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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 AVRIL 2023
N° RG 21/07362 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U4JG
AFFAIRE :
M. [E] [Y]
…
C/
Mme [H] [C]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de COURBEVOIE
N° RG : 112000906
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 11/04/23
à :
Me Zayan BALHAWAN
Me Amélie GLORIAN
Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [E] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Zayan BALHAWAN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 218
Madame [L] [Y] épouse [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Zayan BALHAWAN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 218
APPELANTS
****************
Monsieur [H] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Amélie GLORIAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 376
Représentant : Maître Hélène WOLFF de l’AARPI Cabinet WOLFF – ZAZOUN – KLEINBOURG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0004 –
Madame [V] [D] épouse [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Amélie GLORIAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 376
Représentant : Maître Hélène WOLFF de l’AARPI Cabinet WOLFF – ZAZOUN – KLEINBOURG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0004 –
Monsieur [R] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Amélie GLORIAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 376
Représentant : Maître Hélène WOLFF de l’AARPI Cabinet WOLFF – ZAZOUN – KLEINBOURG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0004 –
Madame [T] [X] épouse [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Maître Amélie GLORIAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 376
Représentant : Maître Hélène WOLFF de l’AARPI Cabinet WOLFF – ZAZOUN – KLEINBOURG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0004 –
OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT RIVES DE SEINE HABITAT, venant aux droits de l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE [Localité 4] EPT PARIS OUEST – LA DEFENSE, domicilié [Adresse 1]
N° SIRET : 279 200 406 RCS Nanterre
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 21523 –
Représentant : Maître François-xavier LEMOINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0314
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, président, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de bail en date du 16 octobre 2019, l’OPH de [Localité 4] habitat Paris Ouest la Défense a donné à bail à Mme [L] [Y] et M. [E] [Y] un local à usage d’habitation situé [Adresse 2].
Les époux [Y] occupent ces locaux avec leurs quatre enfants.
Par acte de commissaire de justice délivré le 7 décembre 2020, l’Office public de l’habitat de [Localité 4] a assigné M. et Mme [Y] devant le juge des contentieux de la protection de Courbevoie aux fins de :
– dire et juger qu’ils sont à l’origine de troubles anormaux de voisinage,
– prononcer la résiliation judiciaire du bail de M. et Mme [Y] pour le logement sis [Adresse 2],
– ordonner leur expulsion et celle tous les occupants de leur chef des locaux situés [Adresse 2], avec l’assistance de la force publique si besoin est et ce, sous astreinte de trois cents euros par jour de retard à compter du jugement,
– obtenir leur condamnation à lui payer une indemnité d’occupation de montant égal à celui du loyer et des charges qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi,
– leur condamnation à lui payer la somme de 1 481,29 euros au titre des réparations de la porte du logement donné à bail,
– leur condamnation à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– leur condamnation aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
M. [R] [M] et Mme [T] [M] d’une part, et M. [H] et Mme [V] [C] d’autre part, sont intervenus volontairement à l’instance en qualité de titulaires d’un bail d’habitation dans le logement sis [Adresse 2] et occupants des appartements n°108 situé au 2ème étage pour les premiers et n°112 au 4ème étage pour les seconds.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie a :
– reçu l’intervention volontaire accessoire de M. et Mme [M] et de M. et Mme [C] et les a déclarés recevables,
– prononcé la résiliation judiciaire du bail d’habitation signé le 16 octobre 2019, entre d’une part l’Office public de l’habitat de [Localité 4], en qualité de bailleur et d’autre part M. et Mme [Y], en qualité de locataires, portant sur un appartement n°110, de type F 5 situé [Adresse 2],
– autorisé, à défaut de départ volontaire dans les deux mois d’un commandement de quitter les lieux l’expulsion de M. et Mme [Y] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec si besoin, l’assistance d’un serrurier et de la force publique,
– condamné M. et Mme [Y] à payer à l’Office public de l’habitat de [Localité 4] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant qui aurait été dû si le bail avait perduré, du mois de décembre 2021, jusqu’à complète libération des lieux,
– condamné in solidum M. et Mme [Y] à payer à M. [M] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– condamné in solidum M. et Mme [Y] à payer à Mme [M] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– condamné in solidum M. et Mme [Y] à payer à Mme [C] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– condamné in solidum M. et Mme [Y] à payer à M. [C] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– rejeté la demande du bailleur au titre du remboursement de travaux de réparation d’une porte palière,
