La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 8 octobre 2019, sous le numéro 19-53, par laquelle une organisation professionnelle interroge la Commission sur la licéité, dans le cadre d’un contrat de location entretien de linge professionnel, de l’application automatique des nouvelles conditions générales de vente du fournisseur, et notamment d’une nouvelle durée contractuelle initiale, sans le consentement exprès du cocontractant.
Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ;
Les rapporteures entendues lors de sa séance plénière du 24 septembre 2020 ;
Lorsque le contrat initial a fait l’objet d’un renouvellement postérieur à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, le nouveau contrat est soumis aux nouvelles règles issues de cette réforme. Dans le cas où il s’agit d’un contrat d’adhésion au sens de l’article 1110 alinéa 2 du code civil, il y a lieu, en cas de doute sur la signification d’une de ses clauses, d’interpréter celle-ci contre celui qui a proposé le contrat d’adhésion.
La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par un syndicat professionnel à propos des conditions de résiliation d’un contrat conclu en 2011 par l’un de ses adhérents avec une société effectuant, contre rémunération, un service de location-entretien de linge professionnel.
Le contrat initial comportait des conditions générales dont il résulte, s’agissant de la durée, que le contrat est conclu pour une période initiale de quatre ans courant à partir de la date de mise à disposition du linge chez le client. Il est également prévu que le contrat se renouvelle par tacite reconduction, par périodes successives d’une durée égale à la période initiale, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard six mois avant la date d’échéance.
En application de cette disposition contractuelle, le contrat a donc été renouvelé au cours du second semestre de 2015 pour une durée de 4 ans, autrement dit jusqu’au second semestre de 2019.
En 2016, le prestataire a transmis par courrier à son client de nouvelles conditions générales ; l’article des nouvelles conditions générales consacré à la durée du contrat prévoit que :
« Il est conclu pour une période initiale de quatre ans. Cette période commence à courir à compter du premier jour du mois d’émission de la première facture d’abonnement.
Il se renouvelle ensuite par tacite reconduction pour une période d’une durée d’un an sauf dénonciation expresse par lettre recommandée avec accusé de réception de l’une ou l’autre partie au plus tard trois mois avant l’expiration de la période initiale ».
Ce courrier indique que « les évolutions contractuelles principales concernent le renouvellement du contrat qui, à l’issue d’une période de quarante-huit mois, s’effectuera pour une période de douze mois, sauf résiliation préalable ; Seule la signature des nouvelles conditions générales pourra entraîner une nouvelle période contractuelle de 48 mois ».
Par ailleurs, ce courrier précise à propos des modalités d’application des nouvelles conditions générales que celles-ci s’appliqueront à la relation commerciale dès le prochain renouvellement du contrat en cours, à moins que le client indique par écrit qu’il ne souhaitait pas bénéficier des nouvelles conditions contractuelles.
Il était également proposé au client d’opter pour une application immédiate des nouvelles dispositions, ceci nécessitant alors de « formaliser l’application de ces nouvelles conditions ».
Le client n’a pas fait usage de la possibilité de refuser l’application des nouvelles conditions, pas plus qu’il n’a opté pour une application immédiate de celles-ci, de sorte qu’elles s’appliquent au contrat issu du renouvellement, lequel est intervenu au cours du second semestre 2019.
Le client ayant souhaité résilier le contrat à sa prochaine échéance, intervenant selon son interprétation en 2020, il a adressé un courrier en ce sens à son prestataire. Ce dernier a refusé de prendre en compte cette demande et prétendu que la prochaine échéance du contrat se situait en 2023. Il a en effet considéré que son client n’ayant pas manifesté par écrit son intention de ne pas bénéficier de l’application des nouvelles conditions contractuelles, ces dernières se sont appliquées automatiquement lors du renouvellement de 2019 et qu’ainsi, une nouvelle durée contractuelle initiale de 4 ans s’appliquait.
Il convient donc de déterminer dans quelles conditions les nouvelles CGV s’appliquent, pour quelle durée le contrat a été renouvelé en 2019 et à quel moment il peut par conséquent faire l’objet d’une résiliation conformément aux stipulations contractuelles.
En premier lieu, il résulte tant de la jurisprudence constante rendue sous l’empire du droit des contrats applicable avant la réforme de 2016 que des articles 1119 et 1120 nouveaux du code civil – aux termes desquels « Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées… » et « Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières » (cf. aussi CA Paris, Pôle 1 – chambre 8, 1er février 2019, RG n° 18/04526) – que le client peut être considéré, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme avoir accepté implicitement les nouvelles conditions générales de vente, lesquelles sont donc applicables au contrat renouvelé en 2019.
S’il est vrai que l’article des conditions générales consacré à la durée prévoit que le contrat est « conclu pour une période initiale de quatre ans », il est permis de s’interroger sur le point de savoir si cela concerne le tout premier contrat conclu entre les parties ou celui auquel s’appliquent les nouvelles conditions générales. Cela est d’autant plus vrai que le courrier de 2016 précise que « les évolutions contractuelles principales concernent le renouvellement du contrat qui, à l’issue d’une période de quarante-huit mois, s’effectuera pour une période de douze mois, sauf résiliation préalable » et ajoute que « Seule la signature des nouvelles conditions générales pourra entraîner une nouvelle période contractuelle de 48 mois ».
Cette dernière indication, relative à « la signature des nouvelles conditions générales », paraît renvoyer à la possibilité offerte au client d’opter pour une application immédiate des nouvelles conditions générales et à cette fin de « formaliser l’application de ces nouvelles conditions ». Si tel est le cas, en dehors de cette hypothèse de la signature des conditions générales pour application immédiate, les renouvellements s’effectueront pour une durée de douze mois seulement, sauf résiliation au plus tard trois mois avant le terme.
A tout le moins, il existe un doute sur la compréhension de la clause des conditions générales relative à la durée.
Le contrat d’origine conclu en 2011 a fait l’objet de deux renouvellements successifs – en 2015, puis en 2019 – donnant naissant à un nouveau contrat qui, pour celui de 2019 est soumis aux nouvelles dispositions issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Ce nouveau contrat appartient à la catégorie des contrats d’adhésion tels que définis à l’article 1110 alinéa 2 du code civil puisqu’il « comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Dès lors, il y a lieu de faire application de la règle d’interprétation prévue à l’article 1190 du code civil et en vertu de laquelle « Dans le doute, le contrat d’adhésion (s’interprète) contre celui qui l’a proposé ».
En conséquence de quoi il est permis de considérer, sous réserve de l’interprétation souveraine des juges du fond, que les nouvelles conditions générales (celles communiquées en 2016) s’appliquent au renouvellement du contrat en 2019 et que, partant, le contrat a été renouvelé en 2019 pour une période de 12 mois et peut être résilié par chacune des parties moyennant un préavis de 3 mois « avant l’expiration de la période initiale ».
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 24 septembre 2020, présidée par Monsieur Benoit POTTERIE
Fait à Paris, le 24 septembre 2020,
Le président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Benoit POTTERIE