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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 13/04/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/00195 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UBSK
Jugement (N° 20/00789) rendu le 21 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTE
Madame [Z] [Y] épouse [E]
née le 17 juillet 1950 à [Localité 5], de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Alexandre Corrotte, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué
INTIMÉE
S.A.R.L. Au clocher, prise en la personne de son représentant légal, demeurant audit siège
ayant son siège [Adresse 1]
représentée par Me Franck Gys, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 17 janvier 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 décembre 2022
****
Selon acte notarié du 29 novembre 2004, Mme [Z] [P] épouse [E] a donné à bail commercial à la SARL Au Clocher un immeuble à usage de restaurant sis [Adresse 1].
Le 6 juillet 2015, la SARL Au Clocher a fait constater, par huissier de justice, l’existence d’infiltrations récentes et nombreuses dans la salle de banquet située au-dessus de la cuisine.
L’huissier évoquait notamment un revêtement d’étanchéité hors d’âge, notamment en périphérie basse des skydomes.
Par ordonnance du 8 octobre 2015, le juge des référés a désigné M. [B] [U] aux fins d’expertise, lequel a déposé son rapport le 26 avril 2016, concluant à la nécessité de reprendre la totalité de l’étanchéité de la couverture et de changer les skydomes.
Par acte d’huissier du 9 mars 2016, la SARL Au Clocher a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er septembre 2016.
Le bail a été renouvelé par acte authentique le 2 novembre 2016, commençant à courir à compter du 1er septembre 2016.
Par acte d’huissier de justice du 9 juin 2017, la SARL Au Clocher a fait assigner Mme [E] devant le tribunal de grande instance de Dunkerque pour obtenir sa condamnation à effectuer les travaux préconisés par le rapport d’expertise, sous astreinte, sa condamnation à lui payer 2 180,14 euros au titre de la reprise des embellissements dégradés à la suite des infiltrations, 70 707,30 euros au titre du préjudice de jouissance du 6 juillet 2015 au 31 mai 2017 outre 355,10 euros par mois à compter du 1er juin 2017 jusqu’à la reprise des désordres et 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par ordonnance du 3 avril 2018, le juge de la mise en état a désigné à nouveau M. [U] aux fins d’expertise.
L’expert a déposé son rapport le 18 février 2020.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 21 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Dunkerque a statué en ces termes :
« CONDAMNE madame [Z] [Y] épouse [E], sous astreinte provisoire de 50 euros par jours de retard passé un délai de trois mois suivant la signification à partie de la décision à intervenir ;
– à réaliser les travaux permettant d’assurer l’étanchéité à l’air des lanterneaux du local sis [Adresse 1]
– à effectuer les travaux permettant d’assurer la fermeture du lanterneau de désenfumage
– à effectuer les travaux d’isolation des murs de la salle de restauration du bureau et de la chaufferie ;
– à effectuer les travaux de remise en état de la salle de laverie et de la réserve
DONNE acte à madame [Z] [Y] épouse [E] de ce qu’elle fera procéder aux vérifications périodiques en matière d’amiante et déboute en conséquence la demande de la SARL Au Clocher de l’y condamner sous astreinte ;
CONDAMNE Madame [Z] [Y] épouse [E] à payer à la SARL au Clocher la somme de 2180,74 euros TTC au titre de la reprise des embellissements dégradés à la suite des infiltrations précitées ;
CONDAMNE madame [Z] [Y] épouse [E] à payer à la SARL Au Clocher la somme de 20 100 euros HT au titre du préjudice de jouissance du 6 juillet 2010 au 6 juillet 2020, outre 355 euros par mois à compter du 1er août 2020 jusqu’à la reprise des désordres constatés par l’expert ;
DEBOUTE la SARL Au Clocher de sa demande au titre de la résistance abusive
DEBOUTE madame [Z] [Y] épouse [E] de ses demandes reconventionnelles, y compris celles au titre de la procédure abusive et de l’amende civile ;
CONDAMNE madame [Z] [Y] épouse [E] à payer à la SARL Au clocher la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE madame [Z] [Y] épouse [E] aux entiers dépens en ce compris ceux de l’instance de référé et ceux liés à la rémunération de l’expert, dont distraction au profit du conseil de la SARL Au Clocher, Maître Franck Gys, avocat au barreau de Dunkerque ».
Par déclaration en date du 13 janvier 2022, Madame [Z] [Y] épouse [E] a interjeté appel de la décision reprenant l’ensemble des chefs du jugement précité dans son acte d’appel.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 5 avril 2022, Mme [Z] [Y] épouse [E] demande à la cour de :
«Vu les conclusions du rapport de M. [U],
Vu les articles R. 145-35 et R. 146-35 du Code de commerce et sa jurisprudence,
Vus les articles 606 et 1731 du Code civil,
Vus les articles L. 134-3-1 et R.271-4 du Code de la construction et de l’habitation,
Vu l’article R. 1334-29-5 du Code de la Santé Publique,
Vu l’article L. 125-5 du Code de l’Environnement,
Vus, enfin, les articles 9, 238 et 246 du Code de Procédure civile,
INFIRMER le jugement de première instance déféré à la Cour en ce qu’il a :
”CONDAMNE Madame [Z] [Y] épouse [E] sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé un délai de trois mois suivant la signification à partie de la décision à intervenir :
– À réaliser les travaux permettant d’assurer l’étanchéité a l’air des lanterneaux du local sis [Adresse 1] ;
– À effectuer les travaux permettant d’assurer la fermeture du lanterneau de désenfumage ;
– A effectuer les travaux d’isolation des murs de la salle de restauration du bureau et de la chaufferie ;
– À effectuer les travaux de remise en état de la salle de laverie et de la réserve
CONDAMNE Madame [Z] [Y] épouse [E] à payer à la SARL AU CLOCHER la somme de 2. 180, 74 Euros TTC au titre de la reprise des embellissements dégradés à la suite des infiltrations précitées
CONDAMNE Madame [Z] [Y] épouse [E] à payer à la SARL AU CLOCHER la somme de 20 100 Euros HT au titre du préjudice de jouissance du 6 Juillet 2015 au 6 juillet 2020 outre 335 Euros par mois à compter du à compter du 16 août 2020 jusqu’à reprise des désordres constatés par l’expert ;
DEBOUTE Madame [Z] [Y] épouse [E] de ses demandes reconventionnelles y compris celles au titre de la procédure abusive et de l’amende civile
CONDAMNE Madame [Z] [Y] épouse [E] à payer à la SARL AU CLOCHER la somme de 4 000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNE Madame [Z] [Y] épouse [E] aux entiers dépens, en ce compris ceux de l’instance de référé et ceux liés a la rémunération de l’expert”
ET STATUANT A NOUVEAU :
(..)
