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Face à des abus de majorité ou une dévalorisation volontaire des parts sociales par augmentations successives du capital social, les associés lésés peuvent obtenir une expertise.
En la cause, les mouvements de fonds, s’agissant non seulement du fonds de commerce mais également des autres associés, tels que mis en évidence par les bilans dont s’agit, n’ont pas d’explication claire, en l’état des éléments contraires développés par les parties, de sorte qu’il apparaît justifié, au regard de la collusion ou des abus de majorité invoqués par Mme [T] [C] épouse [F] et sans qu’il soit contrevenu aux dispositions de l’article 144 du code de procédure civile, de procéder à toutes vérifications utiles. L’expertise sollicitée présente un intérêt en ce qu’elle est de nature à renseigner la cour sur la situation comptable exacte de la SCI LES ROUSSIGNOLES et à permettre d’apprécier l’intérêt social de celle-ci à recourir à de telles augmentations |
Résumé de l’affaire : La procédure d’appel concerne une affaire inscrite sous le numéro RG 23/00714, suite à un jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 18 novembre 2022. Ce jugement a rejeté les demandes en dommages-intérêts de Mme [T] [C] épouse [F], a accepté sa demande de retrait de la SCI LES ROUSSIGNOLES, et a fixé un délai de deux mois pour que les associés s’accordent sur le prix des droits sociaux de Mme [T] [C]. En cas de désaccord, la partie la plus diligente pourrait saisir le tribunal. La demande de Mme [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée, et elle a été condamnée aux dépens. Mme [T] a interjeté appel le 23 février 2023.
Le 30 octobre 2023, elle a délivré une assignation en intervention forcée à Mme [V] [C] et Mme [L] [C] en tant qu’ayants droit de Mme [M] [U] décédée. Des conclusions d’incident aux fins d’expertise ont été notifiées le 14 mai 2024, suivies de nouvelles conclusions le 24 juin 2024, demandant une expertise et un sursis à statuer. Les défendeurs ont contesté la demande d’expertise, la qualifiant de nouvelle et irrecevable, et ont demandé à ce qu’il n’y ait pas lieu à expertise. Lors de l’audience du 25 juin 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise, désignant M. [P] [G] pour la réaliser. L’expert devra examiner divers aspects financiers et juridiques liés à la SCI LES ROUSSIGNOLES, notamment les créances et les relations avec la « Pharmacie [C] ». Il devra également évaluer les préjudices et l’impact des flux financiers sur les augmentations de capital critiquées par Mme [T]. L’expert doit soumettre un rapport dans un délai de cinq mois après la consignation de 3.000 EUR à verser par Mme [T] pour couvrir ses frais. Un sursis à statuer a été prononcé en attendant le rapport d’expertise. Les dépens ont été réservés. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE NÎMES
2ème chambre section A
ORDONNANCE N° :
N° RG 23/00714 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IXJ4
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES, décision attaquée en date du 18 Novembre 2022, enregistrée sous le n° 20/04491
Madame [T] [C] épouse [F]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentant : Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
APPELANT
Monsieur [B] [Z] [C]
[Adresse 9]
[Localité 7] PORTUGAL
Représentant : Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES – Représentant : Me Nathalie ALLIER, avocat au barreau de TARASCON
Monsieur [P] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES – Représentant : Me Nathalie ALLIER, avocat au barreau de TARASCON
SCI LES ROUSSIGNOLES société civile immobilière immatriculée au RCS de NIMES sous
le N°331 375 105 prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es-qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES – Représentant : Me Nathalie ALLIER, avocat au barreau de TARASCON
INTIMES
[L] [C] épouse [E]
assignée en intervention forçée à domicile le 27 octobre 2023,
[V] [C]
assignée en intervention forçée à étude d’huissier le 30 octobre 2023
INTERVENANTES
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
ORDONNANCE
Nous, André LIEGEON, magistrat de la mise en état, assisté de Céline DELCOURT, Greffier, présent lors des débats tenus le 25 Juin 2024 et du prononcé,
Vu les débats à l’audience d’incident du 25 Juin 2024, les parties ayant été avisées que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES en date du 18 novembre 2022 ayant :
rejeté les demandes en dommages-intérêts de Mme [T] [C] épouse [F],
fait droit à la demande de retrait de la SCI LES ROUSSIGNOLES pour justes motifs formée par Mme [T] [C] épouse [F],
dit que les associés de la SCI LES ROUSSIGNOLES disposeront d’un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir pour s’accorder sur le prix des droits sociaux de Mme [T] [C] épouse [F], à défaut de quoi la partie la plus diligente pourra saisir le président du tribunal judiciaire de NÎMES en application de l’article 1843-4 du code civil,
rejeté la demande de Mme [T] [C] épouse [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que Mme [T] [C] épouse [F] supportera la charge des dépens,
rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire ;
