Aviation civile : 15 novembre 2006 Cour de cassation Pourvoi n° 06-86.743

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Aviation civile : 15 novembre 2006 Cour de cassation Pourvoi n° 06-86.743
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Eric,

– Y… Francis,

– LA SOCIETE TURBOMECA,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PAU, en date du 8 août 2006, qui, dans l’information suivie contre eux des chefs d’homicides et blessures involontaires, a prononcé sur leurs demandes d’annulation d’actes de la procédure ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 21 septembre 2006, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’au cours d’un vol de démonstration organisé le 26 mars 2002 sur le site de l’usine Turbomeca de Tarnos, un hélicoptère appartenant à la Compagnie Générale Turbo-Machines (CGTM) s’est écrasé au sol, cet accident occasionnant la mort du pilote et celle d’un passager, ainsi que des blessures pour quatre autres passagers ; que, le même jour, sur le fondement de l’article 77-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République a adressé une réquisition à François Z…, expert en aéronautique inscrit sur la liste de la cour d’appel de Pau, auquel il a été donné mission de se rendre sur les lieux de l’accident, de procéder à toutes constatations, opérations et recherches en vue d’en déterminer les causes, d’effectuer tout prélèvement et analyses utiles permettant d’en préciser l’origine, de donner tout élément propre à apprécier si une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des lois ou règlements ont été commises, et d’entendre tout sachant et faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité ; qu’une information a été ouverte le 9 janvier 2003, pour homicide et blessures involontaires et utilisation d’un aéronef dans des conditions non conformes ; que l’expert précité a déposé son rapport le 19 septembre 2003 ; que Francis Y…, directeur général de la société CGTM, Eric X…, chef de programme au sein de la société Turbomeca, ainsi que cette société elle-même, tous trois mis en examen les 15 et 20 septembre 2005 des chefs d’homicides et blessures involontaires et utilisation d’un aéronef dans des conditions non conformes, ont demandé l’annulation de pièces de la procédure ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Eric X… et Francis Y…, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 77-1, 156 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure ;

“aux motifs qu’en application de l’article 77-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République a désigné, le 26 mars 2002, jour de l’accident, François Z…, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Pau, en qualité de personne qualifiée avec pour mission : 1) de se rendre sur les lieux de l’accident, 2) de procéder à toutes constatations, opérations et recherches en vue de déterminer les causes de l’accident, 3) d’effectuer tout prélèvement et analyse utiles permettant de préciser l’origine de l’accident, 4) de donner tout élément propre à apprécier si une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des lois ou règlements ont été commises, 5) d’entendre tout sachant et faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité ; que l’information a été ouverte le 9 janvier 2003 et François Z… a déposé son rapport le 26 septembre 2003 ; que le fait que François Z… ait poursuivi sa mission et déposé son rapport dès l’ouverture de l’information n’en affecte pas la validité, aucun texte n’imposant qu’il cesse ses travaux en cas d’ouverture d’une information judiciaire ; qu’au contraire, il devait poursuivre la mission qui lui avait été confiée par le parquet jusqu’à son terme sous la seule réserve de ne pas contrevenir aux dispositions propres à la procédure d’instruction telles que, par exemple, celles de l’article 105 du code de procédure pénale ; que, comme il est indiqué par le procureur général, il résulte d’une jurisprudence établie de la Cour de cassation que l’article 77-1 du code de procédure pénale confère au procureur de la République, agissant en enquête préliminaire, le pouvoir de charger toutes

personnes qualifiées, de missions techniques ou scientifiques de même nature que celles qui peuvent être confiées aux experts par le juge d’instruction en application de l’article 156 du même code ; que le contenu de la mission confiée à François Z… ne constitue pas une délégation générale de pouvoir mais lui demande précisément de procéder à des constatations ou opérations techniques relatives à l’accident ; que le quatrième point de la mission est également régulier, le technicien ne s’étant pas vu confier l’appréciation juridique de l’existence d’une infraction mais ayant été seulement commis aux fins de fournir les éléments concrets de nature à permettre aux magistrats saisis du dossier de procéder à cette appréciation ; que, contrairement à ce qui est soutenu à l’appui de la requête en nullité, François Z… n’a pas excédé le cadre de sa mission ni procédé à une analyse juridique qui n’aurait pas été de son pouvoir, mais à l’inverse s’en est tenu à la description et l’étude des circonstances matérielles et techniques de sa compétence ; qu’il ne

peut notamment pas lui être reproché d’avoir examiné si les prescriptions du laissez-passer définissant les conditions de vol autorisées à l’appareil avaient été respectées, cet examen ressortant d’une étude technique des conditions de vol et non pas d’une appréciation juridique ;

