de profession non salariée et que son revenu est de 0,
que nonobstant le caractère définitif de la décision du 1er juin 2020, il conteste les faits qui lui sont reprochés ; qu’en tout état de cause, l’Office de l’Habitat de [Localité 5] de justifie pas de nouveaux troubles causés depuis cette date ;
qu’il est totalement de bonne volonté dans l’exécution de ses obligations de locataire, et est à jour de ses loyers ;
qu’il effectue des diligences pour se reloger : dépôt d’une demande de logement social dès réception de l’arrêt de la cour d’appel, recours amiable devant la commission DALO’; sachant qu’il ne peut se reloger dans le parc privé, en dépit de ses tentatives en ce sens, eu égard à l’insuffisance de ses ressources financières ;
qu’une expulsion à compter du 18 mai 2022 aurait pour lui des conséquences manifestement excessives, puisque compte tenu de sa situation, il ne pourra trouver immédiatement un autre logement ;
qu’eu égard à ses projets professionnels en cours, il serait susceptible d’atteindre une réelle autonomie financière dans 24 à 30 mois,
qu’il serait donc disproportionné de prononcer son expulsion, au regard de sa situation financière et de sa bonne foi.
L’Office Public de l’Habitat de [Localité 5] fait valoir’pour sa part :
que la bonne foi de M. [V] et l’exécution conforme de ses obligations contractuelles ne sauraient être retenues’; qu’en effet, ce dernier est responsable depuis 2016 de graves troubles du voisinage, attestés par des plaintes, main-courantes, constat d’huissier’; que surtout, ces manquements graves et réitérés ont perduré après l’introduction de la procédure aux fins de résiliation, et de manière continue’; que les manquements graves du locataire à la loi et à ses obligations contractuelles, causant des nuisances réitérées à la tranquillité du voisinage, constituent des abus de jouissance importants et intolérables ;
que les diligences de recherche de logement de M. [V] sont légères puisqu’il ne justifie pas avoir tenté de trouver des solutions de relogement auprès de ses proches’;
que M. [V] allègue être sans ressources, mais ne démontre en aucun cas rechercher un emploi, ni ne justifie de l’évolution de sa situation professionnelle alors qu’il indiquait devant le juge de l’exécution être en train de monter une entreprise ;
que les prétendues conséquences manifestement excessives ne sont pas opérantes en appel d’un jugement du juge de l’exécution’; qu’en outre, il appartient au demandeur de rapporter la preuve des dites conséquences ; qu’au regard de la jurisprudence, l’expulsion ne constitue pas en elle-même une conséquence manifestement excessive’;
que le commandement de quitter les lieux a déjà près d’un an.
En vertu de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Selon l’article L.412-4 du même code, la durée de ces délais ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Le premier juge a relevé que M. [V] avait entrepris des démarches rapidement en vue de se reloger, à la suite du commandement de quitter les lieux qui lui a été délivré le 12 juillet 2021, notamment en déposant une demande de logement social, dans 7 communes, le 21 juillet 2021, et en menant des recherches dans le secteur privé.
Les justificatifs afférents sont également produits en cause d’appel, où il est justifié de recherches dans le parc privé jusqu’en février 2022, et de l’engagement par M. [V] d’un recours DALO.
Il ressort par ailleurs des éléments produits par M. [V] que celui ci est sans revenus puisqu’il perçoit une allocation de logement de la CAF, ainsi que le RSA.
Il est donc acquis aux débats que M. [V] ne peut se reloger dans des conditions normales.
Pour l’octroi des délais, comme rappelé en première instance, il appartient au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires, en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Il résulte de la lecture de l’arrêt ayant prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de M. [V] que l’obligation dont l’inexécution était en cause est celle d’user paisiblement des locaux loués, suivant la destination qui leur a été donnée.
L’arrêt a retenu que M. [V] était à l’origine, de désordres consistant essentiellement en des cris et des activités bruyantes au milieu de la nuit, répétés sur plusieurs années.
En conséquence, quand bien même M. [V] est à jour de son loyer, ainsi qu’il le fait valoir, c’est essentiellement cette obligation d’occupation paisible dont l’exécution importe pour apprécier si des délais peuvent lui être octroyés, et en l’espèce, d’une durée supérieure à ceux de quatre mois déjà accordés, puisque l’Office intimé ne sollicite pas l’infirmation de la décision du juge de l’exécution.
M. [V], qui demande un délai supérieur à celui accordé, n’apporte aucun élément de nature à justifier que les troubles dont il était à l’origine ont cessé, et qu’il respecte, désormais, l’obligation de jouissance paisible des lieux à laquelle il est soumis.
Et ce alors que le bailleur produit pour sa part un courrier électronique en date du 22 avril 2022 de la gardienne de la résidence où il habite, qui fait état d’une visite de l’agent de sécurité, le 16 mars, faisant suite à un signalement fait par ses soins concernant M. [V], qui avait ‘une fois de plus importuné Madame [D] [H] sa voisine, entre 21 h 30 et 00 h 00 environ’, laquelle ‘était à bout de nerfs car elle vit celui (sic) depuis plus de 4 ans.’, étant précisé que Mme [D] est mentionnée dans l’arrêt du 1er juin 2021 comme étant l’une des résidentes s’étant plaintes des nuisances provoquées par M. [V], son voisin du dessus.
M. [V], âgé de 41 ans au jour où la cour statue, ne justifie pas, par ailleurs, des démarches qu’il a entreprises en vue de redresser sa situation professionnelle et financière, dans l’objectif, notamment, de faciliter son relogement.
Enfin, rappel fait que l’arrêt qui a ordonné l’expulsion de M. [V] du logement qu’il occupe a été rendu le 1er juin 2021, M. [V] a bénéficié, de fait, en se voyant allouer un délai jusqu’au 18 mai 2022 pour quitter les lieux, d’un délai de plus d’une année, et même au delà puisqu’à ce jour il se maintient dans les lieux.
De l’ensemble de ces éléments il ressort que le premier juge a fait une exacte appréciation des intérêts en présence en statuant comme il l’a fait, sans encourir le grief tiré d’une prétendue disproportion, de sorte que sa décision mérite confirmation.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’Office de l’Habitat de [Localité 5] les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés en cause d’appel ; aussi sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
M. [V] supportera en revanche les dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Dit qu’il n’y a pas lieu de révoquer la clôture ordonnée le 21 juin 2022 ;
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 18 janvier 2022 ;
Y ajoutant,
Déboute l’OHP – Office de l’Habitat de [Localité 5], de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [V] aux dépens de l’appel.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller pour le Président empêché et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,