Débouter la SARL AU CLOCHER de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner reconventionnellement la société AU CLOCHER à payer à Madame [Z] [Y] épouse [E] la somme de 10 546,31 €TTC au titre des travaux à réaliser et aux fins de les faire réaliser elle-même par l’entreprise JANSSOONE, compte tenu de l’inertie et l’opposition ferme de la société AUCLOCHER à devoir les réaliser à sa charge…
En tant que de besoin, juger que la SARL AU COLCHER devra laisser réaliser par Madame [Z] [Y] épouse [E] lesdits travaux ;
Condamner la SARL AU CLOCHER à payer à Madame [Z] [Y] épouse [E] un montant de 6 000 € au titre de son préjudice moral subi du fait de cette procédure vexatoire et abusive ;
Condamner la SARL AU CLOCHER à une amende civile compte tenu de la procédure abusive a la discrétion de la Cour ;
Condamner la SARL AU CLOCHER à payer à Madame [Z] [Y] épouse [E] la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens d’instance ».
Mme [E] rappelle qu’en matière de bail commercial, les obligations du bailleur sont plus restrictives qu’en matière d’habitation et s’apprécient uniquement par rapport à la nature des travaux à réaliser, indépendamment de toutes considérations sur la nature des désordres affectant l’immeuble, le bailleur n’étant tenu qu’aux grosses réparations de l’article 606 du code civil, à défaut de clause contraire.
Elle en déduit que si les réparations, même sur toiture infiltrante, sont menues ou liées à la vétusté et ne nécessitent pas d’importantes réparations, la réparation des couvertures « entières », quand bien même elle serait destinée à régler un problème d’infiltration, est à la charge du locataire.
Elle conteste toute absence de délivrance et souligne que l’obligation de délivrance n’a rien à voir avec l’obligation de délivrer « un bâtiment étanche à l’eau et à l’air ». Il doit exister une impossibilité ou un obstacle grave et rédhibitoire à l’exploitation de l’activité visée dans le contrat de bail. Une fuite en toiture dans une laverie et une humidité sur un mur n’empêchent pas l’exploitation. Elle rappelle que les frais d’entretien et de réparations quelles qu’elles soient de la toiture privative de la terrasse étaient à la charge du preneur, selon le bail.
Mme [E] souligne qu’elle a réalisé les travaux de grosses réparations suite au dépôt du rapport d’expertise sur la toiture, s’agissant de travaux relevant de ses obligations légales, mais elle n’a pour autant pas reconnu devoir assurer systématiquement l’étanchéité et les réparations de la couverture privative du restaurant et le couvert de l’immeuble.
Contrairement à ce qu’affirme la locataire, l’ensemble des travaux préconisés par l’expert, notamment concernant les lanterneaux, a été réalisé par la bailleresse. Elle ajoute que l’étanchéité à l’eau de l’immeuble est donc totalement assurée à l’heure actuelle et que le bailleur est à dire d’expert, en phase avec ses obligations, ce qui justifie le débouté de la société Au clocher de ce chef.
Les constatations quant à l’étanchéité à l’air sont loin d’être alarmantes et l’expert préconisait pour remédier au léger passage de l’air des petites réparations, au prix modique, qui ne relèvent pas des grosses réparations. Ces travaux sont d’ailleurs sur la partie toiture privative, à la charge du preneur, selon le bail. Le constat d’huissier postérieur n’est pas révélateur et vient en contradiction avec les constatations de l’expert.
Elle souligne que l’expert note clairement que le dysfonctionnement de la trappe de désenfumage provient d’un manque d’entretien.
Concernant les remontées capillaires, cette réclamation selon Mme [E] est de pure opportunité. L’expert n’a relevé que très peu d’humidité, sans la quantifier, en bas de mur mais jamais une humidité remontant jusqu’au plafond. Comme dans toutes les maisons 1900, cette humidité présente depuis des dizaines d’années n’a même pas dégradé les papiers peints de la salle qui est un embellissement fragile à toute humidité mineure. Résiduelle, elle n’empêche pas l’exploitation du commerce. La mise en place d’un mur de doublage ne correspond pas à des travaux permettant d’assurer la structure ou la solidité de l’immeuble ni à ceux limitativement énumérés à l’article 606 du code civil.
Concernant le mur de la chaufferie et du bureau, l’expert impute la présence d’eau dans les murs au fait que les murs sont froids, donnant sur l’extérieur, provoquant un choc thermique et une condensation. La préconisation consistant à doubler les murs est également faite, l’expert n’évoquant aucune gêne à l’activité.
Mme [E] reconnaît que l’expert relève à l’étage des pièces dans un état désastreux d’entretien et de dégradations, soulignant que l’étage était lors de sa prise à bail dans un état irréprochable, propre, présentant des murs doublés de placo. Les cessions successives d’un bail commercial, consécutives aux cessions de fonds de commerce y attaché, opérant transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat, celui-ci devient débiteur envers son bailleur de la réparation des dégradations commises par ses prédécesseurs.
Elle plaide que le preneur actuel est entré dans les lieux effectivement le 7 juin 2010 à la suite d’un rachat de fonds de commerce de restauration exercé dans les lieux loués, et a repris les obligations antérieures de ses prédécesseurs depuis l’entrée en jouissance des lieux du 1er septembre 1995. Le fait qu’un renouvellement soit intervenu entre temps ne change rien. L’expert ne pouvait se placer au jour de l’entrée dans les lieux mais au jour de la prise de possession juridique. Dans tous les documents transmis, à défaut d’état des lieux, le bien est présumé pris en parfait état.
Elle sollicite donc, la société Au clocher étant tenue de l’état de délabrement des lieux, la condamnation de cette dernière à réaliser les travaux dans un délai de 4 mois à compter de la décision. Compte tenu de l’inertie et de l’opposition du preneur, elle sollicite l’indemnisation à hauteur du montant des travaux pour faire réaliser par ses soins.
Elle conclut à l’absence de manquement à l’obligation de délivrance conforme et au rejet des préjudices invoqués par le preneur, qui ne verse aucun élément pour les étayer.
Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 6 mai2022, la SARL Au Clocher demande à la cour de :
« Vu les articles 1720 et suivants du Code Civil,
Vu l’article 606 du Code Civil,
Vu le bail commercial liant les parties,
Vu le rapport d’expertise de Monsieur [B] [U] en date du 26 avril 2016,
Vu le rapport d’expertise de Monsieur [B] [U] en date du 18 fevrier 2020
DÉBOUTER purement et simplement Madame [Z] [Y] épouse [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONFIRMER le jugement rendu le 21 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de DUNKERQUE en ce qu’il a retenu la responsabilité du bailleur, condamné 1e bailleur à une somme de 2180,14 euros au titre des embellissements, la somme de 20 100,00 € HT au titre du préjudice de jouissance du 6 juillet 2015 jusqu’au 6 juillet 2020 outre la somme de 335,00 € par mois à compter du 1er août 2020 jusqu’à reprise des désordres selon rapports d’expertise de Monsieur [B] [U], et le réformant sur le montant des astreintes et 1e débouté au titre de 1’astreinte sur la remise périodique du rapport d’amiante et n’a pas fait droit à la demande de 5000,00 euros pour résistance abusive,
Y AJOUTANT,
DIRE ET JUGER que Madame [Z] [Y] épouse [E] a engagé sa responsabilité contractuelle en qualité de bailleur commercial de l’immeuble sis [Adresse 2] envers la SARL AU CLOCHER, le locataire pour manquement à son obligation de délivrance et d’assurer le clos et le couvert visé au bail commercial et en ayant dissimulé la présence d’amiante dans l’immeuble loue et en n’ayant pas remis le dossier technique dont l’ERNT,
En conséquence,
CONDAMNER Madame [Z] [Y], sous astreinte de 150,00 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification a partie de la décision à intervenir à effectuer :
– A remplacer les lanterneaux ou pour le moins à la rendre étanches à l’air,
– Les travaux sur le lanterneau de désenfumage,
– Les travaux de doublage des murs de la salle de restauration du bureau et de la chaufferie,
– Les travaux de remise en état de la salle de laverie et de la réserve,
CONDAMNER Madame [Z] [Y], sous astreinte de 150,00 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification à partie de la décision à intervenir à faire procéder à la visite periodique des parties amiantées des locaux commerciaux,
CONDAMNER Madame [Z] [Y] épouse [E] à régler à la SARL AU CLOCHER la somme de 2 180,14 € TTC au titre de la reprise des embellissements dégradés à la suite des infiltrations précitées,
CONDAMNER Madame [Z] [Y] épouse [E] à régler à la SARL AU CLOCHER la somme de 20 100,00 € HT au titre du préjudice de jouissance du 6 juillet2015 jusqu’au 6 juillet 2020 outre la somme de 335, 00 € par mois à compter du 1er août 2020 jusqu’à reprise des désordres selon rapports d’expertise de Monsieur [B] [U],
CONDAMNER Madame [Z] [Y] épouse [E] à régler la somme de 5000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
CONDAMNER Madame [Z] [Y] épouse [E] à régler à la SARL AU CLOCHER la somme de 10 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Franck GYS, avocat aux offres de droit et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile qui comprendront ceux de référé expertise en ceux compris les frais et honoraires de Monsieur [B] [U] au titre du rapport du 26 avril 2016 (2.424,36 € / 2 soit 1212,13 €) correspondent à la première expertise et aux frais et dépens de la présente procédure en ce y compris les frais d’expertise judiciaire de Monsieur [B] [U] au titre du rapport du 28 février 2020 dont distraction au profit de Maitre Franck GYS, Avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ».
La SARL Au Clocher revient sur les stipulations du bail et sur le fait que le bail renouvelé ne comportait aucun des diagnostics réglementaires. La jurisprudence a une conception extensive de la notion de travaux de l’article 606 du code civil et de grosses réparations qui n’a pas été remise en cause par la loi Pinel.
La locataire souligne que les infiltrations sont de deux ordres et ne sont pas contestées dans leur réalité. Les travaux d’étanchéité de la toiture-terrasse n’ont pas été réalisés en totalité.
Elle souligne l’existence d’un passage d’air et d’eau par les lanterneaux, suite aux travaux partiels mis en ‘uvre par le bailleur.