– rejeté toute autre demande,
– condamné M. et Mme [Y] aux dépens ainsi qu’à payer à chacun des demandeurs une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– écarté l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration reçue au greffe le 10 décembre 2021, M. et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 15 novembre 2022, M. et Mme [Y], appelants, demandent à la cour de :
– déclarer recevable et fondé leur appel,
– infirmer la décision entreprise en ce que le juge des contentieux de la protection en ce qu’il :
* a prononcé la résiliation judiciaire du bail d’habitation signé le 16 octobre 2019 portant sur un appartement n°110, de type F 5 situé [Adresse 2],
* a autorisé, à défaut de départ volontaire dans les deux mois d’un commandement de quitter les lieux, leur expulsion ainsi que celle de tout occupant de leur chef, avec si besoin, l’assistance d’un serrurier et de la force publique,
* les a condamnés à payer à l’Office public de l’habitat de [Localité 4] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant qui aurait été dû si le bail avait perduré, du mois de décembre 2021, jusqu’à complète libération des lieux,
* les a condamnés in solidum à payer à M. [M] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* les a condamnés in solidum à payer à Mme [M] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* les a condamnés in solidum à payer à Mme [C] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* les a condamnés in solidum à payer à M. [C] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* les a condamnés aux dépens ainsi qu’à payer à chacun des demandeurs une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
En ce qui concerne les demandes de l’Office public de l’habitat de [Localité 4], à titre principal,
– débouter l’Office public de l’habitat de [Localité 4] de ses demandes de résiliation judiciaire du bail, d’expulsion et de condamnation au versement d’une indemnité d’occupation,
– débouter l’Office public de l’habitat de [Localité 4] de sa demande de condamnation des époux [Y] à devoir réparer la porte d’entrée du logement qu’ils occupent,
– débouter l’Office public de l’habitat de [Localité 4] de toutes autres demandes,
A titre subsidiaire,
– ordonner une expertise judiciaire permettant d’éclairer la cour sur l’insuffisance structurelle dont souffre l’immeuble au titre de l’isolation acoustique et phonique,
– s’il y a lieu, surseoir à statuer dans la présente instance, dans l’attente du résultat de toute expertise judiciaire qui pourrait être diligentée en cours d’instance pour établir si l’immeuble dans lequel se trouve le logement des concluants souffre d’insuffisances de l’isolation acoustique,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de résiliation,
– leur accorder les plus larges délais pour quitter les lieux,
– condamner M. [M], responsable des dégradations, à les relever et les garantir de toute condamnation au titre des réparations de la porte d’entrée de leur logement,
En ce qui concerne les demandes des consorts [M] et [C],
– les débouter de l’intégralité de leurs demandes tant en ce qui concerne leurs demandes de dommages et intérêts que celles formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En toute hypothèse,
– condamner toute partie succombante à leur verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner toute partie succombante aux entiers dépens de première instance et d’appel dans le recouvrement sera effectué pour ceux-là, par Me Zayan Balhawan, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 15 novembre 2022, l’Office public de l’habitat rives de seine habitat, venant aux droits de l’Office public de l’habitat de [Localité 4], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :
– lui donner acte qu’il vient aux droits de l’Office public de l’habitat de [Localité 4]
– le déclarer recevable en ses demandes,
Y faisant droit, à titre principal
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
* a déclaré que M. et Mme [Y] étaient à l’origine de troubles anormaux de voisinage,
* a prononcé la résiliation judiciaire du bail d’habitation signé le 16 octobre 2019, entre d’une part l’Office public de l’habitat de [Localité 4], en qualité de bailleur et d’autre part M. et Mme [Y], en qualité de locataires, portant sur un appartement n° 110, de type F 5 situé [Adresse 2],
* a autorisé, à défaut de départ volontaire dans les deux mois d’un commandement de quitter les lieux l’expulsion de M. et Mme [Y] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec si besoin, l’assistance d’un serrurier et de la force publique,
* a condamné M. et Mme [Y] à payer à l’Office public de l’habitat de [Localité 4] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant qui aurait été dû si le bail avait perduré, du mois de décembre 2021, jusqu’à complète libération des lieux,
* a condamné M. et Mme [Y] aux dépens ainsi qu’à payer à chacun des demandeurs une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* a débouté le bailleur de sa demande d’astreinte,
* a débouté le bailleur de sa demande de remboursement de la somme de 1 481, 29 euros au titre des réparations de la porte du logement donné à bail à M. et Mme [Y],
Par conséquent, statuant à nouveau et faisant droit à son appel incident,
– assortir l’expulsion des locataires d’une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, subsidiairement de la signification de l’arrêt à intervenir jusqu’à ce qu’il soit établi que les lieux soient remis à la libre disposition de la bailleresse,
– déclarer que la dégradation de ladite porte est imputable à M. et Mme [Y],
– condamner solidairement les locataires à verser au bailleur la somme de 1 481,29 euros au titre des réparations de la porte litigieuse,
En tout état de cause,
– débouter M. et Mme [Y] de leur demande d’expertise,
– débouter M. et Mme [Y] de leur demande de délais pour quitter les lieux et plus généralement de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance devant de la cour d’appel,
– condamner M. et Mme [Y] aux entiers dépens d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile, au titre de la présente procédure,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans faisait droit à la demande de désignation d’expert sollicitée par M. et Mme [Y],
– mettre à la charge de M. et Mme [Y] les frais et honoraires de l’expertise judiciaire.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 23 novembre 2022, les consorts [M] et [C], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
– les dire et juger recevables et bien fondés en leurs conclusions d’intimés,
Y faisant droit,
– confirmer le jugement du 18 novembre 2021 en ce qu’il :
* a jugé que M. et Mme [Y] étaient à l’origine de troubles anormaux de voisinage,
* a prononcé la résiliation judiciaire du bail d’habitation signé le 16 octobre 2019 portant sur un appartement n° 110, de type F 5 situé [Adresse 2],
* a autorisé, à défaut de départ volontaire dans les deux mois d’un commandement de quitter les lieux, leur expulsion,
* a condamné M. et Mme [Y] à payer à l’Office public de l’habitat de [Localité 4] une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant qui aurait été dû si le bail avait perduré et jusqu’à complète libération des lieux,
* a condamné M. et Mme [Y] in solidum à payer à M. et Mme [M] et M. et Mme [C] des dommages et intérêts pour préjudice moral,
* a condamné M. et Mme [Y] à payer à M. et Mme [M] et M. et Mme [C] la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués,
– statuant à nouveau, condamner solidairement M. et Mme [Y] à leur à chacun payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner M. et Mme [Y] aux entiers dépens et à verser la somme de 1 000 euros aux époux [C] et la somme de 1 000 euros aux époux [M].
La clôture de l’instruction a été prononcée le 1er décembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la résiliation du bail consenti aux époux [Y]
Les époux [Y] font grief au premier juge d’avoir prononcé la résiliation judiciaire de leur bail, motif pris des troubles de voisinages qui leur sont imputables.
Poursuivant l’infirmation du jugement, ils font valoir à hauteur de cour, que :
– les nuisances sonores dont s’estiment victimes leurs voisins ne sont pas liées à un comportement anormal de leur part, mais à la mauvaise isolation phonique de l’immeuble,
– les autres griefs dirigés à leur encontre émanent d’allégations mensongères de leurs voisins [M] et [C], qui les harcellent, et sont les seuls à se plaindre de leur comportement,
– la preuve du caractère anormal du trouble, en l’absence de toute mesure acoustique, n’est pas rapportée, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, les nuisances alléguées par leurs voisins étant inhérentes à la vie quotidienne d’une famille normale occupant un logement privatif dans un immeuble collectif dont l’isolation phonique est défaillante,
– le constat de commissaire de justice concernant les nuisances olfactives ne permet pas d’en déterminer la provenance, ni leur fréquence et leur intensité.
Le bailleur intimé de répliquer que :
– les nuisances sonores et olfactives et leur imputabilité à la famille [Y] et leur anormalité sont établies par les nombreuses pièces versées au dossier,
– les époux [Y] ont été avertis à plusieurs reprises et plusieurs réunions de médiation ont été organisées en vain,
– les époux [Y] ont manqué à l’obligation qui leur est faite par la loi du 6 juillet 1989 de jouir paisiblement des lieux donnés à bail et sans créer aux autres locataires des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage,
– le logement construit en 1969 respecte les normes acoustiques de son année de construction, étant relevé qu’aucune norme n’est applicable pour les logements construits avant 1970.
Les consorts [M] et [C], voisins des appelants, exposent que :
– depuis l’arrivée de la famille [Y], leur quotidien est devenu un enfer, les nuisances sonores étant quotidiennes, importantes et souvent nocturnes, les empêchant de jouir sereinement de leur logement, et les contraignant à louer régulièrement des chambres d’hôtel pour s’assurer un sommeil paisible, et à se rendre à sept reprises dans les locaux du commissariat de police pour requérir l’aide la police,
– les engagements pris devant le conciliateur de justice par M. [Y] n’ont jamais été respectés,
– l’une des chambres du logement [Y] a été transformée en salon à chicha, dans lequel les consorts [Y] fument et reçoivent bruyamment à toute heure du jour et de la nuit
– une pétition a été signée par la moitié des résidents de l’immeuble.
Réponse de la cour
Il résulte des articles 1728 et 1741 du Code civil que le preneur doit user raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail de la chose louée et que le manquement à cette obligation par le locataire est sanctionné par la résiliation du bail.
La responsabilité du locataire est engagée pour les troubles causés par les occupants de son chef et notamment par ses enfants mineurs ou majeurs, au visa de l’article 1735 du Code civil qui dispose que le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison.
Au cas d’espèce, le bailleur social et les consorts [M] et [C] versent aux débats de nombreux témoignages qui attestent des nuisances sonores et olfactives et des incivilités imputées à la famille [Y] et notamment :
– une pétition signée par des locataires de l’immeuble le 17 juin 2020, faisant mention de ‘ parents qui hurlent de jour comme de nuit et de sauts et jets d’objets jusqu’à pas d’heure’
– attestation de M. [O] et Mme [F], habitants du rez-de-chaussée, du 24 juin et 1er octobre 2020 indiquant que les époux [Y] ‘ font du bruit en présence de leurs enfants jusque tard dans la nuit’ et que ‘certains voisins sont exténués et fragilisés par le comportement irrespectueux de cette famille, et que M. [Y] aurait lui-même indiqué que son épouse ‘ saute à pieds joints’ pour répondre aux récriminations de ses proches voisins,
– attestation des époux [G] du 17 juin 2020 faisant état de nuisances sonores et d’un comportement irrespectueux et agressif de M. [Y],
– attestation de Mme [A] du 1er octobre 2020 indiquant que la vie est devenue impossible depuis l’arrivée des époux [Y] dans l’immeuble, au mois d’avril 2019 et que les appels à la police municipale sont demeurés sans effet,
– deux procès-verbaux de commissaire de justice du 15 octobre et du 30 décembre 2020, dans lequel le commissaire indique avoir entendu des bruits de pas, des cris d’enfants, une voix de femme, des bruits d’objets traînés, des bruits sourds et des pleurs d’enfant, le son d’un téléviseur,
– une attestation de Mme [B] du 28 octobre 2020, faisant état de nuisances sonores imputées à la famille [Y] et indiquant que cette famille ‘ ne comprend pas le respect de chacun’,
– une attestation de Mme [W] du 2 novembre 2020 faisant état de ‘nuisances dans la journée, nuisances nocturnes, nuisances verbales dans les coursives depuis un an’ et indiquant que tout était paisible auparavant,
– un procès-verbal de commissaire de justice établi le 12 mai 2021, dans lequel le commissaire dit avoir entendu des voix très fortes, des bruits d’objets traînés sur le sol, entre 22 heures et 23 heures trente, des cris d’enfants, des voix fortes, de la musique, des bruits de voix très nombreux,
– une pétition signée par neuf locataires de l’immeuble au mois de janvier 2022, faisant état de nuisances sonores et olfactives imputées à la famille [Y] qui sont qualifiées d’infernales et qui perturbent ‘la communauté résidente’
– des procès-verbaux de plaintes et des mains courantes des familles [M] et [C],
– quatre courriers adressés par le bailleur à M. [Y] pour l’inviter à cesser les troubles de voisinage dont il est à l’origine, suivie d’une sommation interpellative du 2 septembre 2020 d’avoir à cesser les troubles.
Ces différentes attestations, pétitions, et procès-verbaux de commissaire de justice, concordants et suffisamment circonstanciés, établissent, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la réalité et le caractère anormal, du fait de leur intensité et de leur répétition, des troubles du voisinage imputés à la famille [Y] : il y est question de bruits de déplacement de meubles, de jour comme de nuit, de hurlements à savoir de cris très forts et prolongés, dont la localisation dans le temps et la constance sont démontrées et qui ne peuvent s’expliquer par la seule isolation phonique défectueuse de l’immeuble construit en 1969, à une époque à laquelle il n’existait pas de normes d’isolation phonique.
L’ensemble de ces témoignages dément les allégations des appelants selon lesquelles seuls les famille [M] et [C] se plaindraient de leurs agissements.
Par ailleurs, les appelants ont été à plusieurs reprises mis en garde et la conciliation qui a eu lieu n’a pas permis de mettre un terme aux troubles du voisinage constatés.
En outre, et comme l’a pertinemment relevé le premier juge, les attestations versées aux débats par les époux [Y], ne sont pas de nature à faire pièce aux témoignages précédemment évoqués, dès lors qu’ils émanent d’anciens voisins, d’intervenants en soutien scolaire, faisant état de relations familiales harmonieuses, parce qu’ils relatent, pour l’essentiel, d’autres moments enfermés dans de brefs créneaux horaires, (soutien scolaire le samedi matin) et époques de la vie de la famille [Y].
Les manquements commis par la famille [Y] sont ainsi suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation du bail, parce qu’ils ont des répercussions sérieuses et démontrées par les certificats médicaux versés aux débats, sur la santé de leurs proches voisins – les consorts [C] et [M] – et parce qu’ils ont eu pour effet de créer, au sein de l’immeuble, un climat délétère et de violence, nuisant à la courtoisie, qui est de mise dans les relations entre voisins, et qui est indispensable pour permettre aux habitants, dans un environnement de diversité sociale et culturelle, de partager harmonieusement leur lieu de vie.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du bail consenti aux époux [Y], a ordonné leur expulsion, sans qu’il ne soit nécessaire d’assortir l’expulsion d’une astreinte, le concours de la force publique étant suffisant pour garantir l’exécution de la décision, et les a condamnés au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi.
En conséquence, les époux [Y] seront déboutés de leur demande d’expertise judiciaire, qui retarderait inutilement la solution du litige.
II) Sur la demande de remboursement des frais de réparation de la porte d’entrée du logement des époux [Y]
Il résulte des articles 1732 du code civil et 7 de la loi du 6 juillet 1989 que le locataire est présumé responsable des dégradations qui surviennent dans les lieux loués pendant la durée du bail, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement.
Au cas d’espèce, il est constant que la porte du logement des époux [Y] a été dégradée et le bailleur produit un devis de remplacement de la porte endommagée pour un montant de 1481,29 euros.
Les époux [Y] ne démontrent pas que les dégradations commises seraient le fait d’un tiers qu’ils n’auraient pas introduit dans le logement.
Par suite, le jugement déféré, qui a inversé la charge de la preuve en déboutant le bailleur, motif pris de ce que l’imputabilité des dégradations aux locataires n’était point établie, sera infirmé et M. et Mme [Y] condamnés in solidum à payer à leur bailleur une somme de 1481,29 euros.
III) Sur les dommages et intérêts alloués aux consorts [M] et [C]
En manquant à leur obligation de jouissance paisible des lieux donnés à bail, les époux [Y] ont commis une faute.
Les consorts [M] et [C] démontrent, en versant aux débats des certificats médicaux prouvant le stress engendré par les nuisances sonores et le manque de sommeil et des factures d’hôtel, que la faute commise par les appelants leur a occasionné un préjudice important, qui, contrairement à ce que soutiennent les appelants est en lien causal avec cette faute, et qui, compte tenu de sa durée et de son intensité, sera intégralement réparé par la condamnation des époux [Y] à payer à M. et Mme [C], une indemnité d’un montant total de 4 000 euros, et à M. et Mme [M] une indemnité d’un montant total de 4 000 euros.
IV) Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Compte tenu de l’ancienneté des troubles de voisinage établis, les appelants, qui ont déjà bénéficié des délais de la procédure, seront déboutés de cette demande.
V) Sur les demandes accessoires
Les appelants, qui succombent, seront condamnés aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles, non compris dans ces mêmes dépens, étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant :
– débouté l’office public de l’habitat Rives de Seine habitat venant aux droits l’office public de l’habitat de [Localité 4] EPT Paris ouest- la Défense, du remboursement du coût de remplacement de la porte palière,
– condamné in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] à payer à Mme [T] [M] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, et à M. [R] [M] une somme de même montant à titre de dommages et intérêts,
– condamné in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] à payer à M. [C] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, et à Mme [C] une somme de même montant à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Condamne in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] à payer à l’office public de l’habitat Rives de Seine habitat venant aux droits l’office public de l’habitat de [Localité 4] EPT Paris ouest- la Défense une somme de 1 481, 29 euros ;
Condamne in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] à payer à M. et Mme [C] une somme totale de 4 000 euros et à M. et Mme [M] une somme d’un montant total de 4 000 euros ;
Déboute M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] de la totalité de leurs demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] à payer à l’office public de l’habitat Rives de Seine habitat venant aux droits l’office public de l’habitat de [Localité 4] EPT Paris ouest- la Défense une somme de 3 000 euros ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] à payer à M. et Mme [C] une somme de 1 000 euros et à M. et Mme [M] une somme de 1 000 euros ;
Condamne in solidum M. [E] [Y] et Mme [L] [Y] aux dépens de la procédure d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,