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La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 23 avril 2015 sous le numéro 15-38, par laquelle une organisation représentative de pharmaciens d’officine interroge la CEPC à propos de la portée de certaines clauses des conditions générales de vente fixées par certains grossistes répartiteurs.
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 5 novembre 2015 ;
La clause imposant aux pharmaciens de maintenir un certain volume de commandes durant la durée du préavis exécuté en cas de rupture des relations commerciales et prévoyant une clause pénale en cas de non-respect de cette obligation n’apparaît pas déséquilibrée au sens de l’article L442-6-I, 2° du code de commerce, dès lors que la pénalité semble conforme aux bonnes pratiques.
Une organisation représentative de pharmaciens d’officine saisit la CEPC à propos de la portée de certaines clauses des conditions générales de vente fixées par certains grossistes répartiteurs. La saisine porte plus particulièrement sur deux types de clauses.
L’exemple est donné d’une société, grossiste répartiteur, qui a intégré dans ces CGV la clause suivante :
« Préavis de résiliation
Afin de préserver l’équilibre des relations commerciales établies en vertu des présentes, le client accepte de respecter un préavis de résiliation par lettre recommandée avec avis de réception, suivant les termes et conditions ci-après :
Pendant la durée de ce préavis, le client s’engage à conserver le même niveau d’activité du fournisseur.
En cas de non-respect des dispositions précitées par le client et après mise en demeure de reprendre les relations commerciales, adressée par lettre recommandée avec avis de réception restée sans effet pendant huit jours, le fournisseur sera fondé à réclamer au client une pénalité équivalente au montant de marge brute qui aurait dû être dégagé par le fournisseur avec ce client si le préavis avait été respecté ».
Sur le premier type de clause, il semble difficile pour la CEPC de se prononcer dans la mesure où la pratique mentionnée ne semble pas relever de son champ de compétence. Le texte de référence est l’arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges remboursables en application de l’article L. 162-38 du code de la Sécurité sociale à propos des règles de fixation des prix des médicaments remboursables.
Sur le second type de clause, il semble en revanche que la question de la validité de l’obligation pour le pharmacien d’officine de conserver le même niveau d’activité vis-à-vis du fournisseur pendant la durée de préavis (ainsi que la pertinence de la sanction en cas de non respect de cette obligation) soit légitime.
Plus précisément, l’organisation professionnelle s’interroge sur la possibilité d’appliquer l’article L 442-6-1 2° du code de commerce à propos d’un déséquilibre significatif. Cet article dispose qu’engage la responsabilité de son auteur le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Avant d’apporter une réponse à la question posée, les principes qui prévalent en matière de préavis et de sanctions en cas de rupture des relations commerciales seront rappelés.
Concernant le préavis, l’objectif est essentiellement de permettre au partenaire économique éconduit de disposer du temps nécessaire pour anticiper la fin de la relation et organiser sa reconversion (en réorientant ses activités, par exemple). À défaut d’accords professionnels ou d’usages reconnus, il appartient à la partie qui souhaite mettre fin à une relation d’affaires de calculer elle-même la durée du préavis qu’elle entend donner en tenant compte de la durée de la relation commerciale. Le préavis débute dès que le contractant informe son partenaire de sa volonté de ne pas poursuivre les relations commerciales.
Lorsque les relations s’inscrivent dans un cadre contractuel, il n’est pas rare que les parties aient inséré une clause relative au préavis à respecter en cas de résiliation. C’est en effet le conseil formulé par la Commission d’examen des pratiques commerciales à l’adresse des parties et tout particulièrement des fournisseurs et centrales de référencement. La Commission les invite à prévoir, par écrit, contractuellement, un préavis de déréférencement d’une durée minimale conforme aux dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. Cependant, le respect de ce dernier ne permet pas toujours d’éviter que la rupture soit qualifiée de brutale. En cas de litige, les juges ne sont pas tenus par la volonté des parties : ils sont libres de rechercher si le préavis prévu est suffisant et raisonnable. La clause citée pourrait ainsi être écartée au regard des circonstances de l’espèce puisqu’elle se borne à prévoir uniformément un préavis de trois mois dès lors que la durée de la relation commerciale dépasse un an.
Quelle que soit la situation, la partie à l’initiative de la rupture a tout intérêt à prendre en considération d’autres facteurs en sus de la durée de la relation commerciale. En effet, même s’il s’agit du seul critère expressément prévu par l’article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce, les magistrats ont recours de plus en plus souvent à d’autres éléments pour apprécier in fine le caractère suffisant ou non du préavis (domaine professionnel, importance financière de la relation commerciale, existence ou non d’un accord d’exclusivité,…). De fait, plus la relation présente des caractéristiques particulières, plus il est recommandé que la durée de préavis soit longue pour éviter tout caractère de brutalité lors de la rupture.
Concernant la réparation du préjudice, en principe la partie qui subit la rupture ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même. Le préjudice indemnisable devrait alors être calculé de la manière suivante : multiplication de la période de préavis qui aurait dû être donnée par la moyenne du bénéfice réalisé antérieurement à la rupture.
En pratique, cependant, force est de constater que les juges accordent parfois à la “victime” des dommages et intérêts au-delà de la seule perte résultant directement de la brutalité de la rupture. Selon les circonstances, les tribunaux peuvent ainsi estimer que l’indemnisation de la victime s’étend aux pertes annexes (amortissements, charges d’exploitation, coût des licenciements, fermeture des locaux, pertes de stocks programmés…), ceci afin de tenir compte des coûts dus à la désorganisation de l’activité ou à l’impossibilité de récupérer certains investissements.
Au regard de ces rappels généraux, la clause imposant aux pharmaciens de maintenir un certain volume de commandes durant la durée du préavis exécuté en cas de rupture des relations commerciales et prévoyant une clause pénale en cas de non-respect de cette obligation ne constitue pas en elle-même un déséquilibre significatif au sens de l’article L442-6-I, 2° du code de commerce, dès lors que la pénalité semble conforme aux bonnes pratiques. Outre le fait que nous ne disposons pas de la totalité des clauses contractuelles susceptibles de nous éclairer sur l’économie générale du contrat, seule pertinente pour apprécier le risque de déséquilibre significatif, le contenu de la clause incriminée ne semble pas contraire aux pratiques commerciales normales, sauf circonstances particulières.
D’une part, le délai de préavis « glissant » est conforme aux recommandations déjà énoncées par la CEPC et, d’autre part, la référence « au montant de marge brute qui aurait dû être dégagé par le fournisseur avec ce client si le préavis avait été respecté » ne semble pas en elle même contraire au principe général de réparation du préjudice fondé sur le calcul de la moyenne du bénéfice réalisé antérieurement à la rupture.
Certes, les Conditions Générales de Vente dans le cas d’espèce ne semblent pas apporter de précisions sur la période de référence utilisée pour faire le calcul et déterminer le « niveau de d’activité du fournisseur », mais cette difficulté ne saurait être à elle seule la source d’un déséquilibre significatif.
Ajoutons que pour avoir une vision satisfaisante du cas d’espèce, il conviendrait de savoir combien il existe de grossistes répartiteurs dans la mesure où le risque que représente la clause serait le cas échéant d’empêcher le redéploiement de l’activité faute de solutions alternatives.
Délibéré par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 5 novembre 2015, présidée par Madame Annick LE LOCH et adopté le 5 novembre 2015.
Fait à Paris, le 5 novembre 2015
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Annick LE LOCH