Bail d’habitation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00017

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Bail d’habitation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00017
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 13 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/00017 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E4VT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G. n° 1120000469, en date du 24 juin 2021 rectifié par jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’EPINAL R.G. n° 11-21-000456 du 22 juillet 2021

APPELANTE :

Madame [P], [S], [B] [X],

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 8], de nationalité française, inspecteur des finances publiques, domiciliée [Adresse 4]

Représentée par Me Stéphane GIURANNA de la SELARL GIURANNA & IOGNA-PRAT, avocat au barreau D’EPINAL

INTIMÉ :

Monsieur [O] [L]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 7] (54), avocat, domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Christophe GUITTON de la SELARL GUITTON GROSSET BLANDIN, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, chargé du rapport, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d’appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Avril 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [L] est propriétaire d’une maison située [Adresse 6] à [Localité 5] depuis décembre 2016. Ce logement est occupé par Mme [P] [X] depuis, au moins, le mois de mai 2017.

M. [L] et Mme [X] ont entretenu une relation amoureuse à laquelle ils ont mis fin en juin 2020.

Par acte d’huissier de justice du 10 septembre 2020, M. [L] a fait assigner Mme [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, prononcer la résiliation du bail d’habitation conclu avec Mme [X] le 25 mars 2017, ordonner son expulsion, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, la condamner à lui payer la somme de 16 320 euros au titre de l’arriéré de loyers arrêté au 22 août 2020, la condamner à payer une indemnité mensuelle d’occupation de 885 euros dans les mêmes conditions que le loyer prévu au bail, et ce jusqu’à complète libération des lieux, la condamner à lui payer la somme de 4 131,85 euros au titre d’arriérés d’un contrat de prêt en date du 23 mars 2016.

En réplique, Mme [X] a conclu au débouté de M. [L] et a demandé reconventionnellement sa condamnation à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à sa réputation et en compensation de la perte de salaire subie pour passer du temps avec lui.

Par jugement contradictoire du 24 juin 2021, le tribunal judiciaire d’Epinal a :

– condamné Mme [X] à payer à M. [L] la somme de 16 320 euros représentant l’arriéré locatif arrêté au 22 août 2020, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2020 sur la somme de 14 165 euros, et à compter du 10 septembre 2020 sur le surplus,

– déclaré irrecevable la demande relative à la résiliation du bail et à l’expulsion formée par M. [L] sur le fondement des loyers impayés,

– constaté, sur le fondement du défaut d’assurance, la résiliation du bail conclu le 25 mars 2017 entre M. [L] d’une part et Mme [X] d’autre part, portant sur la maison située [Adresse 6] à [Localité 5] à compter du 23 juillet 2020,

– dit qu’à défaut pour Mme [X] d’avoir libéré les lieux 2 mois après la signification du commandement d’avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais de l’expulsé dans tel garde meuble désigné par ces derniers ou à défaut par le bailleur, conformément aux dispositions de l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– débouté M. [L] de sa demande d’astreinte,

– condamné Mme [X] à payer à M. [L] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant mensuel du loyer et charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail, soit 855 euros, à compter du 1er septembre 2020, et ce jusqu’à la libération effective des lieux,

– dit que cette indemnité sera payable et révisable selon les mêmes modalités que le loyer initial et que le bailleur pourra procéder à la régularisation des charges au sens de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 sur production des justificatifs,

– débouté Mme [X] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit,

– condamné Mme [X] aux dépens.

Par jugement en rectification d’erreur matérielle du 22 juillet 2021, le tribunal judiciaire d’Epinal a :

– rectifié le jugement du 24 juin 2021 en ce sens qu’il convient de mentionner dans le dispositif, à la fin de la page 9, la condamnation figurant à la page 8 dans les termes suivants : ‘condamne Mme [X] à payer à M. [L] la somme de 3 170 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 2% à compter du 10 septembre 2020″,

– dit que la présente décision modificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement du 24 juin 2021,

– dit que la présente décision modificative sera notifiée comme le jugement,

– dit que les dépens de l’instance rectificative seront supportés par le Trésor.

Par déclaration enregistrée le 5 janvier 2021, Mme [X] a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions.

