Avis n° 01-A-04 du Conseil de la concurrence du 3 avril 2001 portant sur un projet de décret relatif à l’importation de certains médicaments à usage humain et modifiant le code de la santé publique

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Avis n° 01-A-04 du Conseil de la concurrence du 3 avril 2001 portant sur un projet de décret relatif à l’importation de certains médicaments à usage humain et modifiant le code de la santé publique

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 6 février 2001 sous le numéro A 329, par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence d’une demande d’avis sur un projet de décret relatif à l’importation de certains médicaments à usage humain et modifiant le code de la santé publique ;

Vu le traité du 25 mars 1957 modifié instituant la Communauté économique européenne ;

Vu les directives du Conseil 65/65 CEE du 26 janvier 1965 et 75/319 CEE du 20 mai 1975 modifiées concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques ;

Vu la communication de la Commission des Communautés européennes sur les importations parallèles de spécialités pharmaceutiques dont la mise sur le marché a déjà été autorisée ;

Vu la directive du Conseil 92/25 CEE du 31 mars 1992 modifiée concernant la distribution en gros de médicaments à usage humain ;

Vu la directive du Conseil 92/73 CEE du 22 septembre 1992 élargissant le champ d’application des directives 65/65 CEE et 75/319 CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant les dispositions réglementaires pour les médicaments homéopathiques ;

Vu le règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une Agence européenne pour l’évaluation des médicaments ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil 98/34 CEE du 22 juin 1998 modifiée prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques ;

Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour l’application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu le code de la santé publique ;

La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants du ministère de l’emploi et de la solidarité et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé entendus lors de la séance du 3 avril 2001,

est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

Le projet de décret élaboré par le ministère de l’emploi et de la solidarité, et dont le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence pour avis, modifie un certain nombre de dispositions relatives à l’importation de médicaments à usage humain et détermine le régime juridique applicable aux importations parallèles de ces médicaments.

Le Conseil est saisi en application de l’article L. 462-2 du code de commerce aux termes duquel : « Le Conseil est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet ou tout texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : 1° De soumettre l’exercice d’une profession ou l’accès à un marché à des restrictions quantitatives ; 2° D’établir des droits exclusifs dans certaines zones ; 3° D’imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente. »

I. – LE CONTEXTE JURIDIQUE ET ÉCONOMIQUE

DANS LEQUEL S’INSCRIT LE PROJET

Les médicaments font l’objet d’une attention particulière de la part des autorités tant communautaires que nationales.

A. – Au plan juridique

1. Le droit communautaire

L’article 28 (ex-30) du traité instituant la Communauté économique européenne dispose : « Les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres », la mesure d’effet équivalent étant, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, « toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible de faire obstacle, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, au commerce intracommunautaire ».

Ce principe est toutefois tempéré par l’article 30 (ex-36) de ce même traité, dont il résulte que ces dispositions ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation justifiées notamment par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes ou de protection de la propriété industrielle ou commerciale, sous réserve que ces interdictions ou restrictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre Etats membres.

Les médicaments à usage humain ont donné lieu à un certain nombre de directives ayant pour objectif la protection de la santé publique lors des opérations de fabrication et de distribution, tout en assurant progressivement la libre circulation des médicaments, la clé de voûte de cette réglementation étant la directive du Conseil 65/65/CEE du 26 janvier 1965 susvisée, plusieurs fois modifiée, laquelle précise, en son article 1er, que doit être considéré comme spécialité pharmaceutique « tout médicament préparé à l’avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier ». Cette directive définit, dans ce même article 1er, le médicament à usage humain comme étant « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines (…), toute substance pouvant être administrée à l’homme (…) en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l’homme (…) ». Elle dispose, en son article 3, qu’« aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un Etat membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet Etat membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation n’ait été délivrée conformément au règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 (…) », cette disposition n’étant toutefois pas applicable aux médicaments préparés selon une formule magistrale ou officinale, aux médicaments destinés aux essais de recherche et de développement, aux produits intermédiaires destinés à une transformation ultérieure par un fabricant autorisé. Selon l’article 2, un Etat membre peut, par ailleurs, conformément à la législation en vigueur et en vue de répondre à des besoins spéciaux, exclure des chapitres II à V de cette même directive, et donc déroger au principe posé par l’article 3 précité, les médicaments fournis pour répondre à une commande loyale et non sollicitée, élaborés conformément aux spécifications d’un praticien agréé et destinés à ses malades particuliers sous sa responsabilité directe.

Sont, notamment, venus s’ajouter à cette directive :

– la directive 75/319/CEE du Conseil du 20 mai 1975 modifiée concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, qui précise, en particulier, les modalités de délivrance de l’autorisation de mise sur le marché ;

– la directive 92/25/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant la distribution en gros des médicaments à usage humain, qui soumet cette distribution à la possession d’une autorisation d’exercer l’activité de grossiste en médicaments et précise les obligations auxquelles le titulaire de l’autorisation est assujetti ;

– la directive 92/73/CEE du Conseil du 22 septembre 1992 élargissant le champ d’application des directives susvisées 65/65 et 75/319/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant les dispositions complémentaires pour les médicaments homéopathiques ; cette directive prévoit une procédure d’enregistrement simplifiée pour les médicaments homéopathiques traditionnels, la commercialisation des autres médicaments homéopathiques demeurant soumise à la procédure d’autorisation prévue par la directive du 26 janvier 1965 modifiée susmentionnée ;

– le règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une Agence européenne pour l’évaluation des médicaments ; ce règlement prévoit notamment que, pour certains médicaments énumérés en annexe, la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché devra, ou pourra, être faite par la Communauté en conférant, dans chaque Etat membre, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’une autorisation de mise sur le marché délivrée par cet Etat membre, conformément à l’article 3 de la directive du 26 janvier 1965 modifiée susmentionnée ;

– la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, notamment en matière de médicaments. En application de cette directive, les Etats membres doivent communiquer à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. La Commission et les Etats membres peuvent adresser à l’Etat membre qui a fait part du projet de règle technique des observations dont cet Etat membre tiendra compte, dans la mesure du possible, lors de la mise au point ultérieure de la règle technique.

La difficile conciliation du principe de liberté des échanges intra-communautaires et du droit des Etats à prendre des mesures de restriction aux importations justifiées par un impératif de protection de la santé et de la vie des personnes a généré un important contentieux en matière de médicaments, notamment pour les importations dites « parallèles », pratiques consistant à acheter des produits pharmaceutiques dans un Etat membre (pays producteur ou pays intermédiaire) dans lequel les prix sont bas et à les importer dans un Etat membre où les prix sont plus élevés et dans lequel ces produits se trouveront en concurrence avec le circuit de diffusion officiel du fabricant.

Dans son arrêt Peijper du 20 mai 1976 (aff. 104/75-rec. p. 613), la Cour de justice des Communautés européennes a affirmé que la liberté d’importation parallèle de médicaments légalement mis sur le marché est reconnue par le droit communautaire et a jugé que « parmi les biens ou intérêts protégés par l’article 36, la santé et la vie des personnes occupent le premier rang et qu’il appartient aux Etats membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent en assurer la protection, en particulier du degré de sévérité des contrôles à effectuer ; que, toutefois, il résulte de l’article 36 qu’une réglementation ou pratique nationale ayant, ou étant susceptible d’avoir un effet restrictif sur les importations de produits pharmaceutiques, n’est compatible avec le traité que pour autant qu’elle est nécessaire aux fins d’une protection efficace de la santé et de la vie des personnes ; qu’une réglementation ou pratique nationale ne bénéficie donc pas de la dérogation de l’article 36 lorsque la santé et la vie des personnes peuvent être protégées de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires ; (…) qu’une réglementation ou pratique nationale, qui conduit à canaliser les importations en ce sens que seuls certains opérateurs économiques peuvent y procéder, alors que d’autres s’en voient exclus, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 30 du traité (…) ». Par ailleurs, dans sa décision Smith & Nephew Pharmaceuticals Ltd du 12 novembre 1996 relative à une question préjudicielle (aff. 201/94-rec. p. 5819), la Cour a précisé que « lorsque l’autorité compétente d’un Etat membre conclut qu’une spécialité pharmaceutique bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché dans un autre Etat membre et une spécialité pharmaceutique pour laquelle elle a déjà délivré une autorisation de mise sur le marché sont fabriquées par des sociétés indépendantes à la suite d’accords conclus avec un même donneur de licence et que ces deux spécialités, sans être en tous points identiques, ont à tout le moins été fabriquées suivant la même formule et en utilisant le même ingrédient actif et qu’elles ont, en outre, les mêmes effets thérapeutiques, elle doit, à moins que des considérations tirées de la protection efficace de la vie et de la santé des personnes ne s’y opposent, faire bénéficier la spécialité pharmaceutique importée de cette autorisation de mise sur le marché » et que « dans l’hypothèse où l’autorité compétente aboutirait à la conclusion que la spécialité pharmaceutique à importer ne remplit pas les critères précités, une nouvelle autorisation de mise sur le marché est nécessaire (…) ».

Il ressort de ce qui précède que l’autorité compétente d’un Etat membre est autorisée à vérifier la conformité du produit à celui qui a déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché et que ce n’est que dans le cas où le contrôle permettrait de constater qu’il existe entre les deux médicaments des différences ayant des conséquences sur la santé que cette autorité pourrait soumettre le demandeur à la procédure d’autorisation de mise sur le marché prévue par la directive susmentionnée du 26 janvier 1965.

Postérieurement à la décision Peijper, la Commission avait estimé utile de compléter la réglementation existante en soumettant au Conseil, le 2 juin 1980, une proposition de directive relative aux importations parallèles de produits pharmaceutiques. Cette proposition ayant fait l’objet d’un avis défavorable du Conseil économique et social et d’un vote négatif du Parlement européen en date du 16 octobre 1981, la Commission a décidé de la retirer.

Toutefois, dans une communication publiée le 6 mai 1982 au Journal officiel des Communautés européennes, elle a tenu à indiquer certains moyens de surveillance des importations parallèles lui paraissant, sous réserve de l’appréciation de la Cour de justice des Communautés européennes, justifiés pour protéger la santé et la vie des personnes au sens de l’article 36 précité.

2. Le droit national

a) Les dispositions législatives

L’article L. 5121-8 du code de la santé publique dispose que toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement, qui ne fait pas l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Communauté européenne en application du règlement susmentionné du 22 juillet 1993, doit faire l’objet, avant sa commercialisation ou sa distribution à titre gratuit, en gros ou en détail, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

En vertu de l’article L. 5121-12 du même code, ces dispositions ne font pas obstacle à l’utilisation, à titre exceptionnel, de certains médicaments destinés à traiter des maladies graves ou rares, lorsqu’il n’existe pas de traitement approprié et que : a) l’efficacité et la sécurité de ces médicaments sont fortement présumées, au vu des résultats d’essais thérapeutiques auxquels il a été procédé en vue d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, et que cette demande a été déposée ou que le demandeur s’engage à la déposer dans un délai déterminé ; b) ou que ces médicaments sont prescrits à des malades nommément désignés et, le cas échéant, importés dans ce but, sous la responsabilité de leur médecin traitant, dès lors que leur efficacité et leur sécurité sont présumées en l’état des connaissances scientifiques et qu’ils sont susceptibles de présenter un bénéfice réel. L’utilisation de ces médicaments est autorisée, pour une durée limitée, par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Par ailleurs, l’article L. 5121-13 relatif aux médicaments homéopathiques précise que ceux qui satisfont aux conditions énumérées par cet article doivent faire l’objet d’un enregistrement auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, enregistrement qui peut être refusé si les conditions réglementaires ne sont pas satisfaites.

Quant à l’article L. 5124-3, il dispose, notamment, que l’importation et la distribution en gros de médicaments ne peuvent être effectuées que dans les établissements pharmaceutiques dont l’ouverture a été autorisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Enfin, en application de l’article L. 5124-13, l’importation sur le territoire douanier des médicaments à usage humain est soumise à une autorisation préalable délivrée par l’Agence française de sécurité des produits sanitaires, l’autorisation de mise sur le marché prévue à l’article L. 5121-8 ou l’enregistrement prévu à l’article L. 5121-13 valant autorisation d’importation.

b) Les dispositions réglementaires relatives

aux autorisations d’importation

Les articles R. 5142-12 à R. 5142-15 du code de la santé publique précisent les conditions de délivrance de ces autorisations et les formalités de présentation des demandes d’autorisation d’importation des médicaments qui ne sont pas pourvus de l’autorisation de mise sur le marché prévue à l’article L. 5121-8 ou de l’autorisation temporaire d’utilisation, donnée, en application de l’article L. 5121-12, à des malades nommément désignés, ou encore de l’enregistrement mentionné à l’article L. 5121-13.

B. – Le contexte économique

1. Les caractéristiques du secteur

Ce secteur est particulier à plus d’un titre.

