Article
Saisi par le Gouvernement, en application de l’
article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
modifiée relative à la liberté de communication, d’un projet de décret relatif à la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (ci-après : « le Conseil »), après en avoir délibéré le 24 novembre 2021, émet un avis favorable, sous réserve des observations suivantes.
I. – Observations générales
La saisine du Conseil intervient dans un contexte de transformation profonde du paysage audiovisuel, marqué par une évolution très rapide des services et des usages et par une concurrence accrue des services délinéarisés, en particulier américains, à l’égard des opérateurs nationaux. Cette concurrence est source d’innovation pour l’ensemble du secteur et de nouvelles opportunités pour la création française. Elle porte également de nombreuses incertitudes, en particulier pour les acteurs de la production cinématographique. Les difficultés des discussions en cours sur la chronologie des médias ou les investissements du groupe Canal + dans le cinéma en attestent. A cet égard, le Conseil appelle de ses vœux la conclusion rapide de ces négociations.
Le projet de décret « TNT » s’inscrit par ailleurs dans un mouvement général de modernisation du cadre réglementaire portant sur les obligations de contribution au développement de la production de l’ensemble des éditeurs de services de médias audiovisuels. Ce chantier engagé l’an dernier par le Gouvernement vise trois objectifs principaux : corriger les asymétries réglementaires en intégrant l’ensemble des opérateurs qui visent le territoire français au système de financement de la création, en application de la directive « services de médias audiovisuels » rénovée ; mettre en cohérence et harmoniser les règles applicables aux différentes catégories de services ; simplifier le dispositif de soutien à la création.
Une première étape, décisive, a été franchie avec l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2021, du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Ce texte renforce et harmonise le dispositif applicable aux services par abonnement et assujettit les SMAD étrangers visant le territoire français aux obligations de contribution au développement de la production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques sur notre territoire. Le Conseil s’est prononcé favorablement sur ce texte dans un avis rendu le 17 mars 2021.
La modernisation du décret « TNT » constitue une deuxième étape tout aussi décisive de cette réforme d’ensemble. Elle conditionne en effet la capacité des groupes audiovisuels nationaux et de la filière de la production cinématographique et audiovisuelle à adapter leurs modèles économiques et développer leur compétitivité, dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
Dans son avis sur le projet de décret « SMAD », le Conseil avait invité le Gouvernement à la vigilance quant à la cohérence d’ensemble du futur cadre rénové. Il soulignait que ce dernier devait répondre à la nécessité de corriger les asymétries réglementaires entre les catégories d’éditeurs de services de médias audiovisuels, au bénéfice notamment de la compétitivité des acteurs nationaux et du financement de la création.
Dans cette perspective, le Conseil souhaite formuler les observations suivantes.
En premier lieu, le Conseil note l’effort entrepris dans ce texte en vue de l’harmonisation des règles, qui participe des objectifs de simplification et d’équité entre les différents acteurs, quel que soit leur mode de diffusion, afin notamment de sécuriser les contributions permettant le soutien financier de la création.
Cette démarche se reflète dans la structure même du projet de décret. Celle-ci, inspirée de celle du décret « SMAD », témoigne d’un souci de prise en compte du nouvel environnement concurrentiel et de la recherche d’homogénéisation des cadres réglementaires applicables tant aux SMAD qu’aux services linéaires de la TNT, qu’il s’agisse de services de cinéma ou de services gratuits.
En second lieu, le Conseil approuve le choix du Gouvernement de maintenir le niveau global de la contribution des éditeurs de services de télévision, qui demeurent au cœur du système de financement de la création en France. L’investissement des SMAD étrangers constitue une source de financement additionnelle et non substitutive, qui répond à une augmentation de l’offre et de la demande de contenus.
En contrepartie, les éditeurs bénéficient dans le projet de décret d’un certain nombre d’assouplissements des modalités de leurs investissements dans la production. Le Conseil estime que le texte pourrait aller plus loin dans cette voie, afin de mieux prendre en compte l’adaptation du modèle économique des éditeurs de la TNT aux nouvelles modalités de consommation et de diffusion des contenus audiovisuels et cinématographiques.
En troisième lieu, le texte repose sur un nombre limité de règles d’application directe et renvoie le détail de nombreux paramètres à la régulation et, le cas échéant, aux accords professionnels. Ce choix répond à une demande formulée à plusieurs reprises par le Conseil dans ses précédents avis.
En quatrième lieu, le Conseil a conscience de la difficulté rencontrée par le Gouvernement pour trouver un point d’équilibre entre les intérêts des différents acteurs concernés, en particulier s’agissant de l’encadrement de la production audiovisuelle indépendante. Si la part dévolue à cette dernière est abaissée à 66 %, certains de ses critères sont resserrés, notamment la durée des droits et l’interdiction de détention des mandats de commercialisation, conditions qui ne peuvent trouver d’assouplissement que dans le cadre de modulations conventionnelles.
Le Conseil s’interroge sur le dispositif retenu, consistant à fixer par voie réglementaire une durée des droits inférieure à celle actuellement négociée dans le cadre des accords interprofessionnels. Le projet de décret instaure en outre au sein de la production indépendante audiovisuelle un régime binaire autour d’un niveau de financement à 50 % du devis de l’œuvre en dessous duquel les droits de diffusion des chaînes sont limités à la diffusion linéaire et à la télévision de rattrapage et au-dessus duquel elles disposent des droits sur tous les modes de diffusion, y compris la vidéo à la demande par abonnement (VàDA). Il en découle un risque de fragilisation de l’économie de certains genres sous-financés comme le documentaire et, a contrario, de difficultés pour les éditeurs qui ne semblent pas en capacité de financer un tel niveau du devis, en particulier en animation, ce qui pourrait les gêner dans l’acquisition des droits voire les priver d’investissements à valoriser dans la part indépendante de leur contribution.
Au-delà de la question de la production indépendante, le projet de décret prévoit un large spectre de possibilités de modulation de paramètres des obligations dans le cadre du conventionnement des éditeurs. Ce dispositif, qui repose sur des concessions portant sur des niveaux, critères et modalités hétérogènes, peut permettre l’élaboration d’un cadre évolutif et adapté aux caractéristiques de chaque éditeur. Le Conseil estime cependant que l’équilibre n’est pas atteint et que cette architecture est de nature à modifier sensiblement les relations actuelles entre éditeurs et producteurs, notamment au regard de la compatibilité des accords interprofessionnels actuels avec le projet de décret et de la nécessaire ouverture d’un nouveau dialogue entre les parties prenantes, en particulier en matière de production indépendante.
Comme il l’a indiqué dans son avis sur le projet de décret « SMAD », le Conseil considère que le projet de décret « TNT » lui donne la faculté de moduler les paramètres de la contribution des éditeurs même en l’absence d’accord interprofessionnel. Dans ce cadre, certaines modalités étant plus difficiles que d’autres à faire évoluer en l’absence d’accords interprofessionnels, le Conseil usera de cette faculté au cas par cas, en fonction notamment de l’importance respective de chacun de ces paramètres et en prenant en compte les intérêts de l’ensemble des parties concernées.
II. – Observations détaillées
2.1. Assiette des obligations (articles 1 à 5, 21 14° et 36 11° et 12°)
• Le régime des services de cinéma
A l’instar du décret « SMAD » et du décret « TNT » actuellement en vigueur, le projet de décret fixe le montant de la contribution par rapport au chiffre d’affaires de l’exercice précédent, à l’exception des obligations de production cinématographique des services de cinéma qui restent calculées sur le chiffre d’affaires de l’exercice en cours.
Sur un plan pratique, asseoir les obligations sur le chiffre d’affaires de l’exercice en cours peut créer des difficultés pour les éditeurs dans le pilotage de leurs obligations, les éléments comptables nécessaires à la détermination de l’assiette n’étant disponibles qu’à la fin de l’exercice concerné. C’est la raison pour laquelle il est actuellement prévu, pour les seuls services de cinéma et dans le cadre de la négociation d’accords professionnels, la possibilité de reporter jusqu’à 20 % du montant des obligations.
Alors que le projet de décret poursuit un objectif d’harmonisation par supports et par services, et compte tenu de la généralisation à l’ensemble des services assujettis de la possibilité de prévoir par voie conventionnelle le report d’une partie des obligations, dans la limite de 15 % de celles-ci, le Conseil s’interroge sur les raisons ayant conduit au maintien d’une telle distinction. Il suggère, le cas échéant, de mettre en cohérence ces deux régimes sur ce point.
