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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 21 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/353
N° RG 22/03722
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJA6G
[I] [U]
[Z] [R]
C/
[B] [P]
Société AXIS SPECIALTY EUROPE SE
Organisme CAISSE PRIMAIRE D DE-DÔME
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE
-SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN
-Me Alexis MANCILLA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 26 Janvier 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/03811.
APPELANTS
Madame [I] [U],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Anne-claire AUNE, avocat au barreau de NICE, plaidant.
Monsieur [Z] [R],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Anne-claire AUNE, avocat au barreau de NICE, plaidant.
INTIMES
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 1] 1951,
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Lionel GUIJARRO, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
Société AXIS SPECIALTY EUROPE SE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Lionel GUIJARRO, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
CAISSE PRIMAIRE DU PUY DE DOME
Venant aux droits de la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants.
Prise en la personne de son représentant légal M. [A] [K],
Appelante reconventionnelle,
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Alexis MANCILLA, avocat au barreau de NICE.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 14 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Le 08/10/2017 à [Localité 5] (Alpes-Maritimes), Mme [U] a souscrit un baptême de l’air en parapente auprès de M. [P], moniteur assuré auprès de la compagnie d’assurances Aviabel. Au décollage, une rafale de vent les a déportés contre un rocher. Admise au centre hospitalier de Nice, Mme [U] s’est vu diagnostiquer une fracture de l’extrémité inférieure du radius non déplacée, une fracture du tiers moyen de la diaphyse humérale droite faiblement déplacée associée à une fracture de l’olécrâne droit, un traumatisme du bassin et une plaie cutanée.
Par ordonnance du 02/08/2018, le juge des référés de Nice a commis le docteur [X] aux fins d’expertise médicale et a alloué à Mme [U] une somme de 20.000,00 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel. L’expert a déposé son rapport le 06/02/2019, Mme [U] n’étant pas encore consolidée.
Par acte d’huissier de justice du 07/08/2019, Mme [U] a saisi le tribunal judiciaire de Nice d’une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre l’assureur, la compagnie AXIS Spéciality Europe SE venant aux droits de la compagnie Aviabel, et le tiers payeur. L’affaire a été renvoyée à la mise en état.
Le 29/05/2021, le compagnon de Mme [U], M. [R], est volontairement intervenu à l’instance en qualité de victime par ricochet.
Par ordonnance du 30/04/2020, le juge de la mise en état a alloué une seconde provision de 30.000,00 € à Mme [U] et a commis derechef le docteur [X], qui a déposé son rapport le 17/11/2020.
Par jugement contradictoire du 26/01/2022, le tribunal judiciaire de Nice a’:
– déclaré la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme recevable à agir,
– déclaré M. [B] [P] responsable du préjudice causé à Mme [I] [U] du fait de l’accident du 08/10/2017,
– dit que le plafonnement prévu par l’article L.6421-4 du code des transports est applicable,
– déclaré l’action en réparation de M. [Z] [R] irrecevable par l’effet de la prescription,
– dit que [B] [P] et AXIS Speciality Europe SE doivent indemniser Mme [I] [U] de l’intégralité des préjudices par elle subis dans la limite du plafonnement de 114.336,00 € institué par l’article L.6421-4 du code des transports,
– condamné in solidum M. [B] [P] et AXIS Speciality Europe SE à payer à Mme [I] [U] la somme de 64.336,00 € assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement en réparation de son préjudice, déduction faite de la somme de 50.000,00 versées à titre provisionnel,
– débouté Mme [I] [U] pour le surplus.
