Avantage en nature de l’actionnaire : le droit d’accès au Golf de la société

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Avantage en nature de l’actionnaire : le droit d’accès au Golf de la société

La société par actions simplifiée Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] gère des installations sportives, notamment des terrains de golf. M. [W] [K] [P], actionnaire de cette société, a été convoqué devant la commission d’éthique le 23 novembre 2022. Il a demandé des précisions et un ajournement, mais la commission a décidé, le 7 décembre 2022, de le retirer définitivement de ses fonctions de membre. M. [P] a contesté cette décision, arguant qu’il n’avait pas eu la possibilité de se défendre, et a assigné la société en référé pour obtenir la suspension de la sanction et sa réintégration. Le tribunal a rejeté ses demandes, considérant qu’il avait été informé des griefs et que la procédure avait été respectée. M. [P] a interjeté appel de cette décision, soutenant que la sanction était illégale et que le tribunal de commerce était incompétent. La société a également contesté la compétence du tribunal judiciaire, affirmant que M. [P] n’avait pas épuisé les voies de recours internes. Les deux parties ont formulé des demandes et arguments contradictoires concernant la légitimité de la sanction et la compétence des juridictions.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
23/11152
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 05 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/477

Rôle N° RG 23/11152 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BL2KW

[W] [K] [P]

C/

SAS GOLF COUNTRY CLUB DE [Localité 3] [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 01 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/00060.

APPELANT

Monsieur [W] [K] [P]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6] – ROYAUME UNI, demeurant [Adresse 7] – SUISSE

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Philippe MARIA de l’ASSOCIATION MARIA – RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Marie-Sophie FILIPPI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIMEE

SAS GOLF COUNTRY [Localité 5]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 04 juin 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, MME NETO, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 septembre 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiée (SAS) Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] a pour objet la propriété, la gestion d’installations sportives et, à titre principal, de terrains de golfs, toutes activités liées à la pratique du golf, promotion et l’organisation de manifestations sportives liées au golf, aux sports et loisirs, et à la vente, la location d’articles et vêtements de sports.

M. [W] [K] [P] est actionnaire de la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5].

Il a été convoqué, le 9 novembre 2022, à comparaître devant la commission d’éthique le 23 novembre 2022 en application de l’article 8 du règlement intérieur.

Il a demandé, par l’intermédiaire de son avocat, le 21 novembre 2022, des précisions sur le fondement de la saisine de la commission d’éthique, la communication des éléments visés à la convocation et que cette dernière soit ajournée compte tenu de son absence, le dossier n’étant de surcroit pas en état.

Par lettre, en date du 7 décembre 2022, la commission d’éthique a notifié à M. [P] sa décision de retrait définitif de sa qualité de membre avec effet immédiat.

Estimant avoir été privé de son droit de se défendre et ne pas avoir eu connaissance des éléments ayant donné lieu au prononcé la sanction qui lui a été infligée, M. [P] a, par acte d’huissier en date du 2 janvier 2023, assigné la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse afin d’obtenir la suspension des effets de ladite sanction et de voir ordonner sa réintégration immédiate.

Par ordonnance en date du 1er juin 2023, ce magistrat :

– s’est déclaré compétent et a rejeté l’exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce ;

– a jugé M. [P] recevable en ses demandes et rejeté les fins de non-recevoir soulevées ;

– a dit n’y avoir lieu à référé et rejeté les demandes formées par M. [P] tendant à voir suspendre les effets de la sanction prononcée contre lui, notifiée par courrier du 7 décembre 2022, ordonner sa réintégration, et condamner la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] à l’accueillir au sein du club et lui permettre l’accès aux installations, et à la voir condamner à lui règler une provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

– a condamné M. [P] à verser à la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a condamné aux dépens ;

– a rejeté toutes autres demandes.

Concernant l’exception d’incompétence, il a considéré qu’il y avait lieu de distinguer la qualité d’associé, qui donnait droit de voter aux assemblées générales et aux bénéfices, de celle de membre, qui permettait d’accéder aux droits de jeu et aux installations sportives, dès lors qu’un associé devait régler une cotisation pour avoir la qualité de membre et que des membres non actionnaires pouvaient bénéficier des installations. Il a relevé que la sanction litigieuse impactait la qualité de membre de M. [P] et non sa qualité d’associé, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un litige opposant une société commerciale et l’un de ses associés.

Concernant les fins de non-recevoir, il a estimé que l’article 8 du règlement intérieur n’instituait aucune voie de recours comme un préalable obligatoire à la saisine du juge, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’appel à l’encontre de la décision critiquée devait être rejetée. De plus, il a considéré que la décision de sanction, notifiée le 7 édcembre 2022, ne portant pas la mention du droit d’interjeter appel dans le délai de 15 jours, il ne pouvait être retenu que M. [P] avait nécessairement perdu sa qualité de membre aux termes de la décision du 7 décembre 2022.

Concernant le bien- fondé des demandes de M. [P], il a considéré que les pièces de la procédure établissaient que M. [P] avait connaissance de sa convocation devant la commission d’éthique le 23 novembre 2022, puisqu’il en avait demandé le report, et que la convocation rappelait le fondement contractuel de la procédure disciplinaire engagée (article 8 du règlement intérieur), les sanctions encourues, les trois reproches formulés à son encontre et son droit d’être assisté d’un avocat ou de toute personne de son choix et d’être accompagné, le cas échéant, d’un traducteur. Il a considéré que le fait pour la commission d’éthique de ne pas avoir reporté la date de la convention ne constituait pas un trouble manifestement illicite, de même que la sanction qui avait été prise au regard notamment de la liste des faits pour lesquels cette commission pouvait être saisie sans qu’elle soit exhaustive et de la lettre d’engagement de M. [P], en date du 7 mai 2020, jointe à la convocation, aux termes de laquelle ce dernier s’était engagé, en contrepartie de sa réintégration à compter du 15 août 2020, après avoir été sanctionné par la commission d’éthique à la fin de l’année 2019, à cesser toute controverse en ce qui concerne le conseil d’administration et la tenue des assemblées générales, à ne pas relayer, par mail ou tout autre moyen, les controverses et critiques qui pourraient être initiés par tout membre, à ne pas s’immiscer dans la gestion directement ou indirectement, tout en s’excusant auprès du président et des membres du conseil d’administration, de sorte que M. [P] ne pouvait pas, avec l’évidence requise en référé, ne pas comprendre le grief formé contre lui tiré du non-respect de son engagement de neutralité envers le club.

Suivant déclaration transmise au greffe le 25 août 2023, M. [P] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle l’a débouté de ses demandes et l’a condamné aux dépens et à des frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 2 février 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, il demande à la cour :

– de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence et les fins de non-recevoir soulevées par l’intimée ;

– de débouter l’intimée de son appel incident formé de ces chefs ;

– d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a débouté de ses demandes et l’a condamné aux dépens et à des frais irrépétibles ;

– statuant à nouveau,

– de suspendre les effets de la sanction prononcée par la commission d’éthique le 7 décembre 2022 ;

– de dire qu’il bénéficie du droit de jeu au sein de la société Golf Club de [Localité 3] [Localité 5] ;

– de condamner l’intimée à l’accueillir au sein du club et lui permettre l’accès à l’ensemble des installations ;

– d’assortir la décision d’une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification ;

– de condamner l’intimée à lui verser une provision de 5 000 euros à valoir sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, moral et d’agrément ;

– de débouter l’intimée de ses demandes ;

– de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Concernant l’exception d’incompétence, il expose que dès lors que la sanction qu’il critique émane d’une commission d’éthique, organe indépendant, et non de la société, et que le litige porte, non pas sur sa qualité d’actionnaire, mais sur le fait qu’il a été privé de son droit d’accéder aux installations sportives à la suite d’une sanction disciplinaire, le tribunal de commerce n’est pas compétent pour connaître de l’affaire, et ce, d’autant que, dans le cadre d’une autre procédure similaire, l’intimée n’a soulevé aucune exception d’incompétence.

Concernant les fins de non-recevoir, il souligne qu’en l’absence de clause contractuelle expresse imposant une voie de recours obligatoire et préalable à la saisine du juge, il était en droit de saisir directement le juge des référés. En tout état de cause, il estime que, même à considérer que le recours en appel prévu par le règlement intérieur constitue une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge, l’absence de mise en oeuvre d’un tel recours n’est pas de nature à le priver de son droit d’agir en référé pour mettre un terme à un trouble manifestement illicite. Il souligne que la lettre de sanction ne fait même pas mention de l’existence d’une voie de recours. Enfin, dès lors que la sanction le concerne, il justifie d’un intérêt à agir.

Concernant le bien-fondé de ses demandes, il indique, qu’en tant qu’actionnaire de la société, il a un droit à l’exercice du jeu de golf et à l’accès aux installations sportives, tel que cela résulte de l’article 9.4.4 des statuts, de sorte que la décision qui a été prise constitue, de ce seul fait, un trouble manifestement illicite. Par ailleurs, il expose, qu’alors même qu’il était à jour du paiement de ses cotisations, ce qui est obligation pour les actionnaires, tel que cela résulte de l’article 9.4.5 des statuts, la sanction, qui le prive du droit de jeu, constitue, là encore, un trouble manifestement illicite. En tout état de cause, il expose que la sanction a été prononcée aux termes d’une procédure irrégulière sans le moindre fondement. Il soutient que la sanction est intervenue en violation de ses doits d’actionnaire et de la défense, a été prise par des membres partiaux et un organe dépourvu de compétence et n’est pas fondée. Plus particulièrement, il indique tout d’abord qu’en tant qu’actionnaire de la société, il dispose d’un droit de jeu et a l’obligation de régler une cotisation, tel que cela résulte des statuts, et ce, sans qu’on ne puisse lui opposer une prétendue qualité de membre qui pourrait lui être retirée. Il souligne que cette qualité de membre ne concerne que les personnes non-actionnaires. Ensuite, il affirmeque la procédure a été mise en oeuvre en violation de ses droits de la défense dès lors que la convocation ne précise aucun fait susceptible de donner lieu à sanction, qu’il a été apporté aucune réponse à sa demande de pièces, et notamment les mails dont il est fait état dans la convocation, et de délai pour préparer sa défense, et qu’il n’est prévu aucun recours à l’encontre de cette sanction à la lecture de la lettre. De plus, il indique que la commission était composée de personnes, et notamment de M. [B], qui l’a déjà sanctionné par le passé, de M. [F] et Mme [M], avec lesquels il est en conflit. En outre, il relève, qu’alors même que la commission d’éthique a pour objet de régler les questions relatives à l’utilisation des installations du club et à l’agrément de nouveaux actionnaires, les reproches qui lui sont faits n’entrent nullement dans le cadre défini par le règlement intérieur, qui ne vise pas un manquement à un engagement de neutralité. Il insiste sur le fait que la commission d’éthique ne pouvait lui retirer son droit de jouer en sa qualité d’actionnaire, conformément aux statuts. Enfin, il souligne, qu’alors même que la procédure a été initiée au regard de trois griefs, il apparaît que la sanction n’est intervenue que pour le prétendu manquement à son engagement de neutralité, et ce, alors même que la convocation ne précise pas sur quoi repose ce prétendu manquement.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 7 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] sollicite de la cour qu’elle :

– infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle n’a pas fait droit à son exception d’incompétence et ses fins de non-recevoir ;

– statuant à nouveau,

– ordonne l’incompétence du tribunal judiciaire de Grasse au profit du tribunal de commerce de Cannes ;

– renvoie M. [P] à mieux se pourvoir, la cour d’appel, qui saisie de l’appel d’une ordonnance du juge des référés, ne pouvant appliquer les dispositions de l’article 90 du code de procédure civile ;

– à titre subsidiaire, déclare M. [P] irrecevable en son action et demandes pour non-respect de la procédure contractuelle et pour défaut de qualité et intérêt à agir ;

– à titre infiniment subsidiaire, confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions ;

– en tout état de cause, renvoie M. [P] à mieux de pourvoir ;

– le déboute de ses demandes ;

– le condamne à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

– le condamne aux dépens de première instanceet d’appel, avec distraction au profit de Me Agnès Ermeneux, membre de la SCP Ermeneux-Cauchi § Associés du barreau d’Aix-en-Provence, aux offres de droit.

Concernant l’exception d’incompétence, elle se fonde sur les dispositions de l’article L 721-3 du code de commerce pour soutenir que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales, et notamment celles mettant en cause les relations entre une société commerciale et ses associés. Elle souligne que M. [P] soutient dans ses écritures que c’est en sa qualité d’actionnaire qu’il bénéficie du droit d’accéder aux installations sportives, ce qui est faux. Elle relève que M. [P], qui n’a pas perdu sa qualité d’associé, a toujours le droit de participer aux décisions collectives de la société en votant à chacune d’elle. Elle expose toutefois que, dès lors que M. [P] persiste à soutenir que c’est en sa qualité d’actionnaire qu’il a initié la présente procédure, seul le tribunal de commerce de Cannes est compétent pour connaître de l’affaire.