Elle revient sur le défaut de sécurité incendie, élément qui est bien à la charge du bailleur. Le bailleur a changé le skydome mais pas le système de tringlerie qui a été adapté et reposé sans soin par l’entreprise Lacene en cours d’expertise. Le défaut de fermeture du lanterneau de sécurité, sauf à monter sur le toit, ne permet pas d’assurer le clos et le couvert de l’immeuble. Les travaux n’étant pas terminés, la condamnation du bailleur sous astreinte s’impose.
L’intimée dénonce l’apparition de nouvelles infiltrations au droit d’un autre skydome, au-dessus des WC du restaurant.
Les interventions du bailleur sont insuffisantes ou inefficaces pour remédier définitivement aux fuites et infiltrations, ce qui justifie l’action du preneur, le bailleur manquant à son obligation de délivrance et d’assurer le clos et le couvert. La responsabilité du bailleur est engagée et cela porte manifestement atteinte à la jouissance des lieux.
L’apposition d’une plaque de polycarbonate sous les lanterneaux, envisagée par l’expert, relève manifestement du bailleur au titre de son obligation de délivrance d’un bâtiment étanche à l’eau et à l’air. Cette préconisation n’est pas adaptée toutefois à une cuisine professionnelle et seul un changement de l’ensemble des lanterneaux permet de délivrer un local de cuisine conforme à sa destination et à l’objet de la location.
La société Au Clocher souligne que les jurisprudences invoquées par le bailleur sont obsolètes, « la cour de cassation codifiée par la loi pinel a consacré que le bailleur ne pouvait transférer les grosses réparations au preneur ».
Concernant la couverture et le zinc au droit de la laverie, qui sont totalement indépendants de la toiture-terrasse, elle précise que la nouvelle fuite ne provient pas de la couverture rapiécée mais des murs eux-mêmes. Des travaux a minima ont été effectués, l’ensemble des murs de briques de sable ayant perdu leur liant et leurs joints de ciment. Elle s’étonne que l’expert n’ait pas vu l’état des murs extérieurs. La reprise des murs fuyards relève du clos et du couvert et constitue des atteintes structurelles au bâtiment. Ces travaux sont à la charge du bailleur.
Concernant les murs du local chaufferie et du bureau, les difficultés proviennent non de la condensation, mais de remontées par capillarité et infiltrations. L’expert a constaté un manque d’étanchéité des murs. Ce manque d’étanchéité du bureau, qui est dans la même pièce que la cuisine et de la chaufferie, provient d’un désordre structurel et porte atteinte à la jouissance du local par le locataire. Ces difficultés sont en lien avec des infiltrations en toiture, qui n’ont toutefois pas été constatées par l’expert, lequel n’a pas daigné monter en toiture, faute d’échelle et d’avoir sollicité au préalable le voisin pour ce faire.
Une humidité importante a été constatée par l’expert dans la salle de restauration, par remontée capillaire, ce qui relève de la structure du bâtiment et donc de la responsabilité du bailleur. La présence de remontée par capillarité dans la salle de réception et dans la cuisine ne permet pas un usage normal du local.
Il est contraire à toute règle d’hygiène de préparer des denrées alimentaires dans un local dont les murs sont mangés par l’humidité et les champignons.
Les travaux de remise en état de la laverie et de la réserve sont liés à des travaux de modification de structure en vue de transformer cet ancien hôtel-restaurant en un commerce de restaurant en rez-de-chaussée, et en partie au premier étage et aux étages supérieurs en logement. Les travaux sont bien antérieurs à sa prise de possession de l’immeuble et même à la prise de possession par son prédécesseur. Les travaux n’ont jamais été terminés, ces pièces étant dans le même état depuis plus de 40 ans, du temps où Mme [E] exploitait cet établissement sous l’enseigne la Gueulardière.
La société Au Clocher estime que le bailleur doit délivrer un immeuble en bon état de réparation, affecté d’aucun trouble pouvant empêcher son bon fonctionnement et est débiteur d’une obligation de sécurité pour les personnes et les biens. Les locaux étaient dans cet état lors du bail renouvelé comme initial et la vétusté empêche toute mise en peinture ou tout entretien. Ces travaux incombent au bailleur au titre de l’obligation de délivrance d’un bâtiment en bon état locatif.
La SARL Au Clocher plaide que le bailleur l’a contrainte à régulariser un nouveau bail le 2 novembre 2016, le bailleur s’étant exonéré des obligations légales, notamment d’établir un dossier technique et le notaire n’ayant pas invité les parties à établir un état des lieux, en contravention avec les dispositions de l’article L 145-40-1 du code de commerce, modifiées par la loi Pinel. Le bailleur omet, selon elle, que l’absence d’état des lieux au jour du bail l’empêche de bénéficier de la présomption de bon état de l’article 1731 du code civil.
Elle rappelle que le bail du 5 juin 1996 et celui du 22 novembre 2004 ne reprenaient pas le premier étage, lequel a été mis à disposition par le bail du 2 novembre 2016.
L’état des lieux établi à sa demande le 5 juillet 2017 révèle que les parties strictement locatives et ouvertes au public ont été remises en état par le locataire tandis que le reste de l’immeuble est dans un état de vétusté extrêmement avancée.
Le bail du 2 novembre 2016 n’est pas un bail renouvelé mais un nouveau bail, peu important que les parties soient les mêmes que lors du précédent bail.
La société preneuse revient sur la non-production, lors de la conclusion du bail, du DPE et le manquement aux obligations en matière d’amiante. Il n’existe pas plus de diagnostic plomb. Elle ajoute que la non-remise des documents techniques constitue manifestement un dol et même une faute de nature pénale pour le bailleur selon l’article R 1337-3-1 du code de la santé publique.
Elle détaille les préjudices subis à raison de ces manquements, à savoir un préjudice pour l’atteinte aux embellissements et un préjudice de jouissance, dont elle demande réparation.
***
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2022.
A l’audience du 17 janvier 2023, le dossier a été mis en délibéré au 13 avril 2023.
MOTIVATION :
– Sur les demandes de travaux
Le statut des baux commerciaux ne comporte aucune disposition sur la répartition des obligations de réparations et d’entretien sur l’immeuble loué. Le droit commun a donc vocation à s’appliquer notamment les dispositions des articles 1719, 1720, 1754 et 1755 du code civil.
Aux termes des dispositions de l’article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. L’article 1720 du code civil précise que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.
S’agissant toutefois de textes qui ne sont pas d’ordre public, il est loisible aux parties à un bail commercial de modifier la répartition prévue par ces dispositions.
Le bailleur peut ainsi parfaitement s’exonérer de l’ensemble des obligations de réparer et d’entretenir. Cependant, cette situation doit se concilier avec l’obligation, pesant sur le bailleur, de délivrance d’une chose de nature à permettre l’exercice paisible de l’activité du preneur.
La conformité du local à la destination contractuelle ne doit pas exister seulement à la date de la conclusion du bail dès lors qu’il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long de l’exécution du contrat.
Il appartient au bailleur d’apporter la preuve qu’il a rempli son obligation de délivrance et de vérifier que la chose louée peut être affectée à l’usage prévu au bail.
Même si une clause générale met toutes les réparations à la charge du preneur, y compris celles de l’article 606 du code civil, le bailleur n’est jamais dispensé des réparations dues à la vétusté, sauf clause expresse contraire.
L’article R 645-35 du code de commerce, applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014, précise que « Ne peuvent être imputés au locataire :
1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent ».
Le bail conclu en 2004 reprenait la répartition classique en matière commerciale, le bailleur « s’obligeant à tenir les locaux loués clos et couvert suivant l’usage et à ne supporter que les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil », tandis le locataire demeure tenu des réparations locatives, d’entretien, de tous travaux concernant les devantures et fermetures, outre plus spécifiquement « l’ensemble des frais d’entretien et de réparation de la partie toiture privative à la cuisine et au restaurant [ qui] seront supportés par le preneur sans recours contre le propriétaire. En outre le preneur aura l’obligation de surveiller l’étanchéité de l’autre partie de la toiture et s’engage à effectuer les menus entretien et réparations qui seraient nécessaires ».
Au titre des travaux, le bail renouvelé du 2 novembre 2016, stipule que « le preneur entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menue entretien, pendant la durée du bail, le bailleur n’ayant à sa charge que les grosses réparations prévues à l’article 606 du code civil, et le rendra à sa sortie, quel qu’en soit le motif, en bon état de réparations » Il reprend en outre la même formulation pour les travaux concernant la partie toiture privative précitée (page 16).
C’est donc à l’aune de ces stipulations que doivent être examinées les réclamations faites par le preneur au titre des travaux, étant rappelé qu’aucune clause expresse ne met à la charge du preneur la vétusté, et ce même concernant la partie toiture privative.
– l’étanchéité de la toiture
Comme l’ont justement souligné les premiers juges, les questions d’étanchéité de la toiture, initialement prégnantes, ne sont plus d’actualité, au regard des travaux réalisés par la bailleresse, rendant sans objet l’ensemble des développements faits de ce chef par les parties sur la distinction entre bail d’habitation et bail commercial en matière de clos et couvert, dès lors qu’au vu de la vétusté de cette couverture, pointée par les différents constats et rapports d’expert, la charge de la reprise complète pesait sur la bailleresse.
Seule demeure en litige la question des lanternaux, le preneur se plaignant d’un passage d’air et d’eau par les lanterneaux.
– les lanterneaux
Le preneur ne saurait se retrancher derrière les termes ambigus de la première expertise pour caractériser un manquement du bailleur, faute d’avoir changé l’ensemble des lanterneaux, alors même que l’expert, dans son second rapport, saisi expressément de cette question, souligne que seul un des sept lanterneaux devait obligatoirement être changé, ce qui a été effectué.
Pour exiger le changement de l’ensemble des lanterneaux à la charge du bailleur, le preneur se prévaut de constats d’huissier pointant, pour l’un, la présence de mousse ou de poussières au sol (décembre 2017), pour l’autre l’existence de traces d’oxydation de nombreux lanterneaux et d’humidité au droit du lanterneau dans les sanitaires (mars 2020), et pour un dernier, la présence d’eau s’accumulant au plafond au droit d’un lanterneau qui goutte sur le carrelage revêtant le sol formant une flaque à proximité du piano (août 2018).
Toutefois, des pièces du dossier, on peut retenir que :
– le constat d’huissier pointant la présence de mousse ou de poussière, qui serait tombée du toit, est insuffisant pour établir ces faits, l’huissier n’ayant nullement constaté la chute ;
– l’expert n’a plus constaté de défaut d’étanchéité à l’eau des lanterneaux, seul un défaut d’étanchéité à l’air de l’ensemble des lanterneaux, sans que cela puisse être quantifié, est mentionné ;
– selon lui, « les fuites d’air sur les lanterneaux sont consécutives à la vétusté des ouvrages et aussi au défaut d’entretien (remplacement des joints) » et propose de « de mettre en place une plaque en polycarbonate au niveau du plafond ce qui pourra permettre une étanchéité à l’air » ;
– deux lanterneaux, celui de désenfumage et un autre à la suite d’un vol, ont été changés, l’expert notant concernant celui changé par la bailleresse et faisant office de trappe de désenfumage qu’il ne peut être fermé qu’en montant sur la terrasse, et concluant après avoir précisé que la « gaine et le câble à l’intérieur sont très certainement oxydés », que le « dysfonctionnement de la trappe de désenfumage provient d’un manque d’entretien » ;
– le constat d’huissier constatant la présence d’eau sur le carrelage au droit des lanterneaux ne permet pas de faire le départage entre une infiltration venant éventuellement de la toiture, ou plutôt des joints, et une résurgence liée à la condensation ;
– une vérification des Skydomes et remise en place d’un élément, avec pose de joints, a été faite par le bailleur en août 2018.
Au vu de ces éléments, il n’est pas démontré que l’oxydation notée ou l’écaillement des structures des lanterneaux portent atteinte à leur fonction et destination, ces éléments relevant en outre d’un manque d’entretien par le locataire des structures.
Par ailleurs, les pièces versées par le preneur ne permettent pas d’établir que des infiltrations d’eau se poursuivraient, les éléments relevés par l’huissier, quant aux traces d’infiltrations et à l’effritement des baguettes de bois en pourtour, ne permettant pas d’écarter qu’il puisse s’agir de conséquences, soit des anciennes fuites, avant changement du revêtement d’étanchéité en terrasse, soit de la condensation liée à l’activité de cuisine dans un bâtiment connaissant des ponts thermiques.
Enfin, s’agissant du lanterneau de désenfumage, aucun élément probant n’est versé pour étayer l’allégation du preneur selon laquelle le bailleur se serait contenté de changer le Skydome, sans modification du système de tringlerie, alors que l’expert note clairement que le dysfonctionnement relève d’un manque d’entretien.
Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, le changement de l’ensemble des lanterneaux ne saurait être imposé à la bailleresse, laquelle se doit de prendre en charge, au titre de la vétusté pointée par l’expert, le défaut d’étanchéité à l’air des lanterneaux en procédant à la mise en ‘uvre de la proposition préconisée par ce dernier, qui a le mérite de répondre aux difficultés nées du passage de l’air et à la présence de ponts thermiques, pouvant générer de la condensation et un écoulement d’eau.
La décision de première instance en ce qu’elle a mis à la charge du bailleur sous astreinte la réalisation de travaux permettant d’assurer l’étanchéité à l’air des lanterneaux, ce qui se comprend comme la mise en ‘uvre de la solution préconisée par l’expert à savoir la pose d’une plaque en polycarbonate au niveau du plafond, pour une valeur estimée de 1 200 euros, est confirmée à l’exception des travaux imposés pour assurer la fermeture et le changement de la tringlerie du lanterneau de désenfumage, lesquels doivent rester à la charge du preneur.
– l’humidité de la laverie et du bureau
Malgré l’existence de développements conséquents de la SARL Au Clocher, sous un intitulé la couverture Zinc au droit de la laverie, consacrés à « la nouvelle fuite [qui] ne provient pas de la couverture rapiécée mais des murs eux-mêmes », la cour n’est saisie d’aucune demande de reprise des murs extérieurs aux termes du dispositif du preneur.
Il n’y a donc pas lieu d’y répondre, étant observé que Mme [E] n’avait pas contesté ce problème structurel accentué par la vétusté liée au « caractère fuyard des joints », « abîmés par l’effet du temps » et avait mandaté une entreprise pour effectuer des travaux, dont le preneur indique de manière dubitative qu’ « il ne semble pas que les travaux aient eu lieu’ »
Par contre, concernant l’humidité des murs intérieurs, des pièces du dossier, on peut retenir que :
– selon l’expert judiciaire, pour le bureau, « tout le mur en fond de bureau est humide et de même valeur sur toute la hauteur », ce dernier écartant une fuite en provenance de la toiture mais évoquant un manque d’isolation et un taux d’humidité important pendant la préparation des plats ;
– au rez-de-chaussée, il note « de l’humidité sur deux murs de la salle de restaurant provenant d’une remontée capillaire en pied de murs », soulignant que « toute la base du mur de séparation entre la cuisine et la salle de restauration est humide. Cette humidité diminue lorsque l’on réalise des mesures en hauteur», en concluant que cela provient de remontées capillaires en pied de mur.
Par ailleurs, l’expert souligne expressément que « les remontées de capillarités dans les murs sont consécutives au mode constructif de l’époque de la construction qui ne prévoyait pas la mise en place d’une bande étanche au-dessus des fondations ». Ni ce dernier, ni les parties ne mettent en cause une défaillance du système de haute ventilation de la cuisine et un défaut d’aération.
Ainsi, au vu des constatations de l’expert, qui relève dans son dernier rapport une humidité de l’ensemble du mur en fond de bureau, l’imputant à un manque d’isolation thermique ainsi qu’à une humidité dégagée par la condensation liée à l’activité en cuisine, ainsi qu’une humidité sur deux murs de la salle de restaurant, outre celui de la réserve, sans pointer le moindre manquement du preneur quant à un défaut de ventilation ou d’aération, à juste titre les premiers juges ont retenu que ce manque d’étanchéité des murs et ces remontées capillaires constituaient un défaut structurel du bien et nécessitaient une réfection de l’isolation thermique des murs intérieurs à la charge du bailleur, afin de permettre la délivrance d’un local conforme à l’usage auquel il est destiné, à savoir une activité de cuisine, à l’origine nécessairement de condensations et de ponts thermiques en cas d’isolation défaillante, peu important que les embellissements n’aient été que peu dégradés par les remontées et que se trouvent essentiellement touchées des pièces annexes (bureau implanté dans un renfoncement de la cuisine, chaufferie), et sans qu’il soit nécessaire d’exiger du preneur la démonstration d’une impossibilité totale d’exploiter les locaux à titre d’établissement de restauration.
La décision est donc également confirmée en ce qu’elle a mis à la charge de la bailleresse la réalisation des travaux d’isolation des murs (doublage des murs) de la salle de restauration, du bureau et de la chaufferie, conformément à la solution préconisée par l’expert, et ce sous astreinte.
