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La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 10 octobre 2019, sous le numéro 19-52, par laquelle un cabinet d’avocats interroge la Commission sur la conformité, au regard de l’interdiction de la revente à perte et, plus généralement, du droit de la concurrence, de la pratique consistant à imposer aux franchisés d’un réseau de distribution l’alignement sur les prix des produits annoncés sur le site internet dudit réseau.
Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;
Les rapporteurs entendus lors de ses séances plénières des 27 février et 24 septembre 2020 et 15 avril 2021 ;
Lorsque le site internet géré par le franchiseur est un site vitrine, les prix affichés en ligne sont des prix conseillés ou des prix maxima, en fonction des contrats de franchise conclus.
Lorsque le site internet géré par le franchiseur est un site marchand, le prix affiché est le prix fixé par le vendeur, à savoir le franchiseur ou le franchisé selon l’origine des produits.
Lorsque le franchisé procède à la remise du produit vendu par le franchiseur au consommateur via le système de click and collect ou de livraison à domicile, il convient de mettre en place des mécanismes préservant la liberté commerciale du franchisé et le respect de ses propres impératifs économiques.
En tout état de cause, ces pratiques doivent s’inscrire dans le respect des règles relatives aux interdictions de revente à perte et de fixation d’un prix de revente minimum imposé prévues respectivement aux articles L. 442-5 et L. 442-6 du code de commerce ainsi que dans le respect des règles de droit de la concurrence.
Objet de la saisine
Le conseil d’un groupement de franchisés soumet à l’avis de la Commission la question suivante :
« la pratique consistant à imposer aux franchisés d’un réseau de distribution l’alignement sur les prix des produits annoncés sur le site internet dudit réseau, exclusivement géré par le franchiseur, est-elle de nature à imposer les marges de ces franchisés et partant, contraire à l’interdiction de la revente à perte et, plus généralement, au droit de la concurrence ? ».
Analyse de la saisine
La pratique consistant à imposer au distributeur un prix de revente minimum (fixe ou minima) est susceptible de constituer une pratique restrictive de concurrence au sens de l’article L. 442-6 du code de commerce qui prévoit qu’« [e]st puni d’une amende de 15.000 € le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale ».
La pratique de prix imposé est en outre susceptible d’être interdite comme constituant une entente illicite, au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; et peut également constituer un abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 alinéa 1 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Un franchiseur ne peut dès lors pas imposer à ses franchisés de revendre leurs produits au prix (fixe ou minima) affiché sur son site internet à l’exception des trois situations citées dans les Lignes directrices sur les restrictions verticales (point 225), et à la condition que la structure ou le fonctionnement du marché ne présentent pas des particularités telles que les prix imposés provoquent des restrictions de concurrence qui dépassent, dans leur intensité, les gains d’efficience provoqués par la pratique.
Les pratiques consistant néanmoins pour un franchiseur à imposer à ses franchisés le respect de prix de revente maxima et/ou à leur conseiller des prix de revente aux fins d’assurer une cohérence tarifaire au sein du réseau, vis-à-vis du consommateur, sont de leur côté licites.
En l’espèce, et sans préjuger de la liberté effective dont disposaient les franchisés dans la fixation de leur prix de revente qui pourrait impliquer une analyse approfondie par faisceau d’indices, se pose la question de la licéité de la pratique des prix dans les réseaux d’indépendants en cas de gestion exclusive par la tête de réseau du site internet dudit réseau.
Plusieurs hypothèses sont à évoquer.
Si le site internet géré par le franchiseur est un site « vitrine », à savoir qu’il ne permet pas au consommateur de réaliser des actes d’achats en ligne, les prix affichés en ligne sont des prix conseillés ou des prix maxima, en fonction des contrats de franchise conclus.
Il convient alors de prendre en compte les exigences du droit de la consommation qui impose une obligation d’information des consommateurs sur les prix par le jeu cumulé des articles L. 112-1 (obligation d’information) et L. 121-2 du code de la consommation (interdiction des pratiques commerciales trompeuses) ; ce qui implique de préciser notamment le caractère conseillé ou maxima imposé des prix affichés.
Si le site internet du franchiseur est un site « marchand », il existe alors plusieurs possibilités.
a) Lorsque le franchiseur est l’auteur de la vente et vend en ligne ses produits, il détermine ses propres prix de vente, et le franchisé n’est nullement tenu de s’aligner en magasin sur ces prix en ligne indépendamment de ses propres considérations économiques.
b) Lorsque le franchisé est l’auteur de la vente en ligne et utilise le site internet du franchiseur pour vendre ses propres produits, il utilise l’interface mise à disposition par le franchiseur. Le franchisé fixe alors librement ses prix de revente. Il convient toutefois de distinguer deux hypothèses :
Dans chaque hypothèse, la remise du produit par le franchisé au client doit participer à la réussite économique du franchisé que ce soit par exemple par une rémunération du service rendu ou par un apport de chiffre d’affaires résultant des achats additionnels faits par le client lors du retrait de son colis en magasin dans le respect des règles relatives à la revente à perte de ses produits prévues à l’article L. 442-5-I, alinéa 1er du code de commerce qui dispose que « le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75.000 euros d’amende ».
Par ailleurs, il convient de souligner que l’exploitation du site marchand par le franchiseur peut conduire à combiner ces différentes formes d’achats en ligne : achats en ligne livrés directement à domicile ou retirés en boutiques à partir du stock du franchiseur ou du franchisé.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 15 avril 2021, présidée par Monsieur Benoit POTTERIE
Fait à Paris, le 15 avril 2021,
Le président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Benoit POTTERIE