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La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 3 novembre 2020, sous le numéro 20-70, par laquelle une association interroge la Commission sur la pratique, mise en œuvre par des distributeurs, consistant à imposer l’établissement d’un contrat écrit dans leurs relations avec des producteurs en circuit court.
Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;
La rapporteure entendue lors de sa séance plénière du 15 avril 2021 ;
En revanche, lorsque la contractualisation sous forme écrite est obligatoire ou lorsqu’elle est librement choisie par les parties, le contenu du contrat doit respecter les exigences fixées par les textes en vigueur.
En tout état de cause, la négociation et la conclusion du contrat doivent s’effectuer dans le respect des règles relatives au déséquilibre significatif et à l’avantage manifestement disproportionné.
La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par une association d’une demande d’avis sur les pratiques mises en œuvre par des distributeurs dans leurs relations avec des producteurs en circuit court.
Il lui a plus particulièrement été demandé s’il existe une obligation d’établir un contrat écrit entre le producteur local et son client, distributeur et si l’ancienneté des relations, précédemment nouées sans contrat écrit a une influence sur cette éventuelle obligation, puis à quel cadre juridique le producteur local peut se référer de façon à obtenir de son cocontractant distributeur une négociation du contenu du contrat commercial.
La contractualisation entre le producteur agricole et son premier acheteur est envisagée par l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Cette disposition prescrit un contenu obligatoire lorsqu’un écrit est établi, mais ne rend pas obligatoire l’établissement d’un tel écrit. Aux termes de l’article L. 631-24-2 du même code, l’exigence d’un écrit ne s’impose en pareil cas qu’en vertu d’un accord interprofessionnel étendu en application de l’article L. 632-3 ou, en l’absence d’accord étendu, par un décret en Conseil d’Etat qui précise les produits ou catégories de produits concernés en priorisant les produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine[1].
Par ailleurs, l’article L. 441-3 du code de commerce, imposant l’établissement d’une convention écrite entre le fournisseur et le distributeur, dispose expressément qu’il n’est pas applicable aux fournisseurs de produits mentionnés à l’article L. 443-2 du même code. Il convient cependant de relever que ce dernier texte, concernant « les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture, figurant sur une liste établie par décret », liste énoncée à l’article R. 443-2 du code de commerce, requiert un contrat écrit dans le cas où le distributeur ou prestataire de services bénéficie de remises, rabais et ristournes ou rend des services de coopération commerciale ou des services distincts.
Dans le cas de produits transformés par un producteur agricole constituant des produits de grande consommation et commercialisés directement auprès d’un distributeur à destination des consommateurs, les dispositions de l’article L. 441-4 du code de commerce s’appliquent.
Il convient de préciser que l’ancienneté de la relation est sans incidence sur la réponse apportée quant à l’exigence d’un écrit.
Les négociations, de même que la conclusion du contrat, doivent s’effectuer dans le respect du cadre légal applicable à la relation considérée.
L’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, lorsqu’il est applicable, en présence d’un contrat écrit, à la relation entre un producteur agricole en circuit court et son premier acheteur, celui-ci pouvant être un distributeur, prévoit d’une part, en son II, que la conclusion d’un contrat de vente écrit est précédée d’une proposition du producteur agricole sauf si, dans le cas où l’écrit n’est pas obligatoire, le producteur exige de l’acheteur une offre de contrat écrit. Il prescrit, d’autre part, en son III, un contenu obligatoire détaillé, précisant en outre que les modalités et critères de détermination du prix prennent en compte un ou plusieurs indicateurs. De même, le dispositif spécifique aux produits agricoles et aux denrées alimentaires prévue à l’article L. 443-2 du code de commerce impose, lorsqu’il est applicable, un contenu obligatoire.
En tout état de cause, ces dispositions spécifiques n’excluent pas les règles plus générales édictées à l’article L. 442-1-I du code de commerce afin d’appréhender certaines pratiques mises en œuvre, « dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services », à l’encontre de « l’autre partie ». Ce texte, en son 2°, prohibe le fait de soumettre ou tenter de soumettre, c’est-à-dire, d’imposer sans possibilité de négocier, à des obligations créant un déséquilibre significatif. Ainsi le refus pur et simple de toute négociation pourrait contrevenir à l’article L. 442-1-2° du code de commerce sous réserve que droits et obligations des parties fassent apparaître un déséquilibre significatif. Par ailleurs, le 1° du même texte, visant le fait d’obtenir ou tenter d’obtenir un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie, est également à même d’appréhender un refus de négocier à la condition qu’il se traduise par un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné.
Il est par ailleurs possible de relever qu’un refus de toute négociation préalable du contrat pourrait conduire à qualifier celui-ci de contrat d’adhésion au sens de l’article 1110 alinéa 2 du code civil. Cette qualification est assortie d’un régime spécifique en matière d’interprétation du contrat (article 1190 du code civil) et quant au contrôle des clauses abusives (article 1171 du code civil).
Est cependant débattue la question de savoir si la règle de l’article 1171 du code civil peut s’appliquer à un contrat qui relève de l’article L. 442-1 du code de commerce.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 15 avril 2021, présidée par Monsieur Benoit POTTERIE
Fait à Paris, le 15 avril 2021,
Le président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Benoit POTTERIE
[1]Actuellement, deux catégories de produits sont concernées par une contractualisation sous forme écrite obligatoire : le lait cru de vache et la viande bovine sous Label rouge.