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La divulgation d’un contrat de vente d’oeuvre d’art peut être ordonnée judiciairement si elle est nécessaire à la preuve de l’authenticité de l’oeuvre.
Le juge ne peut ordonner la production d’une pièce que si son existence est, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable (Civ. 2ème, 17 novembre 1993, pourvoi n° 92-12.922, Bull II n°330) et que si la partie à qui cette production est demandée la détient ou est en mesure de la détenir (Com, 26 février 2002, n°99-11.125, Bull. IV, n°40). En outre, le juge ne peut ordonner la production d’actes détenus par un tiers que si ces actes sont suffisamment déterminés (Civ. 2e, 15 mars 1979, pourvoi no 77-15.381, Bull. civ. II, no 88) et que la demande est accompagnée de précisions permettant d’identifier les pièces (Com. 12 mars 1979, Bull. civ. IV, no 97). C’est à la partie qui sollicite la production d’une pièce de prouver que le défendeur détient cette pièce : il ne peut être enjoint à une partie de produire un élément de preuve qu’elle ne détient pas (Com. 8 nov. 2023, pourvoi no 22-13.149, publié). Pour rappel, selon l’article 788 du code de procédure civile, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production de pièces. En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions. Aux termes de l’article 11, alinéa 2, du même code, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte et lui demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime. Selon les articles 138 et 139 de ce code, une partie peut demander au juge d’enjoindre à un tiers de produire une pièce à peine d’astreinte. |
Résumé de l’affaire :
Présentation des PartiesM. [O] [I], connu sous le nom de [R] [E], est un collectionneur d’art contemporain. L’association [G] [T] (appelée “AMD”) a pour mission la protection, la conservation et la promotion de l’œuvre de [G] [T], sans être titulaire du droit moral de l’artiste. Son président est M. [C]. Achat de l’ŒuvreEn 1988, M. [I] a acquis le “prototype” de l’œuvre “Fontain” de Marcel Duchamps pour 65.750 USD lors d’une vente organisée par Sotheby’s. Cette œuvre est un urinoir signé par l’artiste. Demande de Certificat d’AuthenticitéEn 2019, M. [I] a souhaité vendre l’œuvre et a demandé à Sotheby’s d’obtenir un certificat d’authenticité de l’AMD, qui a refusé de délivrer ce certificat en raison de doutes sur la provenance et la véracité de la signature. Refus de l’AMDLe 11 février 2019, l’AMD a opposé un premier refus, contestant les conditions de mise sur le marché de l’œuvre. Le 27 mars 2019, M. [C] a confirmé ce refus, arguant que l’œuvre était inachevée et que l’artiste ne souhaitait pas qu’elle soit divulguée. Assignation en JusticeFace à ce refus, M. [I] a assigné l’AMD devant le tribunal judiciaire de Paris le 27 juin 2022, demandant la délivrance d’un certificat d’authenticité sous astreinte de 500€ par jour de retard. Procédure JudiciaireLors de l’audience d’orientation du 27 septembre 2022, le juge a demandé à M. [I] de préciser le fondement de sa demande. Le 25 novembre 2022, M. [I] a modifié sa demande, affirmant que l’AMD avait une obligation contractuelle de délivrer le certificat. Incidents de ProcédureLe 20 février 2023, l’AMD a soulevé une exception de nullité concernant l’assignation. Le 3 août 2023, le juge a rejeté cette exception et la demande d’expertise de M. [I]. Demandes de Communication de PiècesLe 18 décembre 2023, M. [I] a demandé la communication de pièces justifiant les refus de l’AMD. En réponse, l’AMD a demandé le rejet de cette demande, arguant que M. [I] ne prouvait pas la nécessité de ces pièces. Arguments des PartiesM. [I] a soutenu que la production des pièces était essentielle pour établir la connaissance de l’œuvre par les ayants droit de l’artiste. L’AMD a rétorqué que M. [I] devait prouver la nécessité de ces documents et que sa demande était imprécise. Décision du JugeLe juge a statué que M. [I] ne pouvait pas prouver que l’AMD détenait les pièces demandées, et a débouté sa demande de production forcée pour la plupart des documents. Cependant, il a ordonné la production du contrat du 25 mai 1964, considérant son utilité pour le litige. Conclusion de l’AffaireLe juge a renvoyé l’examen de l’affaire à une audience ultérieure pour les conclusions au fond, tout en réservant les dépens et en rejetant les demandes d’indemnisation des parties. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1]