– la laverie et la réserve (pièces à l’étage)
Le bailleur ne peut en l’espèce utilement se retrancher derrière la présomption de bon état de l’immeuble lors de la prise en possession en se référant, pour déterminer cette date, à l’entrée en possession juridique initiale, qui au vu de l’utilisation ininterrompue par succession des baux commerciaux et cessions de fonds de commerce, se situe en 1995.
En effet, une simple lecture des actes juridiques transmis permet de constater qu’initialement les lieux étaient ainsi désignés :
« les locaux ci-après désignés dépendant d’un immeuble à usage d’habitation et de commerce sis à [Localité 4] à l’angle de la place de l’hôtel de ville où il porte le numéro 4 et de la rue des martyrs de la résistance :
– salles de restaurant,
– cuisine aménagée,
– dégagement ayant accès place de l’hôtel de ville et [Adresse 6]
– cave,
– WC,
– Chauffage central et au gaz ».
Si l’acte de renouvellement de bail du 2 novembre 2016 ne reprend pas précisément une désignation des lieux loués, le mandat annexé au bail, donné par la bailleresse à son époux, pour la signature de cet acte, reprend la désignation antérieure et y ajoute « et à l’étage : réserve et laverie ».
Ainsi, quand bien même il s’agit d’un renouvellement de bail, s’inscrivant dans une suite ininterrompue d’actes, l’entrée en possession juridique de ces deux dernières pièces n’a eu lieu qu’en novembre 2016 et ce n’est donc qu’à compter de cette date, et au vu de cette adjonction au bail, qui nécessitait un état des lieux suivant la législation alors applicable, que les droits et obligations des parties doivent s’apprécier.
Or, au vu de la date de l’entrée en jouissance et de l’absence d’état des lieux effectué, le preneur est en droit d’opposer au bailleur le dernier alinéa de l’article L 145-40-1 du code de commerce, lequel édicte que le bailleur qui n’a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l’état des lieux ne peut invoquer la présomption de l’article 1731 du code civil.
Il résulte clairement des pièces du dossier, et notamment des expertises, des constats d’huissier et plus particulièrement du constat d’huissier réalisé par le preneur le 5 juillet 2017, que les locaux sont en très mauvais état, l’huissier évoquant même des « lézardes pouvant entraîner la chute des personnes » sur le sol de lingerie, des huisseries fuyardes, que l’expert qualifie de vétustes quant à lui dans son second rapport, pointant le mauvais état des pièces et le fait que « les pièces sont en l’état depuis de nombreuses années et très certainement avant la signature du premier bail en 2005 ».
Ainsi, le manquement de la bailleresse à ses obligations est établi et les travaux de remise en état de la laverie et de la réserve ( au premier étage) imposés par la première décision à la bailleresse sont, au vu de ces seuls motifs, justifiés, cette dernière ne pouvant qu’être déboutée de ses demandes de condamnation du preneur à la somme de 10 546,31 euros TTC au titre des travaux à réaliser.
La décision des premiers juges est donc confirmée sur ces deux points.
– Sur les demandes relatives aux diagnostics et documents divers
– concernant le DPE
La SARL Au Clocher ne peut utilement se prévaloir de l’article L 134-3-1 du code de la construction et de l’habitation, devenue L 126-29 du même code, relatif au diagnostic performance énergétique à joindre au bail conclu, aucune sanction n’étant prévue pour assurer l’effectivité de cette obligation, ladite disposition visant la conclusion et non le renouvellement du bail commercial.
En outre, en l’espèce, le preneur se contente d’invoquer un éventuel droit à solliciter des dommages et intérêts pour manquement au devoir de loyauté, sans formuler de demande précise, comme l’ont à juste titre pointé les premiers juges, étant observé que l’absence de remise de ce diagnostic ne peut en aucun cas s’assimiler à un défaut de délivrance de la chose louée, comme il le sous-entend.
– concernant le diagnostic de présence de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante
Aux termes de l’article R 1334-18 du code de la santé publique, les propriétaires des immeubles bâtis autres que ceux mentionnés aux articles R 1334-15 à R 1334-17 y font réaliser un repérage des matériaux et produits des listes A et B contenant de l’amiante.
En matière de bail commercial, aucune obligation légale n’impose, lors de la conclusion du bail, la remise au locataire d’un dossier technique amiante, pas plus que l’obligation de louer un local exempt de tout élément amianté, ce qu’admet le preneur, lequel en outre concède qu’un tel diagnostic a été effectué par la bailleresse et lui a été communiqué en septembre 2020, quand bien même au vu de son coût, sans critiquer précisément les éléments techniques contenus dans ledit diagnostic, il émet toutes réserves.
Dans les motifs de ses écritures, aucune conséquence juridique véritable n’est tirée de ses développements relatifs à la présence d’amiante au niveau de la couverture des locaux, située au-dessus des locaux professionnels où travaille son personnel.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de condamnation sous astreinte à procéder à la visite périodique des parties amiantées, aucun manquement à l’obligation de vérification périodique, au vu de la réalisation en 2020 dudit diagnostic, n’étant établi.
– concernant le constat de risque d’exposition au plomb
Le preneur ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L 1334-5 du code de la santé publique, relatives au diagnostic plomb, ledit constat devant être produit soit lors de la conclusion de tout nouveau contrat de location d’un immeuble affecté en tout ou partie à l’habitation (L 1334-7 du code de la santé publique) ou lors de la vente de tout ou partie d’un immeuble à usage d’habitation construit avant le 1er janvier 1949, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L 271-4 à L 271-6 du code de la construction et de l’habitation (L 1334-6 du code de la santé publique), ce qui n’est manifestement pas applicable en l’espèce, s’agissant d’un bail portant sur des locaux à usage commercial.
Il n’est de toute façon là encore tiré aucune conséquence juridique, le preneur se contentant d’indiquer que la non-remise des documents techniques constitue manifestement un dol et même une faute pénale, sans formuler aucune demande précise.
– concernant l’état des risques naturels miniers et technologiques
Conformément à l’article L 125-5 du code de commerce, les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d’Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l’existence des risques visés par ce plan ou ce décret’L’état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L 145-1 et L 145-2 du code de commerce. Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte’ En cas de non-respect des dispositions du présent article, l’acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
C’est de manière tout à fait pertinente que les premiers juges ont écarté la demande de diminution du prix par le biais d’une indemnisation au titre du préjudice de jouissance à raison de l’absence de délivrance de l’état des risques de sismicité, l’arrêté préfectoral le prévoyant ayant été abrogé, ce que ne conteste pas le preneur, lequel disposait en outre d’un état des risques naturels, miniers et technologiques de 2001 pour le bien en question, dont il n’est ni soutenu ni allégué qu’il ne fut plus d’actualité.
La décision est donc confirmée en ce qu’elle a rejeté l’ensemble des demandes au titre des diagnostics réglementaires présentées par le preneur.
– Sur la demande en réparation
En vertu des dispositions de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
– au titre des embellissements
Il ressort des pièces, et notamment des constats de 2015 et de la première expertise, qu’en raison du défaut de couverture, lié à une vétusté de cette dernière et dont la remise en état était à la charge de la bailleresse, la SARL Au Clocher, qui a subi des infiltrations conduisant à la dégradation d’embellissements, ayant fait l’objet d’une évaluation à dire d’expert par le cabinet Texa à hauteur de 8739,28 euros et pris en charge par l’assurance à hauteur de 6922,50 euros, est en droit de réclamer la réparation intégrale de son préjudice, la bailleresse, qui d’ailleurs n’élève aucune contestation de ce chef, ayant été à bon droit condamnée par les premiers juges au paiement de la somme de 1816,78 euros HT, soit 2 180,14 euros TTC au titre des embellissements détériorés par les infiltrations du toit-terrasse.
La décision des premiers juges est donc confirmée de ce chef.
– au titre du préjudice de jouissance
Contrairement à ce que prétend Mme [E], les termes mêmes du rapport d’expertise et les pièces produites établissent qu’une partie des locaux ne se trouvait pas être complètement délivrée et que la jouissance desdits locaux ne pouvait, au vu des infiltrations causées par la vétusté initiale de la couverture, puis des murs intérieurs, d’une part, qu’être compliquée par l’état du bien dans la partie cuisine et restauration, d’autre part, diminuée notablement dans la nouvelle partie louée au premier étage, cette dernière n’étant manifestement pas en état d’être utilisée sereinement, et ce quand bien même la locataire a pu poursuivre son activité.
Au vu du montant du loyer appelé et de la configuration des locaux, du caractère généralisé des infiltrations par la couverture, en prenant en compte les travaux effectués par la bailleresse ayant permis de remédier à la plupart des difficultés de ce chef, mais en tenant compte également de l’apparition ensuite de désordres liés au problème structurel des murs intérieurs et de l’impossibilité concomitante de pouvoir jouir des nouvelles salles données à bail lors du renouvellement de ce dernier, les premiers juges ont pu justement évaluer le préjudice de jouissance subi pour la période du 6 juillet 2015 au 6 juillet 2020 à la somme de 335 euros par mois, ce qui justifie parfaitement la condamnation prononcée à la somme de 20 100 euros pour ladite période, puis la condamnation de la bailleresse jusqu’à respect complet de l’obligation de délivrance par exécution des travaux ordonnés à une somme mensuelle de 335 euros, venant en déduction du loyer appelé.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusive
En vertu des dispositions des articles 1240 et suivant du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
La résistance abusive du défendeur se définit par le fait d’opposer à une action en justice des arguments de mauvaise foi et manifestement infondés, la simple défense à une action en justice ne pouvant constituer un abus de droit.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
La cour fait siens les motifs des premiers juges ayant noté l’absence de toute démonstration tant de la faute ayant fait dégénérer en abus le comportement processuel de chacune des parties que du préjudice subi, la longueur d’une procédure, l’absence de solution amiable, le retard dans l’exécution des travaux, d’autant qu’il y a été remédié en cours de procédure pour la principale réclamation concernant la couverture, n’étant pas à eux seuls abusifs.
La décision est donc également confirmée de ce chef, en ce qu’elle a rejeté les demandes respectives au titre de la résistance et de la procédure abusive.
Aucune procédure n’ayant été jugée abusive, il n’y a pas lieu à amende civile, décision qui dépend du seul imperium de la juridiction et non d’une demande d’une des parties.
– Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [E] succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens, dont distraction au profit de Me Gys.
Les chefs de la décision de première instance relatifs à l’indemnité de procédure et aux dépens, en ce compris les frais de la procédure de référé-expertise et la rémunération de l’expert tant au titre de la première que de la seconde expertise, sont confirmés.
Le sens de la présente décision commande de condamner Mme [E] à payer à la SARL Au Clocher la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 21 décembre 2021, sauf en ce qu’il a condamné Mme [E] à effectuer les travaux permettant d’assurer la fermeture du lanterneau de désenfumage ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE la SARL Au Clocher de sa demande de travaux au titre du lanterneau de désenfumage ;
y ajoutant,
CONDAMNE Mme [E] à payer à la SARL Au Clocher la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
LA DEBOUTE de sa demande d’indemnité procédurale ;
LA CONDAMNE aux dépens d’appel.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
[M] [K]