Vu l’appel interjeté le 23 février 2023 par Mme [T] [C] épouse [F] ;
Vu l’assignation en intervention forcée délivrée le 30 octobre 2023 par Mme [T] [C] épouse [F] à Mme [V] [C] et Mme [L] [C] épouse [E] en leur qualité d’ayants droit de Mme [M] [U] épouse [C], décédée ;
Vu les conclusions d’incident aux fins d’expertise de Mme [T] [C] épouse [F] notifiées par RPVA le 14 mai 2024 ;
Vu les dernières conclusions d’incident de Mme [T] [C] épouse [F] notifiées par RPVA le 24 juin 2024 aux termes desquelles il est demandé au conseiller de la mise en état d’ordonner une expertise, de réserver les dépens et d’ordonner, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise à intervenir ;
Vu les conclusions d’incident en réponse de M. [B] [C], M. [P] [C] et la SCI LES ROUSSIGNOLES notifiées par RPVA le 21 juin 2024 aux termes desquelles il est demandé au conseiller de la mise en état de :
vu les dispositions des articles 564, 914 du code de procédure civile,
débouter Mme [T] [C] épouse [F] de sa demande d’expertise formée pour la première fois en cause d’appel, s’agissant d’une demande nouvelle irrecevable,
vu l’article 144 du code de procédure civile,
dire et juger n’y avoir lieu à expertise, la cour d’appel disposant d’éléments suffisants pour statuer,
condamner Mme [T] [C] épouse [F] aux entiers dépens ;
Vu les débats à l’audience du 25 juin 2024 ;
SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE D’EXPERTISE
Aux termes de leurs écritures, M. [B] [C], M. [P] [C] et la SCI LES ROUSSIGNOLES soutiennent que la demande d’expertise est irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile, s’agissant d’une demande nouvelle présentée pour la première fois en cause d’appel.
L’article 564 du code de procédure civile dispose : « A peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
L’article 565 ajoute : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
Enfin, l’article 566 du code de procédure civile énonce : « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »
En l’occurrence, la demande d’expertise se rattache directement aux demandes indemnitaires de Mme [T] [C] épouse [F] développées en première instance en ce qu’elle a pour objet de vérifier les mouvements de compte intervenus entre la SCI LES ROUSSIGNOLES et les associés majoritaires et la « pharmacie [C] », lesquels sont susceptibles, selon l’appelante, de caractériser l’existence d’une collusion frauduleuse et/ou d’abus de majorité, et en constitue en conséquence le complément, tendant également aux mêmes fins.
Il s’ensuit que la demande d’expertise est recevable.
SUR LE BIEN-FONDE DE LA DEMANDE D’EXPERTISE
Par acte du 1er octobre 2020, Mme [T] [C] épouse [F] a assigné M. [B] [C], M. [P] [C], Mme [M] [U] épouse [C] et la SCI LES ROUSSIGNOLES aux fins d’obtenir la condamnation solidaire des trois premiers au paiement de la somme de 20.000 EUR au titre du préjudice subi du fait de la perte de ses droits politiques dans la SCI LES ROUSSIGNOLES, et la condamnation solidaire de M. [B] [C] et M. [P] [C] au paiement de la somme de 784.438,78 EUR au titre de la perte de valeur subi, considérant que les diverses augmentations de capital votées à hauteur d’une somme totale de 1.600.000 EUR procédaient d’un abus de majorité. En outre, Mme [T] [C] épouse [F] sollicitait l’autorisation de se retirer de la SCI LES ROUSSIGNOLES et la désignation d’un expert chargé d’évaluer ses parts sociales.
Par jugement du 18 novembre 2022, le tribunal judiciaire de NÎMES a fait droit à la demande de retrait, invitant par ailleurs les parties, à défaut d’accord sur le prix des droits sociaux, à saisir le président du tribunal judiciaire de NÎMES au visa de l’article 1843-4 du code civil, mais a rejeté les demandes indemnitaires au motif que Mme [T] [C] épouse [F] ne démontrait pas que les augmentations de capital avaient porté atteinte à l’intérêt social de la SCI LES ROUSSIGNOLES et que le seul objectif poursuivi était de diluer son poids au sein de la société.
Les bilans des années 2021 et 2022 communiqués à l’occasion de l’expertise ordonnée au visa de l’article 1843-4 du code civil, font état non seulement de créances de la SCI LES ROUSSIGNOLES à l’encontre de la « pharmacie [C] » à hauteur d’une somme de 600.000 EUR, mais également à l’encontre de M. [B] [C], M. [P] [C] et des époux [M] et [Z] [C] aujourd’hui décédés. Cette dernière expertise n’a pas pour objet de se prononcer sur le préjudice subi par Mme [T] [C] épouse [F] du fait des abus de majorité qu’elle reproche aux associés majoritaires, mais uniquement de se prononcer sur la valeur des parts sociales dont elle est titulaire à la date la plus récente, sans possibilité en conséquence pour l’expert saisi de se prononcer sur l’existence d’éventuels abus de majorité ou fraudes. Il s’ensuit que son objet est distinct des causes de l’appel formé par Mme [T] [C] épouse [F] qui reproche à ses associés majoritaires des abus de majorité, et il ne peut, dans ces conditions, lui être fait grief de ne pas avoir fait appel de la décision ayant prononcé son retrait, étant encore observé que le tribunal ayant fait droit à sa demande sur ce point, elle n’avait aucun intérêt à interjeter appel de ce chef.
En outre, ces mouvements, s’agissant non seulement de la « pharmacie [C] » mais également des autres associés, tels que mis en évidence par les bilans dont s’agit, n’ont pas d’explication claire, en l’état des éléments contraires développés par les parties, de sorte qu’il apparaît justifié, au regard de la collusion ou des abus de majorité invoqués par Mme [T] [C] épouse [F] et sans qu’il soit contrevenu aux dispositions de l’article 144 du code de procédure civile, de procéder à toutes vérifications utiles. En outre, il sera observé que l’argumentation développée au fond par l’appelante au soutien de sa demande en dommages-intérêts reposant principalement sur le caractère abusif des augmentations de capital, l’expertise sollicitée présente un intérêt en ce qu’elle est de nature à renseigner la cour sur la situation comptable exacte de la SCI LES ROUSSIGNOLES et à permettre d’apprécier l’intérêt social de celle-ci à recourir à de telles augmentations.
En considération de ces éléments, il sera donc fait droit à la demande d’expertise de Mme [T] [C] épouse [F] à ses frais avancés.
Le conseiller de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire :
ORDONNE une expertise et COMMET pour y procéder M. [P] [G],[Adresse 3], avec pour mission de :
convoquer les parties et leurs conseils,
se faire remettre tous documents, notamment toutes pièces comptables utiles à l’exercice de sa mission, en prendre connaissance,
entendre tout sachant et notamment l’expert-comptable de la structure,
déterminer, depuis l’exercice clos le 31 décembre 2012, la date, la durée et les conditions dans lesquelles les associés majoritaires et la «Pharmacie [C] » sont devenus débiteurs de la SCI LES ROUSSIGNOLES, ainsi que les actions entreprises par la SCI LES ROUSSIGNOLES en vue de recouvrer ces créances,
déterminer l’identité de toutes personnes – physiques ou morales – débitrices de la société, et désignée dans les comptes par la «Pharmacie [C] »,
décrire les liens juridiques, financiers et comptables existants entre la « Pharmacie [C] » et la SCI LES ROUSSIGNOLES,
décrire les flux financiers ayant généré l’inscription de toutes ces créances dans la comptabilité de la SCI LES ROUSSIGNOLES,
Et de manière générale :
donner son avis sur la sincérité et la régularité de l’inscription des créances et des opérations juridiques dont elles résultent et / ou qu’elles ont engendrées,
donner son avis sur la sincérité des explications données par la gérance sur la situation de la société lors des assemblées générales annuelles en considération de ces flux financiers,
le cas échéant, rechercher et décrire l’éventuelle implication de chaque associé ayant conduit à l’inscription de ces créances en comptabilité et aux éventuelles opérations préalables ou subséquentes,
plus généralement, rechercher et décrire toutes irrégularités juridiques, comptables et financières de la comptabilité tenant à l’existence de ces flux financiers,
donner son avis sur les préjudices induits tant pour la société que le cas échéant pour ses associés,
donner son avis sur l’incidence éventuelle de ces flux financiers au regard de la question des augmentations de capital opérées objet des critiques de Mme [T] [C] épouse [F] au titre de l’abus de majorité,
DIT que l’expert fera connaître sans délai au greffe de la cour d’appel de NÎMES (service des expertises) son acceptation et qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera pourvu à son remplacement, par simple ordonnance sur requête,
DIT que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 242 et suivants du code de procédure civile,
DIT que l’expert pourra, s’il l’estime nécessaire, recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne,
DIT que l’expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,
DIT que Mme [T] [C] épouse [F] devra consigner au greffe de la cour d’appel de NÎMES par chèque libellé à l’ordre du Régisseur d’avances et de recettes de la cour, dans le délai d’un mois à compter de l’avis donné par ce greffe en application de l’article 270 du code de procédure civile, la somme de 3.000 EUR destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l’expert,
RAPPELLE qu’en application de l’article 271 du code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque,
DIT que lors de la première ou, au plus tard, de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
DIT que l’expert devra déposer au greffe de la cour d’appel de NÎMES l’original ainsi qu’une copie de son rapport dans un délai de cinq mois à compter de l’avis de versement de la consignation qui lui sera donné par ce greffe,
DIT que l’expert adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération, à chacune des parties conformément à l’article 173 du code de procédure civile,
DIT que l’expert mentionnera dans son rapport les destinataires auxquels il l’aura adressé,
DIT qu’il sera sursis à statuer au fond dans l’attente du dépôt du rapport,
RESERVE les dépens.
LA GREFFIERE LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT