L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « l’ARCEP »),
Vu la directive 2002/58/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil, en date du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ;
Vu le
code des postes et des communications électroniques
, notamment ses articles L. 33-1, L. 34-1, L. 36-5, R. 10-12, R. 10-13 et D. 98-7 ;
Vu le
code de la propriété intellectuelle
, notamment son article L.331-21 ;
Vu la
loi n° 2009-669 du 12 juin 2009
favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ;
Vu le courrier du ministère de la culture et de la communication en date du 23 novembre 2016 ;
Vu le rapport intitulé « L’indemnisation des fournisseurs d’accès à l’internet au titre des demandes d’identification formulées par la HADOPI » de l’inspection générale des finances en octobre 2016 ;
Article
Après en avoir délibéré le 13 décembre 2016,
1. Contexte de la saisine
L’
article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques
(ci-après « CPCE ») prévoit que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 23 novembre 2016, le ministère de la culture et de la communication a sollicité l’avis de l’ARCEP sur un projet de décret ainsi que sur un projet d’arrêté, tous deux pris en application de l’article L. 34-1 du CPCE tel que modifié par l’
article 14 de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009
favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.
Le III de l’article L. 34-1 susmentionné traite notamment de l’obligation pour les opérateurs, « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite (…) d’un manquement à l’obligation définie à l’
article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle
(…), et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de (…) la Haute Autorité mentionnée à l’
article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle
, [de différer] pour une durée maximale d’un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques ».
Il prévoit également qu’« un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le VI, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l’activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l’Etat, par les opérateurs ».
Le projet de décret vise à préciser les modalités de compensation des surcoûts indentifiables et spécifiques des prestations assurées par les opérateurs de communications électroniques à la demande de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (ci-après « HADOPI »).
Il prévoit que les surcoûts sont compensés par la HADOPI selon des tarifs fixés par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement du budget et de la culture après avis du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et de la technologie.
Il distingue deux catégories de surcoûts. D’une part, les surcoûts fixes liés aux investissements, au fonctionnement et à la maintenance des systèmes d’information des opérateurs nécessaires pour l’identification des abonnées et, d’autre part, les surcoûts de personnel liés au traitement des demandes d’identification des abonnés.
Le projet d’arrêté fixe la tarification applicable aux prestations assurées par les opérateurs dans ce cadre. S’agissant des surcoûts fixes liés aux investissements, au fonctionnement et à la maintenance des systèmes d’information, il prévoit une compensation forfaitaire annuelle de 80 000 € HT par opérateur concerné. S’agissant des surcoûts de personnel liés au traitement des demandes d’identification des abonnés, le projet d’arrêté prévoit un tarif de 160 € HT pour les demandes envoyées en masse via le traitement dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet » dans un fichier électronique comprenant un maximum de 65 000 lignes et un tarif de 18 € HT pour les demandes individuelles transmises en dehors du système de gestion suscité.
2. Observations de l’Autorité
2.1. Sur le projet de décret
S’agissant des modalités de compensation des surcoûts prévues dans le projet de décret, l’ARCEP relève la cohérence du système de compensation envisagé avec d’autres systèmes de compensation existants par ailleurs, en prévoyant que celle-ci couvre, d’une part, les surcoûts fixes (investissements, exploitation et maintenance des systèmes informatiques) et, d’autre part, les surcoûts de personnel variables par rapport au nombre de demandes d’identification. En effet, le cadre réglementaire des interceptions de correspondances émises par voie des communications électroniques prévu à l’article D. 98-7 du CPCE distingue également ces deux types de coûts.
Toutefois, afin de tenir compte de la diversité des opérateurs, l’ARCEP invite le Gouvernement à ne prendre en compte que les surcoûts efficaces supportés par les opérateurs pour répondre aux demandes d’identification de l’HADOPI. L’efficacité économique fait partie des principes qu’utilise généralement l’ARCEP lorsqu’elle est amenée à fixer des obligations tarifaires aux opérateurs (1).
Pour cela, les dispositions de l’article 1er du projet de décret pourraient être précisées de la manière suivante :
« Cette compensation correspond à la couverture :
« a) Des surcoûts fixes efficaces exposés par les opérateurs, liés aux investissements, au fonctionnement et à la maintenance des systèmes d’information nécessaires pour l’identification des abonnés ;
« b) Des surcoûts de personnel efficaces liés au traitement, par les opérateurs, des demandes d’identification des abonnés. »
2.2. Sur le projet d’arrêté
S’agissant de l’indemnisation des demandes transmises en masse via un système automatisé, l’ARCEP relève tout d’abord que, pour la première fois, une approche forfaitaire des modalités de l’indemnisation est proposée afin de compenser les investissements, le fonctionnement et la maintenance des systèmes d’information nécessaires. Ce principe de forfaitisation s’inspire d’une recommandation de la cour des comptes, émise dans son référé de février 2016 relatif aux interceptions judiciaires et à la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (2).
L’ARCEP précise qu’elle a eu connaissance du rapport confidentiel de l’inspection générale des finances (IGF) intitulé « L’indemnisation des fournisseurs d’accès à l’internet au titre des demandes d’identification formulées par la HADOPI » sur les conclusions duquel s’est appuyé le ministère de la culture et de la communication. Elle souligne ainsi que la démarche adoptée par l’IGF lui semble pertinente en ce qu’elle a, d’une part, sollicité les principaux opérateurs concernés afin de déterminer la nature et les montants des surcoûts à prendre en considération et, d’autre part, mené une approche critique des éléments fournis en appliquant le principe d’efficacité économique, afin d’en proposer des modalités et des tarifs d’indemnisation applicables aux principaux opérateurs.
Toutefois, l’ARCEP regrette que le Gouvernement n’ait pas échangé avec les opérateurs concernés au sujet des niveaux d’indemnisation retenus sur la base des travaux de l’IGF avant de l’avoir saisi pour avis.
En outre, au regard des informations dont elle dispose, l’ARCEP souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que les indemnisations ainsi définies ne couvrent que les systèmes mis en œuvre depuis plusieurs années par les opérateurs pour répondre aux demandes d’identification de la HADOPI telles que formulées jusqu’à présent. Ainsi, en cas d’évolution du volume au-delà des capacités des plateformes actuelles ou du périmètre fonctionnel (3) des demandes de la HADOPI par rapport à la situation actuelle conduisant les opérateurs à procéder à des investissements supplémentaires pour y répondre, il conviendrait de réévaluer le montant des indemnisations en concertation avec le secteur.
S’agissant de l’indemnisation, au tarif de 18 €, pour les demandes individuelles traitées en dehors du système automatisé, l’ARCEP relève qu’il est identique à celui remboursé par le ministère de la justice pour une prestation assez analogue : « A partir d’une adresse IP horodatée et d’informations complémentaires, obtenir les éléments d’identification relatifs à la personne physique, à l’installation, à la connexion, au contrat et aux identifications numériques. » (WA01).
En outre, l’ARCEP comprend du projet d’arrêté que tous les opérateurs susceptibles de recevoir des demandes d’identification de la HADOPI, c’est-à-dire tous les opérateurs proposant un service d’accès à l’internet, peuvent prétendre à l’indemnisation forfaitaire annuelle de 80 000 €. A ce titre, l’ARCEP précise que plusieurs centaines d’opérateurs lui ont déclaré leur intention de fournir un tel service sur le marché et sont donc susceptibles de recevoir des demandes d’identification de la HADOPI. Ainsi, l’ARCEP recommande de distinguer, d’une part, l’indemnisation des principaux opérateurs, recevant des demandes en masse et ayant mis en œuvre des systèmes de traitement automatisés, sur une base forfaitaire et, d’autre part, l’indemnisation des plus petits opérateurs recevant des demandes individuelles, traitées manuellement, sur une base exclusivement variable. Il conviendrait à cet égard d’indiquer précisément le critère permettant de distinguer les opérateurs pouvant prétendre à l’indemnisation forfaitaire de 80 000 € des opérateurs ne pouvant prétendre qu’à une indemnisation exclusivement variable. Une telle prévisibilité est souhaitable pour que les opérateurs concernés puissent prendre des décisions d’investissement efficaces pour l’automatisation du traitement de ces demandes.
L’Autorité n’a pas d’autre observation.
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Fait à Paris, le 13 décembre 2016.
Le président,
S. Soriano
(1) Le principe d’efficacité économique est présent aux articles D. 99-11, D. 311, D. 312 et D. 406-19 du CPCE ainsi que dans la recommandation 2009/396/CE de Commission européenne du 7 mai 2009 sur le traitement réglementaire des tarifs de la terminaison d’appels fixe et mobile dans l’UE. (2)
https://www.ccomptes.fr/content/download/91211/2143411/version/1/file/20160425-refere-S2016-0336-1-interceptions-judiciaires-PNIJ.pdf
(3) Une demande visant à fiabiliser l’identification sur certains accès minoritaires, pour lesquels les demandes aboutissent actuellement à des échecs, font partie des évolutions de périmètre susceptibles de nécessiter de nouveaux investissements non couverts par le niveau d’indemnisation proposée dans le projet d’arrêté.
Extrait du Journal officiel électronique authentifié
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