Dans la limite du plafonnement précité, le tribunal a alloué à Mme [U], les montants ci-après’:
– dépenses de santé actuelles’: 4.228,36 €
– préjudice matériel’: 1.592,33 €
– frais de médecin-conseil’: 2.580,00 €
– perte de gains professionnels actuels’: rejet
– assistance par tierce personne temporaire’: 16.404,70 €
– dépenses de santé futures’: 7.350,00 €
– incidence professionnelle’: 69.252,00 €
– déficit fonctionnel temporaire’: 7.569,72 €
– souffrances endurées’: 30.000,00 €
– préjudice esthétique temporaire’: 500,00 €
– déficit fonctionnel permanent’: 43.520,00 €
– préjudice esthétique permanent’: 5.000,00 €
– préjudice d’agrément’: 4.000,00 €
– préjudice sexuel’: 5.000,00 €
Pour statuer ainsi, le premier juge s’est fondé sur les éléments suivants’:
– le vol en parapente relève du régime juridique applicable au transport aérien non international, donc de l’article L.6421-3 du code des transports, qui présume la responsabilité du transporteur mais limite la réparation du préjudice subi à la somme de 114.336,00 €’par passager’;
– l’action de M. [R] est irrecevable compte tenu de ce que la prescription de deux ans à compter de la date du transport (08/10/2017) était acquise lorsqu’il est volontairement intervenu à l’instance (23/05/2021)’;
– liquidation du préjudice corporel de Mme [U]’:
‘ perte de gains professionnels actuels’: sur la base d’un revenu de référence de 14.095,00 €, aucune perte de revenus n’est réellement caractérisée au regard des revenus déclarés après l’accident’;
‘ application du plafonnement’institué par le code des transports : le préjudice corporel global subi par Mme [U] est de 247.963,07 €. Le montant d’indemnisation lui revenant est de 196.997,11 €. Ce montant est plafonné à hauteur de 114.336,00 €, soit un montant d’indemnisation de 64.336,00 € revenant à la victime après déduction de la somme de 50.000,00 € versée à titre provisionnel. La subrogation de la caisse ne peut nuire à la victime subrogeante, de sorte que, le plafond d’indemnisation étant épuisé, aucune somme ne revient au tiers payeur. Le tiers payeur est néanmoins fondé à demander paiement de l’indemnité forfaitaire de gestion de 1.098,00 € instituée par l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale.
Par déclaration du 11/03/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [U] et M. [R] ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Nice en ce qu’il a’:
– dit que le plafonnement prévu par l’article L.6421-4 du code des transports est applicable,
– déclaré l’action en réparation de M. [Z] [R] irrecevable par l’effet de la prescription,
– dit que [B] [P] et la compagnie AXIS Speciality Europe SE doivent indemniser Mme [I] [U] de l’intégralité de son préjudice dans la limite du plafond légal de 114.336,00 €,
– condamné in solidum M. [B] [P] et AXIS Speciality Europe SE à payer à Mme [I] [U] la somme de 64.336,00 € assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement en réparation de son préjudice, déduction faite de la somme de 50.000,00 versées à titre provisionnel,
– débouté Mme [I] [U] pour le surplus.
La caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme a formé appel incident.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique notifiées par RPVA le 22/11/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, Mme [U] et M. [R] demandent à la cour de’:
– juger recevables Mme [U] et M. [R] en leur appel,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ dit que le plafonnement prévu à l’article L.6421-4 du code des transports est applicable,
‘ déclaré l’action en réparation de M. [Z] [R] irrecevable par l’effet de la prescription,
‘ dit que M. [P] et la société AXIS Speciality Europe SE doivent indemniser Mme [U] de l’intégralité des préjudices par elle subis dans la limite du plafonnement légal de 114.336,00 €,
‘ condamné in solidum M. [P] et AXIS Speciality Europe SE à payer à Mme [U] la somme de 64.336,00 € assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement en réparation de son préjudice, déduction faite des provisions versées pour 50.000,00 €,
‘ débouté Mme [U] pour le surplus.
Statuant à nouveau,
– condamner solidairement la société AXIS et M. [P] à la réparation intégrale du préjudice de Mme [U],
– condamner M. [P] solidairement avec son assureur, la société AXIS, à verser à Mme [U] en réparation de son préjudice la somme totale de 235.835,62 €, ventilée comme suit’:
‘ frais médicaux et de transport’: 4.028,36 €
‘ préjudice matériel’: 1.592,33 €
‘ frais divers’: 4.365,13 €
‘ tierce personne’: 22.443,00 €
‘ perte de gains’: 8.304,00 €
‘ perte de 4 trimestres de droits à la retraite (année 2018)’: 2.140,00 €
‘ déficit fonctionnel temporaire’: 8.410,80 €
‘ souffrances endurées’:’35.000,00 €
‘ préjudice esthétique temporaire’: 1.500,00 €
‘ déficit fonctionnel permanent’: 48.450,00 €
‘ préjudice d’agrément’: 5.000,00 €
‘ préjudice esthétique permanent’: 8.000,00 €
‘ préjudice sexuel’: 10.000,00 €
‘ préjudice professionnel’: 69.252,00 €
‘ dépenses de santé futures’: 7.350,00 €
– condamner M. [P] solidairement avec la société AXIS à verser à Mme [U] :
‘ la somme de 235.835,62 € en réparation du préjudice subi, déduction faite des provisions versées,
‘ la somme de 10.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner en tout état de cause M. [P] solidairement avec la société AXIS au titre des préjudices par ricochet subis par M. [R],
– condamner M. [P] solidairement avec la société AXIS à verser à M. [R] les sommes de :
‘ préjudice moral’: 10.000,00 €
‘ préjudice sexuel’: 10.000,00 €, en sa qualité de conjoint de Mme [U],
‘ article 700 du code de procédure civile’: 10.000,00 €,
– condamner M. [P] solidairement avec son assureur, la société AXIS, aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats associés, aux offres de droit.
