Article
Saisi par le Gouvernement, en application de l’
article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
modifiée relative à la liberté de communication, d’un projet de décret relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (ci-après : « le Conseil »), après en avoir délibéré le 8 décembre 2021, émet un avis favorable, assorti des observations suivantes.
I. Observations générales
• La modernisation du décret applicable aux services de télévision non-hertziens (décret « câble-satellite ») constitue la troisième et dernière étape de la réforme des décrets relatifs à la contribution des services de médias audiovisuels au financement de la création. Engagée en 2020, cette réforme a conduit à la publication, le 22 juin 2021, d’un nouveau décret applicable aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). La révision du décret applicable aux chaînes de la TNT, en cours d’achèvement, a fait l’objet d’un avis du Conseil en date du 24 novembre 2021.
Le Conseil dispose ainsi d’une vision d’ensemble du futur dispositif réglementaire de soutien à la création. Il rappelle à cet égard les objectifs poursuivis par la réforme : simplification des règles, correction des asymétries réglementaires entre les acteurs nationaux et étrangers et harmonisation du cadre applicable aux différentes catégories de services de médias audiovisuels.
• Le secteur de la télévision payante non hertzienne est soumis depuis de nombreuses années à une pression concurrentielle forte sous l’effet du développement de l’offre sur la télévision numérique terrestre puis, plus récemment, du succès des services de vidéo à la demande. La fragilisation qui en a découlé rendait indispensable la modification du cadre actuel de ses obligations de contribution à la production.
A cet égard, le projet de décret prend en compte ces difficultés en prévoyant plusieurs aménagements des niveaux de contribution, en particulier en matière de production audiovisuelle. Le choix du Gouvernement répond ainsi aux préoccupations exprimées à plusieurs reprises par le Conseil, notamment dans sa conclusion de la concertation sur la production audiovisuelle de janvier 2016 et dans ses avis n° 2014-18 du 2 décembre 2014 et n° 2016-17 du 19 octobre 2016. Le Conseil proposait déjà un régime d’exonérations fondé sur un seuil de ressources et une progressivité des obligations de production audiovisuelle en fonction du niveau de ces ressources.
• Par ailleurs, le projet soumet au régime de contribution à la production les éditeurs de services établis à l’étranger ciblant la France, ce qui constituera une source de financement additionnelle pour la création audiovisuelle et, dans une moindre mesure, cinématographique. Il comporte de surcroît des dispositions encadrant l’exploitation des droits hors du territoire national. Le Conseil considère que la possibilité ainsi offerte aux services non hertziens de valoriser des dépenses engagées au titre de l’exploitation des œuvres audiovisuelles tant en France qu’à l’étranger est de nature à soutenir leur développement économique.
• Il relève en outre que le régime élaboré pour les services du câble et du satellite est à la croisée du nouveau régime applicable aux SMAD et de celui prévu à ce stade par le projet de décret « TNT ». Il salue cet effort de mise en cohérence.
La mise en commun des obligations entre services d’un même groupe régis par des textes réglementaires différents peut certes donner lieu à des difficultés d’articulation des règles applicables. C’est le cas en particulier de l’encadrement de l’indépendance de la contribution ou des critères permettant la qualification d’une œuvre d’expression originale française.
Cependant, le Conseil estime préférable de ne pas instaurer de critères uniques qui seraient applicables à l’ensemble des éditeurs qui financent une même œuvre. Cette uniformisation contredirait l’objectif poursuivi de coexistence de différents régimes adaptés aux caractéristiques économiques et éditoriales et aux pratiques contractuelles de chaque catégorie d’éditeurs. Il estime préférable que chaque service se voie appliquer les critères de l’indépendance prévus par le décret qui le régit, ce qui permettrait d’éviter un certain nombre d’effets de bord, les autres pouvant être corrigés par des modulations introduites dans la convention, le cas échéant prenant en compte les accords professionnels.
Enfin, comme il l’a indiqué dans ses précédents avis, le Conseil considère que les textes réglementaires lui donnent la faculté de moduler les paramètres de la contribution des éditeurs dans le cadre du conventionnement, même en l’absence d’accord professionnel.
II. Observations détaillées
1. Obligations de contribution à la production des services de télévision
1.1. Assiette des obligations
Le projet de décret « câble-satellite » modifie le périmètre de l’assiette de la contribution à la production des services en substituant le chiffre d’affaires net incluant les seules recettes relatives à l’édition en France aux ressources nettes, qui intégraient les recettes publicitaires tous territoires confondus.
– Le régime des services de cinéma (article 33)
A l’instar du décret « SMAD » et du projet de décret « TNT », le projet de décret « câble-satellite » fixe le montant de la contribution par rapport au chiffre d’affaires de l’exercice précédent, à l’exception des obligations de production cinématographique pour les services de cinéma qui restent calculées sur le chiffre d’affaires de l’exercice en cours. Comme il l’a souligné dans son avis relatif au projet de décret « TNT », le Conseil suggère de mettre fin à cette exception.
Si le Gouvernement ne reprenait pas cette proposition, il serait souhaitable de maintenir à hauteur de 20% la part de la contribution susceptible de faire l’objet d’un report, tel que prévu par les accords professionnels.
– Prise en compte des services faisant l’objet d’abonnement conjoints (article 7)
Le périmètre de l’assiette de contribution prévu par le texte prend en compte, à l’instar du décret « SMAD » et du projet de décret « TNT », les offres « composites » associant au service de télévision fourni dans le cadre de son abonnement à l’utilisateur des services complémentaires d’une autre nature auxquels il ne peut renoncer.
Le projet de décret prévoit que la convention fixe la part du chiffre d’affaires de l’offre composite qui doit être prise en compte pour la détermination de l’assiette des obligations, au regard notamment de la valeur économique du service de télévision et des usages de valorisation en la matière. Si l’éditeur s’abstient de fournir les informations nécessaires à la fixation de cette part, l’ARCOM pourra retenir le chiffre d’affaires résultant de l’ensemble de l’offre.
Le Conseil note le rôle qui est ainsi confié à l’ARCOM dans la détermination et le contrôle de l’assiette de contribution.
Il relève par ailleurs que le projet de décret, comme celui relatif aux éditeurs hertziens, ne détermine pas les modalités de répartition d’un abonnement conjoint composé de plusieurs services de medias audiovisuels. Il estime que ces deux textes gagneraient à être complétés sur ce point, en intégrant les dispositions suivantes, similaires à celles figurant à l’alinéa 2 de l’article 5 du décret « SMAD » : « une recette provenant de l’exploitation commune de plusieurs services de médias audiovisuels est prise en compte pour le calcul du chiffre d’affaires de chacun de ces services au prorata des montants respectifs de ces chiffres d’affaires avant cette prise en compte ».
– Déduction des recettes provenant de cessions intragroupe (13° de l’article 27 et 12° de l’article 44)
A l’instar du projet de décret « TNT », le texte ouvre la possibilité, par modulation conventionnelle, de déduire du chiffre d’affaires net de l’exercice « les recettes provenant de l’exploitation des œuvres financées par l’éditeur ou provenant des cessions de droits de diffusion d’œuvres sur lesquelles porte la contribution lorsque ces cessions interviennent au sein du groupe ».
Comme pour le projet de décret « TNT », le Conseil préconise que la déduction des cessions de droits de diffusion d’œuvres sur lesquelles porte la contribution bénéficie de droit aux éditeurs lorsque ces cessions interviennent à prix coûtant au sein du groupe.
1.2. Périmètre et nature des dépenses
Comme il l’avait noté pour le projet de décret « TNT », le Conseil relève un élargissement du périmètre des dépenses éligibles, principalement en matière de production cinématographique, dont certaines peuvent être négociées par voie de modulation conventionnelle. Il souligne l’effort d’homogénéisation des dépenses entre les différentes catégories de services assujettis. Si certaines différences demeurent entre les dépenses éligibles aux obligations de production cinématographique et celles relatives à la production audiovisuelle, le Conseil considère qu’elles sont justifiées par les spécificités de chacun de ces secteurs.
1.2.1 Dépenses éligibles tant en production audiovisuelle que cinématographique
– Notion d’achats de droits de diffusion (1° et 3° de l’article 13)
Dans un contexte où la mutualisation des obligations avec des services non linéaires appartenant au même groupe sera possible, de même que l’acquisition sous certaines conditions de droits d’exploitation numériques, le Conseil se félicite que le projet de décret fasse référence à « l’achat de droits de diffusion ou d’exploitation » et non plus seulement à l’achat de droits de diffusion.
– Echéanciers de paiement des préachats de droits de diffusion ou d’exploitation (1° du I de l’article 13)
Comme dans son avis sur le projet de décret « TNT », le Conseil préconise de compléter les dispositions relatives à l’échéancier des paiements relatifs au préachat de droits en faisant référence à la sortie de l’œuvre en salles « en France ou dans le pays d’origine », conformément à la définition de l’œuvre cinématographique telle que fixée par l’
article 2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990
modifié. Il préconise également de faire référence à l’acceptation du matériel de diffusion par l’éditeur conformément aux normes professionnelles en vigueur, plutôt qu’à sa livraison.
En outre, en matière de production audiovisuelle, le Conseil suggère que cet échéancier soit prévu sous réserve de la bonne transmission par le producteur de l’ensemble des documents liés à la chaîne de droits et aux comptes de production définitifs permettant la répartition des apports et la fixation des droits à recettes. A défaut, il préconise de prévoir un versement à hauteur de 90% dans les 60 jours de l’ouverture des droits.
Pour ce qui concerne la production cinématographique, pour les mêmes raisons que celles exprimées dans son avis sur le projet de décret « TNT », le Conseil estime qu’il serait préférable que le texte soit complété afin que le délai de 60 jours s’applique à compter de l’ouverture des droits « liés à une première exploitation ». Il serait enfin souhaitable que l’échéancier soit conditionné à la transmission par le producteur de l’ensemble des documents liés à la chaîne de droits permettant de s’assurer de la conformité de la propriété de ces derniers.
– Structure à l’origine des dépenses (III de l’article 13)
Soucieux d’éviter qu’une dépense effectuée par une entreprise de production, filiale d’un éditeur ou de son groupe, puisse être valorisée au titre des obligations, le Conseil propose, comme dans son avis sur le projet de décret « TNT », de compléter le texte par les termes suivant : « par une société commerciale ayant pour objet exclusif la réalisation de ces opérations ».
– Encadrement des droits d’exploitation hors de la France (article 14)
Le projet de décret comporte la même disposition que celle prévue au I de l’article 15 du décret « SMAD », qui encadre les modalités de prise en compte des dépenses engagées au titre de l’exploitation hors de France d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Comme il l’a indiqué dans son avis sur le projet de décret « SMAD », le Conseil considère que la prise en compte des droits d’exploitation sur d’autres territoires que la France au titre des dépenses consacrées aux œuvres audiovisuelles pourrait contribuer à une meilleure exposition de la création française à l’étranger.
S’agissant des œuvres cinématographiques, le choix retenu consiste à ne prendre en compte que les seuls droits d’exploitation sur le territoire français, dans la limite de 75% du montant des droits acquis par le diffuseur lorsque des dépenses sont engagées pour une exploitation sur d’autres territoires.
Le Conseil estime, comme il l’avait souligné dans son avis relatif au projet de décret « SMAD », que la valeur forfaitaire unique de ce plafond pourrait s’avérer inadaptée au regard des périmètres disparates que pourraient viser les droits étrangers, en particulier pour les services établis en France et destinés aux seuls marchés francophones.
Dans ce cas, en effet, la valeur économique des droits pour le territoire français pourrait être supérieure à 75% de l’ensemble des droits acquis. Ce plafonnement entrainerait alors une sous-valorisation des droits pour la France. L’éditeur pourrait alors renoncer à acquérir les droits relatifs aux autres territoires francophones, au détriment de l’exposition de la création française.
En conséquence, le Conseil suggère, comme il l’a fait dans son avis sur le projet de décret « SMAD », d’établir une progressivité dans le plafonnement de la valorisation des droits pour la France, en tenant compte du périmètre des territoires visés, et de le porter à 85% lorsque le service acquiert les droits d’exploitation d’une œuvre pour la France conjointement aux seuls territoires francophones. Il réitère sa proposition d’appliquer le même régime aux SMAD.
1.2.2 Spécificités liées à la production cinématographique
– Suppression de la mention « sur le service qu’ils exploitent » s’agissant des dispositions relatives au préachat et à l’achat d’œuvres cinématographiques (1° et 3° du I de l’article 13)
Ainsi qu’il a pu l’indiquer dans son avis sur le projet de décret « TNT », le Conseil considère que l’utilisation de droits sur un service autre que celui pour lequel ils ont été acquis ne doit rester possible que pour les chaînes faisant l’objet d’une mutualisation impliquant la circulation des droits dans le groupe.
– Extension du périmètre des dépenses éligibles en matière de production cinématographique
Le Conseil salue l’effort d’homogénéisation des dépenses éligibles entre les services linéaires et non linéaires. Certaines différences subsistent toutefois, qui appellent les observations suivantes.
– Prise en compte de l’aide à la distribution en salles (10° de l’article 44)
Les projets de décrets « TNT » et « câble-satellite » prévoient que, par modulation conventionnelle, tous les éditeurs pourront valoriser des dépenses d’aide à la distribution en salles, à l’exception des services non hertziens autres que de cinéma. Dans un souci de cohérence entre services, le Conseil préconise que tous les éditeurs linéaires puissent bénéficier de cette possibilité dans les mêmes conditions. Le Conseil suggère par ailleurs, comme il a pu le faire dans son avis sur le projet de décret « TNT », que celle-ci vise les œuvres européennes, agréées ou non par le CNC.
– Non éligibilité des dépenses de formation des auteurs (8° de l’article 13)
Le Conseil préconise, comme dans son avis sur le projet de décret « TNT », d’étendre l’éligibilité des dépenses de financement de la formation des auteurs aux obligations de production cinématographique afin d’harmoniser sur ce point les règles applicables aux différentes catégories de services.
– Bonus en faveur des films de patrimoine (6° de l’article 27 et 5° de l’article 44)
Comme dans ses avis sur les projets de décrets « SMAD » et « TNT », le Conseil préconise que ce mécanisme soit encore plus incitatif pour les films sortis en salles en France depuis au moins 50 ans en donnant la possibilité de valoriser les dépenses correspondantes dans la limite du triple de leur montant.
1.2.3 Spécificité liée à la production audiovisuelle
– Dépenses de promotion des œuvres (8° de l’article 13)
Comme il a pu le faire s’agissant du projet de décret « TNT », le Conseil préconise que la faculté de décompter au titre des dépenses de promotion des œuvres des dépenses relatives à des festivals soit réintroduite en précisant comme suit les termes du 8° de l’article 13 : « Pour la contribution à la production audiovisuelle, au financement de la formation des auteurs et à la promotion des œuvres prises en compte au titre de l’obligation, dans les conditions fixées par les conventions et cahiers des charges, dans la limite de 2,5 % du montant de celle-ci ».
1.3. Exercice de rattachement des dépenses (article 15)
A l’instar du projet de décret « TNT », une dépense serait désormais prise en compte dans son intégralité au titre de l’exercice au cours duquel le service a commencé à exécuter l’engagement financier correspondant et ce, tant en production audiovisuelle que cinématographique.
S’agissant de la production audiovisuelle, ce principe prévaut déjà dans le cadre réglementaire actuel pour les services autres que de cinéma. En revanche, les dépenses des services de cinéma sont prises en compte au titre de l’exercice correspondant à la date de signature du contrat. Si cette modification participe de l’harmonisation des règles avec le décret « SMAD » et le projet de décret « TNT », le Conseil attire l’attention sur les difficultés de pilotage de leurs obligations par les chaînes, pendant la période de changement de critère de rattachement.
Pour la production cinématographique, cette modification a des conséquences importantes puisque les dépenses sont actuellement rattachées à l’exercice de la signature de l’engagement contractuel. Le Conseil a formulé à ce sujet plusieurs remarques dans son avis sur le projet de décret « TNT ».
Il préconise à nouveau que les critères actuels, liés à l’exercice de signature de l’engagement contractuel, soient conservés en production cinématographique pour les dépenses de préachat et de parts de coproduction. Il réitère par ailleurs sa proposition de décompter les versements liés au financement des travaux d’écriture et de développement au titre de l’exercice au cours duquel ils ont été réalisés.
Enfin, le Conseil relève que les achats de droits de diffusion ou d’exploitation sont la seule catégorie de dépenses pour laquelle un critère alternatif de rattachement est possible, par modulation conventionnelle ouverte aux seuls services autres que de cinéma (15° de l’article 27). Le Conseil souhaite ici encore que cette dérogation soit étendue aux services de cinéma.
1.4. Seuils d’assujettissement aux obligations (article 12)
A l’instar du décret « SMAD », le projet de décret conditionne le déclenchement des obligations de production audiovisuelle et cinématographique au franchissement d’un seuil de chiffre d’affaires de 5 millions d’euros et d’un seuil d’audience de 0,5% de l’audience totale des services non hertziens.
S’agissant du seuil en chiffre d’affaires, le Conseil exprime sa satisfaction de voir les contraintes des éditeurs dont l’économie est la plus fragile prises en compte, notamment au regard des montants marginaux que représente leur contribution à la création.
S’agissant du seuil d’audience, comme il l’a indiqué dans son avis sur le projet de décret « SMAD », il appelle l’attention du Gouvernement sur les difficultés pratiques de mise en œuvre de ce critère et les coûts supplémentaires qui pourraient en découler pour certains services, eu égard à la méthodologie et au périmètre employés dans les études d’audience relatives à l’univers des chaînes thématiques.
1.5. Taux de contribution en matière de production cinématographique (article 33)
Le projet de décret met fin à la différence de taux de contribution pour les services de cinéma de premières diffusions. Désormais, le niveau des obligations dépend, comme pour les SMAD et les éditeurs hertziens, de la diffusion d’un film dans un délai de 9 à 12 mois après la sortie en salles.
Si les taux de contribution prévus par défaut sont identiques à ceux figurant dans le projet de décret « TNT », le projet de décret « câble-satellite » prévoit de les majorer de 2 ou 4 points pour les services non hertziens réservant annuellement plus de la moitié de leur temps de diffusion à des œuvres cinématographiques. Le Conseil attire l’attention sur les effets de seuil qui pourraient en résulter.
Par ailleurs, le Conseil relève que le décret ne prévoit pas l’encadrement et les modalités de ce calcul s’agissant, le cas échéant, d’un service à programmation multiple proposant des déclinaisons d’un programme principal, qui pourrait faire l’objet de modalités de calcul différentes.
1.6. Part consacrée aux œuvres d’expression originale française en production audiovisuelle (articles 24 et 41)
S’agissant des services autres que de cinéma, le texte maintient les dispositions du décret actuel fixant à 85% la part des obligations de contribution à la production audiovisuelle que les éditeurs doivent consacrer aux œuvres d’expression originale française.
L’obligation est identique s’agissant des services de cinéma. Elle est toutefois renforcée par rapport au cadre actuel en étant portée à 90% pour les services de cinéma dont le chiffre d’affaires excède 350 millions d’euros.
Dans la continuité de la position qu’il a exprimée dans ses avis n° 2014-18 du 2 décembre 2014 et n° 2016-17 du 19 octobre 2016 et dans ses conclusions de la concertation sur la production audiovisuelle de 2016, le Conseil considère souhaitable d’abaisser le seuil d’obligation d’investissement dans les œuvres audiovisuelles d’expression originale française à 75% afin de tenir compte des spécificités des chaînes non hertziennes et notamment des chaînes jeunesse dont le genre principal, l’animation, recourt particulièrement à des financements internationaux.
1.7. Obligation de préfinancement (articles 19 et 25 pour les services autres que de cinéma, 35 et 42 pour les services de cinéma)
S’agissant de la production cinématographique, le décret actuel ne prévoit pas d’obligation de préfinancement, à l’exception d’une obligation de préfinancement d’œuvres d’expression d’origine française dont le devis est inférieur à un montant fixé par la convention pour les services de cinéma. Le projet de décret instaure une obligation de préfinancement identique à celle prévue par le projet de décret « TNT », tant pour les services de cinéma que pour les services autres que de cinéma.
En outre, le Conseil avait relevé au 17° de l’article 21 du projet de décret « TNT » que les services autres que de cinéma avaient la possibilité, par modulation conventionnelle, de réaliser leurs investissements en parts de coproduction par l’intermédiaire d’une filiale de la société qui le contrôle au sens du 2° de l’article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986. Le Conseil estime nécessaire de reprendre ces modalités dans le décret « câble-satellite ». De plus, dans le cadre d’éventuelles mises en commun des obligations, le Conseil estime utile que cette possibilité soit étendue aux services de cinéma tant hertziens que non hertziens.
Enfin, le projet de décret crée une obligation de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles inédites pour les services dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros (articles 25 et 42). Le taux de cette obligation est fixé à 75% de l’obligation globale pour les services autres que de cinéma ainsi que pour les services de cinéma dont le chiffre d’affaires dépasse 350 millions d’euros. Il peut être fixé de manière progressive dans les conventions pour les services de cinéma dont le chiffre d’affaires est compris entre 100 et 350 millions d’euros.
Le Conseil salue l’harmonisation de l’obligation de production audiovisuelle inédite avec les règles du décret « SMAD ».
1.8. Production indépendante
L’évolution du cadre applicable en matière de production indépendante appelle plusieurs remarques de la part du Conseil.
– Production cinématographique indépendante (articles 20, 27 7° et 8°, 37, 44 6° et 7°) :
A l’instar du projet de décret « TNT », le texte maintient le niveau actuel de l’obligation de production indépendante à hauteur de 75% des dépenses de préfinancement.
Par ailleurs, le régime d’acquisition des droits exclusifs, actuellement limité à deux diffusions de dix-huit mois chacune voire trois diffusions pour les services de cinéma de premières diffusions ayant conclu un accord avec les organisations professionnelles, est remplacé par une période unique de 18 mois exclusifs sans limitation du nombre de diffusions. La possibilité d’étendre la période de droits de 18 mois à 36 mois (24 mois pour les services de cinéma), indépendamment du nombre de diffusions, relève désormais d’une modulation de la contribution.
Comme dans son avis relatif au projet de décret « TNT », le Conseil propose de compléter le régime prévu par une alternative permettant aux éditeurs de choisir soit entre une période de 18 mois de droits exclusifs sans limitation de diffusions, soit entre deux diffusions d’une durée de droits exclusifs de 18 mois chacune pour les services autres que cinéma et de 12 mois pour les services de cinéma.
L’encadrement de la détention de droits secondaires ou de mandats de commercialisation est harmonisé, comme dans le projet de décret « TNT », avec le décret « SMAD ». Comme il a pu le formuler dans son avis sur le projet de décret « TNT », le Conseil s’interroge sur l’opportunité de maintenir de droit, dans les décrets relatifs aux services de télévision linéaires, la possibilité de détenir de tels droits secondaires ou mandats sur deux modes d’exploitation en contrepartie d’une augmentation de l’obligation d’indépendance, portée à hauteur de 85% des dépenses de préfinancement. De même, il estime nécessaire que le projet de décret précise que l’exploitation sur un service de médias audiovisuels à la demande ne couvre pas le(s) service(s) de télévision de rattrapage (TVR) de l’éditeur.
Par ailleurs, le Conseil relève, parmi les aménagements possibles par modulation conventionnelle des conditions de la production indépendante prévus au dernier alinéa du 8° de l’article 27 et du 7° de l’article 44, l’ajout d’un critère spécifique au projet de décret « câble-satellite » : « précisant la nature et l’étendue des droits de diffusion ou d’exploitation acquis par l’éditeur ». Le Conseil comprend que cette disposition a vocation à s’appliquer en priorité à l’encadrement de la production audiovisuelle indépendante et préconise que sa rédaction soit précisée sur le point de savoir si elle lui est ou non circonscrite. Le cas échéant, une harmonisation de la rédaction avec les troisièmes alinéas du 8° de l’article 21 et du 7° de l’article 36 du projet de décret « TNT » serait souhaitable.
En outre, comme dans le projet de décret « TNT », le Conseil relève que l’acquisition des parts de coproduction investies par les chaînes de cinéma est désormais permise dans « la part de son obligation qui n’est pas consacrée à la production indépendante » en cas de modulation conventionnelle (14° de l’article 44). Le Conseil souhaite que le texte soit clarifié, au même titre que le projet de décret « TNT », sur la portée de la détention et de la valorisation de parts de coproduction par un service de cinéma au titre de ses obligations et, le cas échéant, préconise la rédaction suivante : « Permettre, par dérogation à l’article 34, à l’éditeur de services d’acquérir des parts de coproduction mentionnées au 2° du I de l’article 13, la totalité des dépenses investies dans l’œuvre étant alors rattachée à la part de son obligation qui n’est pas consacrée à la production indépendante. »
Enfin, le Conseil relève que, s’agissant des services de cinéma, le projet décret ne précise pas qu’« est assimilée à une entreprise indépendante d’un éditeur de services l’entreprise qui ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de l’œuvre considérée et n’en garantit pas la bonne fin » alors que cette disposition figure dans l’article 23 du décret en vigueur ainsi qu’à l’article 29 du projet de décret « TNT ». Dans une logique de cohérence entre les deux régimes, le Conseil estime nécessaire de reprendre ce critère.
– Production audiovisuelle indépendante (articles 26, 27 7° et 8°, 43, 44 6° et 7°) :
Le Conseil relève en premier lieu que l’ensemble des dispositions relatives à la production audiovisuelle indépendante sont harmonisées avec celles prévues par le projet de décret « TNT », à l’exception notable des règles fixant l’étendue des droits selon le niveau de financement du service dans le devis de l’œuvre. A l’instar du projet de décret « TNT », le projet de décret vise à constituer un cadre autonome à la production audiovisuelle indépendante, pouvant fonctionner indépendamment de toute modulation conventionnelle.
Pour les services relevant du décret « câble-satellite », cette harmonisation correspond à une simplification de la définition de la production indépendante, qui reposerait désormais sur un nombre de critères plus limité. Sont ainsi supprimés l’obligation du versement intégral avant la fin des prises de vue pour la prise en compte des parts de producteur et l’engagement d’exploitation des droits de diffusion de l’œuvre en France dans un délai de 18 mois en cas de détention d’une part de producteur.
Parmi les dispositions d’application directe restantes, le projet de décret allège plusieurs règles par rapport au cadre actuellement en vigueur, en diminuant à deux tiers la part de production indépendante et en abaissant à 50% la part de financement d’une œuvre permettant à l’éditeur la détention de parts de producteur.
A l’inverse, le Conseil relève le renforcement du critère de détention capitalistique, aucune part sociale ou aucun droit de vote de la société de production ne pouvant désormais être détenu par le service ou le groupe dont il dépend, contre 15% pour le régime actuellement en vigueur.
Par ailleurs, le projet de décret introduit comme nouvelle condition en matière de production audiovisuelle indépendante une durée de droits de diffusion maximale de 36 mois. Le Conseil considère que cette durée devrait constituer davantage un minimum qu’un maximum, eu égard aux pratiques du marché en matière de préachats et d’achats de droits de diffusion et compte tenu des durées significativement plus longues retenues dans le décret « SMAD ».
En outre, le Conseil s’interroge sur les conséquences que pourrait entraîner un tel encadrement de la durée des droits sur les achats de droits, que les éditeurs négocient le plus souvent de gré à gré avec les producteurs et les distributeurs.
Enfin, à l’instar du projet de décret « TNT », le texte prévoit un ensemble de modulations destinées à prendre en compte les caractéristiques des différents éditeurs. Ces dispositions sont identiques à celles du projet de décret « TNT », à l’exception du dernier alinéa du 8° de l’article 27 et du 7° de l’article 44, qui introduisent la possibilité de préciser dans les conventions « la nature et l’étendue des droits de diffusion ou d’exploitation acquis par l’éditeur ». Le Conseil estime que cette disposition est de nature à faciliter la recherche d’un point d’équilibre tenant compte des particularités des genres de programmes en termes de financement.
1.9. Mutualisation des obligations (articles 29 et 46)
Le premier alinéa des articles 29 et 46 du projet de décret harmonise avec le décret « SMAD » et le projet de décret « TNT » les règles portant sur la faculté de mutualisation des obligations de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique.
Le Conseil salue cette mise en cohérence, qu’il estime nécessaire pour que les éditeurs soient en mesure d’adapter et développer leurs modèles éditoriaux et économiques au nouveau contexte concurrentiel du secteur audiovisuel.
Dans son avis sur le projet de décret « TNT », le Conseil a attiré l’attention du Gouvernement sur les divergences qui pourraient découler de la mutualisation d’obligations entre services relevant de décrets distincts, dont certaines définitions et critères diffèrent, s’agissant notamment de la qualification EOF des œuvres non européennes ou des co