Si le Gouvernement n’envisageait pas d’asseoir les obligations de production cinématographique des services de cinéma sur le chiffre d’affaires de l’exercice précédent, il serait souhaitable de maintenir à hauteur de 20% leur possibilité de reporter une partie de celles-ci.
• Déduction des recettes provenant de cessions intragroupe (14° de l’article 21 et 12° de l’article 36)
Le 14° de l’article 21 et le 12° de l’article 36 du projet de décret étendent la possibilité de déduire, par voie conventionnelle, du chiffre d’affaires net de l’exercice, « les recettes provenant de l’exploitation des œuvres financées par l’éditeur ou provenant des cessions de droits de diffusion d’œuvres sur lesquelles porte la contribution lorsque ces cessions interviennent au sein du groupe ». La disposition actuellement en vigueur réserve cette possibilité aux seules obligations de production audiovisuelle des services gratuits (au 10° de l’article 14).
La déduction des cessions de droits de diffusion d’œuvres sur lesquelles porte la contribution lorsque ces cessions interviennent à prix coûtant au sein du groupe sert à corriger une anomalie de transfert de charge exclusivement comptable générant un chiffre d’affaires artificiel, éliminée dans le cadre de la consolidation des comptes au sein du groupe. Le Conseil préconise que cette déduction bénéficie de droit aux éditeurs, indépendamment d’une modulation de la contribution par voie conventionnelle.
• Minima garantis (11° de l’article 36)
Alors que la réglementation en vigueur rend obligatoire la fixation dans les conventions des services de cinéma d’un minimum garanti par abonné pour les dépenses contribuant au développement de la production cinématographique, le projet de décret prévoit que le minimum garanti peut-être fixé par modulation conventionnelle et être formulé soit par un montant par abonné en France soit par un montant en valeur absolue.
Le Conseil propose de profiter de la modification, par le présent projet de décret, du décret « SMAD » pour mettre en cohérence ce dernier sur ce point avec le régime prévu pour les chaînes de la TNT. Ainsi, les dispositions prévues au 11° de l’article 36 du projet de décret pourraient être reprises dans l’article 26 du décret « SMAD ».
2.2. Périmètre et nature des dépenses
Le Conseil relève que le texte élargit le périmètre des dépenses éligibles, principalement en matière de production cinématographique, dont certaines peuvent être négociées par voie de modulation conventionnelle. Il souligne les efforts d’homogénéisation des dépenses avec celles fixées par le décret « SMAD ». Si certaines différences demeurent entre les dépenses éligibles aux obligations de production cinématographique et celles éligibles aux obligations de production audiovisuelle, le Conseil considère qu’elles sont justifiées par les spécificités de chacun de ces secteurs.
2.2.1. Remarques portant sur les dépenses éligibles en production tant audiovisuelle que cinématographique
• La notion d’achats de droits de diffusion (1° et 3° de l’article 6)
Dans la liste des dépenses éligibles au titre des obligations, le projet de décret fait référence, aux 1° et au 3° du I de son article 6, au préachat ou à l’« achat de droits de diffusion », à l’instar de ce que prévoit la réglementation en vigueur. Dans un contexte où la mutualisation des obligations avec des services non linéaires appartenant au même groupe sera possible, de même que l’acquisition sous certaines conditions de droits d’exploitation numériques, la référence aux seuls achats de droits de diffusion semble inadaptée. Le Conseil préconise que le projet de décret mentionne « l’achat de droits de diffusion ou d’exploitation », à l’instar de ce que prévoit le projet de décret relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services non hertziens (dit « CabSat ») qui lui a été transmis pour avis.
• Les échéanciers de paiement des préachats de droits de diffusion (1° du I de l’article 6)
Le projet de décret prévoit que les sommes correspondant au préachat de droits de diffusion d’œuvres cinématographiques doivent être versées intégralement dans les 30 jours suivant la sortie de l’œuvre en salles en France. La même rédaction figure dans le décret « SMAD » pour les délais de versement se rapportant à la sortie en salles.
