Avocat en droit de l’internet : brillante intervention de Me Yann Lorang

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Avocat en droit de l’internet : brillante intervention de Me Yann Lorang

C/

C.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 04 JUILLET 2017

Président du TC de LYON

Référé

SARL PIMENT GIVRE

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

représentée par ses dirigeants légaux

33, rue de la Bourse

69002 LYON

Représentée par Me Denis QUENSON, avocat au barreau de LYON (toque 1223)

INTIMEE :

Mme Marie C.

Représentée par Me , avocat au barreau de LYON (toque 811)

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2016/019174 du 23/06/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 24 Avril 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Mai 2017

Date de mise à disposition : 04 Juillet 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Agnès CHAUVE, président

– Dominique DEFRASNE, conseiller

A l’audience, Catherine ZAGALA a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Marine DELPHIN POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Souhaitant développer une activité de commerce de chaussures, madame Marie C. est entrée en relation avec l’agence de publicité PIMENT GIVRE aux ‘ns principalement de création d’un logo et d’une marque en relation avec l’activité envisagée. Elle a accepté un devis établi le 1er septembre 2015 relatif aux différentes missions de la société PIMENT GIVRE visant :

– la mise en place d’une stratégie de communication,

– la création d’un logo et de ses déclinaisons,

– la création d’un nom de marque,

– la création d’une baseline.

Après divers échanges et réunions entre les parties, il a été proposé la marque « HEMARA » à madame C. qui l’a acceptée tout en attirant l’attention de la S. A.R. L. PIMENT GIVRE sur l’existence d’un signe très proche, à savoir « HEMARA HOME » déposé par la société HEMARA HOME EURL de madame Aurélie H..

La S. A.R. L. PIMENT GIVRE lui a indiqué qu’elle pouvait utiliser le nom seul « HEMARA» pour la marque, précisant ensuite que la marque HEMARA HOME proposait du design et de l’architecture, ce qui s’éloigne complètement de son secteur d’activité. Elle concluait qu’il lui paraissait possible de déposer le nom « HEMARA » en classe 25.

Madame C. a alors indiqué à la S. A.R. L. PIMENT GIVRE les classes à prévoir au dépôt, à savoir les classes 18, 25, 16 et 35.

La société PIMENT GIVRE a procédé en son nom à la réservation du nom de domaine « hemara. fr » dès le 30 octobre 2015 et le 13 novembre 2015 a déposé la marque HEMARA à son nom, informant

madame C. qu’elle était prête à céder ces signes distinctifs moyennant la somme de 1 euro symbolique.

Madame C. lui faisait parvenir un projet de contrat de cession dès le 11 décembre 2015 et soldait l’intégralité de la facture de la société PIMENT GIVRE.

Madame C. n’obtenait pas la signature de ce contrat de cession, elle adressait le 20 janvier 2016 par l’intermédiaire de son conseil, une mise en demeure à la société PIMENT GIVRE, tendant à voir celle ci renoncer totalement à la marque « HEMARA », au nom de domaine « hemara. fr », finaliser de toute urgence un nouveau logo et une nouvelle baseline, et de déposer une nouvelle marque, le tout sans aucun frais pour madame C. et ce, avant le 04 février 2016.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, madame C. a assigné la société PIMENT GIVRE par acte du 21 mars 2016 devant le juge des référés du tribunal de commerce de LYON, aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes provisionnelles de 8.040 € en restitution des sommes versées, outre intérêts au taux légal, et de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir.

Alors que le calendrier de procédure prévoyant la clôture au 24 avril 2017 a été respecté par les parties, l’intimée ne justifie pas d’une cause grave survenue postérieurement à cette date.

Par ordonnance rendue le 17 mai 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de LYON, aux motifs que la société PIMENT GIVRE n’avait pas exécuté les obligations contractuelles essentielles lui incombant et faisant application des dispositions de l’article 873 du code de procédure civile, a :

– condamné la société PIMENT GIVRE à payer à madame C. la somme provisionnelle de 8.040 €, outre intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2016,

– débouté madame C. du surplus de ses demandes,

– condamné la société PIMENT GIVRE aux entiers dépens de la présente instance.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 26 mai 2016, la SARL PIMENT GIVRE a formé appel général de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société PIMENT GIVRE demande à la cour de :

– constater que l’enregistrement de la marque « HEMARA HOME » en date du 11 janvier 2008 mentionne notamment des chaussures parmi les produits et services désignés,

– constater que le titulaire de cette marque n’a jamais exploité la marque « HEMARA HOME » pour désigner des chaussures, puisque cette marque n’a jamais servi à autre chose que pour désigner une activité d’architecture d’intérieure et de design,

– dire et juger que le défaut d’exploitation sérieuse pendant 5 ans d’une marque, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, expose son titulaire à la déchéance de ses droits pour les produits et services considérés, en application de l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle,

– dire et juger que la société PIMENT GIVRE n’a commis aucun manquement contractuel en proposant la marque « HEMARA » pour désigner une gamme de chaussures pour femmes,

– constater que l’existence d’une clause de réserve de propriété dans les conditions générales de la société PIMENT GIVRE autorisait cette dernière à faire enregistrer la marque et le nom de domaine à son nom, dans l’attente du paiement du prix de ses prestations,

– constater que la société PIMENT GIVRE s’était expressément engagée à céder la marque et le nom de domaine à madame C. dès le complet paiement de ses factures, et qu’elle n’est jamais revenue sur cet engagement,

– constater que la raison pour laquelle la marque et le nom de domaine n’ont pas été cédés résulte, non pas d’une mauvaise foi de la société PIMENT GIVRE, mais de la décision de madame C. de renoncer à ces signes distinctifs,

En conséquence :

– réformer l’ordonnance de référé du 17 mai 2016 en toutes ses dispositions,

– dire et juger que la société PIMENT GIVRE invoque des contestations sérieuses, tant sur la disponibilité de la marque « HEMARA » que sur le dépôt en son nom de l’enregistrement de la marque et du nom de domaine,

– débouter madame Marie C. de l’intégralité de ses demandes,

– condamner madame Marie C. à payer à la société PIMENT GIVRE une somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner madame Marie C. aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 16 février 2017, madame C. demande à la cour de :

– dire et juger que l’obligation de la S. A.R. L. PIMENT GIVRE à l’égard de madame C. n’est pas sérieusement contestable,

En conséquence :

– confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné la S. A.R. L. PIMENT GIVRE à payer à madame C. la somme de 8.040 €, outre intérêts légaux, à compter du 20 janvier 2016 et avec capitalisation,

Statuant à nouveau :

– condamner la S. A.R. L. PIMENT GIVRE à payer à madame C. la somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral subi et la somme de 5.000 € au titre de la perte de chance,

– condamner la S. A.R. L. PIMENT GIVRE à payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la S. A.R. L. PIMENT GIVRE aux entiers dépens,

le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard constaté, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à venir ;

– dire que la cour se réservera la faculté de liquider l’astreinte.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture.

2/ Sur la demande en paiement formée par madame C.

Il résulte des articles 872 et 873 du code de procédure civile que le président du tribunal de commerce statuant en référé peut, sans avoir à constater l’urgence, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, madame C. estimant que la S. A.R. L. PIMENT GIVRE n’avait rempli ses obligations à son égard à la fois en ne procédant pas à la cession de la marque « HEMARA » et du nom de domaine y afférent à son profit, et en même temps en lui proposant la marque « HEMARA » compte tenu de l’existence d’une marque « HEMARA HOME » déposée par la société HEMARA HOME et du risque majeur d’opposition ou d’action en contrefaçon de marque, de parasitisme économique ou même de concurrence déloyale auquel elle était ainsi exposée, a mis en demeure la société PIMENT GIVRE de renoncer à la marque « HEMARA » et du nom de domaine « hemara. fr », de finaliser de toute urgence un nouveau logo et une nouvelle baseline, et de déposer une nouvelle marque, le tout sans aucun frais pour madame C. et ce, avant le 04 février 2016.

N’ayant pas obtenu satisfaction sur ce point, elle a saisi le juge des référés pour obtenir restitution des sommes versées en application du contrat et une provision à valoir sur son préjudice.

Cette demande s’analyse en une demande de résolution du contrat qui n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés.

Elle suppose en effet d’apprécier si la S. A.R. L. PIMENT GIVRE a manqué à son obligation contractuelle de vérifier la disponibilité de la marque « HEMARA », ce qui relève du juge du fond.

Par ailleurs, alors que les conditions générales du contrat liant les parties comportaient une clause de réserve de propriété au profit de la S. A.R. L. PIMENT GIVRE, il n’est pas établi que l’absence de transfert de la marque « HEMARA » et du nom de domaine « hemara. fr » au profit de madame C. qui estimait ne pas pouvoir les utiliser, est imputable à la S. A.R. L. PIMENT GIVRE.

Il y a lieu en conséquence, de réformer la décision déférée en ce qu’elle a condamné la S. A.R. L. PIMENT GIVRE à payer à madame C. la somme provisionnelle de 8.040 € et aux dépens, et de dire n’y avoir lieu à référé.

Madame C. qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déboute madame Marie C. de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

Infirme la décision déférée sauf en ce qu’elle a débouté madame C. de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit n’y avoir lieu à référé,

Condamne madame Marie C., bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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