Ordonnance n 48
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13 Juillet 2023
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N° RG 23/00038 –
N° Portalis DBV5-V-B7H-GZWQ
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[K] [B] épouse [B]
C/
37 ENTREPRISE AGRICOLE A RESPONSABILITÉ LIMITÉE DU GUÉ
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le treize juillet deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière,
Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le six juillet deux mille vingt trois, mise en délibéré au treize juillet deux mille vingt trois.
ENTRE :
Madame [K] [B] épouse [B]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Carl GENDREAU, avocat au barreau de POITIERS
DEMANDEUR en référé ,
D’UNE PART,
ET :
37 ENTREPRISE AGRICOLE A RESPONSABILITÉ LIMITÉE DU GUÉ
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Lucien VEY de la SELARL VEY GABORIAUD-CAILLEAU, avocat au barreau des DEUX-SEVRES, substitué par Me DALLEMANE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
DEFENDEUR en référé ,
D’AUTRE PART,
Faits et procédure :
Suivant bail sous seing privé en date du 5 octobre 2010, Madame [K] [B] a consenti à Monsieur [D] [T] et Madame [E] [T] un bail à ferme à effet du 30 septembre 2010, portant sur deux parcelles cadastrées YA [Cadastre 1] et YB [Cadastre 2] situées sur la commune d'[Localité 5] pour un fermage annuel fixé à la somme de 3 023 euros payable le 30 septembre de chaque année.
Durant le bail, lesdites parcelles ont été mises à la disposition du GAEC DU GUE par Monsieur et Madame [T].
Par courrier en date du 28 mars 2018, Madame [K] [B] a informé Monsieur [D] [T] de son intention de ne pas renouveler le bail pour une durée de 9 ans comme habituellement, mais seulement jusqu’au départ à la retraite de Monsieur [D] [T].
Par jugement en date du 12 mars 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux, saisi par Monsieur [D] [T] et Madame [E] [T] a constaté la nullité dudit congé et le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 30 septembre 2019.
Par requête enregistrée au greffe, Madame [K] [B] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins d’obtenir le paiement des fermages échus en 2020-2021 et 2022 ainsi que la résiliation du bail.
Selon jugement en date du 21 mars 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Niort a :
dit que le bail à ferme liant Madame [K] [B] et Monsieur [D] [T] et Madame [E] [T] s’est poursuivi au-delà du 1er janvier 2020,
débouté l’EARL DU GUE de sa demande aux fins de voir reconnaitre l’existence d’un bail à ferme à son égard, portant sur les parcelles YA [Cadastre 1] et YB [Cadastre 2] à compter du 1er janvier 2020 ;
condamné Monsieur et Madame [T] à payer à Madame [B] la somme de 3 377,40 euros au titre du fermage échu le 30 septembre 2020, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021 ;
condamné Monsieur et Madame [T] à payer à Madame [B] la somme de 3 411,21 euros au titre du fermage échu le 30 septembre 2020, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2022, date de la réception par Monsieur et Madame [T] de la requête introductive de la présente instance ;
condamné Monsieur et Madame [T] à payer à Madame [B] la somme de 3 527,26 euros au titre du fermage échu le 30 septembre 2020, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2023, date des débats ;
dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés dans les conditions de l’article 1 343-2 du code civil ;
prononcé la résiliation du bail à ferme entre Madame [B] et Monsieur et Madame [T] sur les deux parcelles YA [Cadastre 1] et YB [Cadastre 2] situées à [Localité 5], pour défaut de paiement des fermages ;
ordonné l’expulsion de l’EARL DU GUE et de toute personne ou tout bien de son chef des deux parcelles YA [Cadastre 1] et YB [Cadastre 2] situées à [Localité 5] ;
débouté Madame [B] de sa demande aux fins d’allocation de la somme de 5 000 euros chaque jour où toute personne ou tout bien du chef de l’EARL DU GUE entre dans les deux parcelles YA [Cadastre 1] et YB [Cadastre 2] situées à [Localité 5] ;
condamné Monsieur et Madame [T] à payer à Madame [B] la somme de 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné l’EARL DU GUE à payer à Madame [B] la somme de 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné Monsieur et Madame [T] et l’EARL DU GUE à payer les dépens.
Monsieur et Madame [T] et l’EARL DU GUE ont interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 19 avril 2023.
Par exploit en date du 19 mai 2023, Madame [K] [B] a fait assigner l’EARL DU GUE devant la première présidente de la cour d’appel de Poitiers aux fins d’obtenir, sur le fondement des dispositions de l’article 524 du code de procédure civile, la radiation de l’affaire du rôle de la cour.
L’affaire a été appelée à l’audience du 6 juillet 2023.
Madame [K] [B] fait valoir que malgré une lettre officielle en date du 29 mars 2023 et un email officiel en date du 26 avril 2023 indiquant qu’à défaut d’exécution du jugement, elle saisirait le premier président au fin de radiation de l’appel au visa de l’article 524 du code de procédure civile, l’EARL DU GUE n’aurait procédé, ni proposé de procéder à un commencement d’exécution du jugement entrepris, de sorte que l’affaire pendante devant le chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers encourrait la radiation.
Elle sollicite la condamnation de l’EARL DU GUE à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’EARL DU GUE s’oppose à la demande de radiation et sollicite, à titre reconventionnel, l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision dont appel, sur le fondement de l’article 517-1 du code de procédure civile.
Au titre des moyens sérieux de réformation, l’EARL DU GUE indique que Madame [K] [B] aurait été informée du départ à la retraite de Monsieur [D] [T] selon courrier en date du 18 octobre 2019, rappelant que le GAEC DU GUE, auprès duquel le bail était mis à disposition exploiterait les parcelles du 1er janvier au 30 septembre 2020 et paierait désormais le fermage en son nom.
L’EARL DU GUE reproche au tribunal paritaire des baux ruraux d’avoir retenu que Monsieur [D] [T] n’aurait pas atteint l’âge légal de départ à la retraite au 5 septembre 2019.
Elle fait ainsi valoir :
qu’il existerait un accord de volonté entre Monsieur [D] [T] et Madame [K] [B], laquelle aurait accepté la résiliation du bail au jour du départ en retraite de ce dernier, soit le 1er janvier 2020,
que Monsieur [D] [T] aurait dans tous les cas atteint les 62 ans requis par l’article L.411-33 du code rural au 5 septembre 2021 et qu’on ne pourrait que constater qu’au 30 septembre 2021 avec une antériorité de plus d’un an, congé aurait été donné au fermier pour cause de retraite.
Il en résulterait, selon l’EARL DU GUE, que le bail aurait été résilié soit le 1er janvier 2020, soit au plus tard le 30 septembre 2021.
L’EARL DU GUE soutient que Madame [K] [B] tenterait de détourner le statut du fermage en acceptant de percevoir un fermage de Monsieur [D] [T] au titre de l’exploitation du GAEC sans être lié par un bail avec celui-ci, alors qu’elle aurait été informée du départ à la retraite de Monsieur [D] [T].
L’EARL DU GUE soutient ainsi qu’il existerait une mise à disposition à titre onéreux des terres appartenant à Madame [K] [B], laquelle aurait laissé exploiter les terres par le GAEC tout en réclamant des fermages à Monsieur [D] [T].
L’EARL DU GUE déclare avoir réglé à Madame [K] [B], le 5 mai 2023, la somme de 10 308,87 euros en exécution du jugement litigieux et ne pas être mesure de quitter les terres sans avoir récolté, ni assuré le couvert végétal dans les 15 jours de la récolte, jusqu’au 15 novembre, tel que cela est imposé par la loi.
Elle fait valoir, en outre, que la cessation de l’exploitation avant l’issue du procès en appel aurait pour elle des conséquences manifestement excessives en ce qu’elle se retrouverait alors à exploiter une superficie inférieure au seuil de rentabilité ce qui lui ferait prendre un risque économique certain.
L’EARL DU GUE sollicite la condamnation de Madame [K] [B] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En réponse aux conclusions adverses, Madame [K] [B] soutient que la demande de l’EARL DU GUE serait entachée d’une erreur de droit en ce que seul l’article 514-3 du code procédure civile aurait vocation à s’appliquer, l’exécution provisoire du jugement litigieux étant de droit.
Elle fait ainsi valoir que l’EARL DU GUE, qui n’aurait pas présenté d’observation sur l’exécution provisoire en première instance, serait irrecevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire à défaut de justifier de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
Elle soutient par ailleurs que les moyens invoqués par l’EARL DU GUE ne sont pas susceptibles de constituer des conséquences manifestement excessives au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile.
Elle fait ainsi valoir que le fait que la surface utile agricole de l’EARL DU GUE par exploitant serait de 75 ha 25 après exécution de la décision entreprise, soit à 1 ha 75 près celle de la surface agricole utile régionale établirait au contraire que cette exécution n’aurait pas de conséquences manifestement excessives pour l’EARL.
Elle soutient en outre que le fait qu’aucun autre exploitant que l’EARL DU GUE n’ai été autorisé par l’administration à exploiter les parcelles n’engendrerait aucune conséquence pour l’EARL, mais seulement pour Madame [K] [B], laquelle considère que les conséquences en résultant ne sont pas manifestement excessives.
Madame [K] [B] fait enfin valoir que l’EARL DU GUE ne démontrerait pas que les parcelles seraient en culture et que la récolte devrait intervenir en juillet. Elle soutient au contraire rapporter la preuve que les deux parcelles litigieuses auraient d’ores et déjà été récoltées et autorise l’EARL DU GUE à y implanter les couverts végétaux auxquels cette dernière serait tenue, ce dont elle demande qu’il lui en soit donné acte.
Elle sollicite la condamnation de l’EARL DU GUE à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.
Motifs :
Sur la demande principale de radiation :
L’article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d’administration judiciaire.
La demande de radiation suspend les délais impartis à l’intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911.
Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.
La décision de radiation n’emporte pas suspension des délais impartis à l’appelant par les articles 905-2, 908 et 911. Elle interdit l’examen des appels principaux et incidents ou provoqués.
Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.
Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s’il constate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour sur justification de l’exécution de la décision attaquée.
Il ressort de ces dispositions, que la demande de radiation de l’affaire peut être refusée s’il apparaît au magistrat saisi, que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
L’appréciation du bien-fondé de la décision entreprise résulte exclusivement de l’appréciation de la cour statuant au fond, le premier président ou son délégataire n’ayant pas à se prononcer sur le bienfondé ou le mal fondé des moyens développés par le requérant au soutien de son appel.
En l’espèce, l’EARL DU GUE déclare avoir réglé à Madame [K] [B], le 5 mai 2023, la somme de 10 308,87 euros en exécution du jugement litigieux et ne pas être mesure de quitter les terres sans avoir récolté, ni assuré le couvert végétal dans les 15 jours de la récolte, jusqu’au 15 novembre, tel que cela est imposé par la loi.
La somme versée par l’EARL DU GUE l’a été au titre des condamnations mises à la charge de Monsieur [D] [T] et Madame [E] [T], de sorte qu’elle ne justifie d’aucun commencement d’exécution de la décision litigieuse s’agissant des condamnations mises à sa charge.
Néanmoins, les arguments invoqués tenant à l’impossibilité de quitter les terres avant récoltes et l’obligation d’assurer le couvert végétal des parcelles apparaissent légitimes pour justifier l’impossibilité d’exécuter la décision dont appel.
Au regard de ces éléments, la radiation pour défaut d’exécution constituerait donc une entrave excessive au droit d’accès au juge d’appel.
Sur la demande reconventionnelle d’arrêt de l’exécution provisoire :
En l’espèce, le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux étant assortie de l’exécution provisoire de droit, il doit être fait application des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile et non de l’article 514-1 du code de procédure civile.
L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Il en découle que l’arrêt de l’exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes: la démonstration de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l’exécution de cette décision risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, le deuxième alinéa de l’article 514-3 précité prévoit, plus strictement, qu’elle ne sera recevable à demander l’arrêt de l’exécution provisoire qu’à la condition d’établir, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
Si Madame [K] [B] fait état de l’absence d’observation sur l’exécution provisoire par l’EARL DU GUE en première instance, elle ne conclue pas à l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
En conséquence, il n’y a pas lieu à examiner la question de la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la cour n’ayant été saisie d’aucune demande en ce sens.
En l’espèce, l’EARL DU GUE, qui a la charge de la preuve, soutient que Madame [K] [B] aurait été informée du départ à la retraite de Monsieur [D] [T] selon courrier en date du 18 octobre 2019, rappelant que le GAEC DU GUE, auprès duquel le bail était mis à disposition exploiterait les parcelles du 1er janvier au 30 septembre 2020 et paierait désormais le fermage en son nom.
L’EARL DU GUE reproche au tribunal paritaire des baux ruraux d’avoir retenu que Monsieur [D] [T] n’aurait pas atteint l’âge légal de départ à la retraite au 5 septembre 2019.
Elle fait ainsi valoir :
qu’il existerait un accord de volonté entre Monsieur [D] [T] et Madame [K] [B],laquelle aurait accepté la résiliation du bail au jour du départ en retraite de ce dernier, soit le 1er janvier 2020,
que Monsieur [D] [T] aurait dans tous les cas atteint les 62 ans requis par l’article L.411-33 du code rural au 5 septembre 2021 et qu’on ne pourrait que constater qu’au 30 septembre 2021 avec une antériorité de plus d’un an, congé aurait été donné au fermier pour cause de retraite.
Il en résulterait, selon l’EARL DU GUE, que le bail aurait été résilié soit le 1er janvier 2020, soit au plus tard le 30 septembre 2021.
L’EARL DU GUE soutient que Madame [K] [B] tenterait de détourner le statut du fermage en acceptant de percevoir un fermage de Monsieur [D] [T] au titre de l’exploitation du GAEC sans être lié par un bail avec celui-ci, alors qu’elle aurait été informée du départ à la retraite de Monsieur [D] [T].
L’EARL DU GUE prétend ainsi qu’il existerait une mise à disposition à titre onéreux des terres appartenant à Madame [K] [B], laquelle aurait laissé exploiter les terres par le GAEC tout en réclamant des fermages à Monsieur [D] [T].
Le tribunal paritaire des baux ruraux retient que Monsieur [D] [T] ne remplissait pas les conditions posées à l’article L.311-33 du code rural qui ouvre la possibilité pour le preneur ayant atteint l’âge légal de la retraite, de solliciter la résiliation du contrat en cours de bail, en notifiant sa décision au propriétaire au moins douze mois à l’avance, de sorte que la résiliation du bail ne pouvait résulter que d’un accord entre les parties.
Le tribunal a estimé qu’aucun accord n’était intervenu entre les parties sur la résiliation amiable du bail liant les parties à l’occasion de la retraite de Monsieur [D] [T] et que si Madame [K] [B] a pris note du projet de ce dernier de faire valoir ses droits à la retraite à effet du premier janvier 2020, elle a proposé que les terres soient libérées à cette date et qu’en aucun cas le GAEC DU GUE ne puisse exploiter les terres ni ne règle le fermage au titre d’une telle exploitation.
Il a été retenu que Madame [E] [B] s’est opposée de façon constante à la conclusion d’un bail à ferme en faveur du GAEC DU GUE puis de l’EARL DU GUE, de sorte que ces sociétés ne pouvaient se méprendre sur ses intentions.
C’est au regard de l’ensemble de ces éléments que le tribunal paritaire des baux ruraux a jugé qu’ « aucune mise à disposition des parcelles de ces sociétés n’est intervenue de la volonté de Mme [B] et aucun fermage n’a été encaissé, ni réclamé par la propriétaire à l’égard du GAEC du Gué et de l’EARL du Gué. En conséquence, les défendeurs seront déboutés de leur demande de ce chef » et qu’« en l’absence de résiliation amiable à effet du 1er janvier 2020 du bail liant Mme [B] et M. et Mme [T], le contrat s’est poursuivi au-delà de cette date ».
Ces motifs, qu’il n’appartient évidemment pas d’apprécier au fond au délégué du premier président statuant en référé, satisfont suffisamment aux critères jurisprudentiels. Ils ne sont en outre contredits par aucun élément nouveau produit par l’EARL DU GUE, qui se contente de réitérer ses arguments développés en première instance.
Dans ces conditions, les moyens développés par l’EARL DU GUE n’apparaissent pas suffisamment sérieux au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile.
Les conditions d’application de l’article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, faute pour l’EARL DU GUE de rapporter la preuve de l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision litigieuse, il n’y a pas lieu d’examiner l’autre condition liée aux conséquences manifestement excessives de l’exécution provisoire de la décision litigieuse, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire sera rejetée.
Il n’apparait pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles de l’instance, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes relevant de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront partagés par moitié entre les parties.
Décision :
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :
Déboutons Madame [K] [B] de sa demande de radiation de l’affaire enrôlée sous le numéro 23/000922, pendante devant la cour d’appel de Poitiers, suite à l’appel formé le 19 avril 2023 contre le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Niort le 21 mars 2023,
Déboutons l’EARL DU GUE de sa demande reconventionnelle d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Niort le 21 mars 2023 ;
Déboutons les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
La greffière, Le conseiller,
Inès BELLIN Estelle LAFOND