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Vu la lettre enregistrée le 9 février 2015 sous le numéro 15-13, par laquelle une entreprise interroge la Commission sur une pratique contractuelle au regard de l’article L442-6-I, 1° du code de commerce.
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de ses séances plénières des 21 mai et 25 juin 2015 ;
La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par une entreprise afin de recueillir son avis sur la conformité au droit et, plus précisément, à l’article L442-6-I, 1° du code de commerce, de la pratique consistant pour un client industriel à prévoir dans les contrats passés avec les prestataires de services réalisant des études un barème de remises de fin d’année présentant les caractéristiques suivantes : l’application du barème se déclenche à partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires annuel hors taxes, le pourcentage prévu varie entre 3 et 6 %, étant précisé que c’est toujours le même pourcentage qui s’applique à une tranche de chiffres d’affaires donnée, le pourcentage plus élevé s’appliquant en cas de franchissement d’un nouveau seuil n’ayant vocation à jouer que pour cette dernière tranche.
L’aricle L. 442-6-I-1° du code de commerce vise le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». Son application suppose que la victime des pratiques puisse être considérée comme un « partenaire commercial » au sens de cette disposition.
Certes, l’exposé des motifs du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques ayant introduit cette règle dans le droit français des pratiques restrictives indiquait à son propos : « ainsi, sera présumée constituer un avantage discriminatoire toute coopération commerciale ou toute forme de marge arrière sans contrepartie proportionnée ; il établit aussi le principe d’une contrepartie proportionnée pour les fournisseurs lors de l’octroi d’un avantage financier au distributeur ». Du reste, la plupart des applications de cette disposition concerne effectivement des services de coopération commerciale et autres services rendus par le distributeur au fournisseur, tels qu’envisagés à l’article L. 441-7 du code de commerce. Cependant, la lettre du texte, visant « un avantage quelconque » et « le service commercial » sans aucune autre précision ni restriction, est large (renvoi aux avis 15-21 et 15-22).
Pour autant, il n’est pas acquis en l’état du droit positif, qu’ une pratique de remises de fin d’année soit susceptible d’être examinée au regard de l’article L 442-6-I-1° du code de commerce.
Si tel devait être le cas, il convient de rappeler que la pratique ne contrevient à cette disposition que si l’avantage constitué par la remise de fin d’année ne correspond à aucun service effectivement rendu ou apparaît manifestement disproportionné avec la valeur du service rendu. Or, le fait de bénéficier de la concentration du chiffre d’affaires de la part d’un client, sans qu’aucun artifice soit à l’origine de cette concentration, présente indéniablement un intérêt pour le prestataire qui en bénéficie. Par ailleurs, la construction du barème, telle qu’elle a été conçue, peut sembler de nature à écarter le risque d’un avantage manifestement disproportionné dans la mesure où une remise de fin d’année n’est prévue qu’en cas de franchissement d’un certain seuil en chiffres d’affaires, c’est le même pourcentage qui s’applique systématiquement à une tranche donnée de chiffres d’affaires, sous réserve que les pourcentages retenus dans le barème ne soit pas excessifs.
Par ailleurs, spécialement dans le cas où l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce ne serait pas applicable à défaut d’identifier un service au sens de ce texte, pourrait être envisagée l’application de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce. En effet, ce texte, applicable dès lors que la victime prétendue de la pratique est un « partenaire commercial », concerne n’importe quel contrat et n’importe quelle obligation y compris celles de type tarifaire (Paris, Pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n° 12/01166 ; v. aussi Paris, Pôle 5, ch. 4, 1er juillet 2015, n°13/19251, infirmant, à propos de remises de fin d’année, le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris, le 24 septembre 2013, n°2011058615).
Encore faut-il établir, conformément à sa rédaction, les deux éléments constitutifs cumulativement requis. Ainsi, l’examen du résultat obtenu ou recherché, sous la forme d’un déséquilibre significatif, n’est utile que s’il est préalablement établi un comportement consistant à « soumettre ou tenter de soumettre », que la cour d’appel de Paris identifie au fait « d’imposer » (Paris, Pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n° 12/01166) ou encore de « faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre du rapport de force existant » (Paris Pôle 5, Ch 4, 1er octobre 2014, 13/16336).
Si tel est bien le cas, il importe ensuite d’examiner, ainsi qu’y invite la cour d’appel de Paris dans un arrêt où elle fait précisément application de la règle à un déséquilibre tarifaire, si les « conditions commerciales (sont) telles que (le partenaire) ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu’il donne » (Paris, Pôle 5, ch. 5, 23 mai 2013, n° 12/01166).
Ainsi l’appréciation à porter pour identifier un éventuel déséquilibre significatif d’ordre tarifaire se rapproche nettement de celle requise en application de l’article L. 442-6-I-1° appréhendant l’avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. La démonstration peut donc être effectuée de façon similaire. Dès lors, la construction du barème, sous réserve que les pourcentages retenus ne soient pas excessifs, paraît écarter le risque d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Délibéré par la Commission d’examen des pratiques commerciales en ses séances plénières des 21 mai et 25 juin 2015, présidée par Monsieur Daniel TRICOT et adopté le 23 juillet 2015
Fait à Paris, le 23 juillet 2015
Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Daniel TRICOT