■
3ème chambre
1ère section
N° RG 22/07653
N° Portalis 352J-W-B7G-CXH3Y
N° MINUTE :
Assignation du :
27 juin 2022
INCIDENT
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 24 octobre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [O] [I]
[Adresse 2],
[Adresse 2],
[Localité 4] (GRÈCE)
représenté par Maître Corinne HERSHKOVITCH de la SELEURL CABINET CORINNE HERSHKOVITCH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0124
DEFENDERESSE
ASSOCIATION [G] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Céline DEGOULET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1307
Copies exécutoires délivrées le :
– Maître HERSHKOVITCH #B0124
– Maître DEGOULET #1307
Décision du 24 octobre 2024
N°RG 22/07653 – N°Portalis 352J-W-B7G-CXH3-Y
__________________________
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère vice-présidente adjointe
assistée de Madame Caroline REBOUL, greffière aux débats et de Madame Laurie ONDELE, greffière à la mise à disposition
DEBATS
A l’audience du 21 mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 27 juin 2024.
L’affaire fut prorogé et a été mis en délibéré le 24 octobre 2024.
ORDONNANCE
Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
1. M. [O] [I], dit [R] [E], se présente comme un collectionneur d’art contemporain.
2. L’association [G] [T] (ci-après ” AMD “) se présente comme ayant notamment pour objet la protection, la conservation et la promotion de l’œuvre de [G] [T] ainsi que le suivi de ses reproductions. Elle n’est pas titulaire, ni exécutrice du droit moral de [G] [T]. Son Président est M. [C].
3. M. [I] expose avoir fait l’acquisition en 1988, pour la somme de 65.750 USD, du “prototype” de l’oeuvre “Fontain” (fontaine) de [G] [T] (un urinoir revêtu de sa signature et présenté couché), lors de la vente organisée en 1988 par la société Sotheby’s de la collection d’oeuvres d’art d'[D] [H].
4. En 2019, souhaitant vendre cette oeuvre, M. [I] a fait appel à la société Sotheby’s, laquelle a sollicité de l’association [G] [T], dans le cadre de laquelle Mme [U] [V] [C], belle-fille de l’artiste et sa légataire universelle, et aujourd’hui ses descendants, exercent les prérogatives de l’auteur, l’établissement d’un certificat d’authenticité.
5. Par un courrier du 11 février 2019, l’AMD a opposé un premier refus à la délivrance du certificat d’authenticité. Elle a à ce titre contesté les conditions dans lesquelles l’œuvre avait été mise sur le marché. L’AMD a par la suite estimé qu’elle ne pouvait pas délivrer un tel acte en se fondant sur la provenance ou la véracité de la signature de l’artiste.
6. Par lettre du 27 mars 2019, M. [C], sur papier à en-tête de l’AMD, a officiellement refusé de délivrer le certificat, en raison du caractère inachevé de cette oeuvre que l’artiste n’aurait pas souhaité voir divulguée selon elle. L’AMD a, par la même occasion, demandé à consulter sur pièce l’urinoir litigieux.
7. Se plaignant du refus persistant de l’association de délivrer un certificat d’authenticité de l’oeuvre en cause, en dépit de l’authentification de la signature de l’artiste par une graphologue, M. [I] a, par acte d’huissier du 27 juin 2022, fait assigner l’association [G] [T] devant le tribunal judiciaire de Paris auquel elle demande de lui ordonner, en application de l’article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle, de lui délivrer un certificat d’authenticité pour l’œuvre litigieuse et ce, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.
