Avis en ligne négatif sur une société : pas de droit de retrait ?

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Avis en ligne négatif sur une société : pas de droit de retrait ?

En cas de divergence sur la qualité d’une prestation, il ne peut être considéré que les propos figurant dans un avis publié par un consommateur soient mensongers, excessifs ou disproportionnés et comme causant un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l’espèce, le 09 mars 2024, sous fiche Google de la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS, exerçant sous l’enseigne commerciale CarGo !, Madame [S] a publié l’avis suivant :

 » Très mauvaise expérience. J’ai laver le véhicule mais malheureusement il a mal sécher donc facturez 200€ du à des traces d’eau. Il font le tour de la voiture il valide le retour et ensuite une fois dans le bureau il nous informe qu’il retrouve des centre en dessous du tapis hors si il en avait sa serai poser au dessus et non en dessous . Agence de location à fuire il trouveront toujours quelque chose à dire pour vous prendre votre cotions « .

Or, il résulte des pièces versées aux débats que l’avis de Madame [S] fait état d’un véhicule restitué considéré comme mal lavé et comme ayant contenu des cendres de cigarettes à la restitution, soit des faits figurant sur la fiche de restitution du véhicule mais aussi dans la réponse de la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS à l’avis du 09 mars 2024.

Il repose donc sur des faits objectifs, dont l’appréciation diverge entre les parties puisque Madame [S] conteste être à l’origine du dépôt des cendres dans la voiture.

Il s’ensuit que la demande de suppression de l’avis formée par la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS ne peut prospérer.

Résumé de l’affaire : La société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS a assigné Mesdames [J] [S] et [F] [Z] en référé pour obtenir la suppression d’un avis négatif déposé par Madame [S] sur Google, ainsi qu’une provision de 1000 euros pour dommages et intérêts. La société soutient que le commentaire est diffamatoire et ne repose pas sur des faits objectifs, car Madame [S] n’a pas utilisé ses services. En réponse, Madame [S] affirme qu’elle a restitué un véhicule loué par sa grand-mère et qu’elle a simplement exprimé son ressenti sur cette expérience. Elle considère que ses propos sont justifiés et demande le débouté des demandes de la société, ainsi qu’une indemnisation. Madame [Z] n’a pas comparu. Le tribunal a finalement débouté la société de toutes ses demandes, l’a condamnée aux dépens et à verser 800 euros à Madame [S] au titre de l’aide juridique.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Valenciennes
RG
24/00142
N° RG 24/00142 – N° Portalis DBZT-W-B7I-GKQH

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES
O R D O N N A N C E de R E F E R E – N° RG 24/00142 – N° Portalis DBZT-W-B7I-GKQH
Code NAC : 56Z Nature particulière : 0A

LE HUIT OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

DEMANDERESSE

La S.A.R.L. SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège;

représentée par Maître Frédéric MASSIN, avocat membre de la SCP TIRY-DOUTRIAUX, avocats au barreau de VALENCIENNES,
D’une part,

DEFENDERESSES

Mme [F] [Z], demeurant [Adresse 3]

ne comparaissant pas;

Mme [J] [S], née le 26 décembre 1995 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2];

bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale en date du 24 juin 2024 délivrée par le bureau d’aide juridictionnelle de Valenciennes,

représentée par Me Charlotte PAMAR, avocat au barreau de VALENCIENNES,

D’autre part,

LE JUGE DES RÉFÉRÉS : Louis-Benoît BETERMIEZ, président,

LE GREFFIER : Stéphanie BUSIER, adjoint administratif faisant fonction de greffier,

DÉBATS : en audience publique le 24 septembre 2024,

ORDONNANCE : rendue par mise à disposition au greffe le 08 octobre 2024,

EXPOSE DU LITIGE

Par actes des 17 et 18 juin 2024, la société à responsabilité limitée (SARL) SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS a assigné Mesdames [J] [S] et [F] [Z] devant le président du tribunal judiciaire de Valenciennes, statuant en référé, aux fins que :
– il soit ordonné à Madame [S] de supprimer son avis déposé sur le moteur de recherche Google le 9 mars 2024, dans les huit jours suivant la signification de la décision à intervenir, puis sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
– Madame [S] soit condamnée à lui payer une provision d’un montant de 1000 euros à titre de dommages et intérêts,
– Madame [S] soit condamnée aux dépens et à lui payer la somme de 1000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À l’appui de ses demandes, la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS expose qu’elle est spécialisée dans l’activité de location de véhicules et que, le 9 mars 2024, elle a constaté le dépôt, sur le moteur de recherche Google, d’un commentaire émanant de Madame [S] négatif à son égard.
Elle estime que ce commentaire est diffamatoire en ce qu’il jette le discrédit sur elle et met en doute son professionnalisme et ses compétences.
Elle souligne que Madame [S] n’a pas bénéficié de ses services et qu’elle ne peut dès lors exprimer un vécu qui n’est pas le sien.
Elle ajoute que cette publication ne relève pas de la libre critique dans la mesure où ne repose pas sur des faits objectifs.
Elle considère que cet avis ne doit plus figurer sur Internet.