Le Conseil préconise de compléter cette disposition en faisant référence à la sortie de l’œuvre en salles « en France ou dans le pays d’origine », afin de correspondre à la définition de l’œuvre cinématographique fixée par l’
article 2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990
modifié. Par souci d’harmonisation, il suggère également d’introduire cette rédaction dans le décret « SMAD ».
Par ailleurs, les sommes doivent être versées intégralement au plus tard dans les 60 jours de l’ouverture des droits, sous réserve de la livraison d’un matériel de diffusion conforme aux normes professionnelles en vigueur. Le Conseil propose de faire plutôt référence à l’acceptation du matériel de diffusion par l’éditeur.
En outre, en matière de production audiovisuelle, le Conseil suggère que cet échéancier soit prévu sous réserve de la bonne transmission par le producteur de l’ensemble des documents liés à la chaîne de droits et aux comptes de production définitifs permettant la répartition des apports et la fixation des droits à recettes. A défaut, il préconise de prévoir un versement à hauteur de 90 % dans les 60 jours de l’ouverture des droits.
Pour ce qui concerne la production cinématographique, il serait sans doute préférable que le projet de décret soit complété afin que le délai de 60 jours s’applique à compter de l’ouverture des droits « liés à une première exploitation ». Cet ajout permettrait de prendre en compte le cas des œuvres dont la première sortie en salles n’interviendrait pas en France ou dans le pays d’origine, ou d’une première exploitation autre qu’en salles, le cas échéant. Comme pour les œuvres audiovisuelles, il serait souhaitable que l’échéancier soit conditionné à la transmission par le producteur de l’ensemble des documents liés à la chaîne de droits permettant de s’assurer de la conformité de la propriété de ces derniers.
Ces aménagements semblent par ailleurs devoir être repris dans le décret « SMAD ».
• La structure à l’origine des dépenses (IV de l’article 6)
Le Conseil relève que le projet de décret reprend les dispositions du décret en vigueur et du décret « SMAD » en vertu desquelles les dépenses doivent être réalisées soit par l’éditeur de services, soit par une société commerciale ayant pour objet la réalisation de ces opérations et contrôlée par cet éditeur, soit par un groupement d’intérêt économique ayant le même objet. Soucieux d’éviter qu’une dépense effectuée par une entreprise de production, filiale d’un éditeur ou de son groupe, puisse être valorisée au titre des obligations, le Conseil propose de compléter le projet de décret par les termes suivant : « par une société commerciale ayant pour objet exclusif la réalisation de ces opérations ».
Une extension de cet aménagement aux SMAD pourrait également être envisagée par une modification du décret du 22 juin 2021.
• L’absence de prise en compte des dépenses acquises pour un service du groupe non diffusé sur le territoire français (II de l’article 6)
Le Conseil considère que l’expression « Ne sont pas prises en compte les dépenses mentionnées au I portant sur des œuvres dont les droits sont acquis pour (…) » peut prêter à confusion et propose, par souci de clarification, la rédaction suivante : « Ne sont pas pris en compte les montants des droits acquis pour des services qui ne sont pas diffusés sur le territoire français ».
2.2.2. Spécificités liées à la production cinématographique
• La suppression de la mention « sur le service qu’ils exploitent » s’agissant des dispositions relatives au préachat et à l’achat d’œuvres cinématographiques (1° du I de l’article 6)
S’agissant des dispositions relatives au préachat et à l’achat de droits de diffusion d’œuvres cinématographiques, le Conseil note la suppression de la mention « sur le service qu’ils exploitent », alors que l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 fait toujours référence à « l’acquisition des droits de diffusion de ces œuvres sur les services qu’ils éditent ».
Le Conseil considère que l’exploitation de droits sur un service autre que celui pour lesquels ils ont été acquis ne doit rester possible que pour les chaînes dont les obligations sont mutualisées, cette mise en commun permettant la circulation des droits au sein du groupe.
• L’extension du périmètre des dépenses éligibles en matière de production cinématographique
Le Conseil relève que le périmètre des dépenses éligibles aux obligations de contribution au développement de la production cinématographique a été élargi, en cohérence avec le décret « SMAD ». Il salue cette homogénéisation entre services linéaires et non linéaires. Certaines différences subsistent toutefois, qui appellent les observations suivantes.
– La prise en compte de l’aide à la distribution en salles (12° de l’article 21 et 10° de l’article 36)
A la différence des SMAD, les éditeurs hertziens pourront valoriser des dépenses d’aide à la distribution en salles, mais sous réserve désormais que cette faculté soit prévue par la convention. Cette faculté est cependant réservée aux films agréés par le CNC s’agissant des services autres que de cinéma. Le Conseil préconise qu’elle vise pour tous les services les œuvres européennes, agréées ou non par le CNC.
– L’absence d’éligibilité des dépenses de formation des auteurs (8° de l’article 6)
Le Conseil note qu’à la différence du régime désormais applicable aux SMAD, les éditeurs linéaires ne pourraient valoriser les dépenses de financement de la formation des auteurs qu’au seul titre de leurs obligations de production audiovisuelle. Il préconise d’étendre cette éligibilité aux obligations de production cinématographique afin d’harmoniser sur ce point les règles applicables aux deux catégories de services.
– Le bonus en faveur des films de patrimoine (6° de l’article 21 et 5° de l’article 36)
Le projet de décret permet en outre, par voie de modulation conventionnelle, de valoriser avec un coefficient multiplicateur, dans la limite du double de leur montant, une nouvelle catégorie d’investissements introduite par le décret « SMAD », les dépenses dans des œuvres cinématographiques sorties en salle en France depuis au moins trente ans. Dans son avis du 17 mars 2021 sur le projet de décret « SMAD », le Conseil avait souligné le caractère vertueux de cette mesure pour la préservation et la valorisation de notre patrimoine cinématographique. Il avait également préconisé que ce mécanisme soit encore plus incitatif pour les films sortis en salle en France depuis au moins 50 ans en donnant la possibilité de valoriser les dépenses correspondantes dans la limite du triple de leur montant. Le Conseil réitère cette proposition qui, le cas échéant, pourrait être également reprise dans le décret « SMAD ».
2.2.3. Spécificité liée à la production audiovisuelle
• Les dépenses de promotion des œuvres (8° de l’article 6)
Les dispositions du décret actuellement en vigueur permettent de comptabiliser au titre des obligations de contribution à la production audiovisuelle des dépenses consacrées « à la promotion des œuvres sur lesquelles porte la contribution, dans les conditions et limites fixées par les conventions et cahiers des charges. »
C’est ainsi que, prenant en compte les accords interprofessionnels, certaines conventions prévoient la faculté de décompter des dépenses relatives à des festivals, dans la limite d’un certain plafond. Le projet de décret ne semble pas reprendre cette possibilité. Le Conseil préconise de la réintroduire en précisant les termes du 8° de l’article 6 : « Pour la contribution à la production audiovisuelle, au financement de la formation des auteurs et à la promotion des œuvres prises en compte au titre de l’obligation, dans les conditions fixées par les conventions et cahiers des charges, dans la limite de 2,5 % du montant de celle-ci ».
2.3. Exercice de rattachement des dépenses (article 7)
Dans un objectif d’harmonisation, le projet de décret prévoit de rattacher toutes les dépenses à l’exercice au cours duquel le premier versement est intervenu, tant en production audiovisuelle que cinématographique. Ce changement de critère de rattachement constitue, en matière de production cinématographique, une modification importante pour les éditeurs concernés puisque les dépenses sont actuellement rattachées à l’exercice de la signature de l’engagement contractuel. Il appelle plusieurs remarques.
Le projet de décret prévoit des échéanciers de paiement différents pour les parts de coproduction, dont au moins 90 % du montant doivent intervenir au plus tard le dernier jour du tournage, et pour les préachats, dont le diffuseur doit s’être acquitté dans les 30 jours après la sortie du film en salles en France et au plus tard dans les 60 jours de l’ouverture des droits le cas échéant. Ainsi, pour un même film, les deux catégories de dépenses de préfinancement ne devraient pas être payées dans les mêmes délais.
Leur rattachement à l’exercice au cours duquel le premier versement est intervenu rendrait donc difficile pour les éditeurs le pilotage de leurs obligations dans la mesure où la prise en compte des différents investissements sur un même film serait répartie sur des exercices différents, une sortie en salles intervenant en général un à deux ans après le tournage (sauf à changer les pratiques de paiement en instaurant un premier versement du préachat en cours de tournage). En outre, l’application d’un tel critère pourrait entrainer d’importantes difficultés pour les éditeurs à abonder leur contribution au titre de l’exercice 2022 dans la mesure où seules les parts de coproduction pourraient être valorisées sur cet exercice. Pour ces raisons, le Conseil préconise que les critères actuels, liés à l’exercice de signature de l’engagement contractuel, soient conservés pour ces catégories de dépenses en matière de production cinématographique.
S’agissant du financement des travaux d’écriture et de développement, nouvelle catégorie de dépenses introduite par le projet de décret en matière de production cinématographique, le Conseil rappelle que le développement des projets de films se fait parfois sur plusieurs années et que leur arrêt fréquent rend incertain le versement de la totalité du montant initialement prévu. Comptabiliser l’ensemble des dépenses afférentes à ces travaux au titre de l’exercice de premier versement impliquerait donc des correctifs plusieurs années après cet exercice. En conséquence et dans un souci de simplification, le Conseil propose de prendre en compte chacun des versements au titre de l’exercice au cours duquel il a été réalisé.
Si le Gouvernement devait tenir compte de ces remarques, une mise en cohérence du décret « SMAD » sur ce point serait nécessaire.
Enfin, le Conseil relève que les achats de droits de diffusion sont la seule catégorie de dépenses pour laquelle un critère alternatif de rattachement est possible. En effet, le 16° de l’article 21 prévoit que pour les seuls services autres que de cinéma, la comptabilisation pourra intervenir à la date de signature du contrat en cas de modulation conventionnelle. Le Conseil souhaite que cette dérogation soit étendue aux services de cinéma, voire aux SMAD, dans la logique de la mise en place d’éventuelles mutualisations.
2.4. Obligation de préfinancement (articles 12 et 19 pour les services autres que de cinéma, 27 et 34 pour les services de cinéma)
S’agissant de la contribution au développement de la production cinématographique, le Conseil prend acte de la baisse à 90 % du niveau de l’obligation portant sur le préfinancement d’œuvres pour les services autres que de cinéma qui réalisent un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 150 M€. Il relève que les conventions et cahiers des charges pourront, pour les services dont le chiffre d’affaires est compris entre 75 et 150 M€, continuer à fixer de manière progressive la part minimale de l’obligation devant être consacrée aux dépenses de préfinancement, qui intègrent désormais les travaux d’écriture et de développement.
Pour ce qui concerne les services de cinéma, cette obligation porte non plus seulement sur l’obligation de contribution aux œuvres d’expression originale française (EOF), mais également sur celle consacrée aux œuvres européennes. Malgré une légère baisse de son taux de 85 % à 80 %, cette modification d’assiette augmente mécaniquement le montant de l’obligation de préfinancement et diminue d’autant le couloir réservé aux acquisitions, notamment européennes non EOF.
Enfin, le texte crée une obligation de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles inédites, qui, dans le décret actuellement en vigueur, n’est prévue qu’en cas de modulation conventionnelle, prenant en compte les accords (1° de l’article 14 et 1° de l’article 43). Le Conseil relève sur ce point une harmonisation bienvenue du niveau de cette obligation avec les dispositions du décret « SMAD » applicables aux services de VàDA.
2.5. Production indépendante (articles 13, 20, 21 8°, 29, 35 et 36 7°)
L’évolution du cadre applicable en matière de production indépendante appelle plusieurs remarques de la part du Conseil.
• En matière de production cinématographique indépendante :
Le projet de décret maintient le niveau actuel de l’obligation de production indépendante à hauteur de 75 % des dépenses de préfinancement.
L’acquisition des droits exclusifs, limitée dans le décret en vigueur à deux diffusions de dix-huit mois chacune, serait remplacée par une période unique de 18 mois exclusifs sans précision du nombre de diffusions. La possibilité d’étendre la période de droits de 18 à 36 mois (24 mois pour les services de cinéma) relève désormais d’une modulation de la convention prenant en compte, le cas échéant, un éventuel accord professionnel. Le Conseil propose de compléter le régime prévu par une alternative permettant de conserver l’encadrement existant. Ainsi, les éditeurs pourraient choisir entre une période de 18 mois de droits exclusifs sans limitation de diffusions, ou une limitation à deux diffusions avec pour chacune d’entre elles une durée des droits exclusifs plafonnée à 18 mois.
L’encadrement de la détention de droits secondaires ou de mandats de commercialisation est harmonisé avec le décret « SMAD ». Les enjeux pour ces deux catégories de services ne sont toutefois pas équivalents, dans la mesure où les services de VàDA ont rarement la nécessité d’acquérir un mandat de commercialisation sur leur propre support.
Toutefois, les éditeurs hertziens ne disposeraient plus, hors modulation conventionnelle, de la faculté prévue dans l’actuel décret de détenir de tels droits secondaires ou mandats sur deux modes d’exploitation en contrepartie d’une augmentation de l’obligation d’indépendance, portée à hauteur de 85 % des dépenses de préfinancement. Le Conseil s’interroge sur l’opportunité de maintenir cette possibilité de droit.
De surcroît, le Conseil estime nécessaire que le projet de décret précise, au d du 2° du I de l’article 13, que l’exploitation sur un service de médias audiovisuels à la demande ne couvre pas le(s) service(s) de télévision de rattrapage (TVR) de l’éditeur, afin que l’exploitation de droits TVR ne soit pas associée à la détention d’un mandat ou droit secondaire.
Enfin, le Conseil relève que la convention pourrait désormais prévoir que les parts de coproduction investies par un service de cinéma peuvent être valorisées dans « la part de son obligation qui n’est pas consacrée à la production indépendante » (14° de l’article 36).
Jusqu’à présent, les services de cinéma n’avaient pas la possibilité de valoriser des parts de coproduction au titre de leurs obligations de production cinématographique même si le préachat associé à cette part de coproduction pouvait, quant à lui, être décompté dans la part indépendante.
Dans le décret « SMAD », la détention de parts de producteur est considérée comme un critère de dépendance. Cela a pour conséquence de rattacher à la partie dépendante l’intégralité de l’investissement du diffuseur dans une œuvre dès lors qu’il en est coproducteur.
Le Conseil souhaite que le projet de décret « TNT » soit clarifié sur ce point et, le cas échéant, préconise la rédaction suivante : « Permettre, par dérogation à l’article 26, à l’éditeur de services d’acquérir des parts de coproduction mentionnées au 2° du I de l’article 6, la totalité des dépenses investies dans l’œuvre étant alors rattachée à la part de son obligation qui n’est pas consacrée à la production indépendante. »
• En matière de production audiovisuelle indépendante :
Le projet de décret mobilise plusieurs critères d’application directe visant à établir un cadre autonome relatif à la production audiovisuelle indépendante, hors de toute modulation conventionnelle.
Le texte diminue la part de l’obligation d’indépendance, qui passe d’environ 75 % de l’obligation des chaînes en moyenne à deux tiers de cette contribution.
Certains critères sont en outre assouplis avec notamment l’abaissement à 50 % de la part de financement d’une œuvre ouvrant droit à des parts de producteur (contre 60 % ou 70 % dans le décret en vigueur) et la suppression de l’engagement d’exploitation des droits de diffusion de l’œuvre en France dans un délai de 18 mois que l’éditeur doit actuellement respecter lorsqu’il détient des parts de producteur.
A l’inverse, le projet de texte introduit d’autres critères plus contraignants que ceux du décret actuel, relatifs aux conditions capitalistiques ou à l’interdiction de détenir des mandats de commercialisation lorsque le producteur dispose d’une capacité de distribution ou d’un accord cadre. A cet égard, le Conseil note que les conventions devront préciser les conditions équitables, transparentes et non discriminatoires dans lesquelles les mandats de commercialisation devront être négociés. Pour ce faire, il pourra notamment s’appuyer sur les dispositions de l’accord professionnel du 24 mai 2016 sur les conditions de cession des mandats de commercialisation et des droits secondaires des œuvres relevant de la production indépendante coproduites avec les éditeurs de services.
Le projet de texte comporte deux nouvelles dispositions d’application impérative. D’une part, alors que le décret actuellement en vigueur n’encadre pas l’étendue des droits acquis au titre de la production indépendante, ce projet fixe une durée des droits inférieure à celle actuellement négociée dans les accords professionnels en vigueur.
D’autre part, il conditionne l’étendue des droits acquis au niveau de financement du devis de l’œuvre par l’éditeur, autour d’une valeur de référence fixée à 50 %. En deçà de ce seuil, s