Concernant les fins de non-recevoir, elle expose que M. [P] ne pouvait saisir le juge des référés sans avoir épuisé les voies de recours dont il dispose aux termes de l’article 8 du règlement intérieur, dont les dispositions lui sont opposables. Par ailleurs, elle relève que le fait même pour M. [P] de ne pas avoir contesté la décision de sanction devant l’organe compétent a pour effet de rendre cette décision définitive, de sorte que M. [P] est irrecevable à demander la suspension d’une décision à l’encontre de laquelle il n’a pas voulu former de recours. Même à supposer que le délai de 15 jours n’a pas couru, comme n’étant pas mentionné dans la lettre de sanction, M. [P] ne peut en solliciter la suspension tant qu’il n’aura pas justifié avoir exercé la voie de recours dont il dispose.

Concernant le bien-fondé de ses demandes, elle insiste sur le fait que seule la qualité de membre de M. [P], qui lui permettait d’accéder aux installations, a fait l’objet d’un retrait définitif, et non sa qualité d’actionnaire qu’il n’a pas perdu. Elle considère donc qu’aucun trouble manifestement illicite ne résulte de sa perte de sa qualité d’actionnaire. Elle indique que la sanction qui a été prise de lui retirer définitivement sa qualité de membre, conformément à la procédure prévue dans les statuts et le règlement intérieur, s’explique par le fait que M. [P] n’a pas respecté ses engagements pris dans un courrier, en date du 7 mai 2020, annexé à sa convocation devant la commission d’éthique. Elle insiste sur le fait qu’alors même que M. [P] a été régulièrement convoqué à comparaître devant la commission d’éthique et qu’il a été informé des griefs formés à son encontre et de ses droits, ce dernier a fait le choix de ne pas comparaître, ni de se faire représenter, de sorte qu’il ne peut valablement soutenir ne pas avoir été en mesure de se défendre. En outre, elle expose que M. [P], qui a rédigé l’acte d’engagement, en date du 7 mai 2020, ne peut sérieusement soutenir qu’il ignorait les griefs qui lui étaient reprochés. Enfin, elle relève que ce dernier n’a exercé aucun recours à l’encontre de la sanction qui a été prise le 7 décembre 2022. Elle estime donc que, là encore, la preuve d’un trouble manifestement illicite n’est pas rapportée.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exception d’incompétence matérielle

L’article L 721-3 du code de procédure énonce que le tribunal de commerce connaît des contestations relatives :

– aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédits, entre sociétés de financement ou entre eux, dans l’exercice de leur profession ;

– aux sociétés commerciales ;

– aux actes de commerce entre toutes personnes.

L’article L 211-3 du code de l’organisation judiciaire indique que ce dernier connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction.

En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [P] est actionnaire de la société Contry Club de [Localité 3]-[Localité 5]. Cette qualité lui donne droit, en application de l’article 9.4 alinéas 1 et 2 des statuts aux bénéfices, de voter aux assemblées générales, d’être informé sur la marche de la société et d’obtenir communication de certains documents sociaux. Cette qualité le rend également responsable du passif social à concurrence de ses apports. En outre, l’alinéa 4 stipule que la propriété d’une action de catégorie A donne droit à l’exercice du jeu de golf et à l’accès aux installations sportives. Néanmoins, si elle est nécessaire à l’accès des installations sportives, elle n’entraîne cependant pas un droit à cet égard, les conditions d’accès à toutes les activités pratiquées au sein du GOLF COUNTRY CLUD DE [Localité 4] étant de la seule compétence de la commission sportive. L’alinéa 5 énonce qu’après aval de la commission sportive, le titulaire d’une action de catégorie A est admis à exercer le jeu du golf sur les installations sportives de la société. Cet accès donne lieu à une cotisation annuelle dite ‘cotisation de base’ dont le montant est fixé tous les ans par le Conseil d’Administration (…). Aux termes de l’alinéa 6, le conseil d’administration pourra permettre, par dérogation à ce qui précède, l’accès aux installations à des non-actionnaires à certaines conditions.

Le règlement intérieur indique, dans un article 2.2, qu’est réputé membre, toute personne ayant acquitté sa cotisation à la société anonyme du Golf Country de [Localité 3]-[Localité 5] en tant qu’actionnaire, concessionnaire (…), enfant et petit-enfant de membres actionnaires âgés de moins de 40 ans. Cet article stipule que la commission sportive peut refuser l’admission d’un membre sans devoir en préciser les motifs, cette décision étant sans appel. Le candidat, lors de son admission, doit alors verser un droit d’entrée ainsi que le prorata de la cotisation annuelle. L’article 2.3 stipule que l’adhésion confère au membre, à jour du règlement de ses cotisations, le droit d’utiliser les installations du golf pendant les heures ouvrables et selon les modalités rappelées au présent règlement intérieur (…).

Il en résulte que, si le fait d’être actionnaire de la société donne droit à l’exercice du jeu de golf et à l’accès aux installations sportives, c’est à la conditions d’avoir été admis en tant que membre par la commission sportive.

Il s’avère que la commission d’éthique a décidé, en application de l’article 8 du règlement intérieur, de sanctionner M. [P] par un retrait définitif de sa qualité de membre.

Si la perte de sa qualité de membre entraîne de facto l’interdiction pour M. [P] de pratiquer du golf sur les installations sportives de la société du Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5], cette décision n’a eu aucun impact sur ses autres droits et obligations résultant des statuts en tant qu’actionnaire de la société.

Dès lors que M. [P] a initié une action en référé afin d’obtenir la suspension de la sanction de retrait définitif de la qualité de membre qui a été prise à son encontre par la commission d’éthique de la société dans laquelle il détient des actions, ce litige, qui est étranger à la qualité d’actionnaire de M. [P], ne revêt aucune nature commerciale.

Il s’ensuit que les mesures sollicitées afin de faire cesser le trouble manifestement illicite que M. [P] affime subir ne relèvent pas de la compétence du tribunal de commerce mais du tribunal judiciaire.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence matérielle soulevée par la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5].

Sur les fins de non-recevoir

Il résulte de l’article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité à agir, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

Pour non-respect de la procédure contractuelle

Il est admis qu’une clause instituant une procédure préalable obligatoire à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.

En l’espèce, il est acquis que M. [P] a été sanctionné par la commission d’éthique en application de l’article 8 du règlement intérieur. Elle a le pouvoir de prononcer des sanctions, et notamment un avertissement écrit et le retrait temporaire ou définitif de la qualité de membre. Les décisions de sanction sont prises à la majorité d’au moins 5 voix. Seuls les retraits temporaire ou définitif peuvent faire l’objet d’un recours non suspensif en appel dans les 15 jours suivant la notification de la sanction devant le conseil d’administration qui devra entendre à nouveau l’ensemble des intervenants concernés. Les décisions du conseil d’administration, statuant en matière d’appel des décisions de la commission d’éthique, devront être prises à majorité des 3/4.

S’il en résulte que les décisions de retraits temporaires ou définitif de la qualité de membre peuvent faire l’objet d’un recours en appel dans les 15 jours suivant la notification de la sanction devant le conseil d’administration, il ne s’agit que d’une simple faculté.

Ainsi, en l’absence de clause instituant une procédure administrative d’appel obligatoire préalablement à la saisine du juge, il ne peut être reproché à M. [P] de ne pas avoir exercé la voie de recours prévue par le règlement intérieur.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] tirée de l’absence de respect d’une clause instituant un préalable obligatoire à sa saisine.

Pour défaut de qualité et d’intérêt à agir

En application de l’article 30 du même code, l’action est le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention.

L’article 31 du même code énonce que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article 32 du même code dispose qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

En l’espèce, M. [P] demande que des mesures soient prises pour faire cesser le trouble manifestement illicite qu’il subit, à savoir le retrait de sa qualité de membre et, dès lors, l’interdiction qui lui est faite, depuis la sanction prise à son encontre, d’utiliser les installations sportives de la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] dans laquelle il détient des actions.

Il justifie donc de sa qualité et de son intérêt à agir en justice afin qu’il puisse de nouveau avoir accès à ces installations.

L’existence du droit invoqué par M. [P] de jouir desdites installations en tant qu’actionnaire de la société intimée n’est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.

De même, étant donné que M. [P] argue de l’illicéité même du retrait définitif de sa qualité de membre de la société intimée, en ce qu’il aurait été décidé en violation de ses droits de se défendre et du règlement intérieur, la société intimée ne peut sérieusement se prévaloir de l’absence du droit de l’appelant d’agir en justice à son encontre en raison de la perte de sa qualité de membre.

Cela est d’autant plus vrai qu’il ne résulte aucunement du règlement intérieur, ni même de la lettre notifiant la sanction prise à son encontre, que l’appelant devait exercer une voie de recours préalable obligatoire, en interne, s’il entendait contester la décision prise à son encontre.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] tirée de l’absence de qualité et d’intérêt à agir de M. [P].

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite

Il résulte de l’article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si l’existence de contestations sérieuses sur le fond du droit n’interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite, l’absence d’évidence de l’illicéité du trouble peut en revanche justifier qu’il refuse d’intervenir. En effet, même lorsque le juge est appelé à faire cesser un trouble manifestement illicite, le trouble illicite doit être évident, comme doit l’être la mesure que le juge des référés prononce en cas d’urgence.

La cour doit apprécier l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l’exécution de l’ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède, et notamment de l’article 9.4 alinéa 4 des statuts de la société, que, si la qualité d’actionnaire de la société Golf Country Club de [Localité 3]-[Localité 5] est nécessaire à l’accès des installations sportices, elle n’entraîne cependant pas un droit à cet égard, les conditions d’accès à toutes les activités pratiquées au sein du GOLF COUNTRY CLUD DE [Localité 4] étant de la seule compétence de la commission sportive.

Dans ces conditions, M. [P] ne peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite résultant de l’interdiction qui lui est faire d’utiliser les installations sportives de la société dans laquelle il détient des actions en violation de ses droits en sa qualité d’actionnaire.

Il reste que M. [P] affirme que la décision de lui retirer de manière définitive sa qualité de membre a été prise par une commission partiale en violation de ses droits de la défense, outre le fait que cette sanction ne repose sur aucun élément de preuve.

Il résulte de l’article 8 du règlement intérieur que :

– la commission d’éthique est composée du président du conseil d’administration, de deux administrateurs, de quatre membres actionnaires, du président de l’association sportive et du directeur du golf ;

– elle peut être saisie par son président après doléance de l’un de ses membres, ou directement par le président du conseil d’administration ou celui de l’association sportive ;

– elle peut être saisie pour les faits suivants, sans que cette liste soit exhaustive : vols ; dégradations des installations du club ou des fichiers des membres, des outils de communication, de l’information et des vidéos ; utilisation abusive ou à des fins personnelles du site internet, des fichiers des membres, des adresses mails des membres ou de tout autre site émanant du club ; toute démarche commerciale unilatérale à l’attention des membres du club et non autorisée ; manquement aux règles du golf ou de l’étiquette ; tout fait quelconque à l’encontre de la société ou de l’un de ses membres de nature à engager la responsabilité civile ou pénale de leur auteur ;

– elle statue sur les faits reprochés après avoir reçu et entendu tous les intervenants concernés ;

– elle a le pouvoir de prononcer des sanctions, et notamment, à la majorité d’au moins 5 voix, un avertissement écrit et le retrait temporaire ou définitif de la qualité de membre.

En vertu de cet article, M. [P] a été convoqué, par courrier en date du 7 novembre 2022, à comparaître devant la commission d’éthique, le mercredi 23 novembre suivant, afin qu’elle statue sur les faits qui lui sont reprochés et prononce une éventuelle sanction. Il a été rappelé à M. [P] son droit d’être assisté et/ou représenté d’un avocat ou de toute personne de son choix, d’être accompagné d’un interprète et de déposer une argumentation en défense par écrit. Il a également été rappelé les dispositions de l’article 8 du règlement intérieur, et notamment les sanctions encourues.

Dans ce courrier de convocation, il est reproché à M. [P] trois faits, à savoir :

– L’envoi de nombreux mails mettant en cause la probité du Conseil d’Administration et de la Direction Générale, de faire en conséquence courir des rumeurs portant gravement atteinte à l’intégrité du Club, mettant ainsi à mal la bonne ambiance et la réputation [du] club.

– Le non-respect de [son] engagement de neutralité envers le Club.

– Par de nombreux membres, une incivilité revendiquée, contraire aux règles élémentaires de la politesse.

Cette lettre mentionne comme pièces jointes et consultables auprès de l’administration du golf une lettre d’engagement de M. [P] en date du 07/05/2020.

Aux termes de cette lettre, M. [P], après avoir rappelé les sanctions prononcées à son encontre par la commission d’éthique, à savoir le retrait temporaire de son adhésion jusqu’au 30 septembre 2020 lors d’une réunion en date du 12 décembre 2019 et le retrait définitif de son adhésion lors d’une réunion en date du 14 mars 2020, s’est engagé, en contrepartie de sa réintégration et de son droit de reprendre le jeu à compter du 15 août 2020, à :

– cesser immédiatement toute controverse, tant en ce qui concerne le conseil d’administration qu’en ce qui concerne la tenue des [assemblées générales] ;

– ne pas relayer par mail ou par tout autre moyen les controverses et critiques qui pourraient être initiées par tout membre ;

– exercer strictement [ses] droits d’actionnaires (…) et donc ne pas [s] immiscer dans la gestion directement ou indirectement par un intermédiaire ;

– régler le solde de [son] abonnement et [renoncer] à toute demande de remboursement par le club de [ses] frais de justice.

Il reconnaît également avoir utilisé l’action de son ex-femme comme si c’était la sienne et demande au président, aux membres du conseil d’administration et au président de l’association sportive d’accepter ses excuses si l’un des courriels qu’il a envoyés a été considéré comme étant abusif avec un langage inapproprié.

Par courrier en date du 21 novembre 2022, le conseil de M. [P] a relevé que la convocation qui a été adressée à son client ne précisait pas la manière dont la commission d’éthique avait été saisie, que les mails auxquels il était fait référence n’y étaient pas joints, que les rumeurs dont il était fait état n’étaient pas précisées, pas plus que la nature des incivilités et l’identité des membres concernés. Il a indiqué que, faute de ces éléments, son client n’était pas en mesure de préparer une éventuelle défense, et ce, d’autant qu’il contestait fermement les faits qui lui étaient reprochés. Il a demandé à ce que sa convocation soit reportée dès lors que le dossier n’était manifestement pas en état et compte tenu de son absence en France jusqu’au mois de mai 2023 sachant qu’il résidait en Suisse.

La commission d’éthique s’est réunie, comme prévue, le mercredi 23 novembre 2022, en présence de M. [E], président de la commission d’éthique, M. [F], président de la société, Mme [M], présidente de l’association sportive, M. [D], M. [R] et M. [B], membres de la commission d’éthique, M. [H] et M. [I], membres du conseil d’administration de la société, et M.[N], directeur général du golf de [Localité 3]-[Localité 5].

Si cette composition correspond, avec l’évidence requise en référé, à celle prévue par l’article 8 du règlement intérieur susvisé, il convient de relever que M. [P] n’a pas comparu ni n’était représenté.

La commission explique, dans son courrier en date du 7 décembre 2022, dans lequel elle notifie à M. [P] la décision qui a été prise, avoir décidé de ne pas ajourner la convocation dès lors que, contrairement à ce qu’il a soutenu, l’appelant a été vu au sein même du club les mardi 22 et jeudi 24 novembre 2022.

Il reste que le conseil de M. [P] motivait principalement sa demande de report par le fait que le dossier n’était manifestement pas en l’état et que les éléments portés à sa connaissance, dans le courrier de convocation, ne lui permettaient pas de préparer son éventuelle défense.

Sur ce point, il convient de relever que la commission a décidé de retirer définitivement la qualité de membre à M. [P] avec effet immédiat en ne retenant comme grief que celui relatif au non-respect de son engagement de neutralité envers le club. Elle explique que les autres faits, et notamment l’envoi de nombreux mails, n’ont pas été pris en compte, faute pour les mails en question d’avoir été joints à la convocation. En revanche, elle relève que, son avocat ne faisant pas allusion, dans son courrier, au grief relatif au non-respect de son engagement de neutralité envers le club, elle estime que ce dernier est établi comme n’étant pas contesté. Elle expose que M. [P] n’a pas cessé d’adresser au club un nombre considérable de mails contrevenant à ses engagements.

S’il n’appartient pas au juge de l’évidence de rechercher si la sanction disciplinaire prise à l’encontre d’un membre d’une structure procède d’un motif légitimant la mesure prise et/ou si les faits reprochés répondent à la définition des motifs résultant du règlement intérieur et sont suffisamment graves pour légitimer la sanction prononcée, il entre dans ses pouvoirs de prononcer sur l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite.

Or, tout en faisant grief à la commission d’éthique de ne pas préciser les rumeurs et incivilités qui lui sont reprochés ainsi que l’identité des membres qui s’en plaignent, le conseil de M. [P] relève, dans son courrier en date du 21 novembre 2022, que les mails auxquels elle se réfère ne sont pas joints à la convocation, et ce, alors même qu’il conteste fermement les faits qui y sont mentionnés, de sorte qu’il n’est pas en mesure de préparer sa défense.

L’intimée ne peut donc sérieusement soutenir que M. [P] a été sanctionné pour un fait, et en l’occurrence un non-respect de son engagement de neutralité envers le club, dont la matérialité n’a jamais été contestée.

De plus, si M. [P] s’est effectivement engagé, le 7 mai 2020, à ne pas relayer par mail ou par tout autre moyen les controverses et critiques qui pourraient être initiées par tout membre, l’intimée n’allègue ni ne démontre la communication à M. [P] par la commission d’éthique, avant que la sanction ne soit prise, du moindre mail révélant le non-respect de ses engagements, et ce, alors même qu’elle fait état dans sa lettre notifiant la sanction d’un nombre considérable de mails contrevenant ainsi à [ses] engagements. En effet, la lettre de convocation ne mentionne comme pièces jointes et consultables auprès de l’administration du golf que la lettre d’engagement de M. [P] en date du 07/05/2020. Les prétendus mails n’ont pas plus été produits dans le cadre de la présente instance.

Ce faisant, il n’est pas établie, avec l’évidence requise en référé, que la sanction qui a été prononcée à l’encontre de M. [P] l’a été au terme d’une procédure disciplinaire régulière respectant les droits de la défense et pour des agissements matériellement établis.

En effet, le fait même pour la commission d’éthique de ne pas avoir communiqué à M. [P] les éléments de preuve étayant les agissements qui lui étaient reprochés, et en particulier le grief qui a été retenu pour justifier la sanction prise à son encontre, et ce, alors même qu’il les a fermement contesté, a privé M. [P] de son droit de se défendre.

De plus, l’absence de preuve de la matérialité du grief retenu à l’encontre de M. [P] ne permet pas, à l’évidence, de légitimer la sanction qui a été prise, et ce alors même que l’article 8 du règlement intérieur ne confère aucun droit discrétionnaire à la commission d’éthique de prononcer une sanction à l’encontre d’un membre. Sa saisine n’est possible que si des agissements ont été commis. Si des précisions sont apportées sur un certain nombre d’entre eux, la liste qui y figure n’est pas exhaustive.

La sanction ayant été prise au terme d’une procédure disciplinaire violant, à l’évidence, les droits de la défense ainsi que le règlement intérieur, elle constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a considéré qu’aucun trouble manifestement illicite n’était caractérisé.

Dès lors que le juge des référés ne peut prononcer que les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, il y a lieu de suspendre les effets de la sanction prononcée par la commission d’éthique de la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5], par courrier en date du 7 décembre 2022, à l’encontre de M. [P].

En revanche, cette suspension ne privant pas le droit de l’intimée d’initier d’autres procédures pour non-respect du règlement intérieur, M. [P] sera débouté de sa demande tendant à l’enjoindre, sous astreinte, à le laisser exercer le jeu du golf sur les installations sportives de la société, sachant que cet accès découle de la mesure provisoire prononcée par la cour afin de faire cesser le trouble manifestement illicite.

Sur la demande de provision

Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

En l’espèce, dès lors qu’il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la régularité de la procédure disciplinaire qui a été mise en oeuvre et sur le bien-fondé de la sanction qui a été prise, mais uniquement de mettre un terme à un trouble manifestement illicite, le temps que la juridiction du fond éventuellement saisie ne tranche ces questions, l’obligation de la société intimée de réparer le préjudice subi par M. [P] par suite d’une sanction irrégulièrement ou injustement prononcée se heurte à une contestation sérieuse.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté M. [P] de sa demande de provision à valoir sur les préjudices matériel, moral et d’agrément.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [P], obtenant gain de cause en appel sur sa demande principale, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamné aux dépens et à verser à la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens.

L’intimée sera condamnée aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

L’équité commande en outre de la condamner à verser à M. [P] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens.

La société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5], partie perdante, sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise en ce que le premier juge a :

– s’est déclaré compétente et a rejeté l’exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce ;

– a jugé M. [P] recevable en ses demandes et a rejeté les fins de non-recevoir soulevées ;

– a débouté M. [P] de sa demande tendant à voir condamner la société Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] à lui règler une provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

L’infirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la suspension des effets de la sanction prononcée par la commission d’éthique de la SAS Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5], par courrier en date du 7 décembre 2022, à l’encontre de M. [W] [K] [P] :

Déboute M. [W] [K] [P] de sa demande tendant à enjoindre, sous astreinte, à la SAS Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] de le laisser exercer le jeu du golf sur ses installations sportives ;

Condamne la SAS Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] à verser à M. [W] [K] [P] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;

Déboute la SAS Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] de sa demande formée sur le même fondement ;

Condamne la SAS Golf Country Club de [Localité 3] [Localité 5] aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

La greffière Le président


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