Mme [U] et M. [R] font valoir que :
‘ le droit de Mme [U] à indemnisation intégrale de son préjudice n’est pas contestable’: le baptême de l’air est soumis aux règles de l’aviation civile'(Civ.1, 19/10/1999), et la responsabilité du transport aérien interne est régie par les articles L.6421-1 à L.6421-4 du code des transports. Si l’article L.6421-1 du code des transports limite la réparation du préjudice à 114.336,00 € par passager,’le plafonnement n’est opposable que si le titre de transport précise expressément que le transport est régi par la convention de Varsovie. Par suite, l’absence ou l’irrégularité d’un titre de transport font obstacle au plafonnement de la réparation (Civ.1, 28/06/2006, 03-10.94′; Civ.1, 03/04/2007, 06-11.071). Le professeur [E] a considéré dans une note du 01/03/2022’que le plafond de garantie est inapplicable puisque le baptême de parapente ayant occasionné des blessures à Mme [U] n’a pas donné lieu à l’émission d’un billet. contrairement à ce qui est soutenu par la compagnie AXIS Speciality Europe SE, aucun revirement de jurisprudence ne résulte de l’arrêt de la première chambre civile (Civ.1, 28/04/2011) qui se borne à rappeler que l’action en responsabilité se prescrit par deux ans, que le contrat de transport soit onéreux ou gratuit’;
‘ liquidation du préjudice corporel de Mme [U]’: l’incidence professionnelle doit être évaluée en fonction du salaire à la consolidation (14.128,00 €), du taux de déficit fonctionnel permanent (17%) et de l’euro de rente temporaire jusqu’à l’âge de 65 ans (28,834, selon barème de la Gazette du Palais du 28/11/2017) = 69.252,00 €’;
‘ aucune prescription biennale ne saurait être opposée à M. [R]. Le point de départ de la prescription se situe à la date de consolidation de l’état séquellaire de la victime directe, qui en l’espèce a été fixé au 21/06/2020. M. [R] est intervenu volontairement à l’instance le 28/05/2021, soit moins de deux ans après. Il subit un préjudice sexuel du fait du préjudice sexuel de sa compagne, et est fondé à demander une indemnisation de 10.000,00 €. Il subit également un préjudice moral évalué à la somme de 10.000,00 €.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée n°2 notifiées par RPVA le 08/12/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, M. [P] et la compagnie AXIS Spéciality Europe SE demandent à la cour de’:
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– subsidiairement, réduire le montant de l’évaluation des préjudices à de plus justes proportions,
– rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,
– condamner solidairement Mme [U] et M. [R] à 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [P] et la compagnie AXIS Spéciality Europe SE font valoir que :
‘ la responsabilité du transporteur s’apprécie au regard de l’article L.6421-4 du code des transports et non, comme le soutient la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme, au regard de la responsabilité contractuelle de droit commun au titre d’une obligation de sécurité. La jurisprudence de la première chambre est claire sur ce point (Civ.1, 03/07/2001, 00-10.435)’;
‘ sur le plafonnement de la responsabilité du transporteur’: l’obligation faite au transporteur d’informer les passagers des limites de l’indemnisation ne concerne que les entreprises de transport aérien titulaires d’une licence d’exploitation valable. Tel n’est pas le cas de M. [P] qui n’organise que des baptêmes de l’air’et sur qui ne pèse aucune obligation d’information. En atteste un arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation (Civ.1, 28/04/2011, 09-67.729) qui a admis que tout transport aérien de personnes, même effectué à titre gratuit, est soumis en application de l’article L.322-3 du code de l’aviation civile (devenu l’article L6421-4 du code des transports à la suite de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2010-1307 du 28/10/2010 créant le code des transports). Plusieurs cours d’appel ont pris acte de ce revirement et admettent désormais que la délivrance d’un billet est indifférente à l’application du plafond légal de responsabilité’;
‘ sur les demandes indemnitaires de M. [R]’:
– l’article L.6421-4 du code des transports limite la responsabilité du transporteur à concurrence de 114.336,00 € par passager, et non par victime directe ou indirecte. Mme [U] était l’unique passagère de sorte que le plafond de 114.336,00 € s’applique à l’ensemble des demandeurs. L’intervention volontaire de M. [R] est sans incidence sur l’application du plafond’;
– le point de départ du délai biennal est bien la date de l’accident’; la prescription est acquise. Le premier juge ayant admis la prescription de l’action de M. [R], il revient à la cour d’appel de confirmer ce point, sans que puissent lui être opposés les articles 907 et 789 du code de procédure civile réservant au conseiller de la mise en état les décisions sur les fins de non-recevoir et donc sur la prescription’;
‘ sur la créance de la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme’:
– dans le cas d’une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l’indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat’; en l’espèce, M. [P] et la compagnie AXIS Spéciality Europe SE ne pourront pas être tenus de verser une somme supérieure à 114.336,00 € par application du plafond de responsabilité posé par le code des transports, seul régime de responsabilité applicable en l’espèce’; le plafond étant atteint par le préjudice de Mme [U], les demandes de la caisse doivent être rejetées’;
– la créance de la caisse primaire d’assurance-maladie au titre l’indemnité forfaitaire de gestion de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale n’est pas contestée.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée portant appel reconventionnel notifiées par RPVA le 09/09/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme demande à la cour de’:
– confirmer la responsabilité de M. [P] dans l’accident subi par Mme [U],
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit appliquer l’article L.6421-4 du code des transports et la limitation de la convention de Varsovie, les conditions n’étant pas réunies,
En conséquence,
– condamner solidairement la société AXIS Speciality Europe SE et M. [P] à réparer l’ensemble des préjudices subis par Mme [U],
– condamner solidairement la société AXIS Speciality Europe SE et M. [P] à régler à la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme la somme de 43.996,41 € au titre des débours exposés par la caisse,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement la société AXIS Speciality Europe SE et M. [P] à régler à la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme la somme de 1.098,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire (article L.145-1 du code de la sécurité sociale),
– condamner solidairement la société AXIS Speciality Europe SE et M. [P] à régler à la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement la société AXIS Speciality Europe SE et M. [P] aux entiers dépens de l’instance.
La caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme venant aux droits de la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants, fait valoir que M. [P] agissant en qualité de moniteur accompagnateur (transporteur) de l’activité a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de Mme [U], qui ne guidait pas le parapente. Les conditions d’application du plafonnement prévu par la convention de Varsovie ne sont pas réunies. Mme [U] n’a jamais été liée par l’émission d’un billet alors que le vol a été effectué à titre onéreux. La caisse primaire est donc fondée à agir en paiement de ses débours et de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale.
* * *
La clôture a été prononcée le 30/05/2023.
Le dossier a été plaidé le 14/06/2023 et mis en délibéré au 21/09/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de la décision rendue’:
L’arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l’article 467 du code de procédure civile.
Sur le régime de responsabilité applicable :
La caisse primaire d’assurance-maladie soutient que la responsabilité de la compagnie AXIS Speciality Europe SE s’apprécie sur le fondement de la responsabilité contractuelle de son assuré débiteur d’une obligation de sécurité envers Mme [U]. Il est constant en réalité que le baptême de l’air en parapente biplace est un transport aérien et que la mise en oeuvre de la responsabilité du transporteur est régie par le code des transports sans qu’il y ait matière à caractériser le manquement du pilote à une obligation de sécurité de résultat.
Il résulte de l’alinéa 1er de l’article L.6421-4 du code des transports, dans sa version applicable à la date de l’accident, que lorsque le transporteur aérien n’est pas titulaire d’une licence d’exploitation délivrée en application du règlement CE 1008/2008 du 24/09/2008 relatif à l’exploitation de services aériens, sa responsabilité «’est régie par les stipulations de la convention de Varsovie du 12/10/1929, dans les conditions définies par les articles L.6422-2 à L.6422-5. Toutefois, la limite de la responsabilité du transporteur relative à chaque passager est fixée à 114.336,00 €’».
La responsabilité de M. [P] ‘ qui n’est pas titulaire d’une licence d’exploitation ‘ s’apprécie par conséquent à l’aune des articles L.6422-2 à L.6422-5 du code des transports. Ces dispositions de droit interne régissent la responsabilité du transporteur même lorsque le transport ne comporte aucun élément d’extranéité au sens de la convention de Varsovie (article L.6422-2). La clause limitant la responsabilité du transporteur n’est inopposable qu’en cas de faute inexcusable de sa part (article L.6422-3). L’exercice de l’action en responsabilité contre le transporteur est enfermée dans un délai de deux ans à compter de l’arrivée de l’aéronef'(article L.6422-5).
Comme relevé par le premier juge, ces dispositions, qui ne reprennent pas les termes de l’article 3 de la convention, ne privent pas d’effet la limitation de responsabilité du transporteur en cas d’absence, d’irrégularité ou de perte du billet de passage.
Le renvoi de l’article L.6421-4 du code des transports (anciennement L.322-3 du code de l’aviation civile) est donc sélectif, et les dispositions de la convention de Varsovie concernant le document de transport sont inapplicables en droit interne. Les sanctions prévues par la convention ne s’appliquent pas à l’absence de délivrance du billet de passage en transport interne.
Cette inapplicabilité de l’article 3 de la convention est d’autant plus certaine que, tout en admettant expressément l’applicabillité de la prescription biennale de l’action en réparation (article 29 de la convention) à tout transport aérien de personnes, même gratuit, la cour de cassation a visé l’article 22 de la convention et admis ce faisant le plafonnement de la réparation (Civ.1, 28/04/2011, précité).
La responsabilité in solidum de M. [P] et la compagnie AXIS Speciality Europe SE est engagée, dans les limites du plafond légal de 114.336,00 €.
Sur l’action en réparation de M. [R] :
Quoique les articles 789 et 907 du code de procédure civile attribuent compétence exclusive au conseiller de la mise en état pour statuer sur toute fin de non-recevoir, en ce compris celle tirée de la prescription, la cour est saisie par l’effet dévolutif de l’appel de la décision rendue sur ce point par le premier juge.
Aux termes de l’alinéa 1er de l’article L.6422-5 du code des transports reprenant les termes de l’article 29 de la convention de Varsovie, «’l’action en responsabilité contre le transporteur est intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination du jour où l’aéronef aurait dû arriver ou de l’arrêt du transport’».
Ce délai pour agir imparti à la victime est propre au régime de responsabilité du transporteur aérien, et déroge à l’article 2226 du code civil aux termes duquel la victime peut agir dans les dix ans de la consolidation de son dommage initial ou aggravé.
En l’occurrence, l’accident ayant eu lieu le 08/10/2017, le délai de deux ans pour agir était expiré lorsque M. [R] est volontairement intervenu à l’instance le 28/05/2021. Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes de M. [R].
Sur l’action en réparation de Mme [U] :
Données médico-légales’:
Le rapport du docteur [X] contre lequel aucune critique médicalement fondée n’est formulée constitue une base valable d’évaluation des préjudices subis par Mme [U]. Les conclusions médico-légales du docteur [X] sont les suivantes’:
– déficit fonctionnel temporaire’:
‘ 100’%’: du 08/10 au 12/10/2017, le 11/10/18, le 14/12/18,
‘ 75’%’: du 13/10 au 30/11/2017,
‘ 66’% : du 01/12/2017 au 15/01/2018,
‘ 50’% : du 16/01 au 15/02/2018, du 15/12 au 28/12/2018,
‘ 25’%’: du 22/06 au 10/10/2018, du 12/10 au 13/12/2018,
‘ 20’% : du 29/12/2018 au 20/06/2020
– assistance par tierce personne temporaire :
‘ 5 heures par jour du 13/10 au 30/11/2017, du 16/02 au 20/06/2018, du 22/06 au 10/10/2018, du 12/10 au 13/12/2018,
‘ 4 heures par jour du 01/12/2017 au 15/01/2018,
‘ 3 heures par jour du 16/01 au 15/02/2018,
‘ 2 heures par jour du 15/12 au 28/12/2018,
– perte de gains professionnels actuels’: arrêt de travail complet (08/10/2017 ‘ 15/02/2019 + 18/06/2020 ‘ 20/06/2020) et à mi-temps (16/02/2019 ‘ 16/05/2019),
– dépenses de santé futures’: prévoir des injections articulaires d’anti-inflammatoire ou d’acide hyaluronique jusqu’à des interventions chirurgicales type arthrodèse ou prothèse (surtout au poignet
gauche), compte tenu de l’arthrose radio-carpienne gauche ainsi que de l’atteinte articulaire du coude droit,
– déficit fonctionnel permanent’: 17’%
– état susceptible d’aggravation (lésions articulaires du poignet gauche et du coude droit),
– incidence professionnelle’: réelle pénibilité à l’exercice de la profession avec possible aggravation allant jusqu’à l’impossibilité de la pratique,
– souffrances endurées’: 5/7
– préjudice esthétique temporaire : 1/7 du 13/10/2017 au 30/11/2017
– préjudice esthétique permanent’: 2,5/7
– préjudice d’agrément : à retenir pour la pratique de la pôle dance, du yoga et de la guitare,
– préjudice sexuel : à retenir.
Données chronologiques :
Date de naissance’: 03/02/1987
Date du fait générateur : 08/10/2017
Date de la consolidation’: 21/06/2020
Date de la liquidation’: 21/09/2023
Durée en années de la période avant consolidation : 2,702
Durée en années de la période consolidation / liquidation’: 3,250
Age’lors du fait générateur : 30
Age’lors de la consolidation : 33
Age’lors de la liquidation : 36
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il n’en résulte pour elle ni perte ni profit.
L’évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime au moment de l’accident (30 ans), de la consolidation (33 ans), de la présente décision (36 ans) et de son activité (chef cuisinier), afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
L’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [U] doit être évalué comme suit.
I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Dépenses de santé actuelles (DSA)’: 48.024,77 €
Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la caisse primaire d’assurance-maladie, soit 43.996,41 €, la victime invoquant pour sa part une somme de 4.028,36 € restée à sa charge.
La compagnie AXIS Speciality Europe SE conteste ce chiffrage et offre une somme de 531,27 €. La cour constate que les décomptes de créance que Mme [U] a établis au titre des frais de parking (669,95 €, dus aux différents rendez-vous médicaux et à la fréquence des séances de kinésithérapie) et des frais médicaux (3.358,41 €) sont adossés à des justificatifs régulièrement versés aux débats. Il est alloué une somme totale de 4.028,36 € à Mme [U].
Frais divers (FD)’: 2.580,00 €
Mme [U] justifie avoir engagé ses deniers personnels à hauteur de 2.580,00 € pour régler le docteur [N] intervenu comme médecin-conseil dans le cadre du déroulement des opérations d’expertise médicale confiées au docteur [X]. S’agissant des émoluments de ce dernier, le premier juge a indiqué à juste titre qu’ils relèvent des dépens et non des frais divers.
Préjudice matériel (PD)’: 1.592,33 €
Mme [U] justifie d’un préjudice matériel évalué à 1.592,33 € correspondant à des effets vestimentaires, à une paire de lunettes de soleil, ainsi qu’au règlement d’un voyage au Vietnam programmé en novembre 2017 qui a dû être annulé du fait de l’accident et n’a pu être remboursé.
Mme [U] ne justifie pas en revanche des 255,13 € de frais postaux et de photocopie qu’elle invoque.
Assistance par tierce personne temporaire'(ATPT) : 16.773,84 €
Il s’agit de l’aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et sa dignité, suppléer sa perte d’autonomie. Ces dépenses trouvent leur cause dans l’accident et procèdent d’un besoin de sorte que, quelles que soient les modalités choisies par la victime, l’enveloppe allouée ne peut ni être réduite au regard du recours à l’aide familiale, ni conditionnée par la production des justificatifs des dépenses effectuées.
La nécessité de la présence auprès de Mme [U] d’une tierce personne n’est contestée ni dans son principe ni dans son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et suppléer sa perte d’autonomie.
Elle reste cependant discutée dans son étendue et son coût, évalué selon les parties à 25,00 € ou à 16,00 €. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18,00 €.
L’indemnité de tierce personne s’établit à la somme de 16.773,84 €, ventilée comme suit :
– 49 jours x 5 heures x 18,00 € = 4.410,00 €,
– 46 jours x 4 heures x 18,00 € = 3.312,00 €,
– 31 jours x 3 heures x 18,00 € = 1.674,00 €,
– 17,86 semaines x 5 heures x 18,00 € = 1.607,40 €,
– 15,86 semaines x 5 heures x 18,00 € = 1.427,40 €,
– 9 semaines x 5 heures x 18,00 € = 810,00 €,
– 14 jours x 3 heures x 18,00 € = 756,00 €,
– 77,14 semaines x 2 heures x 18,00 € = 2.777,04 €.
Perte de gains professionnels actuels (PGPA)’: 2.035,00 €
Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus. La durée et l’importance, généralement décroissante, de l’indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu’à la date de la consolidation.
Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.
Le docteur [X] retient une période d’arrêt temporaire total des activités professionnelles du 08/10/2017 au 15/02/2019 et du 18/06/2020 au 20/06/2020, ainsi qu’une période d’arrêt de travail à mi-temps du 16/02/2019 au 16/05/2019.
Mme [U] exerçait les fonctions de chef cuisinier à domicile. Elle produit ses avis d’imposition qui attestent de son revenu fiscal net après application de l’abattement fiscal pour charges’: 13.786,00 € en 2014, 11.202,00 € en 2015, 14.502,00 en 2016 et 13.365,00 € au titre des trois premiers trimestres de l’année 2017. Soit un revenu de référence de 14.095,00 € (52.855,00 € / 3,75 années).
Il n’y a pas lieu de considérer à l’instar de Mme [U] que «’l’abattement fiscal forfaitaire ne concerne que les impôts’» et que les revenus industriels et commerciaux déclarés correspondent à son revenu réel. Le chiffre d’affaires est en effet grevé de charges que l’autoentrepreneur peut chiffrer en optant soit pour l’abattement forfaitaire soit pour les frais réels. En outre, la compagnie AXIS Speciality Europe SE observe à juste titre que le montant des salaires retenus par la caisse de retraite de Mme [U] correspond presque à l’identique au montant des revenus nets calculés par l’administration fiscale, soit’13.784,00 € en 2014, 11.000,00 € en 2015, 14.504,00 en 2016 et 13.363,00 € en 3017.
Sans l’accident, Mme [U] aurait gagné la somme de 14.095,00 € en 2018. Du fait de l’accident, elle n’a gagné que la somme de 12.060,00 €. Soit une perte de 2.035,00 €, conforme au chiffrage de la compagnie AXIS Speciality Europe SE.
En 2019, le revenu fiscal net de Mme [U] s’est élevé à la somme de 14.819,00 €, soit un montant supérieur au revenu de référence. Aucune perte de gains n’est caractérisée.
Aucune perte de gains n’est caractérisée au titre de l’année 2020, Mme [U] n’ayant pas produit son avis d’imposition de l’année considérée.
b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation
Dépenses de santé futures (DSF)’: 7.350,00 €
Ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.
Incidence professionnelle (IP)’: 69.252,00 €
Ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.
II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Déficit fonctionnel temporaire (DFT)’: 7.822,08 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence ainsi que le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base de 28,00 € par jour de déficit fonctionnel temporaire total, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.
L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera évaluée à la somme de 7.822,08 €, ventilée comme suit’:
– déficit fonctionnel temporaire 100 % x 7 jours x 28,00 € = 196,00 €,
– déficit fonctionnel temporaire 75 % x 49 jours x 28,00 € = 1.029,00 €,
– déficit fonctionnel temporaire 66 % x 46 jours x 28,00 € = 850,08 €,
– déficit fonctionnel temporaire 50 % x 45 jours x 28,00 € = 630,00 €,
– déficit fonctionnel temporaire 25 % x 299 jours x 28,00 € = 2.093,00 €,
– déficit fonctionnel temporaire 20 % x 540 jours x 28,00 € = 3.024,00 €.
Souffrances endurées (SE)’: 30.000,00 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par Mme [U], qui a subi plusieurs interventions chirurgicales. Il sera évalué à la somme de 30.000,00 €.
Préjudice esthétique temporaire (PET)’: 1.500,00 €
Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.
Ce poste a été évalué à 1/7 par l’expert en raison du port d’atèles imposé à Mme [U] pendant une période de six semaines à compter de sa sortie d’hôpital. La cour observe que Mme [U] ne conteste pas cette évaluation alors que le préjudice esthétique permanent a été évalué à 2,5/7 par l’expert judiciaire. Il sera alloué à Mme [U] la somme demandée de 1.500,00 €.
b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
Déficit fonctionnel permanent (DFP)’: 43.520,00 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelle, familiale et sociale.
