Avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales : Avis n° 16-3 relatif à une demande d’avis portant sur les pratiques contractuelles de deux sociétés en matière d’équipement de publipostage

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Avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales : Avis n° 16-3 relatif à une demande d’avis portant sur les pratiques contractuelles de deux sociétés en matière d’équipement de publipostage
Ce point juridique est utile ?

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 29 avril 2015 sous le numéro 15-41, par laquelle un groupement d’intérêt économique interroge la Commission sur les pratiques contractuelles de deux sociétés en matière d’équipement de publipostage.

Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;

Le rapporteur entendu lors de ses séances plénières des 5 novembre 2015 et 14 janvier 2016 ;

Le contrat de location et de maintenance d’un équipement de publipostage destiné à un GIE de médecins libéraux par le biais d’une société de financement apparaît nettement déséquilibré du point de vue du client. Cependant, pour caractériser un déséquilibre significatif, il conviendrait au préalable de vérifier l’absence de négociation entre les parties.

Il parait également utile de rappeler que pour bénéficier du texte de l’article L442-6-I, 2° du code de commerce, il doit s’agir d’un partenariat commercial.

1. Objet de la saisine

La commission est saisie par un GIE de médecins libéraux à propos de difficultés rencontrées dans l’exécution d’un contrat de location et de maintenance d’un équipement de publipostage conclu en septembre 2011 avec un fournisseur. Une société de financement est également intervenue en tant que bailleur dans ce contrat conclu pour une période de 60 mois, il prévoit 10 prélèvements trimestriels pour un montant de 27 000 euros chacun.

Les conditions générales de location et de maintenance n’ont jamais été datées ni signées et aucune explication n’a été donnée au GIE. Les conditions générales énoncent que :

  • le contrat de location est conclu et accepté irrévocablement pour toute la durée du contrat
  • aucune disposition n’évoque la possibilité de dénoncer le contrat
  • la résiliation du contrat est possible à l’initiative du locataire mais à condition de verser au bailleur la somme globale restant due majorée d’une clause pénale de 10%
  • dès la fin de la location, le locataire devra restituer le matériel à ses frais (port et emballage inclus) et en bon état d’entretien.
  • Les frais éventuels de remise en état en cas d’usure anormale ou de détérioration seront exigibles du locataire
  • Une indemnité de 10 euros par jour de retard sera due en cas de non restitution du matériel dans les délais.

Il est à noter que depuis la livraison du matériel, le GIE n’a pas pu utiliser l’équipement qui se révèle d’une grande complexité alors même que personne n’est venu former à l’utilisation de la machine ou en assurer la maintenance.

Le GIE a pris la décision en juillet 2014 de négocier avec l’entreprise et le bailleur la résiliation anticipée du contrat. Ce à quoi le bailleur a répondu favorablement à la condition de verser une indemnité globale représentant les sommes restant dues, majorées de la clause pénale et la TVA, soit un total de 142 623 euros.

Le GIE interroge la CEPC afin de savoir si « cette pratique est conforme aux pratiques commerciales légales ».

2. Analyse de la saisine

Concernant la recevabilité de la demande et l’application des règles du code de commerce à des médecins libéraux, il convient de remarquer qu’une difficulté existe dans la mesure où le client est un GIE de médecins libéraux, c’est-à-dire d’acteurs qui n’ont pas le statut de commerçants et qui ne peuvent bénéficier de l’application du texte.

Nous rappellerons toutefois que l’article L442-6-I, 5° du code de commerce a été appliqué par le passé à des architectes (arrêt de 2008) ou encore que deux arrêts ont admis l’application de l’article L442-6-I, 2° à une société civile de moyens d’avocats (arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 juin 2013) et à propos de relations entre des avocats (arrêt de la Cour d’appel d’Angers du 24 avril 2012).

Au regard de ces jurisprudences, il parait donc utile de considérer que pour bénéficier du texte de l’article L442-6-I, 2° du code de commerce, il doit s’agir d’un partenaire commercial.

La saisine semble de ce point de vue recevable.

L’article L. 442-6 I 2° du code de commerce dispose qu’il est interdit « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Cette disposition permet de sanctionner les clauses ou pratiques abusives imposées par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers, quel que soit le secteur de l’économie dans lequel il agit. En pratique, l’article L. 442-6 I 2° vise les hypothèses où un opérateur use de son fort pouvoir de négociation pour imposer à son partenaire des obligations qui par exemple relèvent manifestement de ses propres devoirs et qui sont à son seul bénéfice et, le plus souvent, d’un montant exorbitant.

Ce moyen juridique permet tout particulièrement d’appréhender les clauses qui résultent d’un manquement de l’un des cocontractants aux obligations qui lui incombent ou de l’imposition systématique d’obligations unilatérales ou d’obligations qui privent l’un des partenaires de l’exercice d’un droit.

Concernant le contrat faisant l’objet de la question, il est utile de rappeler que l’application de l’article L442-6-I, 2° implique de démontrer la soumission ou la tentative de soumission à un déséquilibre significatif. Mais il est néanmoins possible de considérer que l’inégalité dans le cas d’espèce peut être intégrée dans un faisceau de circonstances susceptibles de justifier l’application de l’article.

S’agissant de la relation contractuelle à évaluer, il semble effectivement pertinent de se poser la question de l’application de l’article L 442-6 dans la mesure où les conditions générales de location du matériel de publipostage semblent assez nettement déséquilibrées au détriment du client. En l’occurrence, on peut admettre que, pris dans sa globalité, le contrat fait apparaître un manque de réciprocité et de contrepartie au profit de l’une des parties. Ce constat permet de mettre en évidence le caractère “nettement défavorable” des clauses contractuelles pour le client mais la caractérisation d’un déséquilibre significatif supposerait également de vérifier l’absence de négociation, ce qui est difficile à faire dans le cas d’espèce faute d’information suffisante.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 14 janvier 2016, présidée par Madame Annick LE LOCH

Fait à Paris, le 14 janvier 2016
La présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales

Annick LE LOCH


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