Par conclusions déposées le 30 janvier 2023, Mme [X] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection d’Epinal en date du 24 juin 2021, rectifié par jugement 22 juillet 2021 rendu par la même juridiction,

Et statuant à nouveau,

A titre principal

– juger M. [L] irrecevable en ses demandes,

– débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

– débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,

– juger que la somme à laquelle elle pourrait être condamnée ne saurait excéder un montant de 614,09 euros,

– juger irrecevable la demande de M. [L] formée au titre d’un prétendu crédit,

– débouter M. [L] de toutes demandes au titre du crédit invoqué,

En tout état de cause,

– condamner M. [L] à payer à Mme [X] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– débouter M. [L] de sa demande nouvelle de voir condamner Mme [X] d’avoir à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner M. [L], en deniers ou quittance, à rembourser Mme [X] quant au trop-perçu par lui,

– condamner M. [L] d’avoir à payer à Mme [X] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [L] aux entiers dépens, en ce compris ceux relatifs à la première instance.

A l’appui de son appel, Mme [X] expose :

– qu’elle a vécu en concubinage avec M. [L], de sorte que le sort des rapports financiers entre les ex-concubins relève de la compétence unique du juge aux affaires familiales et que les demandes formées par M. [L] devant le juge des contentieux de la protection sont dès lors irrecevables,

– qu’eu égard à leur situation de concubinage notoire, M. [L] a mis à sa disposition, à titre gratuit, la maison dont il est propriétaire à [Adresse 6],

– qu’elle est dans l’impossibilité morale de se constituer un écrit contre le bail écrit dont M. [L] se prévaut, mais ce dernier lui réclame le paiement de loyers sans pouvoir justifier d’aucune mise en demeure de les payer et le contrat de bail qu’il produit est affecté de plusieurs contradictions,

– que la demande en remboursement de prêt formée par M. [L] est irrecevable en application de l’article 910-4 du code de procédure civile car elle est formulée dans ses dernières conclusions déposées le 27 janvier 2023, mais elle ne l’était pas dans ses premières conclusions d’intimé,

– qu’en ce qui concerne le paiement des loyers, il convient de tenir compte de la prescription triennale, de ses versements mensuels de 155 euros, de ses versements ponctuels de 3 500 euros en janvier 2018, de 10 000 euros en juillet 2018, de 500 euros par mois d’octobre 2019 à juillet 2020 et des règlements de travaux qu’elle a effectués à hauteur de 7 240,91 euros,

– que l’action en expulsion que M. [L] a engagée à son encontre l’a été en réaction à la décision de rompre la relation qu’elle entretenait avec lui, ce qui lui cause un préjudice, d’autant qu’elle s’était engagée dans cette relation et avait même ‘pour ce faire subi une perte de salaire de près de 25 000 euros’ (sic),

– que M. [L] est irrecevable, sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, en sa demande de dommages et intérêts formée pour la première fois en cause d’appel.

Par conclusions déposées le 27 janvier 2023, M. [L] demande à la cour de :

– confirmer les jugements du juge des contentieux et de la protection d’Epinal des 24 juin et 22 juillet 2021 en ce qu’il ont :

– condamné Mme [X] à payer à M. [L] l’arriéré locatif,

– constaté la résiliation du bail conclu le 25 mars 2017 entre M. [L] d’une part, et Mme [X] d’autre part portant sur la maison située [Adresse 6] à [Localité 5] à compter du 23 juillet 2020,

– condamné Mme [X] à payer M. [L] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail soit 855 euros à compter du 1er septembre 2020 et ce jusqu’à libération effective des lieux,

– condamner Mme [X] à payer M. [L] la somme de 3 170 euros outre les intérêts au taux contractuel de 2% à compter du 10 septembre 2020,

– déclarer l’appel incident de M. [L] recevable et bien fondé,

– l’infirmer sur le montant des sommes dues par Mme [X],

En conséquence, et statuant à nouveau,

– fixer le montant final des loyers et indemnités d’occupation dû par Mme [X] à M. [L] à la somme de 19 974 euros, décompte arrêté à la date du 30 juin 2022,

– condamner Mme [X] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– condamner Mme [X] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes, plus amples ou contraires,

– condamner enfin Mme [X] aux entiers dépens.