“1 ) alors que la mission de la personne qualifiée désignée par le procureur de la République en application de l’article 77-1 du code de procédure pénale cesse lorsque l’enquête préliminaire prend fin en raison de l’ouverture d’une information, seuls les experts régulièrement désignés par le juge d’instruction en application de l’article 156 du même code ayant, dès ce moment, la faculté de procéder à des constatations ou examens techniques ;

que l’enquête préliminaire ayant pris fin le 9 janvier 2003 avec l’ouverture à cette date d’une information, la personne qualifiée désignée par le procureur de la République n’avait plus la possibilité de poursuivre ses investigations, postérieurement à cette date, jusqu’au dépôt de son rapport le 26 septembre suivant, sauf à être régulièrement désignée par le juge d’instruction, ce qui n’a pas été ;

qu’en validant ainsi des opérations d’expertise réalisées, au cours de l’information, par une personne qui n’avait pas été régulièrement désignée par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

“2 ) alors qu’une mission technique est exclusive d’une délégation générale des pouvoirs ; que le procureur de la République a confié à la personne qualifiée la mission de procéder à “toutes constatations, opérations et recherches”, à “tout prélèvement et analyse utile”, de “donner tout élément”, d’ “entendre tout sachant”, et de “faire toute observation”, sans aucune limitation ; qu’une telle mission générale méconnaît les prescriptions légales et qu’en ne prononçant pas l’annulation, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

“3 ) alors que la mission dévolue aux personnes qualifiées ne peut avoir pour objet que des constatations ou examens techniques ; qu’en l’espèce, les mis en examen relevaient dans leurs requêtes en nullité que les points numérotés 2, 4 et 5 de la mission de la personne qualifiée en aéronautique ne portaient pas sur des questions techniques ; que, si la chambre de l’instruction s’est prononcée sur le point 4 de la mission, elle s’est abstenue de répondre aux arguments péremptoires des mis en examen relatifs aux points numérotés 2 et 5 ;

“4 ) alors que la personne qualifiée ne peut se prononcer que sur l’examen de questions d’ordre technique qui lui sont demandées ; qu’en se livrant à une analyse de témoignages, au compte rendu d’auditions, à des spéculations sur les raisons qui auraient conduit l’administration à ne pas délivrer à l’appareil en cause un certificat de navigabilité mais un laissez-passer provisoire, à une analyse juridique du laissez-passer, à la nature juridique des vols, la personne qualifiée a méconnu les termes de sa mission, ce qu’invoquaient les mis en examen dans leur requête régulièrement déposée ; qu’en s’abstenant de répondre, fût-ce succinctement, à cette articulation essentielle de la requête en nullité, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale” ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société Turbomeca, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 77-1, 156 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure ;

“aux motifs qu’en application de l’article 77-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République a désigné, le 26 mars 2002, jour de l’accident, François Z…, inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Pau, en qualité de personne qualifiée avec pour mission : 1) de se rendre sur les lieux de l’accident, 2) de procéder à toutes constatations, opérations et recherches en vue de déterminer les causes de l’accident, 3) d’effectuer tout prélèvement et analyse utiles permettant de préciser l’origine de l’accident, 4) de donner tout élément propre à apprécier si une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des lois ou règlements ont été commises, 5) d’entendre tout sachant et faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité ; que l’information a été ouverte le 9 janvier 2003 et François Z… a déposé son rapport le 26 septembre 2003 ; que le fait que François Z… ait poursuivi sa mission et déposé son rapport dès l’ouverture de l’information n’en affecte pas la validité, aucun texte n’imposant qu’il cesse ses travaux en cas d’ouverture d’une information judiciaire ; qu’au contraire, il devait poursuivre la mission qui lui avait été confiée par le parquet jusqu’à son terme sous la seule réserve de ne pas contrevenir aux dispositions propres à la procédure d’instruction telles que, par exemple, celles de l’article 105 du code de procédure pénale ; que, comme il est indiqué par le procureur

général, il résulte d’une jurisprudence établie de la Cour de cassation que l’article 77-1 du code de procédure pénale confère au procureur de la République, agissant en enquête préliminaire, le pouvoir de charger toutes personnes qualifiées, de missions techniques ou scientifiques de même nature que celles qui peuvent être confiées aux experts par le juge d’instruction en application de l’article 156 du même code ; que le contenu de la mission confiée à François Z… ne constitue pas une délégation générale de pouvoir mais lui demande précisément de procéder à des constatations ou opérations techniques relatives à l’accident ; que le quatrième point de la mission est également régulier, le technicien ne s’étant pas vu confier l’appréciation juridique de l’existence d’une infraction mais ayant été seulement commis aux fins de fournir les éléments concrets de nature à permettre aux magistrats saisis du dossier de procéder à cette appréciation ; que, contrairement à ce qui est soutenu à l’appui de la requête en nullité, François Z… n’a pas excédé le cadre de sa mission ni procédé à une analyse juridique qui n’aurait pas été de son pouvoir, mais à l’inverse s’en est tenu à la description et l’étude des circonstances matérielles et techniques de sa compétence ; qu’il ne peut notamment pas lui être reproché d’avoir examiné si les prescriptions du laissez-passer définissant les conditions de vol autorisées à l’appareil avaient été respectées, cet examen ressortant d’une étude technique des conditions de vol et non pas d’une appréciation juridique ;

“1 ) alors que la mission de la personne qualifiée désignée par le procureur de la République en application de l’article 77-1 du code de procédure pénale cesse lorsque l’enquête préliminaire prend fin en raison de l’ouverture d’une information, seuls les experts régulièrement désignés par le juge d’instruction en application de l’article 156 du même code ayant, dès ce moment, la faculté de procéder à des constatations ou examens techniques ;

que l’enquête préliminaire ayant pris fin le 9 janvier 2003 avec l’ouverture à cette date d’une information, la personne qualifiée désignée par le procureur de la République n’avait plus la possibilité de poursuivre ses investigations, postérieurement à cette date, jusqu’au dépôt de son rapport le 26 septembre suivant, sauf à être régulièrement désignée par le juge d’instruction, ce qui n’a pas été ;

qu’en validant ainsi des opérations d’expertise réalisées, au cours de l’information, par une personne qui n’avait pas été régulièrement désignée par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

“2 ) alors qu’une mission technique est exclusive d’une délégation générale des pouvoirs ; que le procureur de la République a confié à la personne qualifiée la mission de procéder à “toutes constatations, opérations et recherches”, à “tout prélèvement et analyse utile”, de “donner tout élément”, d’ “entendre tout sachant”, et de “faire toute observation”, sans aucune limitation ; qu’une telle mission générale méconnaît les prescriptions légales et qu’en ne prononçant pas l’annulation, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

“3 ) alors que la mission dévolue aux personnes qualifiées ne peut avoir pour objet que des constatations ou examens techniques ; qu’en l’espèce, les mis en examen relevaient dans leurs requêtes en nullité que les points numérotés 2, 4 et 5 de la mission de la personne qualifiée en aéronautique ne portaient pas sur des questions techniques ; que, si la chambre de l’instruction s’est prononcée sur le point 4 de la mission, elle s’est abstenue de répondre aux arguments péremptoires des mis en examen relatifs aux points numérotés 2 et 5 ;

“4 ) alors que la personne qualifiée ne peut se prononcer que sur l’examen de questions d’ordre technique qui lui sont demandées ; qu’en se livrant à une analyse de témoignages, au compte rendu d’auditions, à des spéculations sur les raisons qui auraient conduit l’administration à ne pas délivrer à l’appareil en cause un certificat de navigabilité mais un laissez-passer provisoire, à une analyse juridique du laissez-passer, à la nature juridique des vols, la personne qualifiée a méconnu les termes de sa mission, ce qu’invoquaient les mis en examen dans leur requête régulièrement déposée ; qu’en s’abstenant de répondre, fût-ce succinctement, à cette articulation essentielle de la requête en nullité, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale” ;

Les moyens étant réunis ;

 


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