Bail d’habitation : 11 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01597

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Bail d’habitation : 11 avril 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01597
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VCF/AV

[U] [T]

C/

[G] [T]

SNC JACQFLIN

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023

N° RG 21/01597 – N° Portalis DBVF-V-B7F-F2YM

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 novembre 2021,

rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dijon

RG : 11/ 21-000002

APPELANTE :

Madame [U] [T]

née le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 7] (21)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Baptiste GAVIGNET, membre de la SCP GAVIGNET & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 53

INTIMÉS :

Monsieur [G] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non représenté

SNC JACQFLIN, société en nom collectif, immatriculée au RCS de DIJON sous le n° B 750988859, prise en la personne de son représentant légal en exercice, son associé-gérant.

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Dorothée LEMAIRE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 64

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Sophie BAILLY, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 11 Avril 2023,

ARRÊT : rendu par défaut,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 21 février 2018, la SNC Jacqflin a donné à bail à Mme [U] [T] un studio sis [Adresse 5] à [Localité 7], en contrepartie d’un loyer mensuel de 320 euros, payable d’avance, outre 30 euros de charges.

Mme [T] a versé un dépôt de garantie de 640 euros.

Par acte du 22 février 2018, M. [G] [T], père de la preneuse à bail, s’est porté caution solidaire pour un montant maximal de 12 000 euros.

Le 26 août 2019, la SNC Jacqflin a vainement fait délivrer à Mme [T], un commandement de payer la somme principale de 1 365,15 euros. Ce commandement visant la clause résolutoire a été dénoncé à la caution par acte du 27 août 2019.

Par assignation du 26 novembre 2019, la SNC Jacqflin a saisi le juge des référés du tribunal d’instance de Dijon aux fins d’obtenir la constatation de l’acquisition des effets de la clause résolutoire du bail et l’expulsion de la preneuse à bail, faute de paiement des loyers. Reconventionnellement, Mme [U] [T] a soulevé la nullité du commandement de payer et demandé l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire, en faisant valoir la non décence du logement.

Par ordonnance de référé du 25 septembre 2020, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Dijon a constaté l’existence d’une contestation sérieuse et pour ce motif, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Par acte du 14 décembre 2020, la SNC Jacqflin a fait assigner Mme [U] [T] et M. [G] [T], en sa qualité de caution solidaire devant le tribunal judiciaire de Dijon, en résiliation du bail, expulsion et paiement de la somme de 3 340,67 euros au titre de l’arriéré de loyers et charges.

Mme [U] [T] a, en cours d’instance, fait parvenir un chèque de 2 300 euros à valoir sur sa dette locative à la SNC Jacqflin et a quitté l’appartement pris à bail le 4 mars 2021, un état des lieux de sortie étant contradictoirement établi selon procès-verbal dressé par huissier de justice.

La SNC Jacqflin s’est désistée de sa demande d’expulsion, mais a sollicité du tribunal la condamnation solidaire des consorts [T] au paiement des sommes suivantes, outre dépens et frais non compris dans les dépens :

– 519,71 euros au titre de l’arriéré des loyers et charges dû au 4 mars 2021, date de la fin du bail, dépôt de garantie déduit,

– 2 640 euros au titre du coût de remise en état du logement.

Mme [U] [T] a soulevé, en défense la nullité du commandement de payer et fait valoir que la résiliation du bail devait être prononcée aux torts du bailleur au 4 mars 2021 en raison de l’indécence du logement. Elle a sollicité le débouté des demandes de la SNC Jacqflin et sa condamnation à lui payer diverses sommes au titre du trouble de jouissance, du préjudice personnel lié à ses troubles de santé ainsi que du remboursement du dépôt de garantie, outre dépens et frais non compris dans les dépens.

Par jugement du 19 novembre 2021, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Dijon a :

– déclaré recevable la demande de la SNC Jacqflin,

– prononcé la nullité du commandement de payer délivré par la SNC Jacqflin,

– constaté que la SNC Jacqflin se désiste de sa demande d’expulsion,

– condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à payer à la SNC Jacqflin :

* la somme de 519,71 euros au titre de l’arriéré de loyers et charges dû au 4 mars 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

* la somme de 2 640 euros au titre des réparations locatives, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

– rejeté la demande de Mme [U] [T] au titre d’un trouble de jouissance,

– rejeté la demande de Mme [U] [T] au titre d’un préjudice personnel et de santé,

– rejeté la demande de Mme [U] [T] au titre du remboursement du dépôt de garantie,

– condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] :

. aux dépens, desquels sont exclus le coût du commandement de payer du 26 août 2019 et de sa dénonciation à caution du 27 août 2019,

. à payer à la SNC Jacqflin la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 16 décembre 2021, Mme [U] [T] a interjeté appel de ce jugement, en intimant tant la SNC Jacqflin que M. [G] [T] et en critiquant expressément tous les chefs du jugement sauf ceux ayant :

– déclaré recevable la demande de la SNC Jacqflin,

– prononcé la nullité du commandement de payer du 26 août 2019,

– constaté que la SNC Jacqflin se désistait de sa demande d’expulsion.

Par ordonnance du 23 juin 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de la SNC Jacqflin tendant à l’irrecevabilité de l’appel et à l’irrecevabilité de la déclaration d’appel.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 août 2022, Mme [U] [T] demande à la cour de :

‘ dire et juger son appel recevable et bien fondé,

‘ infirmer le jugement rendu le 19 novembre 2021, en ce qu’il :

– a déclaré recevable la demande de la SNC Jacqflin,

– l’a condamnée solidairement avec M. [G] [T] à payer à la SNC Jacqflin la somme de 2 640 euros au titre des réparations locatives, avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

– rejeté sa demande au titre d’un trouble de jouissance,

– rejeté sa demande au titre d’un préjudice personnel et de santé,

– rejeté sa demande au titre du remboursement du dépôt de garantie,

– l’a condamnée solidairement avec M. [G] [T] à payer à la SNC Jacqflin la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

Statuant de nouveau,

‘ prononcer la résiliation du bail d’habitation conclu le 21 février 2018 entre elle et la SNC Jacqflin à compter du 4 mars 2021 aux torts de la bailleresse,

‘ condamner la SNC Jacqflin à lui verser une somme de :

– 5 250 euros au titre du trouble de jouissance,

– 1 000 euros pour son préjudice personnel et ses problèmes de santé,

– 640 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie,

‘ dire et juger que les sommes dues portent intérêt au taux légal à compter du 4 mars 2021,

‘ débouter la SNC Jacqflin de ses demandes,

‘ confirmer la nullité du commandement de payer délivré par la SNC Jacqflin et condamner la SNC Jacqflin à en supporter le coût,

‘ condamner la SNC Jacqflin aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de commandement et de dénonciation à caution,

‘ confirmer le jugement pour le surplus,

‘ condamner la SNC Jacqflin à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile avec distraction au profit de Me Géraldine Garon de la SCP Gavignet & Associés.

Aux termes du dispositif de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 mai 2022, la SNC Jacqflin demande à la cour de :

‘ juger Mme [U] [T] mal fondée en son appel et demandes et la débouter de l’ensemble de ses demandes,

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– déclaré recevable sa demande,

– constaté qu’elle se désistait de sa demande d’expulsion,

– condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à lui payer la somme de 519,71 euros au titre de l’arriéré de loyers et de charges dus au 4 mars 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

– condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à lui payer la somme de 2 640 euros au titre des réparations locatives avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

– rejeté la demande de Mme [U] [T] au titre d’un trouble de jouissance,

– rejeté la demande de Mme [U] [T] au titre d’un préjudice personnel et de santé,

– rejeté la demande de Mme [U] [T] au titre du remboursement du dépôt de garantie,

– condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

– condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] aux dépens.

‘ réformer le jugement entrepris pour le surplus

Ce faisant, statuant de nouveau,

‘ juger le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail du 26 août 2019 régulier tant en la forme qu’au fond, de sorte qu’aucune nullité ne saurait l’entacher,

‘ condamner par conséquent solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] au paiement du coût de ce commandement de payer du 26 août 2019 et de sa dénonciation à caution du 27 août 2019, outre intérêts au taux légal.

‘ dans tous les cas, condamner solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, afin de l’indemniser des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à hauteur d’appel.

Mme [U] [T] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à M. [G] [T], par acte du 28 février 2022 délivré selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile.

M. [T] n’a pas constitué avocat.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2022.

MOTIVATION

– Sur l’effet dévolutif de l’appel

Il résulte des articles 562 et 901 du code de procédure civile que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement expressément critiqués mentionnés dans la déclaration d’appel.

Dans sa déclaration d’appel, Mme [T] n’a pas critiqué le chef du jugement ayant déclaré la SNC Jacqflin recevable en sa demande.

Elle ne peut pas étendre le périmètre de son appel, dans ses conclusions. Ainsi, la cour n’est pas saisie de sa demande tendant à l’infirmation du jugement sur ce point.

Le jugement dont appel n’est pas critiqué en ce qu’il a condamné solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à payer à la SNC Jacqflin la somme de 519,71 euros au titre de l’arriéré de loyers et de charges dus au 4 mars 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021.

– Sur la demande de Mme [T] en restitution du dépôt de garantie

Il ressort du décompte locatif produit par la bailleresse en pièce 16 de son dossier et de la motivation du premier juge que la somme de 519,71 euros mise à la charge des consorts [T] tient compte du dépôt de garantie, la somme de 640 euros ayant été imputée au crédit de la locataire et ayant réduit, par compensation, le montant des loyers et charges dus au 4 mars 2021.

Il ne peut donc pas être fait droit à la demande de Mme [T] en restitution du dépôt de garantie.

Sur ce point, le jugement doit être confirmé.

– Sur la nullité du commandement de payer

Aux termes des dispositions du I de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans leur version applicable au présent litige, le commandement de payer contient, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ;

2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;

3° Le décompte de la dette ;

4° L’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion ;

5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;

6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.

Mme [T] soutient à juste titre que le commandement de payer qui lui a été délivré le 26 août 2019 ne comporte pas la mention prévue au 4° de l’article 24, I de la loi du 6 juillet 1989.

Ce commandement est donc entaché d’une irrégularité de forme.

Selon l’alinéa 2 de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité du commandement ne peut être prononcée qu’à charge pour Mme [T] de prouver que l’irrégularité relevée lui a causé un grief.

Or, elle n’allègue et a fortiori ne justifie d’aucun grief.

En outre, la cour observe que :

– la mention prescite par le 6° de l’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 figurait dans le commandement,

– Mme [T] était informée de ce que la bailleresse entendait se prévaloir de la clause résolutoire du bail et obtenir la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers,

– Mme [T] qui a fait valoir ses droits devant le juge des référés puis devant le juge des contentieux et de la protection au fond n’a jamais sollicité de délais de paiement et ne le fait pas davantage en cause d’appel.

En conséquence, faute de grief établi, il n’y a pas lieu d’annuler le commandement de payer du 26 août 2019.

Sur ce point, il convient d’infirmer le jugement.

– Sur la décence du logement et les demandes indemnitaires de Mme [T]

Selon l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé.

Les caractéristiques du logement décent sont définies par l’article 2 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002. Selon le point 6 de cet article, pour être décent un logement doit être doté de dispositifs d’ouverture et de ventilation permettant un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

En l’espèce, la SNC Jacqflin fait valoir que le logement donné à bail à Mme [U] [T] avait fait l’objet, préalablement à l’entrée dans les lieux de la preneuse, d’une réfection importante. Pour démontrer la réalité des travaux ainsi effectués, la SNC Jacqflin verse aux débats une facture datée du 5 février 2018 de la société « Gaby Renov » de Saint-Apollinaire précisant avoir réalisé les travaux suivants pour un montant total de 1 035 euros (forfait) :

– changement boîte aux lettres,

– traitement + nettoyage moisissures

– enduits murs

– peinture jaune

– joint douche + cuisine

– fixation différentes prises et inter

– peinture salle de bain

– perçage aération porte fenêtre

– réparation bac à douche

– changement VMC 2.

Or, Mme [T] communique un compte-rendu d’examen des locaux effectué par un organisme indépendant, le conseil médical en environnement intérieur (ci-après nommé « CMEI »), mandaté par son médecin allergologue le Dr [C]. Les conclusions du CMEI, datées du 18 septembre 2019, laissent apparaître la présence :

– d’une VMC simple flux en panne avec bouches d’extraction dans WC, salle de bain, cuisine, pièce principale,

– dans la chambre, d’humidité et de moisissures ayant piqué le matelas,

– dans la cuisine, d’une bouche de ventilation non fonctionnelle et d’importantes marques d’humidité et de moisissures visibles,

– dans la salle de bain, d’une bouche de ventilation non fonctionnelle et d’importantes marques d’humidité et de moisissures visibles au plafond et au niveau du contour de bac de douche,

– des acariens en quantité « préoccupante + + + ».

Il est précisé dans le raport du CMEI que le dispositif de ventilation n’est pas fonctionnel et que l’humidité du logement n’a pu être évacuée par ladite ventilation. De l’humidité s’est infiltrée dans les murs et des moisissures sont apparues à divers endroits du logement.

La cour relève que :

– la facture de la société « Gaby Renov » démontre que les désordres liés à l’humidité et à la présence de moisissures pré-existaient dans le logement donné à bail, avant même que Mme [T] n’y réside puisque lesdits travaux ont consisté notamment à un traitement et nettoyage des moisissures et au changement de deux VMC,

– la bailleresse a fait intervenir en juin 2019 la société Veoxia (cf pièce 2 du dossier de Mme [T]) qui a conclu de la sorte : le problème d’humidité est dû notamment à une très mauvaise aération du logement, voire à une non-utilisation de la VMC par la locataire,

– postérieurement à cette intervention, en août 2019, soit en plein été, Mme [T] a signalé à sa bailleresse ou à son mandataire que les aérations de l’appartement n’étaient toujours pas conformes.

Aucun élément ne permet toutefois de considérer que les VMC, même remplacées par la société « Gaby Renov », fonctionnaient lors de l’entrée dans les lieux. Il n’est, en outre, pas démontré que l’absence de ventilation soit le fait volontaire ou le résultat d’un défaut d’entretien imputables à la preneuse à bail, comme le soutient la SNC Jacqflin, puisque les bouches d’aération ne sont pas obturées, mais non fonctionnelles, ce qui privait de toute effacité l’utilisation de la VMC. Sur ce point, outre le constat établi par le CMEI , l’huissier de justice ayant établi l’état des lieux de sortie a constaté qu’il n’y avait ‘pas d’aspiration au niveau de la VMC’. Il est ainsi démontré que la VMC est inopérante et a favorisé le développement majeur de moisissures ainsi que la dégradation des locaux par l’installation d’une humidité excessive.

Il résulte de ce qui précède que la SNC Jacqflin n’a pas délivré un logement décent à Mme [T] et n’a pas fait en sorte qu’il le devienne durant la durée du bail.

Sa faute contractuelle est indéniablement à l’origine d’un préjudice de jouissance subi par Mme [T].

Il n’est pas établi que le désordre affectant le logement le rendait totalement inhabitable ; d’ailleurs, Mme [T] ne l’a jamais invoqué pour soutenir qu’aucun loyer ne pouvait lui être réclamé et pour conclure au rejet de la demande de la bailleresse tendant à sa condamnation au paiement d’un solde locatif, étant rappelé qu’elle a réglé la somme de 2 300 euros après

avoir quitté le logement et qu’elle ne demande pas l’infirmation du jugement dont appel en ce qu’il a mis à sa charge la somme de 519,71 euros au titre des loyers et charges restant dûs.

En conséquence, elle ne peut pas prétendre à des dommages-intérêts à hauteur de 350 euros par mois, somme correspondant au montant contractuel du loyer et des charges et elle ne peut pas davantage soutenir que la résiliation du bail est imputable à la bailleresse.

Eu égard à la nature et à l’étendue des désordres, la cour alloue à Mme [T] des dommages-intérêts à hauteur de 180 euros par mois, durant une période de 15 mois, conformément à sa demande, soit globalement la somme de 2 700 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021, date du jugement dont appel, en application de l’article 1231-7 du code civil.

En sus de son trouble de jouissance, Mme [T] réclame une indemnité au titre spécifiquement de son préjudice de santé.

Si elle justifie, par les pièces qu’elle communique, avoir été dans l’obligation de suivre un traitement médical aux fins de remédier à ses allergies, il importe toutefois d’observer que le certificat du Dr [C] du 20 juin 2019 mentionne que les tests réalisés sur l’intéressée sont positifs pour les acariens, le chat et le chien, mais pas pour les moisissures provoquées par l’humidité.

Faute d’un lien de causalité suffisamment établi entre le désordre affectant l’appartement et les allergies de Mme [T], la cour confirme le jugement déféré en ce qu’elle a été déboutée de sa demande indemnitaire au titre d’un préjudice de santé.

– Sur les réparations locatives

La SNC Jacqflin réclame et le premier juge lui a accordé, la somme de 2 640 euros en se fondant sur le devis de l’entreprise Lalle Yves – Peinture placo, en date du 8 avril 2021.

Il convient d’apprécier si les travaux listés dans ce devis sont en corrélation avec des dégradations qui pourraient être imputées à Mme [T] au titre d’un défaut d’entretien et d’un mauvais usage des lieux loués.

‘ la réfection des murs et plafonds du couloir et de la pièce principale du studio.

Il est indiqué dans le procès-verbal de constat du 4 mars 2021 que :

– la peinture des plafonds est en état d’usage ; en conséquence, aucune somme ne peut être mise à la charge de Mme [T] au titre de la reprise des plafonds ;

– la peinture jaune des murs présentent des traces de frottement, des salissures et des traces noiratres ou d’humidité. Cette peinture avait été refaite juste avant l’entrée dans les lieux de Mme [T] (cf facture Gaby/renov du 5 février 2018) et la nécessité de la reprendre n’est pas exclusivement imputable à l’humidité. Le devis évalue la réfection des murs à la somme HT de 1 352 euros, mais cette réfection ne consiste pas seulement à repeindre les murs puisqu’il est également prévu la pose d’une toile de verre, ce qui constitue une amélioration notable des lieux à laquelle Mme [T] n’est pas tenue de participer. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour met à la charge de Mme [T] une somme de 220 euros TTC.

‘ la réfection de la salle de bains

Il est indiqué dans le procès-verbal de constat du 4 mars 2021 que le plafond de cette pièce est très noirci en raison de moisissures et de traces d’humidité et que ses murs présentent des traces d’humidité importantes côté bac à douche. Ce désordre est manifestement en lien direct avec la non-conformité du logement aux normes de décence prescrites par l’article 2, 6 du décret du 30 janvier 2002. En conséquence, aucune somme ne peut être mise à la charge de Mme [T] au titre de la réfection du plafond et des murs de la salle de bains.

En raison de cette non-conformité du logement, Mme [T] ne peut en aucun cas être tenue aux frais de reprise des joints silicone de la douche.

La porte d’entrée dans la salle de bains est une porte coulissante en bois, peinte, qui présentait le 4 mars 2021 des rayures d’usage, qui était sale et dont la face interne présentait un enfoncement grossièrement rebouché et non repeint. L’état de cette porte est incontestablement imputable à un mauvais entretien et à une dégradation imputables à Mme [T]. Le coût de la remise en peinture de cette porte évalué à 72,60 euros TTC doit être mis à la charge de Mme [T].

‘ la refixation au mur de deux radiateurs électriques pour le coût de 77 euros TTC.

L’état des lieux de sortie révèle que le sèche-serviettes de la salle de bains était déposé et qu’un des deux radiateurs de la pièce principale n’était plus correctement fixé.

Il convient de mettre cette somme à la charge de Mme [T].

Ainsi globalement si Mme [T] et son père en sa qualité de caution doivent être tenus à des réparations locatives, ils ne peuvent l’être qu’à hauteur de 369,60 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021.

Il convient sur ce point de réformer le jugement déféré.

– Sur la compensation des créances réciproques

Créancière à l’encontre de Mme [U] [T] de la somme globale de 889,31 euros (519,71 euros + 369,60 euros) au titre des loyers, charges et réparations locatives, la SNC Jacqflin est débitrice à son égard de la somme de 2 700 euros de dommages-intérêts, étant rappelé que toutes ces sommes produisent intérêts à compter de la même date : le 19 novembre 2021.

In fine, c’est donc la SNC Jacqflin qui reste devoir la somme de 1 810,69 euros à Mme [U] [T], outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021.

– Sur les frais de procès

En l’espèce, eu égard à ce qui précède, la SNC Jacqflin doit être regardée comme la partie perdante.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, elle doit donc supporter les dépens de première instance et d’appel, avec pour ces derniers application de l’article 699 du même code au profit du conseil de Mme [T].

Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de Mme [U] [T].

Dans les circonstances particulières de l’espèce, l’équité conduit à laisser à sa charge l’intégralité des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que les chefs suivants du dispositif du jugement dont appel n’ont pas été déférés à sa connaissance :

– déclare recevable la demande de la SNC Jacqflin,

– constate que la SNC Jacqflin se désiste de sa demande d’expulsion,

– condamne solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à payer à la SNC Jacqflin la somme de 519,71 euros au titre de l’arriéré de loyers et de charges dus au 4 mars 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

Confirme le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [U] [T] de :

– sa demande en restitution du dépôt de garantie,

– sa demande d’indemnisation d’un préjudice de santé,

Infirme le jugement dont appel pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la SNC Jacqflin à verser à Mme [U] [T] 2 700 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

Condamne solidairement Mme [U] [T] et M. [G] [T] à payer à la SNC Jacqflin la somme de 369,60 euros au titre des réparations locatives, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

Déboute Mme [U] [T] de toutes ses autres demandes,

Après compensation entre les créances réciproques des parties, condamne la SNC Jacqflin à payer à Mme [U] [T] la somme de 1 810,69 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021,

Condamne la SNC Jacqflin aux dépens de première instance et d’appel,

Autorise Maître Géraldine Garon de la SCP Gavignet & associés à recouvrer directement à l’encontre de la SNC Jacqflin les dépens d’appel dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,

Dit n’y avoir lieu à aucune application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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