M. [L] fait valoir :

– que s’il a existé une relation amoureuse entre Mme [X] et lui, il n’y a jamais eu concubinage, ce dernier impliquant une vie commune qui n’a jamais existé,

– que Mme [X] ne peut contester l’existence du bail, alors qu’elle a signé le contrat de location et lui a versé des sommes qu’elle a elle-même qualifiées de loyers,

– qu’il a consenti à Mme [X] un prêt de 11 000 euros remboursable sur six années et au titre duquel elle lui est actuellement encore redevable d’une somme de 4 131,85 euros,

– que les versements faits par Mme [X] doivent s’imputer sur les loyers les plus anciens, de sorte que les dettes locatives les plus anciennes remontent à 2019 et ne sont donc pas atteintes par la prescription,

– que Mme [X] ne justifie pas du paiement des travaux dont elle déduit le coût du montant de sa dette locative,

– que Mme [X] ne cesse de le dénigrer, lui et son entourage, ce qui lui cause un préjudice dont il est fondé à demander réparation,

– que l’appel de Mme [X] est abusif car ses demandes n’ont aucune chance d’aboutir.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de M. [L] devant le juge des contentieux de la protection

Mme [X] considère que les demandes de M. [L] sont irrecevables en ce qu’elles sont formées devant le juge des contentieux de la protection, alors que les dites demandes relèveraient de la seule compétence du juge aux affaires familiales dès lors qu’il s’agirait de statuer sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des concubins, M. [L] contestant pour sa part toute existence d’un concubinage avec Mme [X] et ne reconnaissant avoir eu avec elle, à un moment donné, qu’une simple relation amoureuse.

L’article 515-8 du code civil définit le concubinage comme une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes qui vivent en couple.

En l’espèce, pour justifier l’état de concubinage dont elle se prévaut, Mme [X] produit aux débats :

– une lettre de son père,

– des captures de SMS,

– une facture détaillée de téléphone,

– des billets de croisière MSC,

– un échange de courriers électroniques.

De la lettre de M. [W] [X], père de l’appelante, il ressort que M. [L] est venu ‘manger et coucher’ chez lui.

Des captures de SMS échangés entre la compagne de M. [L] et Mme [X], il semble résulter que des relations sexuelles ont pu exister entre cette dernière et M. [L].

La facture détaillée de téléphone montre que de fin juin à fin juillet 2013, il y a eu de nombreuses communications téléphoniques entre les deux parties.

Les deux billets de croisière MSC attestent que M. [L] et Mme [X] sont partis en croisière ensemble pendant une semaine en mai 2017.

Enfin, les deux courriers électroniques rédigés le 8 juin 2020 par M. [L] montrent les sentiments amoureux qu’il nourrissait alors pour Mme [X].

Si ces éléments prouvent qu’il a effectivement existé une relation amoureuse entre M. [L] et Mme [X], ils ne permettent pas d’établir l’existence d’ ‘une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité’. Les éléments produits par Mme [X] sont au contraire tout à fait compatibles avec l’existence d’une liaison amoureuse épisodique.

Par conséquent, Mme [X] ne prouvant pas qu’elle a vécu en concubinage avec M. [L], la fin de non-recevoir dont elle se prévaut (tirée de la compétence exclusive du juge aux affaires familiales) sera rejetée.

Sur l’existence du bail d’habitation

L’article 1359 du code civil dispose qu’il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

En l’espèce, il est produit aux débats un contrat de location portant sur la maison sise à [Adresse 6], désignant Mme [X] comme locataire de ce logement, et signé par elle et par M. [L], en qualité de bailleur, à la date du 25 mars 2017 (cette pièce est d’ailleurs produite aux débats par Mme [X] elle-même).

Mme [X] ne produit aucun acte sous seing privé qui viendrait priver de ses effets le bail écrit précité et justifier de la conclusion entre les parties d’une convention d’occupation gratuite de cette maison.

Elle se prévaut d’une relation de concubinage avec M. [L] pour alléguer l’impossibilité morale dans laquelle se trouvait de se procurer un écrit pour justifier de la convention d’occupation gratuite du bien.

Toutefois, Mme [X] n’a pas rapporté la preuve de l’existence du concubinage dont elle se prévaut, seule une relation amoureuse pouvant être caractérisée.

En outre, elle n’explique pas en quoi cette relation amoureuse empêchait d’établir par écrit la convention de gratuité, si elle a bien existé, alors que cet empêchement moral n’avait pas joué pour ‘établissement d’un bail écrit.

De plus, l’empêchement moral à l’établissement formel d’une contre-lettre ne dispense pas celui qui s’en prévaut de prouver la convention contraire par toute autre forme de preuve que l’acte sous seing privé, notamment en en rapportant la preuve testimoniale. Or, Mme [X] ne rapporte pas la preuve testimoniale de ce qu’elle soutient, à savoir que la mise à disposition de la maison était consentie à titre gratuit. Les contradictions dont elle se prévaut (contradictions entre les dates d’établissement du contrat de bail, d’état des lieux d’entrée et d’entrée effective dans les lieux) ne prouvent rien et notamment pas que les parties étaient convenues d’une mise à disposition gratuite des lieux nonobstant la signature d’un bail stipulant un loyer mensuel de 855 euros outre les charges.

En revanche, M. [L] produit des extraits de son compte bancaire faisant apparaître des virements que Mme [X] a effectués à son profit en les identifiant elle-même comme étant des paiements de ‘loyer’.

Par conséquent, en l’absence de preuve d’une convention d’occupation gratuite de la maison, le bail d’habitation conclu entre les parties et portant sur la maison située à [Adresse 6], doit être considéré comme valable et produire tous ses effets, comme l’a jugé le premier juge.

Sur l’arriéré locatif dû par Mme [X]

Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

M. [L] justifie par la production du bail que le loyer mensuel était de 855 euros.

Selon le décompte qu’il produit, les loyers étaient dus à compter du mois de mai 2017.

M. [L] a assigné Mme [X] en paiement le 10 septembre 2020, la prescription des loyers étant de trois ans, seuls les loyers dus à compter d’octobre 2017 sont encore exigibles. Les loyers de mai 2017 à septembre 2017 (soit 4 275 euros) ont toutefois été payés puisque Mme [X] a réglé les sommes de 3 500 euros en janvier 2018 et de 10 000 euros en juillet 2018. Aucune dette locative de Mme [X] ne se trouve donc éteinte par l’effet de la prescription.

M. [L] précise que Mme [X] a restitué les lieux loués en mai 2021, sans que cette dernière ne démontre ni même ne soutienne être partie à une autre date.

Il en résulte que Mme [X] est redevable, de mai 2017 à mai 2021, de 49 mois de loyer, soit : 855 euros x 49 mois = 41 895 euros. Toutefois, M. [L] considère, dans ses conclusions, que le montant réellement dû sur la totalité de la durée de location est de 41 374 euros, montant qui sera retenu afin de ne pas statuer au-delà de la demande.

De ce montant de 41 374 euros, il convient de déduire les sommes que M. [L] reconnaît avoir reçues en paiement, soit 18 000 euros :

– 3 500 euros le 12 janvier 2018,

– 10 000 euros le 19 juillet 2018,

– 500 euros par mois d’octobre 2019 à juin 2020, soit 500 euros x 9 = 4 500 euros.

Mme [X] soutient avoir fait des versements de 155 euros par mois pendant toute la durée de la location, mais sans rapporter la moindre preuve de ces paiements, qui sont contestés par M. [L].

De même, elle prétend qu’il faudrait soustraire de sa dette locative les dépenses qu’elle aurait faites pour l’équipement et l’entretien de la maison qui lui était louée. A cette fin, elle produit des devis et des factures, mais sans justifier de leur paiement ni de l’accord du bailleur pour l’exécution de ces travaux en compensation des loyers. Elle n’est donc pas fondée à retenir ces sommes, de son propre chef, pour imposer leur compensation avec les loyers dus.

Au total, la dette locative de Mme [X] s’établit à : 41 374 euros – 18 000 euros = 23 374 euros.

M. [L] demande enfin que soit déduite de la dette locative la somme de 3 800 euros recouvrée dans le cadre de l’exécution forcée du jugement.

Par conséquent, Mme [X] sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 19 574 euros. Le jugement déféré sera donc réformé sur le montant auquel Mme [X] doit être condamnée au titre de l’arriéré locatif.

Sur la résiliation du bail

Le premier juge a constaté la résiliation du bail au motif que Mme [X] n’a pas justifié de l’assurance couvrant les risques locatifs.

Aucun des éléments produits par Mme [X] en appel ne permet de remettre en cause cette défaillance de sa part dans ses obligations de locataire. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a constaté la résiliation du bail.

Sur la recevabilité de la demande afférente au contrat de prêt

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

En l’espèce, M. [L] a déposé un premier jeu de concluions le 1er juillet 2022, dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile (le deuxième jeu de conclusions a été déposé le 10 janvier 2023, puis le troisième le 27 janvier 2023, bien après l’expiration du délai de l’article 909). Dans ce premier jeu de conclusions du 1er juillet 2022, M. [L] demande à la cour de ‘confirmer les jugements du juge des contentieux et de la protection d’Epinal des 24 juin et 22 juillet 2021 en ce qu’il ont :

– condamné Mme [X] à payer à M. [L] l’arriéré locatif,

– constaté la résiliation du bail conclu le 25 mars 2017 entre M. [L] d’une part, et Mme [X] d’autre part portant sur la maison située [Adresse 6] à [Localité 5] à compter du 23 juillet 2020,

– condamné Mme [X] à payer M. [L] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail soit 855 euros à compter du 1er septembre 2020 et ce jusqu’à libération effective des lieux’,

mais il n’est fait nulle mention par M. [L] d’une demande de confirmation du jugement en ce qu’il a condamné Mme [X] à lui payer la somme de 3 170 euros, avec intérêts au taux de 2% à compter du 10 septembre 2020.

Ce n’est que dans ses dernières conclusions, déposées le 27 janvier 2023, que M. [L] sollicite la condamnation de Mme [X] au paiement de la somme de 3 170 € outre les intérêts au taux contractuel de 2% à compter du 10 septembre 2020, au titre du remboursement d’un prêt qu’il lui aurait consenti.

Dès lors, c’est à juste titre que Mme [X] soulève l’irrecevabilité de la demande de M. [L] tendant à la voir condamner à lui payer la somme de 3 170 euros au titre du prêt.

Sur les dommages et intérêts sollicités par Mme [X]

Mme [X] reproche à M. [L] d’avoir engagé contre elle l’action en résiliation du bail et expulsion au motif qu’elle avait mis fin à leur relation. Toutefois, il a été démontré que cette action engagée par M. [L] était fondée en droit et en fait. Dès lors, la résiliation du bail qui a été constaté ne résulte pas d’une faute commise par M. [L], mais de l’exercice par lui d’une voie de droit qui s’est révélée bien fondée. Mme [X] ne peut donc solliciter aucune indemnité à M. [L], en l’absence de faute de ce dernier.

Elle invoque également le fait qu’elle aurait perdu des revenus pour être avec M. [L]. Mais si elle a travaillé moins pour être plus souvent avec M. [L], elle ne démontre pas que cette décision lui a été imposé par ce dernier. Elle ne peut donc imputer de ce fait aucune faute à l’intimé.

Par conséquent, Mme [X] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement déféré sera confirmé à cet égard.

Sur les dommages et intérêts sollicités par M. [L]

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’ peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En l’espèce, M. [L] sollicite des dommages et intérêts ‘pour procédure abusive et injustifiée’. Il explique dans ses conclusions que l’appel interjeté par Mme [X] est, selon lui, abusif, dans la mesure où les arguments qu’elle développe à l’appui de son appel n’ont aucune chance d’aboutir.

Ce faisant, M. [L] invoque la survenance d’un fait nouveau depuis que le jugement a été rendu, à savoir l’appel interjeté par Mme [X]. Sa demande de dommages et intérêts n’est donc pas irrecevable.

Exercer une voie de recours est un droit, lequel ne dégénère en abus que s’il est prouvé que l’auteur du recours a agi de mauvaise foi ou a commis une erreur grossière équipollente au dol.

Or, en l’espèce, si Mme [X] échoue en son appel, M. [L] ne prouve ni mauvaise foi, ni erreur équipollente au dol.

M. [L] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

M. [L] invoque également, dans les motifs de ses conclusions, le comportement vindicatif de Mme [X], mais dans le dispositif de ses conclusions il ne sollicite des dommages et intérêts que ‘pour procédure abusive et injustifiée’. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur l’allocation de dommages et intérêts pour d’autres motifs.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme [X], qui échoue en ses demandes et moyens de défense, supportera les dépens de première instance et d’appel et elle sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable qu’elle soit condamnée à payer à M. [L] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

DECLARE recevable l’action de M. [L] en ce qu’elle a été formée devant le juge des contentieux de la protection,

INFIRME le jugement déféré sur le montant de l’arriéré locatif restant dû par Mme [X] et sur sa condamnation au remboursement de la somme de 3 170 euros au titre d’un prêt et, statuant à nouveau sur ces deux points,

CONDAMNE Mme [X] à payer à M. [L] la somme de 19 574 € (dix neuf mille cinq cent soixante quatorze euros) en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2020 sur la somme de 14 165 euros, à compter du 10 septembre 2020 sur la somme de 2 155 euros et, pour le solde, à compter du 1er juillet 2022 (date du dépôt des conclusions sollicitant cette condamnation),

DECLARE irrecevable la demande de M. [L] tendant à voir condamner Mme [X] à lui payer la somme de 3 170 euros au titre d’un prêt,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et y ajoutant,

DEBOUTE M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

DEBOUTE Mme [X] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [X] à payer à M. [L] la somme de 500 € (cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [X] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d’Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en douze pages.

 


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