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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01127 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IMLJ
CO
JUGE DE L’EXECUTION D’AVIGNON
10 mars 2022 RG :
Société GRAND DELTA HABITAT
C/
[K]
[U]
Grosse délivrée le 12 octobre 2022 à :
– Me Hubert GASSER
– Me Sonia DAUSSANT
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution d’AVIGNON en date du 10 Mars 2022, N°
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Christine CODOL, Présidente de chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Octobre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Société GRAND DELTA HABITAT, Société coopérative d’intérêt collectif à forme anonyme, au capital de 11 470 395,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de AVIGNON, sous le numéro 662 620 079, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me FOURREL-GASSER Quentin, substituant Me Hubert GASSER de la SCP GASSER-PUECH-BARTHOUIL-BAUMHAUER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
INTIMÉS :
Madame [M] [K] épouse [U]
née le 10 Juin 1965 à [Localité 2]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Sonia DAUSSANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002890 du 11/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
Monsieur [N] [U]
né le 13 Septembre 1960 à
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Sonia DAUSSANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002891 du 11/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé parMadame Christine CODOL, Présidente de chambre, le 12 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 24 mars 2022 par la société Grand Delta Habitat à l’encontre du jugement prononcé le 10 mars 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Avignon dans l’instance n°21/02230 ;
Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai du 12 avril 2022 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 mai 2022 par l’appelante – ci-après le bailleur – et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 août 2022 par Madame [M] [K] épouse [U] et Monsieur [N] [U], – les locataires, intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance du 12 avril 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 15 septembre 2022.
* * *
Par exploit du 27 juillet 2020, la société appelante a fait assigner ses locataires, les intimés, en résiliation de bail et expulsion devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Avignon.
Par ordonnance de référé du 17 novembre 2020, ce juge a suspendu les effets de la clause résolutoire au respect d’un échéancier d’apurement du passif précisément fixé.
L’ordonnance de référé a été signifiée aux locataires le 23 novembre 2020.
Par courrier du 20 octobre 2020, le bailleur a mis en demeure les locataires de s’acquitter de la somme totale de 393,12 euros incluant la première mensualité de régularisation.
Deux nouvelles mise en demeures étaient encore adressées par courriers des 15 décembre 2020 et 10 février 2921.
Par acte d’huissier du 5 mai 2021, il leur a fait délivrer un commandement de libérer les locaux dans le délai de deux mois, sur le fondement de l’ordonnance de référé du 17 novembre 2020.
Sur constat d’occupation des locaux par les locataires malgré ce, dressé le 5 juillet 2021, une réquisition de force publique a été adressée aux services de l’Etat.
Par requête du 7 septembre 2021, la locataire a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Avignon d’une demande en délais avant expulsion et son époux, co-titulaire du bail, est intervenu volontairement à la procédure.
Sur leur demande et par jugement du 10 mars 2022, le juge de l’exécution a :
reçu l’intervention volontaire de Monsieur,
déclaré recevable la demande des locataires tendant à voir annuler le commandement de quitter les lieux du 5 mai 2021,
annulé l’acte du 5 mai 2021 leur faisant commandement d’avoir à quitter les lieux qu’ils occupent,
condamné le bailleur à leur payer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné le bailleur aux dépens.
Ce bailleur a relevé appel du jugement pour le voir infirmer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire du colocataire.
***
Dans ses dernières conclusions, l’appelante demande à la Cour, au visa des articles R121-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article L714-1 du code de la consommation :
d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
à titre principal, déclarer irrecevable la demande des époux locataires en annulation du commandement de quitter les lieux,
à titre subsidiaire, les débouter de leur demande,
en tout état de cause, dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
Statuant à nouveau,
débouter les époux de leur demande de délai pour quitter les lieux,
les condamner aux entiers dépens d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 800 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait tout d’abord valoir que le juge de l’exécution doit être saisi par assignation conformément à l’article R121-11 du code des procédures civiles d’exécution, et que, si il peut également être saisi par voie de requête par exception pour une demande de délais, une demande en annulation d’acte d’huissier ne peut être présentée que par assignation du fait d’un nécessaire parallélisme des formes.
Partant, la demande d’annulation du commandement présentée devant le juge de l’exécution saisi par requête est irrecevable.
Sur le fond, l’appelante observe que l’article L614-1 du code de la consommation ne pouvait recevoir application en l’instance dès lors qu’au moment du dépôt du dossier de surendettement par les locataires, leur bail était déjà résilié dans la mesure où ils n’avaient pas respecté l’échéancier de paiement fixé par le juge des référés dans l’ordonnance du 17 novembre 2020 et où ils n’étaient plus alors que des occupants sans droit ni titre.
Enfin, ils s’opposent à tout nouveau délai en relevant que les intimés ne recherchent pas sérieusement à se reloger, qu’ils sont à l’origine de nuisances pour leurs voisins et occupent indûment un logement social trop grand pour leurs besoins.
***
Les intimés demandent pour leur part à la Cour, au visa des articles 1343-5 du code civil, L741-1 et suivants du code de la consommation et de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, de :
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
à titre subsidiaire,
leur octroyer un délai de 36 mois pour quitter les lieux,
en tout état de cause,
débouter l’appelante de ses demandes, fins et conclusions,
la condamner à leur payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils se prévalent des dispositions de l’article R442-2 du code des procédures civiles d’exécution pour soutenir que la contestation d’expulsion dont ils ont saisi le juge de l’exécution par lettre recommandée avec avis de réception est recevable.
Sur le fond, ils soutiennent qu’en vertu de l’article L714-1 du code de la consommation et comme l’indique le courrier du 20 aout 2021 qui leur a été envoyé par la commission de surendettement des particuliers du Vaucluse, le bail reste maintenu si les loyers et charges sont payés pendant les deux années suivant la décision de la commission.
En outre, les dettes sont totalement effacées au 30 juin 2021 par l’effet de cette décision de sorte que le solde du décompte du bailleur est « à zéro » à cette date, les loyers et charges ayant été régulièrement payés postérieurement à la décision de la commission. En conséquence, le bail est maintenu et le bailleur ne peut se prévaloir de la clause de résiliation de plein droit de l’ordonnance du 19 novembre 2020.
Les intimés ajoutent que « lorsque la commission de surendettement intervient après le juge du bail, les mesures qu’elle prend se substituent à la décision prise antérieurement par le juge d’instance, à condition que le locataire ait repris le paiement de ses loyers et charges courants, selon l’article L714-1 du code de la consommation.
Enfin, ils considèrent que l’appelante ne justifie pas des « nombreux » impayés qu’elle allègue en suite de l’ordonnance du référé, alors que le décompte qu’elle produit ne correspond pas aux termes de cette ordonnance.
A titre subsidiaire, ils font valoir qu’ils se trouvent dans une situation de grande précarité, Madame étant invalide et Monsieur, travailleur handicapé, sortant de prison, qu’ils sont de bonne foi et ont fait plusieurs demandes de relogement, en vain. Ils contestent formellement les nuisances invoquées et sollicitent les plus amples délais.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la recevabilité :
L’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose, s’agissant de la procédure devant le juge de l’exécution, que « sauf dispositions contraires, la demande est formée par assignation à la première audience utile du juge de l’exécution ».
Et, précisément, l’article R442-2 du code des procédures civiles d’exécution décide que « par dérogation aux dispositions de l’article R121-1, la demande relative à l’exécution d’une décision de justice ordonnant l’expulsion peut être formée au greffe du juge de l’exécution par lettre recommandée avec avis de réception ou par déclaration faite ou remise contre récépissé ».
L’article L411-1 du code des procédures civiles d’exécution quant à lui exige la délivrance d’un commandement préalable et spécifique à l’expulsion avant qu’elle puisse être poursuivie.
Et c’est précisément l’objet du commandement de libérer les locaux signifié aux intimés le 5 mai 2021 dont la nullité est poursuivie. Or ce commandement est délivré en vertu de l’ordonnance de référé du 17 novembre 2020 et donc pour l’exécution de cette décision de justice ordonnant l’expulsion.
Dès lors les demandes formées par les époux locataires devant le juge de l’exécution en contestation de cette exécution ont pu être valablement formées, par exception en vertu de l’article R442-2 du code des procédures civiles d’exécution, par lettre recommandée avec avis de réception, devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Avignon. Elles sont donc recevables.
Sur le fond :
sur la nullité du commandement :
Par ordonnance de référé du 17 novembre 2020, le juge a :
suspendu les effets de la clause résolutoire,
condamné solidairement les locataires à payer au bailleur 338,32 euros de provision pour l’arriéré de loyer au 30 septembre 2020,
dit que les débiteurs, tout en réglant le loyer courant à son terme pourront s’acquitter de cette somme en mensualités de 60 euros outre une dernière représentant le solde et qu’en cas de respect de l’échéancier jusqu’à son terme, la clause résolutoire n’aura pas d’effet,
dit que faute de respecter cet échéancier ou en cas de défaut de paiement du loyer courant et automatiquement :
* le solde restant du sera immédiatement exigible
* la clause résolutoire sera assortie de son plein effet et le bail résilié,
* les locataires seront expulsés ainsi que tous occupants de leur chef avec si besoin est le concours de la force publique,
* les locataires devront une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges courants comme si le bail n’avait pas été résilié.
Cette ordonnance a été signifiée le 23 novembre 2020 à la personne des deux époux locataires et est, par nature, exécutoire par provision.
En vertu de cette décision, il leur incombait en conséquence, à compter de cette date, de régler le loyer courant à son terme et de s’acquitter chaque mois d’une somme de 60 euros jusqu’à épuisement du montant de 338,32 euros.
C’est aux intimés, débiteurs, de justifier du paiement de ces sommes.
Or, ils sont totalement déficients dans l’administration de cette preuve puisqu’ils ne produisent leurs relevés de compte qu’à partir de mai 2021 et se contentent de contester formellement les décomptes présentés par le bailleur.
Ce faisant, ils ne démontrent pas s’être acquittés des échéances dues à compter du 23 novembre 2020 conformément au calendrier fixé par l’ordonnance de référé.
Or, selon les dispositions même de cette ordonnance, tout défaut de paiement du loyer courant et de l’échéance d’apurement du solde entraine « automatiquement » la reprise d’effet de la clause résolutoire et la résiliation du bail.
Ainsi, en exécution de l’ordonnance de référé du 17 novembre 2020, le bail d’habitation conclu entre les intimés et leur bailleur, la société appelante, a été résilié en décembre 2020 du fait du non respect par les locataires de l’échéancier mis en place.
A compter de 2021, les intimés ne sont plus locataires mais seulement occupants sans droit ni titre de l’appartement de l’appelante. Ils ne peuvent donc se prévaloir de la protection mise en place pour les locataires par l’article L.714-1 du code de la consommation dans le cadre de la procédure de surendettement engagée sur leur demande du 20 avril 2021 et de la décision de la commission de surendettement du 30 aout 2021.
C’est en conséquence à bon droit que la société appelante a poursuivi leur expulsion et le commandement délivré le 5 mai 2021 est parfaitement régulier. Le jugement déféré sera infirmé sur le fond.
sur la demande de délais :
L’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que, pour la fixation des délais demandés par un occupant qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion de son logement, il est notamment tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par cet occupant, et des diligences faites pour se reloger.
En l’espèce, si les intimés justifient effectivement être dans une situation personnelle difficile tenant leur état de santé, la Cour ne peut manquer de constater qu’alors qu’ils bénéficiaient déjà d’une mesure de suspension de la clause résolutoire de leur bail malgré les impayés par ordonnance de référé, avec rééchelonnement de leur dette, ils n’ont dès le premier mois pas même respecté cette mesure.
De même, ils ne justifient de démarches en vue de leur relogement qu’à compter d’aout 2021 alors même qu’ils étaient défaillants dans leurs obligations de locataires depuis plus d’un an (commandement de payer délivré le 13 février 2020 selon mention à l’ordonnance de référé).
Dès lors, leur demande de délais ne peut qu’être rejetée.
Sur les frais de l’instance :
Les intimés, qui succombent, devront supporter les dépens de la première instance et de l’instance d’appel, et payer à l’appelante une somme équitablement arbitrée à 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la demande de Madame [M] [K] épouse [U] et Monsieur [N] [U] en annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 5 mai 2021 ;
Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions déférées à la Cour ;
Et statuant à nouveau,
Déboute Madame [M] [K] épouse [U] et Monsieur [N] [U] de leur demande en annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 5 mai 2021 ;
Déboute Madame [M] [K] épouse [U] et Monsieur [N] [U] de leur demande de délais ;
Dit que Madame [M] [K] épouse [U] et Monsieur [N] [U] supporteront les dépens de première instance et d’appel et payeront à la société Grand delta habitat une somme de 800 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Christine CODOL, Présidente de chambre, et par M. Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,