Avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales : Avis numéro 16-15 relatif à une demande d’avis d’une organisation professionnelle sur la contribution volontaire obligatoire ATM ruminants

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Avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales : Avis numéro 16-15 relatif à une demande d’avis d’une organisation professionnelle sur la contribution volontaire obligatoire ATM ruminants
Ce point juridique est utile ?

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 26 octobre 2015, sous le numéro 15-63, par laquelle une organisation professionnelle interroge la Commission à propos de la contribution volontaire obligatoire (CVO) ATM ruminants.

Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 22 septembre 2016 ;

 

Mise en œuvre d’un accord interprofessionnel, l’accord « ATM Ruminants » mettant à la charge de la filière le financement du service de l’équarrissage au moyen d’une contribution volontaire obligatoire (CVO).

Les professionnels de la filière viande sont soumis aux règles de facturation du droit commun applicables à tout professionnel. Ces règles figurent à l’article L. 441-3 du code de commerce.

Il appartient aux deux parties, lors de la négociation commerciale, de s’accorder sur le formalisme de la facture. Dès lors, le montant des cotisations interprofessionnelles peut soit faire l’objet d’une ligne spécifique, soit être intégré dans le prix unitaire du produit.

Sous réserve que cela ait été négocié entre les parties, le fait que la CVO soit mentionnée sur une ligne spécifique ne crée pas d’ambiguïté avec le prix contractuel négocié entre les parties.

 1. Objet de la saisine

La pratique contestée est la suivante :

La saisine provient d’une organisation professionnelle dont les membres se voient appliquer par les fournisseurs l’accord « ATM ruminants ». Elle souhaite obtenir des précisions sur l’application de cet accord dans le cadre des relations commerciales entre partenaires économiques (fournisseurs en viande / grossistes de diffusion).

Est principalement contestée la pratique consistant pour certains fournisseurs à répercuter la CVO à leurs clients au moyen d’une ligne spécifique sur facture qui s’ajouterait au prix de vente unitaire négocié entre les parties.

Selon l’auteur de la saisine, les clients se voient ainsi ajouter une ligne de facturation alors même qu’elle n’a pas été évoquée lors des négociations commerciales. Elle n’est pas mentionnée dans la convention unique au titre de l’article L441-7 alinéa 1 (conditions de vente négociées) ou dans les conditions générales de vente du fournisseur lorsque ces dernières sont applicables sans négociation.

L’organisation professionnelle à l’origine de la saisine considère que cette mention sur facture crée une ambiguïté avec le prix contractuel négocié entre les parties puisque cela deviendrait prétexte à demander un paiement supplémentaire au client.

L’organisation professionnelle s’interroge de ce fait sur le point de savoir si la pratique contestée ne pourrait pas être appréhendée sous l’angle des pratiques abusives visées à l’article L442-6-I, 12° du code de commerce, puisqu’elle consisterait dans le fait de facturer le client à un prix différent du prix convenu entre les parties, que celui-ci résulte de l’application du barème des prix unitaires du fournisseur accepté sans négociation par l’acheteur, ou qu’il soit issu de la négociation commerciale faisant l’objet de la convention unique (article L441-7).

Les fournisseurs concernés par les pratiques décrites se fondent sur une notice d’application à destination des membres d’Interbev, pour invoquer l’application automatique de la répercussion de la CVO en pied de facture. Cependant cette notice n’a pas de caractère obligatoire, elle n’a pas été visée par le Ministre de l’Agriculture et le Ministre de l’économie et des finances.

Précision relative à la mise en place de la CVO :

Dans le but de responsabiliser les filières dans la gestion du service de l’équarrissage et de se mettre en conformité avec les règles communautaires, une réforme du service public de l’équarrissage a été initiée, conduisant l’Etat à se désengager de son financement.

Les filières animales ont donc été invitées par les pouvoirs publics à définir des règles de prise en charge de leurs dépenses d’équarrissage.

La filière bovine a choisi de créer, par la signature d’un accord interprofessionnel du 10 juillet 2013, une cotisation interprofessionnelle dite « CVO ATM ruminants ». Cet accord a été étendu par arrêté du 1er octobre 2013 (pour une durée de 3 ans : juillet 2016) puis modifié avant son échéance par l’accord du 18 décembre 2015, lui-même étendu pour 3 ans par arrêté du 20 avril 2016.

Compte tenu de l’arrêté d’extension, les acteurs économiques sont soumis au paiement de cette contribution, ce que chacun admet.

La contribution se substitue à la taxe d’équarrissage historiquement intégrée dans le prix. Elle est assise sur le poids des viandes avec ou sans os, des espèces ovines et bovines destinées à la consommation humaine sur le territoire métropolitain. Son montant est calculé sur la base du poids de viande fraiche net suivant un pourcentage variant selon que la viande est hachée, désossée ou non désossée.

C’est le propriétaire de l’animal au moment de son abattage (abattoir ou industriel en viande) qui agit en qualité de collecteur pour reversement de la contribution à Interbev.

Elle constitue un prélèvement d’origine privé, comme l’indique le Conseil Constitutionnel dans sa décision QPC n°2011-221 du 17 février 2012, et non une imposition de toute nature (comme peut l’être notamment la contribution Eco-emballage), puisqu’elle est perçue par des organismes de droit privé, elle est acquittée par les membres des organisations interprofessionnelles agricoles, et qu’elle tend au financement d’activités menées en faveur de ses membres.

Il n’en demeure pas moins que ce prélèvement a un caractère obligatoire.

Elle est, de ce fait, soumise à certaines contraintes pour que son prélèvement reste équitable entre les membres des filières professionnelles concernées et ne soit pas un prétexte pour déséquilibrer le marché du commerce de la viande.

Sur la base de ces éléments d’information et étant entendu que la société ne conteste pas le caractère obligatoire de la CVO, elle souhaite néanmoins interroger la CEPC sur trois points précis.

Question n°1 relative aux modalités d’indication de la CVO sur la facture (article L441-3 du code de commerce et article L242 nonies A annexe 2 du CGI).

Si la CVO est mentionnée en pied de facture, sur une ligne propre, et suivant une mention qui ajoute à la facture (paiement supplémentaire : à la ligne ou en pied de facture qui ajoute), et non pas à titre d’information, ne vient-elle pas alors créer une ambiguïté avec le prix contractuel négocié entre les parties, dès lors que le contrat conclu est silencieux sur la place de la CVO sur la facture ?

Question n°2  relative aux dispositions en matière de transparence des pratiques commerciales (articles L441-6, L441-7 et L441-3) :

En l’absence de mention de la CVO dans le contrat conclu, faut-il considérer que le prix communiqué par le vendeur consiste dans le prix de vente final du produit (CVO incluse) ?

Question n°3 relative aux pratiques restrictives de concurrence :

Est-il abusif au regard des dispositions de l’article L442-6-I, 12° du code de commerce de facturer une somme complémentaire au prix de vente négocié, c’est à dire à un prix de vente final différent du « prix convenu » ?

2. Analyse de la saisine

Les questions seront analysées séparément.

1) Question 1 sur les modalités d’indication de la CVO sur la facture.

Les documents annexes à la saisine permettent d’apporter un éclairage utile. Il s’agit notamment d’un courrier de la DGCCRF daté du 12 août 2014 qui précise que «… les professionnels de la filière viande sont soumis aux règles de facturation du droit commun applicables à tout professionnel. Ces règles figurent à l’article L. 441-3 du code de commerce. Cet article énumère les différentes mentions qui doivent figurer, sous peine de sanctions pénales, sur une facture. Dans le contexte particulier de la réforme du SPE (Service Public de l’Equarrissage), il a été admis de faire figurer, sur une ligne spécifique de la facture, le montant d’une cotisation interprofessionnelle… Il appartient aux deux parties, lors de la négociation commerciale, de s’accorder sur le formalisme de la facture. Dès lors, le montant des cotisations interprofessionnelles peut soit faire l’objet d’une ligne particulière sur la facture, soit être mentionné, pour information, en pied de la facture ou encore être intégré dans le prix unitaire du produit ».

L’ambiguïté qui est invoquée pour fonder cette première question dans le cadre de la saisine ne semble donc pas pouvoir se fonder sur l’existence ou pas d’une modalité particulière de facturation mais plutôt sur une difficulté d’interprétation du caractère « possible » ou « obligatoire » de la répercussion de la CVO.

L’interprétation de l’auteur de la saisine veut que la CVO « s’apparente à une charge supportée en amont par le vendeur, qui doit être incluse dans le prix de l’opération, constituant la base de la TVA… de par leur nature de « frais », ces contributions constituent pour leurs redevables une charge dont il leur appartient de décider si elle doit faire l’objet ou non d’une répercussion sur leurs clients…Le choix de faire apparaître la CVO sur la facture (en plus du prix de vente) tient donc de la liberté du fournisseur de répercuter ou non la contribution ».

L’article 4 de l’accord interprofessionnel « ATM Ruminants » du 18 décembre 2015 précise toutefois que « la cotisation est présentée sur la facture de façon cumulée et de façon non dissociée à la cotisation interprofessionnelle d’INTERBEV ».

Sous réserve que cela ait été négocié entre les parties, le fait que la CVO soit mentionnée sur une ligne spécifique ne crée pas d’ambiguïté avec le prix contractuel négocié entre les parties.

2) Question 2 sur la transparence des pratiques commerciales.

Cette question s’inscrit dans le prolongement de l’analyse précédente. Sous l’angle des pratiques commerciales et de la composition du prix de vente final du produit (CVO incluse ou non), au regard des dispositions prévues à l’article L441-7 alinéa 1 du code de commerce portant sur la transparence des conditions de vente négociées, le seul cas où le fournisseur peut prévoir une ligne de facturation complémentaire, mentionnant la contribution, est celui où il en fait expressément mention dans la convention, conclue entre les parties, indiquant que son prix de vente final s’entend hors CVO.

Dans l’hypothèse où il est fait application des conditions générales de vente du fournisseur (comprenant le barème de prix unitaires), acceptées sans négociation par l’acheteur, le fournisseur est fondé à prévoir une ligne de facturation spécifique, mentionnant la contribution, dès lors que les CGV prévoient expressément que le prix de vente unitaire s’entend hors CVO (article L441-6 du code de commerce).

La CEPC, dans un Avis n°09-13 concernant la contribution eco emballage, a eu à connaître d’une question similaire. Pour une contribution incorporée dans le prix de vente hors TVA, elle a considéré que si l’offreur souhaite que l’assiette de réduction de prix ne comporte pas la contribution écoemballage, il doit le préciser clairement dans les documents précontractuels et contractuels qu’il émet ou signe en indiquant l’assiette ainsi minorée.

En définitive, la rédaction de l’article 4 de l’accord ne soulève pas de problème dès lors que les parties ont explicitement souhaité dans les documents contractuels la répercuter de façon distincte en plus du prix de vente unitaire du produit au moyen d’une mention apparente sur la facture.

3) Question 3 sur les pratiques restrictives de concurrence.
Cette question est sans fondement au regard des analyses développées en réponse aux questions 1 et 2.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 22 septembre 2016, présidée par Madame Annick LE LOCH

Fait à Paris, le 22 septembre 2016,
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Annick LE LOCH

 

 


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