En premier lieu, les pouvoirs publics interviennent dans la fixation du prix des médicaments remboursables et dans la détermination d’une éventuelle prise en charge, totale ou partielle, par les différents régimes obligatoires de sécurité sociale.

Une autre caractéristique réside dans le fait que, hormis les cas d’automédication, le consommateur (le patient) se distingue du payeur (le régime d’assurance maladie) et du prescripteur (le médecin). Contrairement aux autres produits de consommation, le choix du médicament est principalement effectué en considération de l’effet thérapeutique attendu et non en considération du prix, ainsi qu’en atteste la modicité de la part des médicaments génériques (en 1999 : 2 % du marché des médicaments remboursables, selon les données de la Caisse nationale d’assurance maladie publiées dans un numéro de la revue INC Hebdo).

De plus, en principe, le patient n’a guère d’influence sur le choix de la prescription et l’auteur de celle-ci n’a souvent qu’une connaissance restreinte des produits sur le marché, laquelle se limite généralement aux médicaments les plus courants et à ceux pour lesquels il a fait l’objet d’un démarchage particulier de la part de visiteurs médicaux. Cet état de fait explique l’importance des moyens consacrés à ce type d’action qui, selon l’Institut national de la consommation (INC n° 1011 du 14 novembre 1997), représenterait environ la moitié du budget publicitaire des laboratoires.

2. L’importance économique du secteur

L’industrie pharmaceutique française occupe le quatrième rang mondial derrière les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne. A l’instar de ce qui se passe à l’échelle mondiale, on assiste à de nombreux regroupements, qui ont engendré une réduction du nombre des entreprises de 507, en 1970, à 223, en 1998. Les principales entreprises sont Avantis, née du regroupement entre Rhône-Poulenc et Hoechst Marion Roussel, Sanofi-Synthélabo, Servier et Pierre Fabre. Elles emploient plus de 80 000 personnes, dont environ 70 000 pour la pharmacie à usage humain, ce dernier secteur, qui représente plus de 95 % de l’activité, a dépassé le cap des 150 milliards de francs de chiffre d’affaires en 1999, contre 143 l’année précédente. Cette croissance s’explique notamment par l’apparition de spécialités nouvelles à prix élevé, par une progression des exportations de l’ordre de 14 % (33,5 milliards de francs de chiffre d’affaires) et par un accroissement de la consommation des ménages. Sur ce dernier point, les données disponibles de la Caisse nationale d’assurance maladie révèlent une augmentation des dépenses des affiliés de 11,9 % en l’an 2000, soit le double de celle constatée en 1999, les produits de moins d’un an contribuant pour 15 % à cette croissance.

La France procède également à des importations de médicaments. Les statistiques disponibles ne distinguent pas les médicaments à usage humain de ceux à usage vétérinaire. L’ensemble de ces importations, en constante progression depuis 1990, a dépassé les 34 milliards de francs en 1999, dont plus des 4/5 concernent des importations en provenance de l’Europe occidentale et en particulier du Royaume-Uni, la différence recouvrant essentiellement des importations en provenance des Etats-Unis.

Le niveau des prix en France demeure modeste au regard des tarifs pratiqués dans certains pays de la Communauté (Pays-Bas, Allemagne ou Danemark). Toutefois, selon le ministère de l’emploi et de la solidarité, d’autres Etats, tels que l’Espagne, le Portugal et l’Italie, pratiquent actuellement des prix inférieurs, ce qui est susceptible de donner lieu à des importations parallèles. En l’absence de données permettant d’évaluer le nombre d’industriels concernés par ce type d’importations, une seule demande d’autorisation ayant été présentée à cette fin, il est actuellement difficile d’évaluer l’impact social, économique et budgétaire de la nouvelle réglementation envisagée. Cependant, compte tenu du fait qu’il s’agit de faire entrer en France des produits vendus moins cher dans d’autres pays de la Communauté européenne, il est probable que les laboratoires pharmaceutiques exploitant des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en France seront désavantagés par rapport aux importateurs parallèles, puisqu’ils pratiquent des prix plus élevés. De surcroît, en l’état de la législation, il n’est pas prévu d’assujettissement des médicaments faisant l’objet d’importations parallèles aux taxes applicables aux médicaments soumis à l’autorisation de mise sur le marché.

II. – LE PROJET DE DÉCRET

SOUMIS AU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

A. – Son origine

Le projet de décret soumis à l’avis du Conseil répond à plusieurs préoccupations :

– satisfaire une demande des industriels tendant à l’allégement de la procédure d’autorisation d’importation pour les médicaments provenant d’autres Etats membres et destinés à être stockés dans un entrepôt national relevant de l’article 277 A du code général des impôts, avant leur exportation vers un pays tiers ;

– alléger les modalités du contrôle des importations de médicaments par les agents des douanes. Cette modification fait suite à une plainte déposée par un opérateur économique devant la Commission européenne ;

– instituer une réglementation spécifique aux importations parallèles de médicaments et permettre le développement de ces importations dans un cadre sanitaire sûr, en conformité avec le droit communautaire. Ce projet fait également suite à une plainte déposée devant la Commission par un industriel qui avait sollicité en décembre 1996 la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle, demande à laquelle les autorités sanitaires n’avaient pas répondu, faute de réglementation en la matière.

B. – Le projet

Le projet de décret soumis à l’avis du Conseil comporte deux volets. D’une part, il modifie les dispositions des articles R. 5142-12 à R. 5142-15 du code de la santé publique relatives au régime général des importations de médicaments et, d’autre part, il institue une réglementation spécifique aux importations parallèles de médicaments à usage humain, laquelle s’inspire de celle déjà mise en place dans d’autres Etats de la Communauté, de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la communication de la Commission relative aux importations parallèles, publiée le 6 mai 1982 au Journal officiel des Communautés européennes.

Ce projet tient également compte de la plupart des observations formulées par la Commission dans le cadre de l’avis circonstancié rendu le 19 juillet 2000 en application de la directive susvisée du 22 juin 1998. Ces observations portaient sur la dénomination du médicament importé, sur le caractère systématique des contacts avec l’Etat membre d’exportation lors du dépôt d’une demande d’autorisation d’importation parallèle, sur la durée de validité de l’autorisation, sur le mécanisme de la décision implicite de rejet de la demande d’autorisation ou de renouvellement de l’autorisation d’importation parallèle, sur l’information obligatoire, au moins un mois avant la mise sur le marché, du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de l’existence d’une demande d’autorisation d’importation parallèle et de la délivrance de cette autorisation. A la suite de cet avis, les dispositions concernant la décision implicite de rejet et celles relatives à l’obligation d’informer le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché dans le pays de provenance de l’existence d’une autorisation d’importation parallèle ont été maintenues.

C. – L’incidence du projet

au regard du droit de la concurrence

1. Les dispositions concernant

le régime général des importations

En ce qui concerne l’article R. 5142-12 :

La modification envisagée vise, d’une part, à assouplir la réglementation applicable aux médicaments destinés à être stockés dans un entrepôt national, mentionné à l’article 277 A du code général des impôts, avant leur exportation vers des pays tiers, en permettant la délivrance d’une autorisation d’importation valable pour une série d’importations pendant une durée maximale d’un an et pour une quantité globale, donnée aux lieu et place de l’autorisation actuellement requise pour chaque opération et, d’autre part, organise le contrôle de l’exécution de l’autorisation, laquelle doit être retournée à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, dès que les opérations d’importation prennent fin et, au plus tard, à l’issue de la période couverte par cette autorisation, revêtue de la mention des quantités effectivement importées et des dates des opérations correspondantes. Cette modification n’est pas de nature à faire obstacle au commerce intracommunautaire et n’appelle aucune remarque particulière au regard du droit interne de la concurrence.

En ce qui concerne l’article R. 5142-13 :

La modification introduite dans la dernière phrase qui vise à substituer la rédaction suivante : « Lorsqu’ils transportent personnellement ce médicament, les dispositions de l’article R. 5142-12 ne leur sont pas applicables » à celle actuellement en vigueur, aux termes de laquelle : « Lorsqu’ils transportent personnellement ce médicament, ils sont dispensés d’autorisation », apparaît comme étant de pure forme et ne donne pas lieu à observation de la part du Conseil.

En ce qui concerne l’article R. 5142-14 :

Par rapport à la réglementation existante, il est prévu d’ajouter que la demande d’autorisation devra indiquer l’objectif de l’importation. Dès lors qu’est reconnue aux Etats membres la faculté de contrôler les importations de médicaments et qu’il existera désormais deux réglementations des importations, cette exigence apparaît justifiée.

Les autres dispositions de cet article, qui prévoient que, lorsque la demande ou le dossier sont incomplets, le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire invite le demandeur à compléter sa demande, ne sont pas de nature à affecter les échanges intracommunautaires.

En ce qui concerne l’article R. 5142-14-1 :

Cet article fixe à 45 jours, à compter de la réception de la demande et du dossier complet, le délai dans lequel la décision prise par le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé doit être notifiée au demandeur et prévoit que le silence gardé par le directeur général vaut refus d’autorisation à l’expiration du délai précité.

Cet article n’est pas au nombre de ceux relevés par la Commission dans son avis circonstancié. Néanmoins, il comporte le même dispositif de rejet tacite que celui prévu aux articles R. 5142-15-9 et R. 5142-15-11, à l’encontre duquel la Commission européenne a formulé des observations, estimant qu’il ne garantissait pas une motivation adéquate des décisions de refus.

Le Conseil considère que les risques pour la santé publique qui résulteraient d’une diffusion incontrôlée de certains médicaments conduisent à écarter un régime d’autorisation tacite d’importation. Il relève que la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs dispose que, lorsqu’une décision implicite est née sur une demande qui devait légalement faire l’objet d’une décision écrite motivée, l’intéressé peut solliciter la communication des motifs du refus, l’administration étant tenue de lui répondre dans le délai d’un mois. Il estime que ces dispositions sont de nature à garantir le pétitionnaire contre les discriminations arbitraires et que le régime proposé ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir le respect des règles de sécurité en matière de santé publique.

En ce qui concerne l’article R. 5142-15 :

La modification introduite vise à alléger les formalités de contrôle des importations par les agents des douanes en les limitant à ce qui est strictement nécessaire au regard de l’impératif de protection de la santé publique.

2. Les dispositions concernant les importations parallèles

En ce qui concerne l’article R. 5142-15-1 :

Les deux premiers alinéas de cet article définissent la notion d’importation parallèle comme étant : « l’importation d’une spécialité pharmaceutique en vue de sa mise sur le marché en France, provenant d’un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, dans lequel elle a obtenu une autorisation de mise sur le marché et ayant la même composition quantitative et qualitative en principes actifs, la même composition quantitative et qualitative en excipients, la même forme pharmaceutique et les mêmes effets pharmaceutiques qu’une spécialité pharmaceutique ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, sous réserve que les deux spécialités soient fabriquées par des entreprises ayant un lien juridique de nature à garantir que ces spécialités ont une origine commune.

Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, les deux spécialités peuvent contenir des excipients différents, sous réserve que cette différence n’ait aucune incidence thérapeutique et qu’elle n’entraîne pas de risque pour la santé publique. »

Le Conseil relève que cette définition s’inspire très largement de la jurisprudence communautaire et de la communication de la Commission européenne publiée en 1982. Les critères retenus, fondés sur des considérations sanitaires, ne paraissent pas de nature à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée au commerce entre Etats membres.

Le dernier alinéa de ce même article dispose que l’opération d’importation parallèle n’est pas subordonnée à l’accord du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché obtenue en France, auquel le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé transmet, le cas échéant, une copie de l’autorisation d’importation parallèle. Ces dispositions n’appellent aucune observation au regard du droit de la concurrence.

En ce qui concerne les articles R. 5142-15-2 à R. 5142-15-5 :

L’article R. 5142-15-2 subordonne l’importation parallèle à une autorisation préalable délivrée par le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et prévoit que l’autorisation est refusée lorsque l’opération pour laquelle elle a été sollicitée ne satisfait pas à au moins l’une des conditions prévues aux articles R. 5142-15-1 à R. 5142-15-5, c’est-à-dire :

– si elle ne répond pas à la définition d’importation parallèle (R. 5142-15-1) ;

– si le médicament présente, ou est susceptible de présenter, un risque pour la santé publique (R. 5142-15-2) ;

– si la spécialité pharmaceutique concernée n’est pas obtenue auprès d’une entreprise autorisée, au sens de l’article 3 de la directive susmentionnée du 31 mars 1992, concernant la distribution en gros de médicaments, ou si les lots n’ont pas été libérés, conformément à l’article 22 de la directive susmentionnée du 20 mai 1975, c’est-à-dire s’ils n’ont pas fait l’objet du contrôle de qualité du produit prévu par la réglementation, les attestations de ce contrôle devant être consignées dans un registre tenu à jour et maintenu à la disposition des agents de


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