8. A l’issue de l’audience d’orientation du 27 septembre 2022, la présidente a, conformément aux dispositions de l’article 782 du code de procédure civile, invité le demandeur à préciser le fondement de sa demande de délivrance d’un certificat d’authenticité au visa d’un texte relatif au droit de divulgation.
9. Le 25 novembre 2022, M. [I] a pris de nouvelles écritures, alléguant désormais que l’AMD aurait une obligation contractuelle de délivrer le certificat demandé.
10. Par des conclusions d’incident du 20 février 2023, l’association [G] [T] a saisi le juge de la mise en état d’un incident lui demandant de déclarer nulle l’assignation du 27 juin 2022.
11. Par ordonnance du 3 août 2023, le juge de la mise en état a écarté l’exception de procédure tirée de la nullité de l’assignation soulevée par l’AMD et rejeté la demande d’expertise présentée par M. [I].
12. Par conclusions du 18 décembre 2023, M. [I] a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de communication par l’AMD des pièces qui ont fondé les différents refus de délivrance du certificat d’authenticité.
13. Aux termes de ses conclusions d’incident n°2 notifiées par voie électronique le 19 avril 2024, M. [I] demande, aux visas des articles 11, 142, 143, 138, 139 et 788 du code de procédure civile, de :
– Ordonner la production forcée par l’AMD des pièces suivantes :
Les correspondances échangées entre [G] [T], [K] [T] et [S] [B] antérieurement à la réalisation de la série de ready-made de 1964-1965 ;L’intégralité du texte du contrat du 25 mai 1964 conclu par [G] [T] et [S] [B] ; Les correspondances intervenues postérieurement à la réalisation des ready-mades de 1964-1965 entre [K] [T] et [S] [B], notamment la lettre du 4 avril 1992;Tout document relatif à l’exposition organisée en 1973 au sein de la galerie [P] où plus d’une centaine d’œuvres de l’artiste ont été exposées, dont l’œuvre litigieuse ;Les correspondances afférentes à cette exposition entre la galerie [P] et [K] [T] ;Les correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [A] [P] en 2011, notamment le courriel du 23 mars 2011 ;Les correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [S] [B] concernant l’édition des ready-made de 1964-1965, en 2011 ou antérieurement ;
– Assortir cette production forcée d’éléments de preuve d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance ;
– Se réserver le pouvoir de liquidation de l’astreinte ;
– Condamner l’association [G] [T] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.
14. Aux termes de ses conclusions d’incident n°2 notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, l’association [G] [T] demande de :
A titre principal,
– Débouter M. [I] de sa demande de production forcée des pièces suivantes :
– les correspondances échangées entre [G] [T], [K] [T] et [S] [B] antérieurement à la réalisation de la série des ready-mades de 1964-1965 ;
– l’intégralité du texte du contrat du 25 mai 1964 conclu par [G] [T] et [S] [B] ;
– les correspondances intervenues postérieurement à la réalisation des readymades de 1964-1965 entre [K] [T] et [S] [B] ;
– tout document relatif à l’exposition organisée en 1973 au sein de la galerie [P] où plus d’une centaine d’œuvres de l’artiste ont été exposées, dont l’œuvre litigieuse;
– les correspondances afférentes à cette exposition entre la galerie [P] et [K] [T] ;
– les correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [A] [P] en 2011, notamment le courriel du 23 mars 2011 ;
– les correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [S] [B] concernant l’édition des ready-made de 1964-1965, en 2011 ou antérieurement ;
Subsidiairement
– Débouter M. [I] de sa demande d’assortir la production forcée d’une astreinte;
En tout état de cause :
– Condamner M. [I] :
– aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Céline Degoulet, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
– à payer à l’Association [G] [T] une somme de 6 500 euros au titre des frais de l’article 700 du code de procédure civile.
15. L’incident a été plaidé à l’audience du 21 mai 2024.
1° / Sur la communication forcée des pièces
Moyens des parties
16. Fondant sa demande de production forcée sur l’article 11 alinéa 2 du code de procédure civile et rappelant que le caractère vraisemblable des pièces est une condition nécessaire et suffisante, M. [I] expose que :
Il est tiers aux documents dont il sollicite la production, Il n’y a jamais eu accès, Leur production est indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, l’AMD se refusant à produire les documents qui ont servi de fondement à son refus initial de délivrer le certificat et dont elle fait mention dans ses courriers L’AMD est en possession certaine des documents relatifs à l’œuvre (les discussions sur les conditions de l’élaboration des multiples issus du tirage [B], le contrat du 25 mai 1964 conclu entre ce dernier et l’artiste, les documents relatifs à l’exposition dans la galerie [P] en 1973), mais aussi des correspondances entre M. [B] et [K] [T], entre [U] [V]-[C] et M. [P] et entre [U] [V]-[C] et M. [B].La demande de production de pièces est déterminée.Ces pièces permettront d’établir la connaissance par les premiers ayants-droit de l’artiste de l’œuvre et de sa circulation, ainsi que leur accord à la divulgation de l’œuvre.
17. L’AMD réplique qu’une partie ne peut recourir à une production forcée de pièces pour pallier sa propre carence dans l’administration de la preuve ; que c’est par principe au demandeur d’apporter la preuve des faits qu’il invoque et de démontrer le bien-fondé de ses prétentions au fond ; qu’il ne peut demander la production forcée que de pièces non seulement vraisemblables, mais également suffisamment déterminées et dont il doit prouver que le défendeur les détient de façon effective ; qu’il lui appartient enfin de prouver que les pièces sont indispensables à la démonstration de ses prétentions au fond. Elle soutient à cet égard que les demandes de M. [I] sont imprécises, qu’il ne prouve pas que la production de ces pièces est l’unique moyen de les obtenir, ni qu’elles sont indispensables pour sa démonstration.
Appréciation du juge de la mise en état
18. Selon l’article 788 du code de procédure civile, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production de pièces.
19. En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions.
20. Aux termes de l’article 11, alinéa 2, du même code, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte et lui demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime.
21. Selon les articles 138 et 139 de ce code, une partie peut demander au juge d’enjoindre à un tiers de produire une pièce à peine d’astreinte.
22. Il est jugé que le juge ne peut ordonner la production d’une pièce que si son existence est, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable (Civ. 2ème, 17 novembre 1993, pourvoi n° 92-12.922, Bull II n°330) et que si la partie à qui cette production est demandée la détient ou est en mesure de la détenir (Com, 26 février 2002, n°99-11.125, Bull. IV, n°40). En outre, le juge ne peut ordonner la production d’actes détenus par un tiers que si ces actes sont suffisamment déterminés (Civ. 2e, 15 mars 1979, pourvoi no 77-15.381, Bull. civ. II, no 88) et que la demande est accompagnée de précisions permettant d’identifier les pièces (Com. 12 mars 1979, Bull. civ. IV, no 97).
23. C’est à la partie qui sollicite la production d’une pièce de prouver que le défendeur détient cette pièce : il ne peut être enjoint à une partie de produire un élément de preuve qu’elle ne détient pas (Com. 8 nov. 2023, pourvoi no 22-13.149, publié).
24. En l’espèce, M. [I] demande à l’AMD la production des pièces suivantes :
(a) Les correspondances échangées entre l’artiste, [K] [T] et M. [B] avant la réalisation de la série de ready-made de 1964-1965,(b) Le contrat du 25 mai 1964 conclu par l’artiste avec M. [B],© Les correspondances intervenues postérieurement à la réalisation des ready-made de 1964-1965 entre [K] [T] et M. [B],(d) Tout document relatif à l’exposition des œuvres de l’artiste, parmi lesquelles celle litigieuse, à la galerie [P] en 1973,(e) Les correspondances afférentes à cette exposition entre la galerie et [K] [T],(f) Les correspondances entre [U] [V]-[C] et [A] [P] en 2011, notamment le courriel du 23 mars 2011, (g) Les correspondances entre [U] [V]-[C] et [B] concernant l’édition des ready-made de 1964-1965 en 2011 ou antérieurement.
25. En premier lieu, il apparaît que la demande de production porte sur des pièces qui, bien que leurs auteurs soient précisés ([U] [V]-[C], MM. [P] et [B], Mme [K] [T]), de même que certaines dates (” en 2011 “, ” la série de ready-made 1964-1965 “, ” le courriel du 23 mars 2011 “), ainsi que le contexte des pièces recherchées (” relatif à l’exposition organisée en 1973 au sein de la galerie [P] “), apparaissent insuffisamment identifiées.
26. Ainsi, M. [I] invoque l’existence d’une correspondance en vue de la production du tirage [B] entre ce dernier et [K] [T] ainsi que [G] [T]. Toutefois, sa demande n’est pas accompagnée de précisions permettant d’identifier les pièces dont il est seulement précisé qu’elles doivent être antérieures à la réalisation de la série de ready-made. En outre, le demandeur n’établit pas suffisamment la vraisemblance de la détention de cette correspondance par l’AMD.
27. Il se prévaut également du courrier de l’AMD du 11 février 2019 qui évoque des ” échanges entre [S] [B] et [K] [T], la veuve de l’artiste “, qui sont certes corroborés par la lettre d'[K] [T] adressée le 4 avril 1992 à M. [B] reproduite partiellement dans l’ouvrage ” Remaking the ready-made ” d’une spécialiste de l’œuvre de l’artiste, et dans laquelle [K] [T] évoque une pluralité de lettres échangées avec M. [B]. Cependant, si une correspondance entre ces deux personnes apparaît donc vraisemblable, sa production forcée vise une période indistincte de plusieurs années, puisqu’elle couvre les correspondances ” postérieures à la réalisation des ready-made de 1964-1965 “, étant observé qu’à l’inverse de la lettre du 4 avril 1992, il n’est pas non plus établi par M. [I], sur qui repose la charge de la preuve, que l’ensemble des correspondances dont il est demandé la production soit détenu dans les archives de l’AMD.
28. S’agissant des correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [A] [P], M. [I] soutient qu’il ne fait aucun doute qu’il existe une correspondance entre [S] [B] et [U] [V]-[C] motif pris que cette dernière a été en contact avec [A] [P] comme il résulte du courriel du 23 mars 2011 dont fait mention la lettre de l’AMD à Sothebys en date du 27 mars 2019. Toutefois, si une telle correspondance paraît vraisemblable en 2011, il n’est justifié d’aucun élément permettant d’étayer la vraisemblance à tout le moins de son existence pour la période qui lui est antérieure, comme la réalité de sa détention dans les archives de l’AMD.
29. Quant aux documents relatifs à l’exposition organisée en 1973 au sein de la galerie [P], M. [I] postule que la détention du catalogue de l’exposition par l’AMD s’accompagnerait nécessairement d’autres documents afférents à l’exposition, tels que des échanges en amont ou postérieurs, sans que toutefois aucun élément ne vienne étayer plus précisément l’existence sinon établie, du moins vraisemblable, d’une ou plusieurs de ces pièces et de leur détention par l’AMD à qui leur production est demandée.
30. M. [I] sera donc débouté de sa demande de production forcée en ce qu’elle porte sur les correspondances et sur les documents relatifs à l’exposition de 1973.
31. En second lieu, la demande de production forcée du contrat du 25 mai 1964 conclu par [G] [T] avec [S] [B] porte sur une pièce déterminée et identifiée de manière précise, dont l’existence n’est de surcroît pas contestée par l’AMD. Celle-ci conteste toutefois l’utilité de cette pièce à la solution du litige au fond.
32. En l’occurrence, aux termes du dispositif de ses écritures au fond, M. [I] demande à titre liminaire de constater l’authenticité de la signature apposée par [G] [T] sur l’œuvre dite “prototype” et que cette signature manifeste la volonté de l’artiste de divulguer l’œuvre ; à titre principal de constater que l’œuvre a circulé librement depuis 1973, sans qu’aucune opposition n’ait été soulevée par [K] [T], héritière de l’artiste, qui a ainsi manifesté son assentiment à la divulgation de l’œuvre et que le droit de divulgation s’est ainsi épuisé par la première communication de l’œuvre au public, en 1973, ce qui rend son exercice par l’AMD impossible, de constater que celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles et de prononcer en conséquence, l’exécution forcée du contrat consistant en la délivrance du certificat d’authenticité.
33. Il soutient à juste titre que le litige au fond porte tant sur l’authenticité de l’œuvre que sur sa divulgation, dont la preuve nécessite la production du contrat litigieux, en sorte que cette demande se rapporte directement à la solution du litige au fond, peu important qu’il ait pu obtenir par un autre moyen la reproduction de l’objet du contrat dès lors que l’accès à l’intégralité du contrat n’est en tout état de cause ni démontrée, ni même alléguée, ou qu’il ait supprimé de ses précédentes écritures d’incident l’affirmation selon laquelle le prototype de la série n’était pas été envisagé dans le contrat, une telle affirmation ayant été formulée en l’occurrence avec prudence – ” il semble que… “.
34. Il apparaît en conséquence suffisamment établi au regard de ces éléments que la production du contrat dans son intégralité s’avère utile à la solution du litige au fond, sans qu’il soit nécessaire de l’assortir d’une astreinte dès lors que le tribunal peut tirer toutes conséquences du défaut de communication de cette pièce dans l’appréciation du refus reproché à l’AMD de délivrer le certificat d’authenticité.
35. Aucune considération tirée de l’équité justifie l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
36. Les dépens de l’instance d’incident seront réservés.
37. L’examen de l’affaire sera renvoyé à la mise en état pour les conclusions au fond en réplique de M. [I] et celles en duplique de l’AMD dans les termes du présent dispositif.
Le Juge de la mise en état,
Déboute M. [I] de sa demande de production forcée des pièces suivantes :
Les correspondances échangées entre [G] [T], [K] [T] et [S] [B] antérieurement à la réalisation de la série de ready-made de 1964-1965 ;Les correspondances intervenues postérieurement à la réalisation des ready-mades de 1964-1965 entre [K] [T] et [S] [B], notamment la lettre du 4 avril 1992;Tout document relatif à l’exposition organisée en 1973 au sein de la galerie [P] où plus d’une centaine d’œuvres de l’artiste ont été exposées, dont l’œuvre litigieuse ;Les correspondances afférentes à cette exposition entre la galerie [P] et [K] [T] ;Les correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [A] [P] en 2011, notamment le courriel du 23 mars 2011 ;Les correspondances échangées entre [U] [V]-[C] et [S] [B] concernant l’édition des ready-made de 1964-1965, en 2011 ou antérieurement ;
Ordonne la production forcée par l’Association [G] [T] de l’intégralité du texte du contrat du 25 mai 1964 conclu par [G] [T] et [S] [B] ;
Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du 14 janvier 2025 pour les conclusions au fond en réplique du demandeur avant le 30 novembre 2024 (date relais) et en duplique de l’AMD avant le 30 décembre 2024 (date relais) ;
Rejette les demandes des parties formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Réserve les dépens.
Faite et rendue à Paris le 24 Octobre 2024
La Greffière La Juge de la mise en état
Laurie ONDELE Anne-Claire LE BRAS