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L’installation et l’exploitation d’un parc éolien ne peuvent être autorisées que si le projet ne méconnaît pas, notamment, l’exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants.
Pour rechercher si l’existence d’une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d’autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l’autorité administrative (le Préfet) d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l’installation est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.
En l’occurrence, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l’inspection des installations classées de la préfecture que le projet d’implantation d’éoliennes en litige, localisé à l’ouest de la vallée de la Gartempe, est situé, à l’échelle d’une aire d’étude éloignée, dans une zone vallonnée et boisée et dans un environnement proche sur un plateau, aux faibles ondulations, pour lequel l’échelle de perception visuelle, assez large, est marquée par des résidus de haies ou bosquets et des boisements.
Dans cette perspective, le volet paysager de l’étude d’impact relève, à juste titre, que le caractère plan de l’unité paysagère où se situe le parc éolien projeté offre, de par sa profondeur de champs, des perspectives relativement larges qui peuvent, a priori, s’accorder avec l’implantation d’ouvrages éoliens, et ce d’autant que les vues sont frontales sur les boisements et que le relief et les horizons arborés ferment certaines vues.
Toutefois, selon l’atlas de paysage cité par le ministre, la vallée de la Gartempe réunit, en un même lieu, les composants physiques essentiels du territoire naturel que sont le relief, l’eau, les diverses formes de végétation qui s’étagent depuis les rives jusqu’au rebord des plateaux et comprend de nombreux monuments historiques qui s’égrènent le long de cette vallée dite « des fresques » avec comme point d’orgue l’abbaye de Saint-Savin inscrite depuis 1983 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en raison de la richesse exceptionnelle de ses peintures murales romanes.
Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que le site d’implantation du projet présente un paysage de grande qualité.
Il résulte des photomontages produits que les éoliennes seront en co-visibilité depuis cette ancienne voie romaine avec la flèche gothique de l’abbaye de Saint-Savin, élément emblématique de ce paysage.
Le projet de parc éolien en litige porte ainsi atteinte au paysage au sens des dispositions de l’article L. 511-1 du code de l’environnement.
Dans ces conditions, en refusant de délivrer l’autorisation unique sollicitée pour ce motif, qui était à lui seul de nature à justifier le sens de la décision et alors qu’il ressort des pièces du dossier qu’elle aurait pris la même décision si elle ne s’était fondé que sur ce motif, la préfète de la Vienne n’a pas entaché sa décision d’erreur d’appréciation.
A noter que l’arrêté préfectoral ajoute que par décision du 4 juillet 2018, le comité du patrimoine mondial de l’Unesco a adopté une déclaration rétrospective de valeur universelle exceptionnelle prenant en compte la dimension paysagère de la flèche gothique et l’étude en cours du projet d’extension de la zone-tampon actuelle de près de 148 ha afin que soit défini un nouveau périmètre qui soit mieux à même de protéger les perspectives visuelles de l’abbaye.
L’arrêté relève, enfin, qu’il convient de préserver de tout impact les monuments objets de travaux de réhabilitation ayant vocation à renforcer l’attrait économique et touristique de leur secteur géographique d’implantation et fait mention des avis défavorables au projet des conseils municipaux des communes de La Puye, Lauthiers, Paizay-le-Sec, Saint-Savin et Vicq-sur-Gartempe et du commissaire-enquêteur.
Cet arrêté qui identifie les inconvénients du projet au regard de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait.
Par ailleurs, au regard des termes de cet arrêté, le moyen tiré de ce que son auteur se serait estimé lié par les avis défavorables rendus par certains conseils municipaux et par le commissaire-enquêteur et aurait ainsi commis une erreur de droit ne peut qu’être écarté.
Pour rappel, aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement :
« I. – A titre expérimental, (…) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent (…) soumises à l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement (…) ».
Aux termes de l’article 2 de la même ordonnance : « Les projets mentionnés à l’article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé »autorisation unique« (…) ». Par ailleurs, aux termes de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale : ” Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées (…) au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (…), avant le 1eer mars 2017 (…) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (…) les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; 2° Les demandes d’autorisation au titre (…) de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (…) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (…) « .
Enfin, aux termes de l’article 3 de l’ordonnance du 20 mars 2014 : » L’autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l’arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L 211-1 et L 511-1 du code de l’environnement (…) « .
Aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement dans a rédaction applicable :
« Sont soumis aux dispositions du présent titre (…) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (…) ».
CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 29 novembre 2022, 20BX00354, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2020 et un mémoire non communiqué enregistré le 21 juin 2021, la société Parc Eolien de la Bussière représentée par Me Gelas demande à la cour :
1°) d’annuler l’arrêté n° 2019 DCPPAT/BE-260 du 28 novembre 2019 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d’une autorisation unique pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien composé de six aérogénérateurs et d’un poste de livraison sur le territoire de la commune de La Bussière ;
2°) de lui délivrer l’autorisation d’exploiter sollicitée en l’assortissant, le cas échéant, des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à 1’article L. 511-1 du code de 1’environnement ;
3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer l’autorisation sollicitée dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– l’intervention des associations, communes et personnes physiques est irrecevable ;
– la décision attaquée est entachée d’erreur de droit car son auteur s’est estimé en situation de compétence liée par les avis défavorables rendus par certains conseils municipaux et par le commissaire enquêteur ;
– elle méconnaît les dispositions de l’article L. 511-1 du code de l’environnement ; la préfète, qui justifie l’atteinte paysagère au regard d’une covisibilité avec la flèche gothique de l’abbaye de Saint-Savin et d’autres parcs existants, ne s’interroge pas véritablement sur l’insertion paysagère du projet laquelle dépend de son implantation exacte, de la topographie des lieux et des masques naturels et bâtis existants ; le projet s’insère en réalité dans un paysage dépourvu d’intérêt particulier et ne porte pas atteinte aux sites et paysages et notamment à l’abbaye de Saint-Savin ; l’analyse de la coupe topographique permet de constater que le site de 1’abbaye de Saint-Savin étant situé dans une légère dépression à une altitude inférieure au projet, d’une part, et entouré de boisements, d’autre part, sa localisation limite fortement les rapports visuels au projet ; le photomontage réalisé atteste ainsi de ce que les éoliennes du projet ne seront tout simplement pas visibles depuis les hauteurs de Saint-Savin où l’on peut admirer la flèche de l’abbaye dès lors que le cadre bâti et végétal ferme les vues sur le projet ; l’impact du projet sur le site de Saint-Savin et son abbaye est donc nul ; la seule circonstance que l’abbaye de Saint-Savin fasse l’objet d’une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO est indifférente dans la mesure où le projet aura un impact nul sur ce lieu ; en l’absence de définition d’une zone-tampon spécifique à la demande de l’UNESCO, c’est, conformément au schéma régional des éoliennes de la région Poitou-Charentes, un périmètre de 6 kilomètres autour des sites qui a été délimité afin de prendre en compte le rapport de covisibilité avec l’éolien ; si l’étude paysagère relève que « des covisibilités sont à prévoir avec ce monument depuis les hauteurs de Saint-Savin », il s’agit uniquement des hypothèses formulées par le bureau d’études spécialisé au stade de l’étude de l’état initial qui ont été finalement écartées lors du bilan des impacts visuels du parc sur le paysage et les monuments environnants ; les nouveaux photomontages qu’elle produit démontrent qu’il n’existe aucune covisibilité entre l’abbaye et le parc éolien de La Bussière ;
– la demande de substitutions de motifs présentée par les intervenants est irrecevable et présente, au demeurant, un caractère infondé.
Par un mémoire en intervention enregistré le 16 avril 2021, l’association de défense de l’Environnement de Paizay et des Alentours (Adepa), l’association pour la préservation de l’environnement, des paysages, du patrimoine et la santé des habitants de Saint Pierre de Maillé et des communes avoisinantes (APEPS), la commune de Paizay-le-Sec, la commune de Lauthiers, M. A… le Coz, représentant unique, M. B… F… et M. G… de Cremiers, représentés par Me Boudy, avocat, demandent à la cour de rejeter la requête de la société Ferme Eolienne de la Bussière.
Ils font valoir :
– que la requête est irrecevable car elle est introduite par une société inexistante qui ne précise pas son numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et n’identifie pas son représentant légal ; le pétitionnaire d’origine est la société Parc éolien de la Bussière ;
– que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
– que d’autres motifs sont de nature à justifier le refus de délivrance de l’autorisation.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 avril 2021, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 21 juin 2021 à 12 heures.
L’association ADEPA, représentée par son président, M. A… le Coz, a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision du 17 septembre 2020 du bureau de l’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
L’association APEPS représentée par son président, M. K… D…, n’a pas été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle par décision du 17 juin 2021 du bureau de l’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’environnement ;
– l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement ;
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
– le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. I… J…,
– les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
– et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société Ferme éolienne de la Bussière, et les observations de Me Boudy, représentant l’association de défense de l’Environnement de Paizay et des Alentours (Adepa), l’association pour la préservation de l’environnement, des paysages, du patrimoine et la santé des habitants de Saint Pierre de Maillé et des communes avoisinantes (APEPS), la commune de Paizay-le-Sec, la commune de Lauthiers, M. K… D…, Mme E… M…, M. A… le Coz, Mme L… le Coz, M. B… F… et M. G… de Cremiers.
Une note en délibéré présentée pour la société Ferme éolienne de la Bussière a été enregistrée le 10 novembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne de la Bussière a déposé le 13 décembre 2016, une demande d’autorisation unique en vue de créer et d’exploiter, sur le territoire de la commune de La Bussière, une installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent, comprenant, d’une part, six aérogénérateurs d’une puissance nominale de 3 MW et d’une hauteur en bout de pale comprise entre 175 et 182 mètres et d’autre part, un poste de livraison. Par un arrêté du 28 novembre 2019, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande. La société Ferme Eolienne de la Bussière demande à la cour l’annulation de cet arrêté.
Sur les interventions :
2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond toute personne qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige.
3. L’association de défense de l’Environnement de Paizay et des Alentours (Adepa), a pour but la protection des espaces naturels, des paysages, des sites, du patrimoine bâti et non-bâti, de la faune, de la flore du département de la Vienne et des départements limitrophes, plus particulièrement de la commune de Paizay-le-Sec et des communes avoisinantes sur les pays du Montmorillonnais et du Chauvinois au nombre desquelles figure la commune de la Bussière. Dès lors, eu égard aux intérêts qu’elle se donne pour mission de défendre et au ressort géographique de son action, au cœur duquel se situe le projet d’implantation du site éolien en litige, cette association justifie d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions en défense, même postérieures, présentées, par l’Etat. Il en résulte que l’intervention collective présentée par cette association et les autres personnes est recevable.
Sur la légalité du refus d’autorisation d’exploiter :
4. D’une part, aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement : « I. – A titre expérimental, (…) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent (…) soumises à l’autorisation prévue à l’article L. 512-1 du code de l’environnement (…) ». Aux termes de l’article 2 de la même ordonnance : « Les projets mentionnés à l’article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé »autorisation unique« (…) ». Par ailleurs, aux termes de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale : ” Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées (…) au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (…), avant le 1eer mars 2017 (…) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (…) les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; 2° Les demandes d’autorisation au titre (…) de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (…) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (…) « . Enfin, aux termes de l’article 3 de l’ordonnance du 20 mars 2014 : » L’autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l’arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L 211-1 et L 511-1 du code de l’environnement (…) “.
5. D’autre part, aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement dans a rédaction applicable : « Sont soumis aux dispositions du présent titre (…) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (…) ».
6. En premier lieu, par l’arrêté attaqué, la préfète de la Vienne a refusé au visa, notamment, de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale et de l’arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, de délivrer à la société Parc Eolien de la Bussière une autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent.
Pour refuser de délivrer cette autorisation, la préfète a relevé que l’étude d’impact mentionne l’existence de covisibilités avec les parcs éoliens implantés à Saint-Pierre de Maillé, mis en service en décembre 2010 et en septembre 2017, et avec la flèche gothique de l’abbaye de Saint-Savin, abbaye inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1983, que le projet est implanté à environ 10,5 km de l’abbaye de Saint-Savin soit 6 km de moins que la distance d’éloignement des parcs de Saint-Pierre de Maillé par rapport à l’abbaye de Saint-Savin, que le projet est implanté sur un plateau d’une altitude d’environ 140 mètres, comparable à celle du plateau sur lequel sont localisés les parcs éoliens de Saint-Pierre de Maillé, et qu’il est composé d’éoliennes dont la hauteur maximale de 182 mètres, est supérieure de 26 mètres à la hauteur maximale des éoliennes composant les parcs éoliens de Saint-Pierre de Maillé.
L’arrêté en tire la conséquence que l’impact du projet en matière de visibilité vis-à-vis de l’abbaye de Saint-Savin, sera nécessairement supérieur à celui des parcs éoliens de Saint-Pierre de Maillé. L’arrêté ajoute que par décision du 4 juillet 2018, le comité du patrimoine mondial de l’Unesco a adopté une déclaration rétrospective de valeur universelle exceptionnelle prenant en compte la dimension paysagère de la flèche gothique et l’étude en cours du projet d’extension de la zone-tampon actuelle de près de 148 ha afin que soit défini un nouveau périmètre qui soit mieux à même de protéger les perspectives visuelles de l’abbaye. L’arrêté relève, enfin, qu’il convient de préserver de tout impact les monuments objets de travaux de réhabilitation ayant vocation à renforcer l’attrait économique et touristique de leur secteur géographique d’implantation et fait mention des avis défavorables au projet des conseils municipaux des communes de La Puye, Lauthiers, Paizay-le-Sec, Saint-Savin et Vicq-sur-Gartempe et du commissaire-enquêteur. Cet arrêté qui identifie les inconvénients du projet au regard de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait. Par ailleurs, au regard des termes de cet arrêté, le moyen tiré de ce que son auteur se serait estimé lié par les avis défavorables rendus par certains conseils municipaux et par le commissaire-enquêteur et aurait ainsi commis une erreur de droit ne peut qu’être écarté.
7. En second lieu, pour statuer sur une demande d’autorisation unique, il appartient à l’autorité administrative de s’assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l’exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l’existence d’une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d’autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l’installation est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.
8. D’une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l’inspection des installations classées de la préfecture de la Vienne en date du 24 octobre 2019 que le projet d’implantation d’éoliennes en litige, localisé à l’ouest de la vallée de la Gartempe, est situé, à l’échelle d’une aire d’étude éloignée, dans une zone vallonnée et boisée et dans un environnement proche sur un plateau, aux faibles ondulations, pour lequel l’échelle de perception visuelle, assez large, est marquée par des résidus de haies ou bosquets et des boisements. Dans cette perspective, le volet paysager de l’étude d’impact relève, à juste titre, que le caractère plan de l’unité paysagère où se situe le parc éolien projeté offre, de par sa profondeur de champs, des perspectives relativement larges qui peuvent, a priori, s’accorder avec l’implantation d’ouvrages éoliens, et ce d’autant que les vues sont frontales sur les boisements et que le relief et les horizons arborés ferment certaines vues.Toutefois, selon l’atlas de paysage cité par le ministre, la vallée de la Gartempe réunit, en un même lieu, les composants physiques essentiels du territoire naturel que sont le relief, l’eau, les diverses formes de végétation qui s’étagent depuis les rives jusqu’au rebord des plateaux et comprend de nombreux monuments historiques qui s’égrènent le long de cette vallée dite « des fresques » avec comme point d’orgue l’abbaye de Saint-Savin inscrite depuis 1983 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en raison de la richesse exceptionnelle de ses peintures murales romanes. Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que le site d’implantation du projet présente un paysage de grande qualité.
9. D’autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment des photomontages produits par la requérante, qu’à supposer même que le projet, qui est implanté à environ 10 km de l’abbaye de Saint-Savin, ne soit pas visible depuis les hauteurs de la ville de Saint-Savin, et qu’il se situe comme elle le prétend à 125 mètres d’altitude et non à 140 mètres, en contradiction avec le plan en coupe et le plan de masse des éoliennes qu’elle a fournis, il ressort toutefois du rapport de l’inspection des installations classées, que l’un des parcs éoliens de Saint-Pierre de Maillé, composé d’éoliennes de hauteur en bout de pales de 156 mètres, et localisé à plus de 16 km de l’abbaye de Saint-Savin située au fond de la vallée de la Gartempe, présente une co-visibilité avec ce monument.
L’implantation d’un nouveau parc à La Bussière constitué d’éoliennes d’une hauteur maximale supérieure de 26 mètres à celles du parc de Maillé et implanté à une distance de 10 km seulement de l’abbaye, sur un plateau d’une hauteur équivalente à celui de Maillé, dans le même axe de perception depuis les hauteurs de Saint-Savin, ne peut que renforcer les impacts visuels sur la flèche gothique de cette abbaye qui culmine à 77 mètres et est visible à plusieurs kilomètres à la ronde. Selon l’étude d’impact jointe au projet, la haute taille des éoliennes implique d’ailleurs une visibilité sur 19 kilomètres et elle précise expressément que des co-visibilités sont à prévoir avec l’abbaye même si elle ne contient aucun photomontage les illustrant, pas davantage d’ailleurs que l’étude complémentaire réalisée.
Or, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l’inspection des installations classées, que le comité du patrimoine mondial de l’Unesco, par une décision du 4 juillet 2018, a intégré la dimension paysagère de la flèche gothique de l’abbaye, en adoptant une déclaration rétrospective de valeur universelle exceptionnelle soulignant que non seulement cette abbaye témoigne de l’architecture romane occidentale avec ses volumes équilibrés mais aussi que sa flèche, élément indissociable de l’ensemble bâti, marque le paysage environnant par sa silhouette élancée. De même, selon les rapports établis par M. C… H…, paysagiste, les 14 avril 2015 et 31 octobre 2018 à la demande de la DRAC et du préfet de la Vienne, le clocher est visible depuis l’ancienne voie romaine située sur la commune de Saint-Germain et l’abbaye ne peut se comprendre que dans un ensemble géographique très vaste qu’il est important de prendre en compte pour en mesurer toute sa richesse et notamment ses liens avec les différentes terres qui s’égrènent le long de la Gartempe et sur les plateaux.
Il résulte enfin des photomontages produits par les intervenants, issus des annexes au rapport de l’inspection des installations classées sur le projet, que les éoliennes seront en co-visibilité depuis cette ancienne voie romaine avec la flèche gothique de l’abbaye de Saint-Savin, élément emblématique de ce paysage. A cet égard, si la requérante soutient que conformément au schéma régional éolien de la région Poitou-Charentes de juillet 2012, un périmètre de 6 kilomètres seulement autour des sites a été délimité afin de prendre en compte le rapport de covisibilité avec l’éolien, ce schéma prévoit toutefois en son point 6.1.5 « Les paysages emblématiques de la région » que ” […] La DRAC a dressé un inventaire des territoires les plus remarquables ayant dans leurs liens avec l’histoire de la région une valeur ou une représentativité particulière. La démarche de cet inventaire, similaire à celle mise en œuvre à l’occasion de la protection d’un monument, a eu pour but d’identifier les espaces dont la préservation des stigmates de la banalisation industrielle doit être un objectif public. Ces territoires sont identifiés comme zone ou espace très contraints où le développement de l’éolien est inadapté. A l’instar des monuments historiques, une zone périphérique dite de « sensibilité » a été identifiée autour de ces territoires, dont le périmètre a été également spécifiquement déterminé. Dans les espaces contraints en raison de la sensibilité qu’ils identifient, chaque projet éolien devra faire l’objet d’une évaluation approfondie de la valeur patrimoniale du paysage en tenant compte de la proximité des territoires emblématiques et des co-visibilités qu’il induit. “. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le projet de parc éolien en litige porte atteinte au paysage au sens des dispositions précitées de l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Dans ces conditions, en refusant de délivrer l’autorisation unique sollicitée pour ce motif, qui était à lui seul de nature à justifier le sens de la décision et alors qu’il ressort des pièces du dossier qu’elle aurait pris la même décision si elle ne s’était fondé que sur ce motif, la préfète de la Vienne n’a pas entaché sa décision d’erreur d’appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que la requête de la société Ferme Eolienne de la Bussière doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d’injonction et celles tendant à ce que l’Etat soit condamné au versement d’une somme d’argent au titre des frais de justice ne peuvent qu’être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L’intervention de l’association de défense de l’Environnement de Paizay et des Alentours (Adepa), et autres est admise.
Article 2 : La requête de la société Ferme Eolienne de la Bussière est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne de la Bussière, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. A… le Coz, en sa qualité de représentant unique des intervenants volontaires en application de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, comme désigné par courrier enregistré le 30 novembre 2020.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l’audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.
Le rapporteur,
Nicolas J… La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00354