Bail à ferme : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/00142

·

·

Bail à ferme : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/00142

ARRÊT N°23/ 294

PF

N° RG 20/00142 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FKDN

[G]

C/

S.A. BPCE LEASE REUNION ASE REUNION)

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 11 décembre 2019 suivant déclaration d’appel en date du 23 janvier 2020 RG n° 17/00410

APPELANT :

Monsieur [Z] [W] [M] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Marius henri RAKOTONIRINA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A. BPCE LEASE REUNION ASE REUNION)

[Adresse 2]

[Localité 3] – Réunion –

Représentant : Me Olivier CHOPIN de la SELARL CODET-CHOPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 12 mai 2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Avril 2023 devant Madame FLAUSS Pauline, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Marina BOYER, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 07 Juillet 2023.

* * *

LA COUR :

Par acte d’huissier du 6 janvier 2017, la SA Oceor Lease Réunion a fait citer devant le tribunal de grande instance de Saint Denis aux fins de voir condamner M. [G] à paiement au titre de la créance lui ayant été cédée par la SNC Delta 06 et née d’un contrat de location longue durée d’une coupeuse de cannes Kubota conclu le 29 mai 2009 pour une durée de 60 mois, moyennant 5 loyers annuels de 21.402,38 euros TTC.

Par jugement du 11 décembre 2019, le tribunal a, avec exécution provisoire:

– rejeté la demande de communication de pièces formulée par M. [G] ;

– débouté M. [G] de sa demande en résiliation du contrat de location en application des dispositions contractuelles ;

– condamné M. [G] à payer à la SA Oceor Lease Réunion la somme de 66.248,25 euros correspondant aux loyers échus et aux intérêts de retard au titre du contrat de location n° 0905054 ;

– condamné M. [G] à payer à la SA Oceor Lease Réunion la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [G] aux dépens ;

Par déclaration du 23 janvier 2020, M. [G] a formé appel du jugement.

Il sollicite de la cour de :

– juger recevable son appel;

– infirmer le jugement rendu 11 décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis de la Réunion en toutes ses dispositions.

Et statuant de nouveau,

– juger que l’acte du 22 avril 2011 donnant congé pour changement de destination et motivé par une décision du Préfet de la Réunion délivrée suivant avis favorable de la Commissions consultative des baux ruraux donné en date du 15 avril 2011 est constitutif du fait du prince;

– juger que cette décision est constitutive d’un cas de force majeure qui justifie l’inexécution par M. [G] de ses obligations au titre du contrat du n° 0905054;

Dès lors,

– rejeter les demandes de la S.A. Oceor Lease Réunion au titre du contrat de n° 0905054

– condamner la S.A Oceor Lease Réunion au paiement de la somme de 3.500.00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marius Rakotonirina.

La SA BPCE, anciennement Oceor Lease Réunion, demande à la cour de :

– Confirmer l’entier jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis le 11 décembre 2019 (RG n° 17/00410) ;

– Débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes ;

En conséquence :

– Condamner M. [G] à lui payer la somme de 66.248,25 euros au titre du contrat de location numéro 0905054 :

A) Loyer(s) annuel(s) échu(s) impayé(s) en euros

1/ reliquat loyer annuel TTC de 17.402,38 euros du 25/01/2013 : 17.402,38 €

2/ loyers annuels TTC de 21.402,38 euros du 25/01/2014 au 25/01/2015 : 42.804,76€

Intérêts de retard : 21.041,11 €

Total A : 81.248,25 €

B) A déduire

Vente du matériel du 13/04/2018 15.000 €

Total de la créance : 66.248,25 €

Y ajoutant :

– Condamner M. [G] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par arrêt avant dire droit du 4 novembre 2022, la cour a constaté une carence dans les pièces produites aux débats et des incohérences entre les écritures des parties et les pièces qu’il convient de soumettre au contradictoire.

1- Alors que les débats des parties portent sur le bienfondé et le montant de la dette, notamment sur le décompte arrêté, l’existence d’un dépôt de garantie, le montant des intérêts et la portée de la mention manuscrite portée sur l’acceptation de cession de dette, la cour observe qu’elle n’est pas en mesure de pouvoir valablement trancher ces points dès lors que l’exemplaire du contrat de location versé aux débats par les parties (pièce 2 appelante, pièce 1 intimée) est manifestement incomplet, s’agissant à tout le moins de la deuxième page relative aux conditions particulières déterminant le loyer, de la première page des conditions générales et de la dernière page du contrat supportant la date et la signature des parties au contrat.

2- Des incohérences apparentes dans la confrontation des pièces et de l’argumentaire des parties impliquent de susciter des observations:

a- la SA BPCE se réfère à la pièce 5 de l’intimée pour justifier de la résiliation du contrat de location longue durée de 2009 au 7 juillet 2016 (p. 5 de ses conclusions) ; or ladite pièce est un congé délivré le 22 avril 2011 à M. [G] par le propriétaire des terres exploitées par celui-ci ;

b – M. [G] se réfère audit congé pour justifier d’un évènement de force majeure l’ayant privé de son exploitation et justifiant la résiliation du bail de location du matérielle agricole mais le titre d’occupation de ces terres (pièce 1 appelant) est un bail à colonat paritaire expirant au 26 octobre 2012 ;

Elle a par suite :

– Enjoint aux parties de produire, en toutes ses pages, le contrat de location conclu entre la SNC Delta 06 et M. [G], visé aux bordereaux de pièces, avant le 17 novembre 2022 ;

Sans révoquer l’ordonnance de clôture,

– ordonné la réouverture des débats;

– Invité les parties à fournir les explications de droit sur les questionnements soulevés par la cour au 2- des motifs de la présente décision avant le 17 décembre 2022 sur:

a- Le contenu de la pièce N°5 à laquelle se réfère la SA BPCE pour justifier de la résiliation du contrat de location longue durée de 2009 au 7 juillet 2016 (p. 5 de ses conclusions) ;

b – Sur la nature du titre d’occupation auquel se réfère M. [G] dans le congé (pièce 1 appelant) s’agissant d’un bail à colonat paritaire expirant au 26 octobre 2012 ; »

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions de M. [G] du 8 février 2022 et celles de la SA Oceor Lease Réunion du 11 mars 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties;

Vu l’ordonnance de clôture du 12 mai 2022;

Vu les observations de M. [G] du 23 février 2023 et celles de la SA Oceor Lease Réunion du 16 décembre 2022;

Sur la résiliation du contrat de location longue durée.

La SA Oceor Lease Réunion soutient qu’après mise en demeure infructueuse qu’elle avait délivrée le 24 mai 2014, la SNC Delta 06 a résilié le contrat de location. Elle se déduit fondée à demander le montant de la dette lui ayant été cédée, telle qu’elle résulte de l’application du contrat.

M. [G] énonce qu’il a été contraint de libérer les terrains agricoles à l’origine de l’intégralité de ses revenus, à raison d’une décision administrative de changement de destination des terrains et sans qu’il n’ait été indemnisé. Il en déduit que le contrat de location de la coupeuse de cannes a été mis en échec à raison du fait du prince, évènement de force majeure ayant mis terme au bail à ferme qu’il détenait sur les terrains exploités.

Sur ce,

Vu les articles 1148 et 1184 du code civil dans leur version applicable au litige eu égard à la date du contrat litigieux;

Vu les articles L. 462-1 et L. 462-5 du code rural;

Au soutien de son affirmation que la poursuite du contrat de location de la coupeuse de cannes aurait été empêché par la fin du bail d’exploitation des terres agricoles qui lui étaient confiées et qu’il convient de l’exonérer de ses obligations au titre du contrat de location, M. [G] produit:

– un contrat de bail à colonat paritaire signé le 3 novembre 2003 à son profit pour une durée de 9 ans pour trois parcelles d’une surface totale de 6 ha 89 a et 53 ca;

– un congé délivré à M. [G] le 22 avril 2011 pour changement de destination, pour le 26 octobre 2012, date de fin du bail à raison du classement de la zone en aire de prélèvement de matériaux.

Si M. [G] ne pouvait anticiper le motif de la fin du bail et qu’il disposait d’un droit légitime à son renouvellement hors cas prévus par la loi, la fixation du terme de celui-ci au 26 octobre 2012 ne lui permettait pas d’exclure la probabilité que le bail ne soit pas reconduit à cette date.

Le caractère imprévisible de l’événement invoqué par M. [G] au titre de la force majeure n’est donc pas caractérisé.

Par ailleurs, M. [G] ne fournit aucune donnée comptable de son exploitation agricole, de sorte qu’il ne démontre pas que la fin du bail à colonat des 6 ha 89 a et 53 ca qui lui étaient confiés l’ait placé dans l’impossibilité financière de s’acquitter des loyers de la machine à compter du 25 janvier 2013, date à laquelle M. [G] a cessé de les payer. Aucun caractère insurmontable à l’événement de force majeure invoqué n’est ainsi établi.

Enfin, comme l’énonce la banque, l’existence d’un lien direct entre la fin de l’exploitation agricole des terres par M. [G] et la fin de l’obligation de paiement au titre du contrat de location de matériel souscrit par M. [G], lequel n’invoque l’existence d’aucune procédure collective ouverte à son bénéfice, n’est pas caractérisé.

Aussi, le moyen tiré de la force majeure soulevé par M. [G] doit être rejeté.

La SA Oceor Lease Réunion indique quant à elle que la rupture du contrat de bail a été manifestée par la reprise par la SNC Delta 06 du matériel à la date du 7 juillet 2016, date non contestée.

Il convient toutefois d’observer qu’à cette date, le contrat de location était parvenu à son terme, le dernier loyer étant dû à la date du 25 janvier 2016.

Sur la demande en paiement de la SA Oceor Lease Réunion

Vu les articles 1315 et 1689 du code civil, dans leur version applicable au litige;

Vu les articles L 313-23 et L.313-29 du code monétaire et financier;

Se prévalant de la cession de créance consentie par la SNC Delta 06 à son profit le 29 mai 2009, la SA Oceor Lease Réunion produit le décompte suivant au soutien de sa demande en paiement:

A) Loyer(s) annuel(s) échu(s) impayé(s) en euro

1 reliquat loyer annuel TTC de 17.402,38 euros du 25/01/2013 : 17.402,38 €

2 loyers annuels TTC de 21.402,38 euros du 25/01/2014 au 25/01/2015 :

42.804,76 €

Intérêts de retard : 21.041,11 €

Total A : 81.248,25 €

B) A déduire

Vente du matériel du 13/04/2018 15.000 €

Total de la créance : 66.248,25 €

M. [G] ne conteste pas, dans leur quantum, les sommes au titre des loyers impayés; en revanche, il conteste le montant de la vente du matériel, l’application d’intérêts contractuels et revendique l’imputation d’un dépôt de garantie.

Sur le premier point, la cour relève que si la vente du matériel n’est pas contestée, son montant devant venir en déduction de la créance de M. [G] est contesté :

La banque produit un chèque établi par « [C] Frères TP » de 15.000 euros, daté du 13 avril 2018 et un bordereau de dépôt du chèque à la CEPAC au bénéfice de la SA Oceor Lease Réunion avec les références « [G] [Z] ».

Le montant et la date du chèque versé aux débats ne sont pas manifestement en contradiction avec ni le montant de l’acquisition du matériel 9 ans plus tôt (137.000 euros), ni avec la date à laquelle le matériel a été repris (7 juillet 2016). Par ailleurs, M. [G] n’apporte aucun élément tangible permettant de remettre en cause le montant de la vente du matériel loué, telle une estimation.

Son grief sera donc écarté;

Sur le deuxième point, M. [G] demande la déduction d’un dépôt de garantie de 6.850 euros du montant de sa dette.

L’article 3 au contrat de location du 29 mai 2009 et l’avenant à ce même contrat, stipule l’existence d’un « dépôt de garantie, non rémunéré, ne pouvant servir à payer les loyers, à verser à la signature du présent contrat et reversé en fin de contrat si le locataire a pleinement exécuté les obligations mises à sa charge » d’un montant de 6.850 euros.

La banque oppose les mentions de l’accord de financement adressé à M. [G] le 12 ,mai 2009, aux termes duquel apparait dans le plan de financement de l’acquisition de la coupeuse de canne un « apport locataire » de 6.850 euros cependant, cette analyse financière de la somme de 6.850 euros versée par M. [G] sur ses fonds propre comme un « apport locataire » sur le montant de la vente, ne saurait prévaloir sur la qualification de dépôt de garantie visée par les parties au contrat de location, dont l’exécution est sollicitée par la banque.

Il s’ensuit que M. [G] est fondé à demander la déduction du dépôt de garantie de 6.850 euros des sommes réclamées par la banque en exécution du contrat locatif.

Sur le troisième point, M. [G] fait valoir que le montant des intérêts est exagéré alors qu’il s’est trouvé devant un cas de force majeure.

Il est cependant relevé, d’une part, que la cession de la créance de la SNC au profit de la banque, le 29 mai 2009, inclus les intérêts et que, d ‘autre part, le contrat de location prévoit en son article 7 qu’en cas de retard de location, toute somme due portera intérêt à 1,5%(outre TVA) par période d’un mois calendaire. Enfin, aucune force majeure, rencontrée par M. [G] dans l’exécution de ses obligations, n’est caractérisée ainsi qu’auparavant démontré.

En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris sera ainsi partiellement infirmé et la demande de la SA Oceor Lease Réunion déclarée fondée en sa créance suivant le décompte ci-après:

1/ reliquat loyer annuel TTC de 17.402,38 euros du 25/01/2013 : 17.402,38 €

2/ loyers annuels TTC de 21.402,38 euros du 25/01/2014 au 25/01/2015 : 42.804,76€

Intérêts de retard : 21.041,11€

Total A : 81.248,25€

B) A déduire

Vente du matériel du 13/04/2018 15.000 €

Dépôt de garantie 6.850 €

Total de la créance : 59.398,25€.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;

M. [G], qui succombe pour l’essentiel, supportera les dépens.

L’équité commande en outre de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles de l’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort, en matière civile, par voie de mise à disposition au greffe ;

– Infirme le jugement entrepris sur le quantum de la somme due par M. [G] à la SA Oceor Lease Réunion,

– Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– Condamne M. [G] à payer à la SA Oceor Lease Réunion la somme de 59.398,25 € au titre du nantissement de la créance résultant du contrat de location n° 0905054;

Y ajoutant,

– Dit n’y avoir lieu à frais irrépétibles;

– Condamne la SA Oceor Lease Réunion aux dépens de l’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Marina BOYER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x