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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 26 novembre 2009
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 06/07938
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2006 par le conseil de prud’hommes de Bobigny – section encadrement – RG n° 02/01337
APPELANT
Monsieur [S] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Stephen MONOD, avocat au barreau de PARIS, toque : K.135
INTIMEE
S.A. AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T 3
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 octobre 2009, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Evelyne GIL, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Francine ROBIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’appel régulièrement interjeté par Monsieur [S] [Y] à l’encontre d’un jugement prononcé le 27 janvier 2006 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY ayant statué sur le litige qui l’oppose à la S.A. AIR FRANCE sur ses demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui a débouté Monsieur [S] [Y] de toutes ses demandes.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l’audience aux termes desquelles :
Monsieur [S] [Y], appelant, poursuit l’infirmation du jugement déféré et sollicite la condamnation de la S.A. AIR FRANCE au paiement des sommes suivantes :
– 36 305 € à titre de rappel de salaires pour la période du 10 avril au 30 juillet 2002,
– les congés payés de 1/10ème afférents à cette somme,
– 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour abus de droit au regard de la combinaison des limitations de bénéfice de l’intéressement de la SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION AÉROPOSTALE et de la S.A. AIR FRANCE,
– 6 985,62 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
– 5 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La S.A. AIR FRANCE, intimée, conclut à l’irrecevabilité, subsidiairement au mal fondé, des demandes de Monsieur [S] [Y] et requiert une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Monsieur [S] [Y] a été engagé par la société INTERCARGO SERVICES en qualité de pilote de ligne le 23 octobre 1989. Cette entreprise est ensuite devenue la SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION AÉROPOSTALE, partiellement détenue par AIR INTER, laquelle a été ultérieurement prise en location gérance puis absorbée par la S.A. AIR FRANCE. Le contrat de travail de Monsieur [S] [Y] a été repris par la S.A. AIR FRANCE le premier avril 1997 et le salarié a été réaffecté au sein de cette compagnie le premier avril 2002.
La rémunération mensuelle de Monsieur [S] [Y] était fixée en dernier lieu à la somme de 6 985,62 € (moyenne des douze derniers mois).
A compter du 18 janvier 2002, Monsieur [S] [Y] a été, à plusieurs reprises et pour des périodes longues, en arrêts de travail pour maladie.
Dans sa séance du 10 avril 2002, le Conseil médical de l’aéronautique civile, saisi par Monsieur [S] [Y] le 28 mars 2002, l’a déclaré inapte définitivement aux fonctions de personnel navigant.
Le 30 avril 2002, la S.A. AIR FRANCE a informé Monsieur [S] [Y] de sa possibilité d’être reclassé dans un poste au sol et de son placement en situation d’attente non rémunérée.
Le 10 juillet 2002, Monsieur [S] [Y] a fait connaître à la S.A. AIR FRANCE qu’il ne souhaitait pas être reclassé au sol.
Le 12 juillet 2002, la S.A. AIR FRANCE a convoqué Monsieur [S] [Y] pour le 18 juillet 2002 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette mesure a été prononcée par lettre du 26 juillet 2002 pour perte de licence en raison d’une inaptitude physique définitive.
SUR CE
Sur l’intéressement.
A l’occasion du retour des personnels naviguant techniques de la SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION AÉROPOSTALE à la S.A. AIR FRANCE, un litige s’est élevé entre les parties et a donné lieu à la saisine de la juridiction prud’homale. Dans ce cadre, un protocole transactionnel a été signé le 7 mai 2002. C’est par une analyse pertinente des termes de ce protocole que le premier juge a considéré que la question de l’intéressement était incluse dans le champ de la transaction, ce qui rend Monsieur [S] [Y] irrecevable dans ses demandes ultérieures de ce chef. La cour adopte totalement sur ce point la motivation et la décision du jugement déféré.
Sur le rappel de salaire.
Sur la recevabilité.
Monsieur [S] [Y] demande un rappel de salaire pour la période s’étendant du 11 avril 2002, date de la perte de sa licence et de la prise d’effet de son placement en position d’attente non rémunérée, au 30 juillet 2002, date à partir de laquelle, en conséquence de son licenciement, il lui a été servi un préavis de trois mois.
Le litige entre les parties sur ce point n’a pu se nouer avant que Monsieur [S] [Y] n’ait reçu de la S.A. AIR FRANCE la lettre du 30 avril 2002 l’informant qu’il ne serait pas rémunéré dans l’attente, selon l’option qu’il choisirait, de son reclassement ou de son licenciement. En effet, il n’est pas démontré qu’avant de prendre connaissance des termes de ce courrier, Monsieur [S] [Y] avait une parfaite intelligence de toutes les conséquences de la décision d’inaptitude et, en toute hypothèse, il ne pouvait préjuger avec certitude quelle serait la position de la S.A. AIR FRANCE sur l’application de telle ou telle disposition du règlement régissant les personnels.
Il est établi que le courrier du 30 avril 2002 n’est parvenu à Monsieur [S] [Y] que le 16 mai suivant, soit postérieurement à la transaction, qui n’a donc pu concerner ce nouveau litige.
Par ailleurs la transaction mettait un terme au contentieux prud’homal en cours et il ne peut être utilement opposé à Monsieur [S] [Y] que sa demande contrevient au principe de l’unicité de l’instance, l’instance précédemment engagée étant alors éteinte par la transaction, dont les effets de droit commun s’appliquent à cet égard également en droit du travail.
C’est donc à juste titre que le premier juge a déclaré l’action de Monsieur [S] [Y] recevable.
Sur le bien fondé.
Ayant perdu sa licence du fait de la décision du Conseil médical de l’aéronautique civile, Monsieur [S] [Y] s’est trouvé ipso facto dans une position lui interdisant d’exercer ses fonctions et rendant impossible la poursuite de son contrat de travail de personnel naviguant technique, situation ne pouvant se dénouer que par un reclassement dans une fonction au sol ou un licenciement, au choix de l’intéressé.
Il s’agit d’un cas de rupture pour fait du prince, l’impossibilité d’exercer étant la conséquence d’une décision émanant d’une autorité publique, extérieure aux parties et s’imposant à elles.
Si cette circonstance, assimilable à la force majeure, met nécessairement un terme à la prestation de travail, elle n’implique pas tout aussi nécessairement l’interruption de la rémunération. Le fait du prince n’affecte que la possibilité pour le salarié de continuer à exercer ses fonctions. La question du maintien ou non de la rémunération de ce salarié reste dans le champ de ses relations contractuelles avec son employeur. Le principe en l’espèce est que la rémunération est la contrepartie de la prestation de travail, mais aucune règle d’ordre public n’interdit une exception, au moins à titre transitoire et dans un but légitime, à ce principe.
Or l’économie générale des procédures à suivre et des dispositions à prendre à la suite de la perte de sa licence par un personnel naviguant technique conduit à considérer que, malgré l’absence de travail de la part du salarié, l’employeur doit maintenir sa rémunération pendant le temps de l’option. Les articles L. 424-1 et L. 424-2 du code de l’aviation civile, invoqués par la S.A. AIR FRANCE, n’imposent pas ce maintien mais ne l’interdisent pas non plus et il serait hasardeux de conclure à la perte de rémunération sur une simple interprétation a contrario de ces textes. Par ailleurs le personnel naviguant technique n’ayant pas choisi d’être reclassé au sol, et dès lors licencié, se voit verser une indemnité compensatrice d’un préavis qu’il ne peut pourtant pas exécuter et la S.A. AIR FRANCE n’explique pas selon quelle logique ce qui vrai après le licenciement ne le serait pas a fortiori avant. Enfin il ne peut sérieusement être prétendu que le salarié serait maître de la durée de la période intermédiaire séparant la perte de licence du licenciement puisqu’il lui est imposé un délai pour opter et que, plus généralement, une prolongation déraisonnable de cette durée par son fait ferait dégénérer en abus son droit à rémunération.
Il apparaît donc que dans le cas spécifique des personnels naviguant techniques ayant perdu leur licence, l’impossibilité d’exécuter la prestation de travail n’est pas exclusive du versement d’une rémunération.
Sur le quantum.
Monsieur [S] [Y] retient à juste titre la somme de 6 985,62 € comme salaire mensuel de référence, cette somme correspondant au douzième de la rémunération brute de l’année 2001, la prétention de la S.A. AIR FRANCE à ne prendre en compte que la rémunération soumise aux cotisations de la Caisse de retraite du personnel navigant n’étant pas fondée.
Pour les calculs prorata temporis, il convient donc de retenir une unité jour de :
6 985,62 : 30 = 232,854.
Au moment de la perte de licence, Monsieur [S] [Y] était en incapacité temporaire depuis le 18 janvier 2002, avec maintien de l’intégralité du salaire pendant 180 jours, soit jusqu’au 16 juillet 2002 inclus. A compter de cette date, il était en longue maladie, avec maintien de 75 % du salaire.
Pour la période s’étendant du jour de la perte de la licence au dernier jour du régime de l’incapacité temporaire, soit du 11 avril 2002 (inclus) au 16 juillet 2002 (inclus), soit encore pour 97 jours, Monsieur [S] [Y] a droit à :
232,854 x 97 = 22 586,84 €.
Pour la période de longue maladie, soit du 17 juillet 2002 au 29 juillet 2002, soit encore pour 13 jours, Monsieur [S] [Y] a droit à :
232,854 x 0,75 x 13 = 2 270,33 €.
Le total du salaire théorique est donc de 24 857,17 €, dont il convient de déduire les indemnités journalières perçues au cours de la période, soit 4 153,38 €. La créance de Monsieur [S] [Y] s’élève donc à 20 703,79 €, outre les congés payés afférents.
Les intérêts au taux légal sur ces sommes seront calculés à compter de la date de réception par la S.A. AIR FRANCE de la demande en paiement.
Sur la demande de Monsieur [S] [Y], et en l’absence de toute cause de retard de paiement due à son fait, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les formes et conditions prévues à l’article 1154 du code civil.
Sur la procédure de licenciement.
Sur la recevabilité.
Les considérations relatives à la recevabilité de la demande de rappel de salaire s’appliquent de plus fort à la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure.
Sur le bien fondé.
Monsieur [S] [Y] fait valoir qu’il a reçu le 15 juillet 2002 la lettre du 12 juillet 2002 le convoquant à l’entretien préalable du 18 juillet 2002, le délai pour se préparer à cet entretien étant dès lors déraisonnable si l’on considère qu’il résidait dans les Bouches du Rhône et qu’il était malade.
Il convient de retenir que la lettre litigieuse a été présentée au domicile de Monsieur [S] [Y] le samedi 13 juillet 2002 et relevée le lundi 15 juillet 2002, l’entretien étant prévu pour le jeudi suivant, ce qui lui laissait un délai de 3 jours suffisant pour se préparer, les obstacles médicaux invoqués dans sa lettre du 16 juillet 2002 n’étant pas démontrés. De son côté la S.A. AIR FRANCE n’était pas tenue de faire droit à une demande de report, celle adressée par le salarié par courrier postal le 16 juillet 2002 ne lui étant au demeurant parvenue que postérieurement à la date fixée pour l’entretien.
Il convient donc de confirmer le débouté de la demande de Monsieur [S] [Y] de ce chef.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.
Etant débitrice de Monsieur [S] [Y], la S.A. AIR FRANCE sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés.
La somme qui doit être mise à la charge de la S.A. AIR FRANCE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [S] [Y] peut être équitablement fixée à 1 500 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en ses dispositions sur la recevabilité des demandes, sur l’intéressement et la régularité de la procédure de licenciement.
Réformant la décision pour le surplus et y ajoutant,
Condamne la S.A. AIR FRANCE à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 20 703,79 € à titre de rappel de salaire, outre celle de 2 070,37 € au titre des congés payés afférents.
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la S.A. AIR FRANCE de la demande en paiement.
Dit que les intérêts échus sur le capital pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts.
Condamne la S.A. AIR FRANCE aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [S] [Y] la somme de 1 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :