Avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales : Avis n° 10-15 sur l’application de la LME à certaines relations fournisseurs/distributeurs

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Avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales : Avis n° 10-15 sur l’application de la LME à certaines relations fournisseurs/distributeurs
Ce point juridique est utile ?

La Commission d’examen des pratiques commerciales,

Vu la lettre enregistrée le 19 février 2010 sous le numéro 10-007, par laquelle une organisation professionnelle sollicite l’avis de la commission sur trois types de pratiques auxquelles sont confrontés ses membres dans leurs relations avec certains de leurs clients de la grande distribution ;

Vu les articles L 440-1 et D 440-1 à 440-13 du code de commerce ;

Les rapporteurs entendus lors de sa séance plénière du 4 novembre 2010 ; 

La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie, le 18 février 2010, par une organisation professionnelle qui sollicite son avis sur trois types de pratiques auxquelles sont confrontés ses membres dans leurs relations avec certains de leurs clients de la grande distribution.

Application des tarifs

Lorsque aucun accord n’a été trouvé à l’issue des négociations commerciales annuelles, il arrive pourtant que des distributeurs passent commande. Ils sont alors livrés et facturés au nouveau tarif qu’ils ont refusé, mais déduisent de leur règlement l’écart entre le nouveau tarif et l’ancien.

Il convient tout d’abord de rappeler que l’article L.441-7 du code de commerce oblige, à peine de sanction pénale, à établir une convention écrite, entre le fournisseur et le distributeur, qui détermine notamment le prix et les conditions de la vente.

En l’absence de convention et d’accord sur le prix, aucun contrat de vente ne peut se former. Le distributeur ne devrait pas passer commande ; s’il le fait, le fournisseur ne devrait pas le livrer.

Si une commande est néanmoins passée et livrée, il appartiendrait au juge de déterminer, en fonction des circonstances propres à chaque cas, à quelles conditions la vente a été conclue. Il pourra ainsi estimer que, si une contre-proposition a été formulée, elle est réputée acceptée si l’autre partie lui a donné suite (en ce sens : CA Paris 11 mars 1999 ). Il pourra également rechercher dans des éléments de fait la survivance de conditions contractuelles antérieures.

En tout état de cause, il serait dangereux, pour l’organisation professionnelle, de recommander à ses adhérents d’adopter sur cette question une attitude uniforme alors que les situations juridiques peuvent être des plus diverses. Pareille recommandation pourrait être considérée comme tombant sous le coup de l’article L.420-1 du code de commerce.

Signature d’une convention de services liée au référencement du fournisseur

Est évoquée la signature, par les fournisseurs référencés auprès de la centrale d’achat d’un distributeur, d’une convention de services rendus (par un prestataire tiers) relatifs à la centralisation de leurs paiements.

L’organisation professionnelle considère que, bien que la convention ne le mentionne pas, les fournisseurs auraient l’obligation d’y adhérer pour obtenir leur référencement. En second lieu, il apparaît que cette convention cesse ses effets « immédiatement et sans préavis » sur la simple information de l’arrêt des relations du fournisseur avec la centrale d’achat du distributeur.

L’organisation professionnelle a fait communication d’un courrier électronique dont les termes, quelque peu impératifs, peuvent donner à penser que la signature de la convention constitue une obligation devant être respectée par le fournisseur référencé. Néanmoins, il n’est pas possible de se prononcer sur la base de ce seul exemple.

Si le caractère obligatoire de la signature de cette convention était établi, la pratique évoquée relèverait de la notion de « couplage pur » (imposé au fournisseur), alors que les prestations offertes sont distinctes des opérations d’achat des produits du fournisseur par le distributeur.

Le fait, pour un distributeur, d’imposer un tel couplage à son cocontractant pourrait tout d’abord être qualifié d’abusif, en particulier au regard de l’article L.420-2 du code de commerce, au cas où le fournisseur concerné se trouverait en situation de dépendance économique à l’égard du distributeur.

La pratique en cause peut également relever des dispositions de l’article L.442-6 I 2°, voire 3° du code de commerce. Imposer au fournisseur de signer la convention lorsque celui-ci est référencé par la centrale d’achat du distributeur, puis interrompre, « immédiatement et sans préavis » les effets de ladite convention, au cas où le fournisseur cesserait d’être référencé, constitue une pratique créatrice d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties :

  • Imposer la signature de la convention comme préalable à un référencement à la centrale d’achat prive le fournisseur de l’opportunité de bénéficier de services de même nature susceptibles d’être offerts par d’autres prestataires aussi ou plus efficaces.
  • En interrompre ultérieurement, sans préavis et de façon immédiate, l’application constitue également une décision dont les effets pourraient être dommageables pour le fournisseur (rupture brutale au sens de l’article L.442-6,I,5°).

NIP et chiffre d’affaires ristournable

L’organisation professionnelle estime que les NIP doivent pouvoir être défalquées du chiffre d’affaires ristournable et attire l’attention de la Commission sur ce qu’elle estime être une évolution préoccupante de ces pratiques commerciales.

Les nouveaux instruments promotionnels (NIP) ont été  conçus à l’origine comme un outil juridique par lequel un fabricant confie à un distributeur le soin de remettre au consommateur un avantage, à l’occasion de l’achat d’un produit à sa marque. La figure juridique retenue, le mandat, implique que le mandataire, en l’occurrence le distributeur, représente le mandant dans la réalisation d’un acte juridique, et lui rende compte de l’exécution de sa mission. Le mandataire a droit au remboursement intégral de tous les frais qu’il a avancés pour le compte du mandant et, bien que le mandat soit d’essence gratuit, une rémunération du mandataire peut être prévue.

En pratique, on observe que les conditions de validité du mandat ne sont pas toujours remplies. Outre le fait que le distributeur informe rarement le consommateur qu’il agit pour le compte du fournisseur, il dépasse parfois les limites du mandat en ne respectant pas les périodes prédéfinies par le mandant ou en contrôlant lui-même entièrement les opérations. De plus les redditions de compte peuvent être tardives ou incomplètes. Le contrat de mandat risque alors d’être requalifié en contrat d’entreprise, le prestataire de services-distributeur agissant en son nom et pour son compte.

Lorsque l’opération promotionnelle est réalisée sous la forme du mandat, le remboursement des frais exposés par le distributeur ne constitue pas pour le fournisseur une réduction de ses prix de vente ; il ne minore donc pas l’assiette des ristournes, sauf accord particulier sur ce point. Il en est de même pour la rémunération de son intervention pour la raison exposée ci-après.

Si l’opération promotionnelle n’est pas réalisée sous la forme du mandat et peut donc être requalifiée en contrat d’entreprise, les sommes que reçoit le distributeur pour l’avoir mise en œuvre constituent la rémunération d’un service de coopération commerciale au sens de l’article L.441-7 1 2° du code de commerce. Les sommes ainsi facturées à ce titre par le distributeur ne diminuent pas ses prix de vente et ne concourent (pas) à la détermination du prix convenu au sens de l’article L.441-7 1 3°. Elles n’ont donc pas vocation à minorer l’assiette des ristournes.

Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 4 novembre 2010, présidée par Mme Catherine VAUTRIN.

 

Fait à Paris, le 4 novembre 2010

Le Président de la Commission
d’examen des pratiques commerciales
,

Catherine VAUTRIN


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