Les séquelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime déterminent le quantum de l’évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.
En l’occurrence, le docteur [X] retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 17’% pour Mme [U], âgée de 33 ans à la consolidation. Ce taux prend en compte l’état séquellaire douloureux de l’épaule et du coude droits ainsi que du poignet gauche, ainsi que le retentissement psychologique de l’accident. Ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 43.520,00 €.
Préjudice esthétique permanent (PEP)’: 6.000,00 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique à compter de la consolidation.
Évalué par l’expert judiciaire à 2,5/7 en raison notamment d’une amyotrophie deltoïde droite et d’un préjudice cicatriciel, ce poste justifie l’octroi de la somme de 6.000,00 €.
Préjudice d’agrément (PA)’: 5.000,00 €
Le préjudice d’agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d’une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l’accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.
Il est constant que le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.
L’expert admet que l’état séquellaire de Mme [U] contre-indique la pole dance, le yoga et la guitare. Mme [U] justifie de son inscription en mars 2015 à une compétition de pole dance en Italie, et produit plusieurs attestations ([S] [O], [G] [M], [V] [J]) qui démontrent de l’assiduité de sa pratique avant l’accident.
Mme [U] ne justifie pas en revanche d’une quelconque pratique de la guitare, et l’achat d’un livre sur le yoga en avril 2015 ne suffit pas à attester de la pratique régulière de cette activité antérieurement à l’accident.
Ce poste sera évalué à la somme de 5.000,00 €.
Préjudice sexuel (PS)’: 8.000,00 €
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel.
L’expert retient une gêne positionnelle. Les doléances de Mme [U] font état de la difficulté depuis l’accident à entretenir des rapports intimes avec son conjoint. Ce poste de préjudice sera réparé par l’octroi d’une indemnité de 8.000,00 €.
Récapitulatif de la réparation du préjudice corporel de Mme [U] :
– dépenses de santé actuelles’: 48.024,77 € (dont créance tiers payeur 43.996,41 €)
– frais divers’: 2.850,00 €
– préjudice matériel’: 1.592,13 €
– frais divers’: 2.580,00 €
– assistance par tierce personne temporaire’: 16.773,84 €
– perte de gains professionnels actuels’: 2.035,00 €
– dépenses de santé futures’: 7.350,00 €
– incidence professionnelle’: 69.252,00 €
– déficit fonctionnel temporaire’: 7.822,08 €
– souffrances endurées’: 30.000,00 €
– préjudice esthétique temporaire’: 1.500,00 €
– déficit fonctionnel permanent’: 43.520,00 €
– préjudice d’agrément’: 5.000,00 €
– préjudice esthétique permanent’: 6.000,00 €
– préjudice sexuel’: 8.000,00 €
Préjudice global de la victime’: 249.450,02 €
Prestations servies par le tiers payeur’: 43.996,41 €
Montant d’indemnisation revenant à la victime avant plafonnement’: 205.453,61 €
Plafond d’indemnisation de la victime’: 114.336,00 €
Provisions versées à la victime’: 50.000,00 €
Montant d’indemnisation revenant à la victime’: 64.336,00 €
Montant d’indemnisation revenant au tiers payeur’: 0,00 €
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes de la caisse primaire d’assurance-maladie’:
Le droit à indemnisation de Mme [U] étant plafonné, l’exercice par la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dême du recours subrogatoire qu’elle tient de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale tient compte du droit de préférence reconnu à la victime par l’article 31 de la loi du 05/07/1985, et de ce que subrogation de la caisse ne peut porter préjudice à la victime subrogeante.
M. [P] et la compagnie AXIS Spéciality Europe SE n’étant tenus que dans la limite du plafond de 114.336,00 €, le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a débouté la créance de la caisse primaire d’assurance-maladie du Puy-de-Dôme de sa demande en paiement, sauf à confirmer la condamnation in solidum de M. [P] et de la compagnie AXIS Speciality Europe SE au paiement de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L.376-1 précité, qui n’est pas contestée.
Sur les demandes annexes’:
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
M. [P] et la compagnie AXIS Speciality Europe SE sont débiteurs de l’obligation d’indemnisation et supporteront la charge des entiers dépens d’appel.
L’équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que les parties ont engagés en cause d’appel.
Condamne in solidum M. [B] [P] et la compagnie AXIS Speciality Europe SE aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT