Bail commercial : l’obligation de délivrance d’un local conforme

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Bail commercial : l’obligation de délivrance d’un local conforme
Ce point juridique est utile ?

Le défaut de raccordement électrique d’un local commercial constitue une violation de l’obligation de délivrance du bailleur.

Obligation de délivrance du bailleur commercial

L’article 1719 du code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée [‘] ;

2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; [‘] ».

Il appartient au bailleur, tenu de délivrer au preneur la chose louée, de prouver qu’il s’est libéré entièrement de cette obligation.

Légalité des clauses dérogatoires

En l’espèce, le bail commercial stipule que la cellule commerciale est livrée « ”brute de béton”, ”clos couvert”, gaine coulée avec réseaux en attente, destinés au passage ultérieur des câbles électriques et des conduites d’arrivée et d’évacuation d’eau selon consignes données par le preneur au bailleur préalablement à la date de prise d’effet des présentes ».

Cette clause permettant la détermination ultérieure du passage des câbles électriques selon consignes qui seraient données par le preneur au bailleur ne dispensait pas celui-ci de son obligation d’assurer la délivrance d’une cellule raccordée au réseau électrique.

indemnisation du loueur

Dans l’affaire soumise, à la date d’emménagement, les cellules commerciales du centre commercial dont la SC Ocetho est propriétaire n’étaient pas raccordées à l’électricité, indépendamment de toute démarche qu’auraient pu entreprendre les appelantes. La SC Ocetho n’apporte aucun élément justifiant qu’elle s’est libérée de son obligation de délivrance d’un local commercial conforme, raccordé à l’électricité (le locateur a donc eu le droit à une indemnisation).

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
 
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
 
N° RG 21/01372 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FQJD
 
Minute n° 22/00130
 
[P], S.A.S. SNACK SAGO
 
C/
 
S.C. OCETHO
 
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] / FRANCE, décision attaquée en date du 07 Mai 2021, enregistrée sous le n° 19/02238
 
APPELANTES :
 
Madame [N] [P] épouse [S]
 
[Adresse 1]
 
[Localité 4]
 
Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
 
S.A.S. SNACK SAGO Représentée par son représentant légal
 
[Adresse 5]
 
[Localité 6]
 
Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
 
INTIMÉE :
 
S.C. OCETHO Représentée par son représentant légal
 
[Adresse 2]
 
[Localité 3]
 
Non représentée
 
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 07 Avril 2022 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 15 Septembre 2022.
 
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
 
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
 
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
 
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
 
Mme DUSSAUD, Conseillère
 
ARRÊT : Par défaut
 
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
 
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
EXPOSÉ DU LITIGE
 
Par acte authentique du 19 décembre 2018, Mme [N] [P], épouse [S], a conclu en son nom personnel un contrat de bail commercial avec la SC Ocetho, bailleur, afin de disposer d’un local commercial de 155 m² au sein d’un centre commercial en développement dans la commune de [Localité 6], lotissement Seille Andennes, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 22 950 euros.
 
Mme [S] est la présidente de la SAS Snack Sago qui exploite une activité de restauration traditionnelle sur place et à emporter. Cette société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Metz le 4 mars 2019.
 
Par acte d’huissier du 29 juillet 2019 remis en l’étude, Mme [S] et la SAS Snack Sago ont assigné la SC Ocetho devant le tribunal judiciaire de Metz, aux fins d’obtenir la condamnation du bailleur au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1719 du code civil.
 
Par conclusions du 16 avril 2020, Mme [S] et la SAS Snack Sago ont demandé au tribunal de :
 
Au visa des dispositions de l’article 1719 du code civil,
 
— condamner la SC Ocetho à leur restituer la somme de 4 781,25 euros au titre des loyers versés pendant la période courant du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 ;
 
— condamner la SC Ocetho à leur verser la somme de 9 852,27 euros de dommages intérêts au titre de la perte de marge pendant la période courant du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 ;
 
Au visa des dispositions de l’article 1137 du code civil à titre principal, et de l’article 1719 du code civil à titre subsidiaire,
 
— condamner la SC Ocetho à leur verser la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts au titre du dol sur la commercialité, sinon de l’inexécution de l’obligation d’entretien des parties communes ;
 
Au visa des dispositions de l’article 1719, 1219 et 1218 du code civil à titre principal, de l’article 1722 du code civil à titre subsidiaire, de l’arrêté du 14 mars 2020 et du décret n°2020-293 du 23 mars 2020,
 
— dire et juger qu’elles sont bien fondées à se prévaloir de l’exception d’inexécution quant à l’obligation de paiement des loyers pour la période courant du 15 mars 2020 à la date de levée des prescriptions visées à l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
 
— dire et juger, à défaut, qu’elles sont bien fondées à solliciter une réduction du loyer de 90 % pendant la période courant du 15 mars 2020 à la date de levée des prescriptions visées à l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
 
— condamner la SC Ocetho à verser à Mme [S] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ;
 
— la condamner aux entiers frais et dépens de l’instance.
 
La SC Ocetho a constitué avocat, s’est opposée à ces prétentions et a notamment demandé au tribunal, à titre reconventionnel, de condamner in solidum Mme [S] et la SAS Snack Sago à lui payer la somme de 21 343,50 euros au titre des loyers de juillet 2019 à mars 2020.
 
Par jugement du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
 
— rejeté l’exception d’irrecevabilité de l’action engagée soulevée par la SC Ocetho ;
 
— déclaré en conséquence Mme [S] recevable en son action ;
 
— débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en restitution de la somme de 4 781,25 euros au titre des loyers payés sur la période du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 ;
 
— débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en indemnisation de leur préjudice matériel né de la perte de marge sur la période du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 ;
 
— débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en indemnisation de leur préjudice matériel né de la perte de marge du fait de la perte de chalandise sur le fondement du dol ;
 
— débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en indemnisation de leur préjudice matériel né de la perte de marge du fait de la perte de chalandise sur le fondement du manquement du bailleur à son obligation d’entretien ;
 
— débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en exception d’inexécution de l’obligation de paiement des loyers ;
 
— débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en réduction du loyer ;
 
— débouté la SC Ocetho de sa demande reconventionnelle en paiement des loyers dus sur la période du 1er juillet 2019 au 31 mars 2020 ;
 
— rejeté la demande de Mme [S] et la SAS Snack Sago formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— rejeté la demande de la SC Ocetho formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— condamné in solidum Mme [S] et la SAS Snack Sago aux dépens.
 
En premier lieu, le tribunal a considéré que la SC Ocetho ne développait aucun moyen au soutien de l’exception d’irrecevabilité de l’action en indemnisation qu’elle avait soulevée, de sorte qu’il y avait lieu de la rejeter.
 
Le tribunal a ensuite relevé que les parties s’accordent sur le fait que la faculté de substitution de la SAS Snack Sago à Mme [S] dans le bail commercial n’a pas été régularisée et que celles-ci n’établissent pas que l’objet social de la SAS Snack Sago correspond à celui auquel le local commercial était destiné, et qu’en outre la SAS Snack Sago ne justifiait d’aucun préjudice, ni de la qualité de cocontractante de la SC Ocetho.
 
Sur la demande en restitution des loyers pour manquement à l’obligation de délivrance, le tribunal a retenu que les demanderesses ne démontraient ni que l’activité aurait pu démarrer le 3 mai 2019, ni que le démarrage de l’activité n’aurait été empêché que par l’absence de possibilité de raccordement au local électrique attenant. Il a ajouté que l’absence même d’électricité dans le local loué n’était pas démontrée, le constat d’huissier produit ne faisant que reprendre les dires de Mme [S] sur ce point, et qu’à supposer qu’il n’y avait effectivement pas d’électricité, il n’était pas démontré que cela résulterait d’un manquement de la bailleresse. Le tribunal a donc jugé que Mme [S] et la SAS Snack Sago ne justifiaient ni de l’existence d’un manquement, ni d’un préjudice en lien causal avec le manquement allégué.
 
Le tribunal a rejeté la demande en indemnisation du chef de préjudice matériel de perte de marge pour les mêmes motifs d’absence de preuve du manquement et d’un préjudice en lien causal avec le manquement allégué.
 
Sur la demande en indemnisation d’un préjudice matériel découlant d’un dol sur la commercialité, le premier juge a considéré qu’il n’était pas démontré que le projet présenté ne correspondait pas à ce qui avait été finalement mis en ‘uvre et qu’à supposer que le projet ait été modifié, la preuve d’une intention dolosive n’était pas rapportée. En outre, il a retenu que l’environnement commercial n’entrait pas dans le champ contractuel à défaut de stipulation en ce sens, de sorte que la bailleresse n’avait aucune obligation relative au développement ou au maintien de l’environnement commercial. Il a ajouté qu’il ressort des stipulations du bail commercial que Mme [S] était informée du fait que les travaux n’étaient pas terminés et que les autres cellules n’étaient pas louées dès lors qu’elle avait visité les lieux avant la signature de l’acte authentique. Enfin, il a été considéré qu’il n’était pas démontré que le consentement de Mme [S] ait été déterminé par l’environnement commercial et que l’existence d’un préjudice n’était pas établie.
 
Sur la demande fondée sur l’inexécution de l’obligation d’entretien matériel et immatériel des parties communes afin d’assurer une commercialité minimale, le tribunal a retenu que la bailleresse était seulement tenue d’assurer la délivrance, l’entretien et la jouissance paisible de la chose louée sans être garante de l’environnement commercial, qu’en outre les demanderesses n’apportaient pas la preuve d’un manquement à l’obligation d’entretien et qu’enfin, elles ne justifiaient pas de leur préjudice.
 
Sur la demande fondée sur l’exception d’inexécution de l’obligation au paiement des loyers en raison de l’inexécution de l’obligation de délivrance, le tribunal a considéré que les obligations de délivrance et de garantir la jouissance paisible incombant à la bailleresse n’avaient pas pour objet de garantir le maintien d’une chalandise de nature à assurer le chiffre d’affaires. Il a jugé que ces obligations n’impliquaient pas non plus une garantie contre un trouble de jouissance résultant d’une fermeture des lieux loués sur ordre de l’autorité administrative. Enfin, il a jugé que le manquement à la délivrance des locaux n’était pas établi dès lors que Mme [S] avait conservé l’accès à son local, l’interdiction administrative portant seulement sur l’accueil du public, et pouvait conserver son activité de vente à emporter. Le tribunal s’est fondé sur ce même motif pour rejeter la demande fondée sur l’article 1722 du code civil et la perte partielle de la chose louée. Il a également relevé que la défaillance de Mme [S] dans son obligation de paiement des loyers était antérieure à la survenance de la pandémie.
 
Sur la demande reconventionnelle en paiement des loyers du 1er juillet 2019 au 31 mars 2020, le tribunal a retenu que Mme [S] et la SAS Snack Sago avaient démontré le paiement des sommes sollicitées, de sorte qu’il y avait lieu de rejeter la demande de la SC Ocetho.
 
Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 31 mai 2021, Mme [S] et la SAS Snack Sago ont interjeté appel aux fins d’infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 7 mai 2021 en ce qu’il les a :
 
— déboutées de leur demande en restitution de la somme de 4 781,25 euros au titre des loyers payés sur la période du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 ;
 
— déboutées de leur demande en indemnisation de leur préjudice matériel né de la perte de marge sur la période du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 ;
 
— déboutées de leur demande en indemnisation de leur préjudice matériel né de la perte de marge du fait de la perte de chalandise sur le fondement du dol ;
 
— déboutées de leur demande en indemnisation de leur préjudice matériel né de la perte de marge du fait de la perte de chalandise sur le fondement du manquement du bailleur à son obligation d’entretien ;
 
— déboutés de leur demande en exception d’inexécution de l’obligation de paiement des loyers ;
 
— déboutés de leur demande en réduction du loyer ;
 
— rejeté leur demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— condamnés in solidum aux dépens.
 
Par dernières conclusions du 3 mars 2022, auxquelles il est référé pour un exposé exhaustif de leurs moyens, la SAS Snack Sago et Mme [S] demandent à la cour de :
 
— dire leur appel recevable et bien fondé ;
 
En conséquence,
 
— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
 
— condamner la SC Ocetho à leur payer les sommes suivantes :
 
—  4 781,25 euros à titre de restitution des loyers versés pour la période allant du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019,
 
—  9 852,27 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de marge subie pendant la période allant du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019,
 
—  50 000 euros de dommages et intérêts au titre du dol sur la commercialité et au titre du trouble de jouissance subi par les appelants,
 
—  4 781,25 euros à titre de remboursement des loyers versés pour la période allant du 15 mars 2020 jusqu’au 2 juin 2020, subsidiairement la somme de 4 303,13 euros,
 
le tout avec intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts complémentaires à compter de la date des conclusions de première instance du 16 avril 2020 ;
 
— ordonner la capitalisation des intérêts ;
 
— condamner la SC Ocetho à justifier auprès de Mme [S] de la déclaration d’achèvement des travaux déposée en mairie et de l’attestation de conformité délivrée en conséquence par la mairie et ce sous peine d’astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
 
— condamner la SC Ocetho à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— la condamner aux entiers frais et dépens des deux instances.
 
Sur la recevabilité et la qualité à agir de la SAS Snack Sago pour les préjudices qu’elle subit du fait des manquements de la SC Ocetho, les appelantes indiquent que même si Mme [S] est la seule locataire du bail, elle demeure la représentante légale et unique associée de la SAS Snack Sago, de sorte que les manquements de la SC Ocetho à l’égard de Mme [S] préjudicient directement à sa société. Elles affirment donc que la demande de Mme [S] est recevable sur le fondement de la responsabilité contractuelle, tandis que celle de la SAS Snack Sago l’est sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Elles rappellent à ce titre le principe développé par la jurisprudence selon lequel un tiers à un contrat est en droit de demander la réparation du préjudice causé par un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle, dès lors que ledit manquement lui a causé un dommage.
 
De plus, elles soutiennent que le tribunal a inversé la charge de la preuve s’agissant du manquement de la SC Ocetho à ses obligations concernant le raccordement électrique. En effet, elles considèrent qu’il appartenait à la SC Ocetho et non aux appelantes d’apporter la preuve que celle-ci avait bien fait en sorte de leur délivrer la possibilité de raccorder leur réseau électrique au local électricité du centre commercial et de mettre à leur disposition un local électrique conforme. Elles affirment que la livraison du local n’a finalement eu lieu que le 15 juillet 2019. Le restaurant n’ayant pas pu ouvrir à la date prévue, soit le 3 mai 2019, elles demandent la réparation du préjudice subi de ce fait jusqu’au 15 juillet 2019, soit la somme de 4 781,25 euros correspondant aux deux mois et demi de loyer, ainsi que la somme de 9 852,27 euros au titre de la perte de marge liée à l’absence d’ouverture du local.
 
Sur les manquements de la SC Ocetho dans le cadre de la commercialité du centre commercial et ses conséquences, elles soutiennent que le comportement de la SC Ocetho envers Mme [S] durant la phase pré contractuelle est constitutif d’un dol réalisé afin de pousser cette dernière à contracter au plus vite avec elle. Elles expliquent que la SC Ocetho a affirmé durant les négociations que toutes les cellules du centre commercial étaient réservées par divers commerces alors qu’il n’y avait en réalité aucune réservation. Elles exposent que la SC Ocetho a utilisé divers moyens pour soutenir son mensonge (création d’une nouvelle cellule, indication de marques et enseignes, publications dans la presse locale’) et qu’elle ne démontre toujours pas la réalité des réservations alléguées. Ainsi, le restaurant demeure aujourd’hui le seul commerce ouvert dans la zone, ce qui limite le fonctionnement, la rentabilité et le développement de leur fonds de commerce. Dès lors, la commercialité d’une cellule commerciale étant selon elles un élément déterminant dans la conclusion d’un bail visant à accueillir un commerce, elles s’estiment fondées à réclamer à la SC Ocetho le paiement d’une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le dol.
 
Sur le trouble de jouissance subi du fait de la SC Ocetho, elles soutiennent que la responsabilité de cette dernière doit être engagée car elle ne démontre pas avoir exécuté son obligation de moyens de favoriser la commercialisation des autres cellules attenantes, laissant ainsi le restaurant dans une zone inactive, le tout préjudiciant le développement de leur activité.
 
Sur l’exonération des loyers tenant aux conséquences de l’état d’urgence sanitaire, sur le fondement de l’obligation de délivrance et de jouissance, elles exposent que les mesures de police administratives durant la crise sanitaire ont empêché la bailleresse d’exécuter son obligation de délivrance et de jouissance du bien du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, de sorte qu’en application de l’exception d’inexécution de l’article 1219 du code civil, applicable également dans des hypothèses de force majeure, l’obligation de règlement des loyers aurait dû être suspendue. Elles demandent donc le remboursement des loyers versés durant cette période, soit la somme de 4 781,25 euros.
 
Subsidiairement, elles exposent que la fermeture administrative constitue une perte partielle de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil, de sorte qu’elles sont bien fondées à demander l’exonération partielle des loyers à hauteur de 90 % sur la période susvisée. Elles précisent que la vente à emporter ne suffisait pas durant cette période à réaliser une activité de restauration complète.
 
Enfin, elles demandent que la SC Ocetho justifie de la déclaration d’achèvement des travaux en conformité avec les autorisations obtenues, en faisant valoir que ce document est nécessaire à toute revente future du fonds de commerce.
 
La déclaration d’appel et les conclusions justificatives d’appel ont été signifiées à la SC Ocetho par acte d’huissier du 2 septembre 2021 déposé en l’étude. La SC Ocetho n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu devant la cour d’appel.
 
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
A titre liminaire,
 
Conformément à l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
 
Par ailleurs, selon le dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
 
Il en résulte que lorsque l’intimé ne comparaît pas en appel, il appartient à l’appelant de démontrer que l’analyse des pièces et éléments de la cause effectuée par le tribunal dans le jugement dont il fait appel est le cas échéant erronée, et de produire toutes pièces utiles à cette fin, y compris au besoin celles que l’intimé avait produites en première instance.
 
En l’espèce, l’intimée, non comparante, est réputée s’approprier les motifs du jugement tels que résumés dans l’exposé du litige.
 
Sur les demandes formées par la SAS Snack Sago :
 
Il est admis que le tiers à un contrat peut, sur un fondement extra contractuel, invoquer à son profit certains manquements contractuels sous réserve qu’il prouve le dommage qu’il subit et le lien de causalité existant entre ces manquements et son dommage.
 
En l’espèce, il est constant que la SAS Snack Sago n’est pas liée contractuellement à la SC Ocetho, la faculté de substitution à Mme [S] prévue dans le bail n’ayant pas été régularisée.
 
Il ne peut être utilement opposé aux appelantes qu’il n’est pas justifié que la SAS Snack Sago était bien la personne morale ayant vocation à se substituer à Mme [S] et que son objet social ne correspondait pas à l’activité à laquelle le local commercial était destiné dès lors que, d’une part le bail ne désigne aucune personne morale spécifique ayant vocation à substituer le preneur ; et que d’autre part, l’activité de « restauration traditionnelle sur place et à emporter » mentionnée dans l’extrait k-bis produit à hauteur de cour correspond exactement à la destination des lieux stipulée en page 14 dans le bail commercial. De surcroît la vocation à se substituer à Mme [S] est sans incidence, la SAS Snack Sago n’étant pas liée contractuellement à la SC Ocetho.
 
Enfin, il ressort de l’extrait k-bis que la SAS Snack Sago a son établissement dans le local commercial loué par Mme [S], présidente de ladite société.
 
En conséquence, la SAS Snack Sago sera fondée à invoquer la responsabilité délictuelle de la bailleresse à condition de démontrer qu’elle subit personnellement un dommage causé par l’inexécution des obligations contractuelles de la bailleresse envers Mme [S], ce qui sera étudié au cas par cas.
 
Sur l’obligation de délivrance conforme :
 
L’article 1719 du code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
 
1° De délivrer au preneur la chose louée [‘] ;
 
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
 
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; [‘] ».
 
Il appartient au bailleur, tenu de délivrer au preneur la chose louée, de prouver qu’il s’est libéré entièrement de cette obligation.
 
En l’espèce, le bail commercial stipule que la cellule commerciale est livrée « ”brute de béton”, ”clos couvert”, gaine coulée avec réseaux en attente, destinés au passage ultérieur des câbles électriques et des conduites d’arrivée et d’évacuation d’eau selon consignes données par le preneur au bailleur préalablement à la date de prise d’effet des présentes ».
 
Cette clause permettant la détermination ultérieure du passage des câbles électriques selon consignes qui seraient données par le preneur au bailleur ne dispensait pas celui-ci de son obligation d’assurer la délivrance d’une cellule raccordée au réseau électrique.
 
Il ressort des échanges de courriers produits par les appelantes qu’il existait effectivement une difficulté relative au raccordement électrique du local loué, étant précisé que la SC Ocetho déclarait que ce problème résultait non pas d’un manquement de sa part mais du fait que Mme [S] n’aurait pas fait les démarches nécessaires. Ainsi, Mme [S] a mis en demeure la SC Ocetho de, entre autres, mettre fin à « l’absence d’arrivée principale d’électricité rendant l’activation du compteur électrique impossible » par courrier du 2 mars 2019. Par courrier du 7 mars 2019, la SC Ocetho indiquait que « c’est à vous de venir brancher votre connexion d’électricité dans le câble à l’intérieur du bâtiment, chose que vous n’avez même pas déclenchée en phase administrative après entretien avec la régie municipale électrique de [Localité 6] ». Puis, par courrier du 15 juillet 2019 adressé au conseil de Mme [S] et la SAS Snack Sago, elle déclarait : « l’électricité a bien été raccordée dans le local de votre mandante et ce, après une intervention énergique de ma part, ne comprenant toujours pas pourquoi la régie n’avait pas raccordé le snack puisque nous n’avons opéré à aucuns travaux complémentaires depuis deux mois dans ce local. Je signale encore une fois que nous ne sommes pas tenus dans nos prérogatives de bail à une intervention dans le domaine électrique avec le Snack Sago. Nous devions juste livrer une cellule hors d’eau, hors d’air, fluides en attente. Les prérogatives de la régie sur les raccordements du snack sont des prérogatives liées au Snack Sago ». Dans ce même courrier, la SC Ocetho indique que Mme [S] « s’est permis d’utiliser pendant 6 mois notre propre compteur de chantier afin de réaliser ses travaux. Elle l’a même utilisé pour alimenter le snack sans aucune autorisation de notre part ».
 
Cependant, il ressort en premier lieu d’une attestation de conformité établie par la SECS Société d’électricité, qu’à la date du 2 mai 2019 l’installation électrique de consommation, réalisée par Mme [S] dans la cellule commerciale louée, était conforme aux prescriptions de sécurité en vigueur.
 
Par ailleurs un procès-verbal de constat du 11 juin 2019 de Me [C] indique qu’à cette date il n’existait pas encore de compteur général sur le tableau général électrique de l’ensemble commercial, situé dans un bâtiment annexe.
 
En outre les appelantes produisent un courrier de la Régie municipale de [Localité 6] daté du 19 juin 2019, adressé à « GFS Habitat Construction », dont il ressort que « M. [M] » a adressé le 14 juin 2019 un e-mail à la régie pour le branchement des cellules commerciales situées dans la ZAC de Seille Andenne à Marange-Silvange et que le dossier envoyé était incomplet et les informations fournies erronées de sorte que la demande ne pouvait être traitée. Dans ce courrier la régie trouve toutefois une solution pour le « commerce 1 (snack) », en proposant la réception partielle de la colonne comprenant le distributeur d’arrivée, avec une mise sous tension du seul branchement de cette cellule.
 
Bien que le courrier ne soit pas adressé à la SC Ocetho, il ressort du bail commercial et des courriers de la SC Ocetho que son gérant est M. [R] [M], que l’adresse e-mail de la SC Ocetho, qui apparaît également dans ses courriers, est au nom de « GFS Construction » et que la SC Ocetho et la société GFS Habitat Construction partagent les mêmes locaux.
 
Il s’évince de ces éléments qu’à la date du 19 juin 2019, les cellules commerciales du centre commercial dont la SC Ocetho est propriétaire n’étaient pas raccordées à l’électricité, indépendamment de toute démarche qu’auraient pu entreprendre les appelantes. Selon attestation de la Régie municipale de [Localité 6], la mise en service du compteur électrique de la cellule commerciale a été réalisée le 5 juillet 2019 à la demande de Mme [N] [S].
 
La SC Ocetho n’apporte aucun élément justifiant qu’elle s’est libérée de son obligation de délivrance d’un local commercial conforme, raccordé à l’électricité, avant le 5 juillet 2019.
 
Mme [S] ayant loué ce local commercial afin d’y exploiter une activité de restauration, l’absence de possibilité de raccordement électrique constitue un préjudice qu’il convient de réparer.
 
S’agissant du préjudice, les appelantes considèrent que si le raccordement à l’électricité avait été possible dès le départ, elles auraient pu ouvrir plus tôt.
 
S’agissant de la restitution des loyers, demandée pour la période du 3 mai au 15 juillet 2019, il ne peut être déduit de la délivrance par la mairie de [Localité 6], le 3 mai 2019, de l’autorisation de construire, d’aménager ou de modifier un établissement recevant du public (ERP) que le restaurant était prêt à être ouvert à cette date. Aucun élément objectif ne démontre que le restaurant était entièrement achevé et équipé et prêt à fonctionner dès le mois de mai 2019.
 
En revanche dans le constat du 11 juin 2019, l’huissier de justice constate que « l’ensemble des équipements de second ‘uvre dans la cellule sont neufs. Le carrelage a été réalisé à l’état neuf ainsi que le cloisonnement, l’ensemble des murs et des équipements de cuisson », ce qui indique un achèvement du local et des équipements de cuisson. En outre les photographies jointes au constat d’huissier démontrent que le local était pourvu des tables et chaises et d’un comptoir, destinés à l’accueil de la clientèle du restaurant. Dès lors il est établi que l’activité était prête à démarrer à cette date.
 
Il est relevé que les appelantes n’apportent aucun élément justifiant du début effectif de l’exploitation de l’activité de restauration. En effet, si elles indiquent avoir débuté le 15 juillet 2019, date à laquelle elles fixent le début du contrat de fourniture d’électricité, il ressort de leurs pièces que le compteur électrique a été mis en service le 5 juillet et que le contrat d’électricité a pris effet à cette date (voir dans les conditions particulières du contrat d’électricité, la case en bas à gauche indiquant une date d’effet du contrat au 5 juillet 2019).
 
En conséquence, le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance a pris fin le 5 juillet 2019, et le préjudice qui en découle directement est démontré pour la période du 11 juin 2019 au 5 juillet 2019. La réparation réclamée les appelantes sera donc réduite proportionnellement.
 
Les appelantes indiquent avoir versé une somme de 4 781,25 euros sur la période du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019. Mme [S] étant le preneur et dans la mesure où il n’est pas justifié que ces loyers auraient été réglés par la SAS Snack Sago, il y a lieu de condamner la SC Ocetho à payer à Mme [S] la somme de 4 781,25 /74 X 25 = 1 615,29 euros à titre de restitution de loyer pour la période du 11 juin au 5 juillet 2019, le jugement étant ainsi infirmé en ce qu’il a débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de cette demande.
 
S’agissant de l’indemnisation de la perte de marge, elle sera limitée à la période précitée conformément aux développements précédents.
 
Il a déjà été observé que la SC Ocetho a manqué à ses obligations envers Mme [S] et retardé de ce fait le démarrage de l’activité de la SAS Snack Sago dans le local commercial loué par Mme [S]. La SAS Snack Sago produit son compte de résultat simplifié pour l’exercice 2019 ainsi qu’un extrait de son grand livre général de révision pour la période du 1er février au 31 décembre 2019 duquel il ressort que les premières recettes du restaurant datent de juillet 2019. Le dommage subi par la SAS Snack Sago en raison de l’inexécution des obligations contractuelles à l’égard de Mme [S] est ainsi justifié de sorte que la société appelante, tiers au contrat, est fondée à se prévaloir de la responsabilité délictuelle de la SC Ocetho.
 
Les appelantes justifient du bilan comptable de la SAS Snack Sago pour l’année 2019 (de juillet à fin décembre 2019) aux termes duquel le chiffre d’affaires s’est élevé à 38 099 euros. Pour la période du 11 juin au 5 juillet 2019, la perte de marge est estimée par la cour à 38 099 : 6 (mois) : 30 (jours) x 25 (jours) x 62 % = 3 280,75 euros.
 
La SC Ocetho sera condamnée à payer à la SAS Snack Sago la somme de 3 280,75 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de marge subie pendant la période du 11 juin au 5 juillet 2019, le jugement étant infirmé en ce qu’il a débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande sur ce point.
 
Les condamnations à indemnités porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt infirmatif, conformément à l’article 1231-7 du code civil.
 
Les appelantes en faisant la demande, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts échus et dus pour au moins une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil.
 
Sur le dol allégué :
 
Selon l’article 1137 du code civil le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
 
L’article 1138 ajoute que le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant.
 
L’article 1178 du même code prévoit qu’un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul mais également que, indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle, qui relève des articles 1240 et 1241 du code civil.
 
Au soutien de leur prétention, les appelantes produisent plusieurs e-mails de M. [H] [E] dont la signature indique « Groupe Dumur Immobilier ». Ce dernier précise, dans un mail du 12 juillet 2018 : « je reviens vers vous concernant le local de [Localité 6], je vous joins une proposition d’emplacement, le propriétaire m’a confirmé que les 2 cellules en façade étant ”réservé”, j’ai réussi à vous créer une cellule supplémentaire de 153m² en façade avec une implantation qui correspond parfaitement à votre activité. [‘] J’attends une dernière validation de l’architecte et je pourrais faire un projet de bail ». Elles produisent également un e-mail de M. [E] du 29 octobre 2018 comprenant en pièce jointe un plan du centre commercial avec pour plusieurs cellules des indications telles que « contrôle auto », « garage Speedy », « coiffeur », « cordonnier », « fleuriste », « pharmacie », « banque » et un autre plan du centre, transmis par M. [E] le 18 décembre 2018, soit la veille de la signature de l’acte authentique, qui indique toujours « contrôle auto » et « garage Speedy » mais sur lequel la majorité des commerces prévus précédemment ont été remplacés par une seule cellule intitulée « salle de sport ». Mme [S] et la SAS Snack Sago produisent en outre un extrait du journal Républicain Lorrain du 27 octobre 2018, dans lequel, M. [M], gérant de la SC Ocetho et présenté comme « promoteur », annonce l’installation à venir de plusieurs commerces dans le centre commercial, en précisant que « pour compléter l’offre, quelques petites cellules sont toujours à pourvoir ».
 
Il est relevé que bien que les appelantes dénoncent le comportement de la SC Ocetho, il s’avère qu’elles critiquent principalement les agissements de M. [H] [E], qui appartenait au « Groupe Dumur Immobilier ». Il ressort des pièces produites que le Groupe Dumur Immobilier est une agence immobilière et que M. [E] agissait alors en qualité de mandataire de la SC Ocetho. Le bail commercial, page 27, indique ainsi que « les parties reconnaissent que le bail a été négocié et conclu par l’intermédiaire de la société dénommée SAS Dumur ».
 
Or, si le mandant est, en vertu de l’article 1998 du code civil, contractuellement responsable des dommages subis du fait de l’inexécution des engagements contractés par son mandataire dans les limites du mandat conféré, les man’uvres dolosives du mandataire, dans l’exercice de son mandat, n’engagent la responsabilité du mandant que s’il a personnellement commis une faute, qu’il incombe à la victime d’établir.
 
En l’espèce, la demande en dommages et intérêts est dirigée à l’encontre du mandant, la SC Ocetho, de sorte qu’il incombe à Mme [S] et la SAS Snack Sago de prouver que le bailleur a personnellement commis une faute à l’origine de man’uvres du mandataire. Or elles n’apportent aucun élément en ce sens.
 
En particulier les demanderesses ne rapportent pas la preuve de l’intention dolosive de la SC Ocetho représentée par son gérant.
 
Les plans des locaux transmis par M. [E] le 29 octobre 2018 et le 18 décembre 018 attribuent l’un des emplacements au « Garage Speedy », ce qui indique qu’un garage de cette enseigne avait réservé ou loué cet emplacement. Cependant les demanderesses ne démontrent pas qu’à la date de la conclusion du bail le 19 décembre 2018 une telle information était erronée, ni que, le cas échéant, le bailleur savait que la présence certaine de l’enseigne Speedy dans le centre commercial était déterminante du consentement de Mme [S]. Par ailleurs les plans transmis le 29 octobre 2018 et 18 décembre 2018 n’indiquent pas d’autre nom d’enseigne commerciale. Les affectations des cellules commerciales à des commerces ou services diversifiés susceptibles de faire venir la clientèle, tels que « coiffeur », « cordonnier », « fleuriste », « banque », puis « salle de sport », ainsi que « contrôle auto », qui avaient été données par le constructeur, poursuivaient des objectifs de stratégie commerciale et d’aménagement du complexe, s’agissant d’un centre en construction. En outre le plan transmis la veille de l’acte authentique montrait un nombre de cellules commerciales drastiquement réduit, et indiquait à Mme [S] que les affectations données aux différentes cellules n’étaient que provisoires et incertaines, puisqu’il était alors envisagé de remplacer plusieurs cellules par une grande salle de sport.
 
Enfin dans son mail du 12 juillet 2018 M. [E] a seulement affirmé à Mme [S] que deux cellules, sur la dizaine de cellules présentée sur le plan, étaient « réservées », et non pas louées.
 
Par ailleurs les déclarations du gérant dans un article du Républicain Lorrain du 27 octobre 2018 poursuivaient un objectif publicitaire à destination à la fois de futurs locataires de cellules commerciales et de futurs clients des commerces, et ne peuvent être considérées comme des mensonges, man’uvres ou réticences visant à déterminer spécifiquement le consentement de Mme [S].
 
L’existence d’une intention dolosive ne peut donc être retenue.
 
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [S] et la SAS Snack Sago de leur demande de dommages et intérêts fondée sur le dol.
 
Sur le trouble de jouissance allégué pour manquement aux obligations du bailleur concernant la commercialité du local :
 
Il résulte de l’article 1719 du code civil que le bailleur commercial est obligé, par la nature même du contrat, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la commercialité.
 
En l’espèce, il ne résulte pas du bail commercial que la SC Ocetho se soit engagée, par une clause particulière, à assurer la commercialité du local loué.
 
Mme [S] et la SAS Snack Sago seront déboutées de leur demande à ce titre.
 
Sur l’exception d’inexécution fondée sur l’obligation de délivrance et de jouissance durant la période d’interdiction d’ouverture au public :
 
L’article 1719 du code civil impose au bailleur de délivrer au preneur la chose louée et de lui en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.
 
L’article 1219 du même code prévoit qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette exécution est suffisamment grave.
 
Il est constant qu’aux termes de l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, les établissements de catégorie N, restaurants et débits de boissons, catégorie dont fait partie l’établissement exploité par la SAS Snack Sago, avaient l’interdiction d’accueillir du public à compter du 15 mars 2020 mais étaient autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter. Cette disposition a été reprise à l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et a perduré jusqu’au 2 juin 2020.
 
La mesure générale et temporaire de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.
 
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les appelantes de leurs demandes à ce titre.
 
Sur le fondement de la perte partielle de la chose louée durant la période d’interdiction d’ouverture au public :
 
L’article 1722 du code civil dispose que, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.
 
En application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.
 
En application de l’article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité.
 
Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.
 
Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.
 
L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil.
 
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de l’article 1722 du code civil.
 
Sur la remise de l’attestation d’achèvement des travaux et de l’attestation de conformité
 
Aux termes du bail commercial conclu entre les parties, partie II point D « le bailleur s’engage à achever les travaux de construction de ce bâtiment en conformité avec les autorisations obtenues et à déposer cette déclaration en mairie de [Localité 6] au plus tard le 30 juin 2019 et à en justifier tant au rédacteur des présentes qu’au preneur ». En outre, il s’engage, partie II point E, à transmettre « l’attestation de non contestation de la conformité des travaux » au notaire et au preneur « dans le délai de 15 jours de sa réception », et le bailleur s’engage à réaliser tous travaux nécessaires à l’obtention de ce document.
 
La bailleresse est tenue d’exécuter loyalement cette disposition contractuelle.
 
Il y a donc lieu d’ordonner à la SC Ocetho de remettre à Mme [S], envers qui elle s’est engagée à le faire, ces deux documents, et d’assortir la présente décision d’une astreinte afin d’en assurer l’exécution. Il est toutefois observé que l’astreinte n’est pas destinée à indemniser un éventuel préjudice lié à un défaut d’exécution de l’obligation contractuelle, mais seulement à garantir l’exécution de l’arrêt. En outre si le contrat prévoyait que la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) serait transmise au plus tard le 30 juin 2019, en revanche le délai maximal dans lequel le bailleur transmettrait l’attestation de non contestation de la conformité des travaux n’a pas été fixé par les parties, celles-ci convenant seulement qu’il le ferait dans les quinze jours de la réception de ce document. Dès lors, et au regard des dispositions du code de l’urbanisme fixant le délai de délivrance par l’autorité administrative compétente de l’attestation de non contestation de la conformité des travaux, un point de départ d’astreinte différent est fixé pour chaque document.
 
En conséquence la SC Ocetho devra remettre à Mme [S] :
 
— la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT), prévue par le code de l’urbanisme, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard, l’astreinte prenant effet à l’issue d’un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt et ne pouvant excéder une durée de six mois,
 
— et l’attestation certifiant que la conformité des travaux n’a pas été contestée, délivrée par l’autorité administrative compétente, prévue par le code de l’urbanisme, et ce sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard, l’astreinte prenant effet à l’issue d’un délai de huit mois suivant la signification du présent arrêt et ne pouvant excéder une durée de six mois.
 
Sur les frais et dépens :
 
La SC Ocetho, qui succombe partiellement à la présente instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, le jugement étant infirmé en ce qu’il a condamné in solidum Mme [S] et la SAS Snack Sago aux dépens.
 
Le jugement sera également infirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et la SC Ocetho sera condamnée à payer les sommes de 750 euros par instance à Mme [S] et de 750 euros par instance à la SAS Snack Sago au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour,
 
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [N] [P] épouse [S] et la SAS Snack Sago de leur demande en restitution de la somme de 4 781,25 euros au titre des loyers payés sur la période du 3 mai 2019 au 15 juillet 2019 et de leur demande en indemnisation du préjudice matériel né de la perte de marge sur la même période et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;
 
CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions ;
 
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
 
CONDAMNE la SC Ocetho à payer à Mme [N] [P] épouse [S] la somme de 1 615,29 euros à titre de restitution de loyer pour la période du 11 juin au 5 juillet 2019 ;
 
CONDAMNE la SC Ocetho à payer à la SAS Snack Sago la somme de 3 280,75 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de marge subie pendant la période du 11 juin au 5 juillet 2019 ;
 
DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
 
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus et dus au moins pour une année entière dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;
 
ORDONNE à la SC Ocetho de remettre à Mme [N] [P] épouse [S] :
 
— la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT), prévue par le code de l’urbanisme, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard, l’astreinte prenant effet à l’issue d’un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt et ne pouvant excéder une durée de six mois,
 
— et l’attestation certifiant que la conformité des travaux n’a pas été contestée, délivrée par l’autorité administrative compétente, prévue par le code de l’urbanisme, et ce sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard, l’astreinte prenant effet à l’issue d’un délai de huit mois suivant la signification du présent arrêt et ne pouvant excéder une durée de six mois.
 
CONDAMNE la SC Ocetho à payer à Mme [N] [P] épouse [S] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
 
CONDAMNE la SC Ocetho à payer à la SAS Snack Sago la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
 
CONDAMNE la SC Ocetho aux dépens de première instance ;
 
Y ajoutant,
 
CONDAMNE la SC Ocetho aux dépens d’appel ;
 
CONDAMNE la SC Ocetho à payer à Mme [N] [P] épouse [S] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
 
CONDAMNE la SC Ocetho à payer à la SAS Snack Sago la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
 
Le Greffier La Présidente de Chambre

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