En réponse, Madame [S] soutient que si un véhicule a été loué à la demanderesse par sa grand-mère, Madame [Z], c’est elle qui a procédé à la restitution du véhicule le 8 mars 2024.
Elle en déduit qu’elle était fondée à exprimer son ressenti sur cette restitution, dans le cadre de l’avis litigieux.
Elle soutient également que, lors de la restitution opérée le 8 mars 2024, les griefs qu’elle retranscrit dans son avis lui ont été faits par la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS et qu’elle n’a fait qu’exposer son sentiment sur son expérience.
Elle considère qu’elle a tenu des propos qui ne sont ni mensongers, ni excessifs, ni disproportionnés, et qu’elle n’a fait qu’user de son droit à la libre critique, de sorte qu’il ne peut être invoqué de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent.
Elle ajoute qu’elle n’est pas la seule à s’être plainte de la société en demande et que cette dernière a usé de son droit de réponse.
Elle conclut au débouté des demandes présentées par la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS, ainsi que la condamnation de cette dernière aux dépens et à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi numéro 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Madame [Z] n’a pas comparu à l’audience ni été représentée.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré pour être rendu ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’injonction de suppression d’avis :

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l’espèce, il est constant que, le 09 mars 2024, sous fiche Google de la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS, exerçant sous l’enseigne commerciale CarGo !, Madame [S] a publié l’avis suivant :  » Très mauvaise expérience. J’ai laver le véhicule mais malheureusement il a mal sécher donc facturez 200€ du à des traces d’eau. Il font le tour de la voiture il valide le retour et ensuite une fois dans le bureau il nous informe qu’il retrouve des centre en dessous du tapis hors si il en avait sa serai poser au dessus et non en dessous . Agence de location à fuire il trouveront toujours quelque chose à dire pour vous prendre votre cotions « .

La société en demande soutient que, par cet avis, Madame [S] a commis un acte de dénigrement à son encontre sans fondement, dans la mesure où elle n’a pas bénéficié du service qu’elle critique.

A cet égard, s’il ressort des pièces versées aux débats par les parties qu’un véhicule a été loué pour la période du 1er au 08 mars 2024, non par Madame [S], mais par Madame [Z], sa grand-mère, à la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS, il résulte tout à la fois du témoignage de Madame [R] [B] et de la réponse faite par la société en demande à l’avis critiqué que le véhicule loué a été restitué le 08 mars 2024 par Madame [S], pour le compte de sa grand-mère, à la demanderesse.

Il s’ensuit que, dans la mesure où Madame [S] a, dans son avis du 09 mars 2024, décrit une situation à laquelle elle a été confrontée avec la société en demande, il est indifférent qu’elle n’ait pas été liée contractuellement à cette dernière.

La société en demande soutient également que l’avis litigieux ne relève pas de libre critique, dès lors qu’elle n’est pas fondée sur des faits objectifs.

Or, il résulte des pièces versées aux débats que l’avis de Madame [S] fait état d’un véhicule restitué considéré comme mal lavé et comme ayant contenu des cendres de cigarettes à la restitution, soit des faits figurant sur la fiche de restitution du véhicule mais aussi dans la réponse de la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS à l’avis du 09 mars 2024.

Il repose donc sur des faits objectifs, dont l’appréciation diverge entre les parties puisque Madame [S] conteste être à l’origine du dépôt des cendres dans la voiture.

Dès lors, il ne peut être considéré que les propos figurant dans l’avis de Madame [S], pour désagréables qu’ils soient, sont mensongers, excessifs ou disproportionnés et comme causant un trouble manifestement illicite.

Il s’ensuit que la demande de suppression formée par la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS ne peut prospérer.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande en ce sens.

Sur la demande de provision :

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

En l’espèce, la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS ne justifie pas de l’obligation dont Madame [S] serait débitrice à son égard.

Elle ne peut prétendre au versement d’une provision.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande en ce sens.

Sur les demandes accessoires :

En application de l’article 491 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés statue sur les dépens.

En outre, selon l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu’il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l’espèce, la société SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS, succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens.

En outre, elle sera déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Madame [S] la somme de 800 euros, sur le fondement de l’article 37 précité.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, en référé, par décision réputée contradictoire et en premier ressort ;

DEBOUTONS la société à responsabilité limitée (SARL) SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNONS la société à responsabilité limitée (SARL) SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS aux dépens ;

CONDAMNONS la société à responsabilité limitée (SARL) SERVICE AUTO AUX PARTICULIERS à payer à Madame [J] [S] la somme de 800 euros au titre l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

RAPPELONS que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire.

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président et le greffier, le 08 octobre 2024.

Le greffier Le président


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