Augmentation de capital : décision du 8 décembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02895
Augmentation de capital : décision du 8 décembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02895
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AC/SB

Numéro 22/4322

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 08/12/2022

Dossier : N° RG 21/02895 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H7A5

Nature affaire :

Contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

Société G HOLDING FRANCE GMBH,

SA GRAMAX CAPITAL AG

C/

[D] [R],

Société SONAE INDUSTRIA,

SELARL EKIP

Association UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 2],

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 13 Octobre 2022, devant :

Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Dans l’affaire opposant :

APPELANTES :

Société G HOLDING FRANCE GMBH agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Léopoldstr. 11a

[Localité 7]

SA GRAMAX CAPITAL AG agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 11]

[Localité 7]

Représentées par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, Maître ZSCHUNKE et Maître ADDA, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [D] [R] ès qualité d’ayant droit de Monsieur [L] [O], décédé le 1er février 2019

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non représentée, assignée

Société SONAE INDUSTRIA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Adresse 5]

Représentée par Maître DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU et Maître SERRES VAN GAVER de la SCP VAUGHAN AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

SELARL EKIP venant aux droits de la SELARL [C] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS DARBO

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Maître PARGALA de la SELARL AURELIE PARGALA, avocat au barreau de TARBES, et Maître KEROUAZ de la SCP KEROUAZ – NK, avocat au barreau de PARIS

Association UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 2]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 2]

Représentée par Maître RODOLPHE de la SELARL MAGELLAN AVOCATS, avocat au barreau de DAX

sur appel de la décision

en date du 08 JUILLET 2019

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : F17/00022

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Darbo, dont le siège social était situé à [Localité 13] (40), avait pour activité la fabrication et la commercialisation de panneaux de bois.

Elle employait entre 120 et 132 salariés.

En 2006, la société Darbo a été rachetée par le groupe portugais Sonae Industria, leader européen des panneaux de bois.

Elle était détenue à 100 % par la SA Tafisa France, filiale de la SA Sonae Industria.

En 2014, la société Sonae Industria a entrepris de rechercher un repreneur pour la société Darbo, au regard de sa situation financière difficile et de son impossibilité de compenser ses pertes.

Cette démarche s’est inscrite dans le cadre d’une procédure de conciliation.

Suivant ordonnance du 24 février 2015, le président du tribunal de commerce de Dax a désigné Me [F] en qualité de conciliateur avec notamment pour mission dans un premier temps, d’analyser la situation financière de la société Darbo, de présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi, et dans un deuxième temps, d’identifier une éventuelle solution de cession.

La société Tafisa France a mandaté la société Entreprise & Patrimoine (MBA Capital) afin de rechercher de potentiels repreneurs.

Suivant rapport du 2 avril 2015, Me [F] a relevé que la SAS Darbo présentait une exploitation structurellement déficitaire depuis plusieurs exercices, que la poursuite de son activité n’avait été possible que grâce au soutien financier du groupe Sonae, lui-même déficitaire, de sorte que les recherches de repreneurs se poursuivaient.

Des visites du site et des rencontres avec les équipes de Darbo ont été organisées avec les candidats à la reprise, le groupe Gramax et les sociétés Callista et Livia lesquels se sont tous positionnés sur des prix de cession négatifs.

Me [F] a considéré que le groupe Gramax, par le truchement de sa filiale Beteiligungen GMBH (devenue Gramax France GMBH), avait présenté l’offre la plus solide.

Cette opération a fait l’objet d’une procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise de la société Darbo conformément aux modalités des articles L. 2323-6 et L. 2323-19 du code du travail, en leur version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2016.

À l’issue de cette procédure, les membres du comité d’entreprise de la société Darbo ont rendu, à l’unanimité, un avis favorable au projet de reprise présenté par le groupe Gramax.

Afin de garantir ce projet de reprise par la société Gramax et plus précisément par la société AC Beteiligungen GMBH, un accord de conciliation est intervenu le 3 juillet 2015 entre la société Darbo et son principal créancier, la société Taiber, qui disposait à son égard d’une créance de l’ordre de 51 000 €, créance à laquelle celle-ci a accepté de renoncer en souscrivant à une augmentation de capital social de la société Darbo pour ce montant.

Cet accord, ainsi intervenu entre la société Darbo et la société Taiber, et la fin des difficultés économiques de la société Darbo ont été constatés suivant ordonnance rendue le 8 juillet 2015 par le président du tribunal de commerce, lequel a mis fin à la procédure de conciliation.

Entre temps, le 3 juillet 2015, les parts détenues dans la société Darbo par la société Tafisa France ont été cédées à la société de droit allemand AC Beteiligungen GMBH, postérieurement devenue Gramax France GMBH, puis G Holding France GMBH, filiale du fonds d’investissement Gramax Capital AG, lequel est une société anonyme de droit allemand dont le siège social est situé à [Adresse 11], représentée par M. [Z] [S], de nationalité allemande.

La société Gramax France GMBH, représentée par M. [B] [E], dont le siège social est également situé à [Adresse 11], et qui a été immatriculée au registre du commerce le 6 juillet 2015 pour une activité d’acquisition, détention et gestion des participations dans d’autres sociétés de toute nature, et de conseil aux entreprises, est ainsi devenue l’associée unique de la société Darbo.

M. [B] [E] est l’un des associés du fonds d’investissement Gramax Capital AG.

La cession des parts de la société Darbo est intervenue moyennant le paiement :

– du prix d’achat fixé à la somme d’un euro, un complément de prix étant prévu dans le cas où la société Darbo réaliserait un bénéfice avant intérêts, impôts, taxes et amortissements, suivant un indicateur financier américain Ebitda,

– d’une contribution financière au soutien du projet de l’acheteur, par Sonae Industria, à hauteur de 6,5M€ en plusieurs échéances, sous condition du maintien des emplois permanents et de l’absence d’ouverture d’une procédure collective dans les 18 mois à venir.

La SA de droit suisse Gorlink, représentée par M. [A], de nationalité allemande, a été nommée aux fonctions de président de la société Darbo par décision de l’associée unique en date du 10 février 2016.

À cette date, la SAS Darbo employait 130 salariés.

Par jugement du 7 septembre 2016, le tribunal de commerce de Dax a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Darbo, a désigné Me [F] en qualité d’administrateur et la selarl [C] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 24 octobre 2016, le tribunal de commerce de Dax a prononcé la liquidation judiciaire de la société Darbo sans maintien d’activité et a désigné la selarl [C] en qualité de liquidateur judiciaire.

Un plan de sauvegarde de l’emploi prévoyant le licenciement des salariés a été homologué par la Direccte le 4 novembre 2016.

Par jugement du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Pau, saisi par le comité d’entreprise de la société Darbo et un des salariés protégés d’une requête en annulation de la décision de la Direccte, a rejeté leur demande.

Cette décision a été confirmée par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 7 septembre 2017 de sorte que la décision de la Direccte homologuant le PSE est définitive.

L’ensemble des 130 salariés a été licencié le 30 novembre 2016.

Entre février et octobre 2017, 105 salariés de la société Darbo dont M. [O] ont saisi la juridiction prud’homale de Dax.

Par jugement du 8 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Dax :

– s’est déclaré compétent pour juger si les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG sont co-employeurs, si elles ont respecté leurs obligations sociales et observé les règles de reclassement, excluant tout jugement sur le PSE lui-même,

– a écarté la mention complémentaire portée sur les conclusions des demandeurs et invoquant le jugement intervenu au bénéfice des salariés protégés dont la communication ne respecte pas les règles de la procédure contradictoire,

– a jugé que les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG sont, au titre du principe de réalité, co-employeurs des salariés de la SAS Darbo,

– a débouté les demandeurs de leurs demandes de condamnation in solidum de la SAS Darbo, prise en la personne de son liquidateur, Me [C],

– a dit en conséquence que le jugement n’est pas opposable à l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 2],

– a débouté les demandeurs de leurs demandes sur le fondement d’une collusion frauduleuse entre les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH, Gramax Capital AG et Darbo,

– a condamné in solidum les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG à payer à chaque demandeur des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse telles qu’indiquées dans le tableau suivant,

– a condamné in solidum les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG à payer à chaque demandeur une indemnité au titre de la garantie de l’emploi telle que précisée dans le tableau suivant,

[‘] [O] [L], ancienneté (24 ans et 1 mois)’: 33’772,96 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse + 4’221,62 € au titre de la garantie d’emploi […],

– a condamné in solidum, d’office et par application de l’article L. 1235-4 du code du travail, les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG à rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage correspondantes versées aux salariés licenciés,

– a condamné in solidum les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

* à chaque demandeur la somme de 200 €,

* à Me [C], en sa qualité de liquidateur de la SAS Darbo, la somme de 1 500 €,

– a débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– a condamné les sociétés Sonae Industria, Gramax France GMBH et Gramax Capital AG aux entiers dépens.

Le 30 juillet 2019, les sociétés Gramax France GMBH et Gramax Capital AG ont régulièrement relevé appel de ce jugement. L’affaire a été enregistrée sous le numéro 19/2569.

Le 6 août 2019, la société Sonae Industria a également régulièrement relevé appel de ce jugement et l’affaire a été renregistrée sous le numéro 19/ 2645.

Ces deux affaires ont fait l’objet d’une jonction le 15 mars 2021, sous le seul numéro 19/2569.

Par arrêt du 16 septembre 2021, la cour a notamment’:

– prononcé la disjonction de l’instance en ce qu’elle concerne M. [O] [L], et dit que l’affaire portera le numéro RG 21/02895,

-renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 18 novembre 2021 à 9h30, aux fins de régularisation de la procédure,

– rappelé que le renvoi à la mise en état emporte la révocation de l’ordonnance de clôture,

– réservé les dépens.

Le 11 février 2022 la société Sonae Industria a fait citer Mme [D] [R], ayant-droit de M. [L] [O] aux fins de reprise d’instance en sa qualité d’ayant droit. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 22/499 et le conseiller de la mise en état a, par ordonnance en date du 8 mars 2022, ordonné la jonction des deux instances sous le numéro 21/02895.

Mme [D] [R], ayant-droit de M. [L] [O], bien que régulièrement mise en cause, n’a pas constitué avocat.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 18 mai 2021 auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, les sociétés Gramax Capital AG et G Holding France GMBH, anciennement dénommée Gramax France GMBH demandent à la cour de :

1- réformer le jugement entrepris en ses dispositions ayant retenu qu’elles étaient co-employeurs des salariés de la société Darbo, les ayant condamnées in solidum à verser à ces derniers des indemnités pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, des indemnités au titre de la garantie de l’emploi, des indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens, et à rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées aux salariés,

– statuant à nouveau,

– juger qu’elles n’ont pas le statut de co-employeurs des salariés de la société Darbo,

– en conséquence,

– débouter les demandeurs de leurs demandes formulées à leur encontre en raison de la prétendue violation des articles L1233-3 et s. du code du travail,

– juger que le conseil de prud’hommes n’était pas compétent pour connaître des demandes tendant à obtenir leur condamnation au paiement d’une indemnité du fait de la prétendue violation d’une clause de garantie de l’emploi,

– en conséquence,

– renvoyer les intimés à l’instance à mieux se pourvoir,

– à titre subsidiaire,

– juger que les demandes formulées à leur encontre au titre de la prétendue clause de garantie de l’emploi ne sont pas fondées,

– en conséquence,

– débouter les intimés de leurs demandes formées à ce titre,

– à titre subsidiaire, si le co-emploi devait être retenu,

– condamner à un montant en ligne avec le droit et l’état de la jurisprudence,

– prononcer la condamnation in solidum des sociétés Gramax Capital AG, G Holding France GMBH, Sonae, et Darbo,

– fixer le montant de la condamnation au passif de la société Darbo, en tant que débitrice, in solidum, du montant de ces condamnations,

– juger l’arrêt opposable aux AGS,

2- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les anciens salariés de la société Darbo de leur demande fondée sur l’existence d’une prétendue collusion frauduleuse entre les sociétés Sonae, Gramax France GMBH, Gramax Capital AG, Darbo,

3- en tout état de cause,

– débouter les salariés, les AGS et le liquidateur de l’ensemble de leurs demandes visant les concluantes, et notamment, dans l’hypothèse où les conclusions des AGS et du liquidateur n’auraient pas été déclarées irrecevables par la cour, ce qui mènerait au débouté de leurs demandes :

* débouter les AGS de leur demande de garantie des sociétés Gramax Capital AG et Sonae Industria des montants éventuels fixés au passif de la société Darbo,

* débouter les AGS de leur demande visant à ce que, en cas de condamnation solidaire incluant la société Darbo, la contribution à la dette n’incombe qu’aux sociétés in bonis,

* débouter les AGS de leur demande de condamnation à lui verser un montant de 4 746 240,48 € à titre de dommages et intérêts,

– condamner chacun des intimés à leur régler une somme de 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les AGS et le liquidateur à 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les intimés aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 19 avril 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, la société Sonae Industria demande à la cour de :

– à titre principal et in limine litis,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les exceptions de procédure soulevées,

– statuant à nouveau,

– se déclarer incompétente pour connaître des prétentions soulevées à son encontre,

– à titre subsidiaire,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’elle avait la qualité de co-employeur des salariés de la société Darbo,

– statuant à nouveau,

– débouter les salariés de leur demande en reconnaissance d’une situation de co-emploi entre elle et les sociétés Gramax France GMBH et Gramax Capital AG,

– en conséquence,

– débouter les salariés de leur demande de condamnation solidaire concernant le paiement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au versement de diverses indemnités au titre de la prétendue violation de la clause de garantie de l’emploi,

– statuant à nouveau,

– débouter les salariés de leurs demandes formulées à ce titre,

– en conséquence,

– juger que les licenciements de l’ensemble des anciens salariés de la société Darbo sont fondés, et infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les licenciements sans cause réelle et sérieuse,

– débouter les anciens salariés de la société Darbo de l’intégralité de leurs demandes,

– à titre infiniment subsidiaire,

– si par extraordinaire, la cour devait juger que les licenciements des salariés sont dénués de cause réelle et sérieuse,

– réduire le quantum de l’indemnité qui sera allouée à ce titre à chaque salarié à de plus justes proportions et infirmer toute solidarité entre les sociétés appelantes,

– en tout état de cause,

– condamner la partie qui succombera à lui verser la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ou s’il s’agit des anciens salariés de la société Darbo, à lui verser la somme de 500 € chacun à ce même titre ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 avril 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, la selarl EKIP venant aux droits de la société [C], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Darbo, demande à la cour de’:

– dire et juger qu’elle est recevable et bien-fondé, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Darbo en ses demandes, fins et conclusions,

– à titre liminaire,

– juger qu’elle a respecté les obligations de l’article 911 du code de procédure civile et ne saurait en conséquence encourir l’irrecevabilité de ses conclusions,

– prononcer l’incompétence au nom de la séparation des pouvoirs s’agissant du périmètre de l’obligation de reclassement contenu dans le PSE des organes de la procédure à l’encontre des salariés,

– inviter les salariés à mieux se pourvoir,

– à titre principal,

– dire et juger qu’en l’absence d’imputabilité des faits reprochés à la société Darbo, celle-ci ne peut être retenue à une quelconque condamnation in solidum ou solidaire,

– constater que l’obligation d’établir un PSE au sein de la société Darbo a été respectée,

– dire et juger que le PSE établi est proportionnel aux moyens dont disposaient les mandataires,

– dire et juger que Me [C] es qualités, a satisfait à l’ensemble des obligations prescrites par les textes en termes d’efforts de recherches de reclassement,

– dire et juger la parfaite motivation du licenciement économique notifié aux salariés, ainsi que la régularité de la procédure menée,

– dire et juger le licenciement des salariés comme ayant une cause réelle et sérieuse,

– en conséquence,

– prononcer l’absence de contestation de la réalité du motif économique à l’origine de la rupture du contrat de travail des salariés par la société Darbo,

– prononcer l’irrecevabilité des demandes des salariés portant sur la contestation du motif économique du licenciement,

– débouter les salariés de l’intégralité de leurs prétentions,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté toute prétention à l’encontre de la société Darbo prise en la personne de Me [C] ès qualités,

– à titre subsidiaire,

– dire et juger que les prétentions des salariés reposent sur un barème inapplicable,

– dire et juger que les salariés ne justifient d’aucune manière de leur situation professionnelle,

– ce faisant,

– débouter les salariés de leurs demandes indemnitaires excessives et les ramener à plus juste proportion,

– à titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que les véritables employeurs, au titre du principe de réalité, sont les seules sociétés Gramax et Sonae Industria,

– en conséquence,

– dire et juger qu’aucune somme ne sera fixée à l’encontre de la société Darbo,

– rejeter toute demande de condamnation in solidum entre la société Darbo et les autres sociétés,

– débouter les salariés de toute condamnation solidaire, et ventiler les sommes sollicitées entre les sociétés,

– dire et juger qu’en l’absence d’imputabilité des faits reprochés à la société Darbo, celle-ci ne peut être tenue à une quelconque condamnation in solidum ou solidaire,

– ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts des salariés,

– en tout état de cause,

– condamner toute partie succombante à payer aux organes de la procédure de la société Darbo à 4’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 25 février 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, le CGEA de [Localité 2] demande à la cour de’:

– à titre liminaire,

– se déclarer incompétent pour trancher de toute demande découlant de la contestation du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi homologué par la Direccte au profit du juge administratif,

– inviter les salariés à mieux se pourvoir.

– vu les articles L622-21 et L625-6 du code du commerce,

– dire et juger irrecevables les demandes de condamnation présentées à l’encontre de la société Darbo,

– vu les articles L3253-6 et suivants du code du travail,

– dire et juger inopposables à son égard les éventuelles condamnations prononcées contre les sociétés Gramax Frankreich GMBH, Gramax Capital AG et Sonae Industria.

– vu la loi des 16-24 août 1790, le principe de séparation des pouvoirs et la décision de l’inspection du travail autorisant les licenciements,

– dire et juger les demandes des salariés protégés tendant à critiquer le bien-fondé de leur licenciement irrecevables,

– sur les demandes

– sur le co-emploi

– à titre principal, sur l’absence de co-emploi,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que les sociétés défenderesses sont co-employeurs,

– constater que les faits décrits ne constituent pas une situation de co-emploi mais une externalisation des licenciements ainsi qu’une fraude au droit des procédures collectives, entraînant la mise en ‘uvre de la responsabilité civile délictuelle de son auteur,

– débouter les salariés de leurs demandes à l’encontre de la société Darbo,

– vu l’article 1240 du code civil et les articles L3253-8 et suivants du code du travail,

– dire et juger inopposables à son égard les éventuels dommages et intérêts accordés sur le terrain de la fraude,

– à titre subsidiaire en présence d’un co-emploi,

– vu l’article L1233-3 du code du travail et les articles L640-1 et suivants du code du commerce,

– constater que l’existence d’un co-emploi ne remet pas en cause le licenciement prononcé par l’employeur lorsque celui-ci est fondé vis-à-vis de cette structure,

– constater que le licenciement des salariés repose sur un motif économique incontestable concernant la société Darbo,

– débouter les salariés de leurs demandes à l’encontre de la société Darbo,

– à titre subsidiaire,

– condamner les sociétés Gramax Frankreich GMBH Gramax Capital AG et Sonae Industria à la garantir pour les éventuels montants qui seront fixés au passif de la société Darbo, en qualité de co-employeur,

– dire et juger que, dans les rapports entre elle et les sociétés Gramax Frankreich GMBH, Gramax Capital AG et Sonae Industria qui sont in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera le cas échéant entièrement à celles-ci,

– en tout état de cause, en présence d’un co-emploi comme d’une faute délictuelle des sociétés Gramax Frankreich GMBH, Gramax Capital AG et Sonae Industria’:

– vu l’article 1240 du code civil et l’article L3253-20 du code du travail,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts,

– condamner les sociétés Gramax Frankreich GMBH, Gramax Capital AG et Sonae Industria à lui verser la somme de 4.746.240,48 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

– à titre encore plus subsidiaire, en l’absence de co-emploi comme de faute délictuelle des sociétés défenderesses, concernant les demandes formulées à l’encontre de la seule société Darbo,

– constater que les licenciements reposent sur un motif économique incontestable,

– constater que l’argumentaire tendant à critiquer le respect de l’obligation de reclassement par l’employeur est irrecevable,

– débouter les salariés de leurs demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– à titre subsidiaire,

– constater que cet argumentaire ne peut conduire qu’à l’octroi de dommages et intérêts, sans remettre en cause le licenciement,

– ramener leurs demandes à de plus justes proportions,

– à titre infiniment subsidiaire,

– débouter les salariés du surplus de leurs demandes faute de justifier de leur préjudice,

– en tout état de cause,

– débouter les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées à l’encontre de la société Darbo et fondées sur le non-respect par la société Gramax Capital de sa clause de garantie d’emploi,

– rejeter la demande d’exécution provisoire,

– sur la garantie

– dire et juger que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

– dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L.’3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.’3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,

– vu les articles L3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

– dire et juger qu’en tout état de cause sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l’un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d’assurance chômage mentionnés à ces articles,

– statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à sa charge.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En liminaire, en l’absence de critiques, les dispositions du jugement entrepris qui ont débouté les salariés de la société Darbo de leurs demandes sur le fondement d’une collusion frauduleuse entre les sociétés Sonae, Gramax France Gmbh, Gramax Capital AG et Darbo, doivent être confirmées.

Par ailleurs, alors qu’aucune suite n’a été donnée à l’avis d’irrecevabilité des conclusions d’intimée de la selarl Ekip, es qualités, adressé par le greffe pendant l’instruction du dossier, pour non respect des articles 909 et 911 du code de procédure civile, et qu’aucune des parties n’a soulevé à ce titre une telle irrecevabilité, il n’y a pas lieu pour la cour de relever d’office cette fin de non-recevoir.

Sur l’exception d’incompétence soulevée par les sociétés Sonae Industria, Gramax Capital AG et G Holding Gmbh

La société Sonae Industria soutient que la juridiction prud’homale était incompétente pour connaître des prétentions formulées par les salariés à son égard dans la mesure où elle n’avait pas la qualité d’employeur ou même de co-employeur des salariés de la société Darbo, alors que, lors de la procédure de licenciement pour motif économique, cette dernière appartenait au groupe Gramax depuis plus de 16 mois.

Les sociétés Gramax Capital AG et G Holding Gmbh font valoir également qu’elles n’ont pas la qualité d’employeur ou de co-employeur de sorte que les demandes des salariés à leur encontre dont celle pour violation d’une prétendue clause de garantie de l’emploi tirée de l’article 13.1 du contrat de cession des actions de la société Darbo se trouve hors champ de compétence matérielle de la juridiction prud’homale.

Le salarié n’a rien soutenu.

…………………….

L’article L1411-1 du code du travail dispose que “le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti”.

Le conseil de prud’hommes est donc compétent dans les litiges nés du contrat de travail ou dans un contentieux qui trouve son origine dans celui-ci, que ce soit au moment de sa conclusion, de son exécution ou de sa rupture et qu’il met en opposition un salarié et un employeur.

Il est également compétent pour statuer sur la détermination d’une situation de co-emploi ainsi que sur les conséquences de la reconnaissance d’une telle situation, telles qu’alléguées par le salarié, lesquelles se traduisent par une demande de condamnation in solidum des sociétés co-employeurs et de la société Darbo prise en la personne de son mandataire liquidateur à des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et à une indemnité au titre de la violation d’une clause de garantie de l’emploi.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré compétent pour juger si les sociétés Sonae Industria, Gramax Capital AG et G Holding France Gmbh étaient ou non co-employeurs.

Sur l’exception d’incompétence soulevée par le mandataire liquidateur et le CGEA de [Localité 2]

La selarl Ekip, venant aux droits de la selarl [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Darbo, conclut à l’incompétence de la juridiction prud’homale s’agissant du respect de l’obligation de reclassement en présence d’un plan de sauvegarde de l’emploi homologué par la Direccte. Le liquidateur soutient que les salariés évoquent le périmètre du PSE lequel relève de la seule compétence des juridictions administratives alors que leurs critiques ne peuvent porter que sur la stricte application des mesures contenues dans le PSE au regard de leur reclassement individuel et non sur le PSE lui-même.

Le CGEA de [Localité 2] conclut dans le même sens que le mandataire liquidateur, estimant que le juge prud’homal n’est compétent que pour vérifier la mise en ‘uvre effective du PSE, en comparant les mesures prévues en son sein avec leur application effective.

……………………

Aux termes de l’article L 1235-7-1 du code du travail, l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

Cependant, la mise en ‘uvre concrète de la tentative de reclassement à l’égard de chaque salarié, au regard de sa situation individuelle, est distincte de la présentation du plan de reclassement et relève de la compétence de la juridiction prud’homale.

Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré compétent pour juger si les obligations d’adaptation et de reclassement, excluant tout jugement sur le PSE lui-même, avaient été respectées.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés G Holding France Gmbh et Gramax Capital AG pour défaut d’intérêt à agir

Ces dernières estiment que dans la mesure où elles n’ont la qualité ni d’employeur ni de co-employeur, les demandes formulées à leur encontre sont irrecevables, pour défaut d’intérêt à agir.

Cette fin de non-recevoir ne peut cependant être accueillie.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux demandes de condamnation à l’encontre de la société Darbo

Le CGEA de [Localité 2] soulève l’irrecevabilité des demandes de condamnation présentées à l’encontre de la société Darbo, au visa des articles L622-21 et L625-6 du code de commerce.

L’article L 622-21 du code du commerce énonce un principe d’arrêt des poursuites individuelles dès lors que la créance est antérieure à l’ouverture de la procédure collective.

Tel est le cas de l’action du salarié en paiement de créances salariales et d’indemnités de rupture du contrat de travail dont la naissance est antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Cette règle est d’ordre public.

Dès lors, lorsque la société employeur a été placée en liquidation judiciaire et que le mandataire liquidateur a été appelé en la cause, l’instance se poursuit mais ne peut tendre qu’à la constatation des créances et à la fixation de leur montant au passif de la liquidation judiciaire.

Au regard des règles ci-dessus exposées, les demandes de condamnation à l’encontre de la société Darbo sont irrecevables.

Seule est recevable sa demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Darbo de ces mêmes indemnités.

Sur le co-emploi

La société Sonae fait valoir que le co-emploi suppose une triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction ainsi qu’une immixtion de la société mère dans la gestion de sa filiale, ce qui exclut qu’elle ait eu la qualité de co-employeur des salariés de la société Darbo alors qu’une telle immixtion n’est pas caractérisée à son encontre, qu’elle ne fait pas partie du groupe Gramax, que la société Darbo a quitté le périmètre du groupe Sonae pour intégrer celui de Gramax dès juillet 2015, soit plusieurs mois avant les licenciements litigieux qui datent de fin 2016, et qu’il n’existe aucun lien de subordination avec les salariés de la société Darbo.

Les sociétés G Holding France Gmbh et Gramax Capital AG estiment que seule une immixtion anormale d’une société d’un groupe dans la gestion économique et sociale d’une autre société du même groupe est susceptible de caractériser une situation de co-emploi, qu’en se fondant sur des documents établis au moment de l’acquisition de la société Darbo, soit bien antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, le salarié ne démontrait pas comment avaient été mis en ‘uvre le plan d’affaires et les contrats de conseil et en quoi leurs actions étaient de nature à caractériser une situation de co-emploi. Elles font valoir qu’elles n’avaient pas les mêmes dirigeants que la société Darbo, M. [A], représentant légal de la société Oberlink AG n’ayant aucun lien avec elles alors qu’elles étaient représentées par M. [B] [E], que leur champ d’activité avec celui de la société Darbo était différent, qu’il n’existait aucune confusion d’intérêts entre les différentes sociétés, que les conventions de conseil et d’assistance conclues excluaient toute gestion de la société Darbo de leur part, le Business Plan et notamment la clause de maintien du niveau d’emplois permanent ayant pour seul objectif de permettre à la société Darbo de mener à bien les opérations de restructuration nécessaires à sa survie.

Elles font par ailleurs valoir que la société G Holding France Gmbh est seule détentrice des actions de la société Darbo et donc en charge de la mise en ‘uvre concrète du Business Plan présenté au comité d’entreprise, la société Gramax Capital AG n’étant que son associée. Elles en déduisent que cette dernière ne peut pas avoir la qualité de co-employeur de ce fait.

……………………..

Il appartient au salarié intimé de démontrer que les sociétés Sonae Industria, G Holding France Gmbh et Gramax Capital AG avaient à son égard la qualité de co-employeurs.

Il n’est ni invoqué ni démontré que la prestation de travail du salarié a été exécutée sous la subordination desdites sociétés.

Or, en dehors de l’existence d’un lien de subordination, l’existence d’un co-emploi ne peut être retenue que dans une situation de perte totale d’autonomie de la filiale du fait d’une immixtion permanente de la société mère dans sa gestion économique, technique et administrative ainsi que dans la gestion de ses ressources humaines, bien au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer.

C’est donc la perte totale d’autonomie d’action de la filiale, laquelle ne dispose pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et social, qui est déterminante dans la caractérisation d’une immixtion permanente anormale de la société mère constitutive de co-emploi, justifiant que le principe d’indépendance juridique des personnes morales soit exceptionnellement neutralisé.

S’agissant de la société Sonae Industria

Il est acquis que la société Sonae Industria, au regard d’une situation financière obérée, a décidé en 2014 de se retirer de certains pays d’Europe dont la France, et de céder ses filiales françaises Darbo et Isoroy.

Il a été rappelé qu’une procédure de conciliation a été ouverte au profit de la société Darbo suivant ordonnance du 24 février 2015 rendue par le président du tribunal de commerce de Dax. Me [F] a été nommé en qualité de conciliateur et a été chargé notamment d’analyser la situation financière de la société Darbo et d’identifier la meilleure solution pour assurer la poursuite de l’activité de cette dernière.

C’est ainsi que la cession des parts sociales de la société Darbo a été préconisée.

La société Tafisa France, filiale de Sonae Industria, détenant 100% du capital de Darbo, a mandaté la société Entreprise & Capital (MBA Capital) aux fins de rechercher de potentiels repreneurs.

Le président du conseil départemental des Landes et le conseil régional d’Aquitaine ont été informés de la situation de la société Darbo.

Il ressort des échanges de courriels entre Me [F] et Sonae Industria fin avril/début mai 2015 que le groupe Gramax, fonds d’investissement, a confirmé son intérêt pour l’achat de toutes les parts sociales de la société Darbo, après une visite de l’usine sise à [Localité 13], et plusieurs réunions de travail.

Des visites du site et des rencontres avec les équipes de Darbo ont également été organisées avec deux autres candidates, les sociétés Callista et Livia lesquelles se sont positionnées, comme le groupe Gramax, sur des prix de cession négatifs.

Me [F], au vu de la proposition faite par Gramax sur la base de :

– un prix négatif de 6,5 M€,

– le rachat de l’intégralité du capital social de Darbo pour 1 €,

– un Business Plan présentant plusieurs axes d’amélioration et un engagement de maintien de l’emploi actuel sur 18 mois,

a, dans son rapport de fin de mission, relevé que Gramax avait présenté “le projet de reprise le plus solide et le plus à même d’assurer la pérennité de l’activité de Darbo”.

Les représentants du personnel ont été associés aux échanges sur le projet de cession de la société Darbo lequel a fait l’objet de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise prévue par les articles L2323-6 et L2323-19 du code du travail, dans leur version applicable jusqu’au 1er janvier 2016. Les élus ont reçu une note d’information et ont rencontré les représentants de Gramax.

Suivant procès-verbal de réunion du CE du 23 juin 2015, les membres du comité d’entreprise ont rendu, à l’unanimité, un avis favorable sur le projet de cession de la société Darbo au bénéfice de la société Gramax.

Afin de garantir le projet de reprise par la société Gramax et plus précisément par la société AC Beteiligungen Gmbh, un accord de conciliation est intervenu le 3 juillet 2015 entre la société Darbo et son principal créancier, la société Taiber, laquelle disposait à son égard d’une créance de l’ordre de 51 000 €, créance à laquelle elle a accepté de renoncer en souscrivant à une augmentation de capital social de la société Darbo pour ce montant.

Suivant ordonnance du 8 juillet 2015, le président du tribunal de commerce a constaté que l’accord ainsi intervenu entre la société Darbo et la société Taiber mettait fin aux difficultés économiques de la société Darbo et a mis fin à la procédure de conciliation.

Le fait que la société Taiber, filiale du groupe Sonae Industria, ait accepté de renoncer à sa créance par le biais d’une recapitalisation de celle-ci pour ce montant dans la société Darbo, s’inscrit donc dans une optique d’assainissement de la situation financière de cette dernière de nature à permettre de réunir les meilleures conditions de cession possibles, au regard de l’ampleur de cette dette par rapport au chiffre d’affaires annuel de 40 à 50 millions d’euros réalisé par Darbo.

Il convient d’examiner si la société Darbo a cependant été placée dans une situation de totale dépendance postérieurement à la cession vis-à-vis du groupe Sonae du fait d’une ingérence anormale et permanente dans sa gestion économique et sociale.

En premier lieu, le seul fait que l’article 11.1 du contrat de cession prévoit :”Les vendeurs ou toute personne liée à la société mère du vendeur doivent fournir les services transitoires à la société sur les termes des contrats de services, dont les projets sont joints en annexe 11.1 aux présentes…” , précision faite que l’annexe 11.1 est un contrat de prestation de services intitulé “Services agreement” conclu entre Sonae Industria et Darbo le 3 juillet 2015, ne permet pas d’en déduire que Sonae a conservé des pouvoirs de gestion sur la société Darbo après la cession.

En effet, le contrat de services transitoires ainsi conclu prévoit les conditions dans lesquelles la société cédante s’engage à fournir à la société cédée, les services informatiques (services de maintenance et d’assistance pour les applications SAP) et comptables dont elle bénéficiait avant sa cession, et ce, gratuitement pendant une durée de 6 mois, puis moyennant une redevance mensuelle.

Les échanges de mails entre la directrice administrative et financière de la société Darbo, [U] [I], et les responsables de la société Sonae, de mars et avril 2016, confirment que l’accès et le maintien des données sur le logiciel SAP de Sonae permettaient de garantir la continuité des activités de la société Darbo jusqu’à ce que le nouveau système informatique soit opérationnel.

Aucun élément ne permet de retenir que Sonae Industria détenait, par le truchement des données ainsi communiquées par la société Darbo, un pouvoir de gestion économique, technique et administrative ainsi que dans le domaine des ressources humaines comme le soutient le salarié. Il n’est nullement établi que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines aient été prises en main par la société Sonae.

En deuxième lieu, le prix de cession en sa partie fixe soit 1 € symbolique doit s’apprécier à la lumière de la clause d’earn-out insérée dans le contrat de cession en son article 7.

Cette clause a pour objectif de prévoir le versement par l’acquéreur d’un complément de prix dans le cas où la société Darbo parviendrait à équilibrer un indicateur de performance Ebitda. Autrement dit, les parties ont prévu d’indexer une partie du prix de cession aux résultats futurs de la société cédée de sorte que le prix convenu était composé :

– d’une partie fixe payable immédiatement, en l’espèce 1 € symbolique,

– d’une partie variable parfaitement déterminable en fonction d’un indicateur de performance dénommé Ebitda et plus précisément de 10% de l’excédent de l’Ebitda constaté pour les années 2015, 2016 et 2017.

Il sera rappelé qu’un prix de cession n’est pas déterminé par les seuls actifs de la société à céder mais également par le chiffre d’affaires réalisé.

En troisième lieu, il ne peut davantage être retenu que la contrepartie financière de Sonae Industria prévue au contrat de cession en son article 5 caractérise la rémunération de Gramax par cette dernière laquelle l’exonère de tous les risques.

En effet, suivant l’article 5.1 du contrat de cession, le vendeur s’engage à contribuer financièrement au projet de l’acheteur pour un montant total de 6 500 000 € au profit de la société Darbo.

L’article 5.2 prévoit des versements échelonnés dans le temps en plusieurs échéances, et notamment un versement initial de l’ordre de 2 millions d’euros devant être placé sous séquestre auprès de l’Ordre des Avocats de Paris en vue de la réalisation d’une augmentation de capital social de la société Darbo.

L’article 5.6 prévoit ainsi que l’acheteur s’engage à réinjecter immédiatement le montant initial dans la société Darbo sous la forme d’une augmentation de capital laquelle a été effective, comme l’établit le certificat de souscription et de versement délivré par le Crédit Industriel et Commercial le 9 juillet 2015 libellé en ces termes :

“La banque (- – -) certifie par la présente qu’une somme globale de 2 000 001,25 € (deux millions un euros et vingt-cinq centimes euros) représentant 100% des apports en numéraire de l’augmentation de capital de la société Darbo SAS, a été versée en compte spécial ( – – – ) à l’appui des souscriptions à l’augmentation du capital actuellement égal à 58 522 087 €.”

L’extrait K bis du 11 octobre 2015 mentionne ainsi un capital social de la société Darbo à hauteur de 60 522 088,25 €.

L’article 5.7 prévoit la même obligation pour les versements suivants.

Il est ainsi établi que la contrepartie financière était prévue au bénéfice exclusif de la société Darbo, de sorte que l’argumentation du salarié sur l’absence de contribution aux pertes de Gramax est inopérante.

En contrepartie des engagements de Sonae Industria, l’acquéreur s’est engagé pour sa part à faire une utilisation des sommes ainsi allouées au bénéfice de la société Darbo ainsi qu’à maintenir les emplois et à s’abstenir de toute ouverture d’une procédure collective pendant une période de 18 mois, cette dernière clause ayant pour objectif de sécuriser le processus de cession vis-à-vis des salariés afin de leur assurer une pérennité de l’emploi.

Dès lors, à défaut de lien de subordination et faute pour le salarié de caractériser une immixtion permanente anormale de la société Sonae Industria dans la gestion économique, technique et administrative ainsi que dans la gestion des ressources humaines de la société Darbo, ainsi placée dans une situation de perte totale d’autonomie d’action, la cour considère, par infirmation du jugement entrepris, que la société Sonae Industria n’a pas la qualité de co-employeur.

S’agissant des sociétés G Holding France Gmbh et Gramax Capital AG

Il sera rappelé que les parts sociales de la société Darbo ont été cédées à :

– la société AC Beteiligungen Gmbh, devenue Gramax France Gmbh puis G Holding France Gmbh, société de droit allemand, représentée par M. [B] [E],

société détenue par :

– la SA Gramax Capital AG, société de droit allemand, dont le siège social est situé [Adresse 10], représentée par M. [B] [E], également dénommée dans l’acte de cession Gramax Germany,

– la SA Gramax Capital AG, société de droit suisse, dont le siège social est situé à [Adresse 9], représentée par M. [Z] [S], également dénommée dans l’acte de cession Gramax Switzerland,

présentes à l’acte de cession en leur qualité de sociétés mères de la société AC Beteiligungen Gmbh.

La société Gramax Frankreich Gmbh ou Gramax France Gmbh, devenue G Holding Gmbh, est devenue l’associée unique de la société Darbo.

Les deux sociétés, Gramax France Gmbh devenue G Holding France Gmbh, et Gramax Capital AG (Gramax Germany), ont signé chacune le 3 juillet 2015 une convention de conseil (Consultancy Agreement) avec la société Darbo, en matière de gestion financière et économique ainsi que de gestion du personnel.

Une même mission de conseil et d’assistance a été ainsi confiée à ces deux sociétés moyennant une rémunération de 2500 € par jour s’agissant de la société Gramax Capital AG et de 1500 € par jour pour la société G Holding France Gmbh.

C’est la société de droit allemand Gramax Capital AG qui est partie à la présente instance ainsi que la société Gramax France Gmbh, détenue par Gramax Capital AG et seule détentrice des actions de la société Darbo.

………………………..

La cour considère que le fait qu’une filiale soit détenue à 100% par une autre société créée nécessairement un lien de dépendance par rapport à la société mère et s’il est établi que la société Gramax Frankreich Gmbh (devenue G Holding France Gmbh) a nommé le 10 février 2016 la société Gorlink AG en qualité de président de la société Darbo, cette décision ne constitue que l’expression de sa situation d’actionnaire unique de cette dernière à la suite de sa création le 6 juillet 2015. Cela ne peut donc caractériser une immixtion anormale de la société mère dans la gestion de sa filiale.

Il n’est pas en outre démontré que M. [A], représentant légal de la société Gorlink AG, était rattaché à l’autorité hiérarchique d’un dirigeant de la société mère, étant observé qu’un tel rattachement ne traduirait pas pour autant une ingérence de la société Gramax dans la gestion sociale de la société Darbo.

En particulier, il n’est pas établi ni même allégué que cette dernière soit intervenue ou se soit substituée à l’employeur contractuel que ce soit dans le déroulement des carrières des salariés, dans la fixation de leurs rémunérations ou dans l’exercice du pouvoir disciplinaire de celle-ci.

S’agissant de la stratégie commerciale, il ressort du Business Plan élaboré par le groupe Gramax que l’acquéreur prévoyait d’investir dans les moyens de production, dans le développement du portefeuille produits de la société Darbo, ainsi que dans ses moyens en vente et marketing.

Le groupe Gramax proposait ainsi plus précisément :

– d’investir dans un équipement de nettoyage du bois recyclé à hauteur de 1,1 million d’euros,

– de revoir les processus et équipements,

– d’augmenter la part de produits à marge plus élevée dans le mix produits,

– d’investir dans une force de vente comprenant 3 à 4 vendeurs et dans les fonctions marketing,

– d’établir des relations commerciales notamment en Italie, l’Espagne,

– d’investir dans de nouvelles lignes de produits mélaminés,

– de couper les liens avec le précédent propriétaire afin que la société Darbo mette en place ses propres ressources,

– dans les mois suivant l’acquisition, d’éliminer les coûts non nécessaires, dans la conduite du business au quotidien,

– de mettre en place les process et fonctions appropriées pour un business entrepreneurial et autonome,

– de substituer les fournisseurs internationaux par des fournisseurs locaux ou régionaux.

Au total, Gramax prévoyait d’investir dans la société Darbo un montant de 9,3 millions d’euros et plus précisément 2,3 millions d’euros entre 2015 et 2017 en équipements et améliorations en production.

L’objectif déclaré de ces mesures dans le Business Plan était un retour de la société Darbo à la rentabilité et à la performance.

Les contrats de consulting signés par la société Darbo et Gramax se sont inscrits dans cette optique.

Ils avaient pour objet la fourniture de prestations de conseil et d’assistance au bénéfice de la société Darbo notamment en matière financière, commerciale, informatique, de ressources humaines, de marketing. L’annexe 1.1 liste les différents services concernés dans ces matières.

Le préambule des conventions précise ainsi que le consultant exerce son activité dans le domaine des restructurations d’entreprises et dispose d’une grande expérience dans la fourniture de prestations de conseil et d’assistance.

Le salarié ne soutient en cause d’appel aucun élément de nature à établir que dans les faits, les sociétés Gramax se sont anormalement immiscées d’une façon permanente dans la gestion de la société Darbo.

Le fait que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale et que la société mère ait, dans le cadre de cette politique, fourni à cette dernière les outils et méthodes nécessaires à sa restructuration, à la pérennisation de son activité et in fine au maintien des emplois, ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi.

Il s’en déduit qu’à défaut de lien de subordination, la cour considère, par infirmation du jugement entrepris, que ces sociétés n’ont pas la qualité de co-employeurs.

Sur la violation de l’obligation de reclassement

Le salarié intimé, ne soumet aucun élément à la cour sur ce point..

La selarl Ekip, es qualités, considère au contraire avoir rempli ses obligations en matière de recherches de reclassement dans les délais extrêmement courts qui lui étaient impartis. Elle soutient que le reclassement interne était impossible dans la mesure où la liquidation judiciaire entraînait la cessation totale de toute activité de la société Darbo, qu’elle avait procédé à des recherches de reclassement au sein du groupe Gramax, de la société Gorlink AG, du groupe Sonae Industria ainsi qu’en externe auprès des acteurs concurrents de la société Darbo et des institutionnels de la filière du bois. Elle expose avoir présenté à chaque salarié un questionnaire de reclassement à l’étranger et des propositions de reclassement écrites et précises lesquelles ont également été communiquées à la cellule de reclassement Altedia, prestataire de pôle emploi, en vue d’opérer le reclassement le plus complet des salariés. Elle relève que la Direccte avait souligné dans son bilan de mise en ‘uvre du PSE les résultats très positifs de retour à l’emploi des salariés licenciés.

Le CGEA de [Localité 2] s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur ce point.

…………………….

Lorsque la société employeur a été placée en liquidation judiciaire sans maintien de l’activité, le fait que le licenciement des salariés a été autorisé et qu’un plan social a été établi, ne dispense pas le mandataire liquidateur de respecter l’obligation de reclassement individuel auquel il est tenu à l’égard de chaque salarié.

Ainsi, en application des dispositions de l’article L1233-4 du code du travail, dans sa version applicable à la présente cause, le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou dans le groupe dont il relève n’est pas possible.

Il appartenait donc au mandataire liquidateur de la société Darbo de rechercher s’il existait des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, au sein du groupe, parmi les entreprises situées sur le territoire national dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettaient d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer aux salariés dont le licenciement était envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats, en assurant au besoin l’adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi.

S’agissant de ce dernier point, il sera rappelé que si le mandataire liquidateur avait l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne pouvait pour autant lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur faisait défaut.

Le PSE a également prévu la mise en ‘uvre des dispositions de l’article L1233-4-1 du code du travail.

Aux termes de cet article, lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements, en précisant ses restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Et l’article R 1233-2-1 du même code prévoit que pour l’application de cet article, l’employeur informe individuellement le salarié, par lettre recommandée avec avis de réception, ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine, de la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national.

Par ailleurs, aux termes de l’article D 1233-2-1 du code du travail, pris en application de l’article L1233-2-1 ci-dessus cité et relatif au seul reclassement au sein du groupe dont fait partie la société employeur, celle-ci adresse au salarié des offres écrites et précises correspondant à sa demande en précisant le délai de réflexion dont il dispose pour accepter ou refuser ces offres.

L’article D 1233-2-1 prévoit que l’offre est précise dès lors qu’elle indique au moins :

– le nom de l’employeur,

– la localisation du poste,

– l’intitulé du poste,

– la rémunération,

– la nature du contrat de travail,

– la langue de travail.

Il incombait donc à Me [C], es qualités, de se rapprocher de chaque salarié et :

– de lui demander, après l’avoir informé des établissements concernés faisant partie du groupe, s’il souhaitait percevoir des offres de reclassement hors du territoire national, la réponse devant préciser ses restrictions éventuelles,

– de lui adresser par écrit et avec les mentions prévues par l’article D 1233-2-1 susvisé, la ou les éventuelles offres reçues sur des emplois disponibles compatibles avec sa qualification professionnelle.

Parallèlement, Me [C] était tenu, suivant les termes du PSE, à des recherches de reclassement en externe.

Le PSE prévoit en effet sur ce point, outre la saisine de la commission paritaire nationale de l’emploi Panneaux à base de bois (CPNE) statuant en matière de PSE, ainsi que des instances professionnelles de la branche et la sollicitation de Pôle Emploi Aquitaine aux fins d’obtention d’une liste des entreprises en cours de recrutement :

– des recherches de reclassement auprès de toutes les entreprises du même secteur d’activité des départements des Landes, Gers, Gironde, Lot et Garonne, Pyrénées Atlantiques, auprès des agences d’intérim spécialisées dans le secteur et des collectivités territoriales des mêmes départements,

– des recherches de reclassement auprès de la SA Sonae Industria et de ses filiales.

Les conditions dans lesquelles les salariés devaient avoir connaissance des offres de reclassement en externe figurent également dans le PSE.

C’est ainsi que le mandataire liquidateur devait porter les propositions d’embauche des établissements adhérents de la CPNE ou autres entreprises interrogées à la connaissance du personnel, par tout moyen si les réponses favorables étaient transmises avant les licenciements, les salariés intéressés étant alors invités, soit à transmettre leur candidature directement à l’entreprise qui recrutait, soit à se manifester auprès d’une personne désignée, selon le souhait exprimé par la société concernée.

Enfin, il doit être rappelé que Me [C], es qualités, devait procéder au licenciement de l’ensemble des salariés de la société Darbo (131) dans le délai restreint imparti par la procédure collective, alors que la garantie du paiement des indemnités de rupture par l’AGS n’est due que pour les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les 21 jours, lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation, par application des dispositions de l’article L3253-8 du code du travail.

1- Sur le reclassement au sein de la société Darbo

Dans la mesure où la liquidation judiciaire de la société Darbo, intervenue le 24 octobre 2016, a emporté la cessation totale de son activité, Me [C], mandataire liquidateur, a été contraint de procéder à la fermeture de l’entreprise et au licenciement économique de la totalité du personnel.

Aucun reclassement interne des salariés n’était dès lors envisageable.

2- Sur le reclassement au sein du groupe

Le PSE prévoit, dans son chapitre relatif aux “Mesures destinées à limiter les licenciements”, que des recherches de reclassement doivent être menées auprès de la société Gramax France Gmbh détenant 100% des actions de la société Darbo et représentée par M. [E], et des autres structures avec lesquelles il existe des liens de participation capitalistique à savoir :

– la SA Gramax Capital AG, ou Gramax Allemagne, représentée également par M. [E],

– la SA Gramax Capital AG, ou Gramax Suisse, représentée par M. [S],

et les filiales de Gramax Capital AG :

– la sarl de droit allemand CS Schmalmöbel Gmbh & co. KG,

– la sarl de droit italien Fucine Film Solutions Srl,

– la sarl de droit allemand Gramax Italy Gmbh,

– la sarl de droit portugais Textil Gramax Internacional.

Il prévoit également d’intégrer dans le périmètre de reclassement interne :

– la SA Gorlink AG représentée par M. [A], présidente de la société Darbo.

La permutabilité du personnel entre toutes ces sociétés n’est remise en cause par aucune des parties.

Me [C], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Darbo a ainsi, par lettres recommandées avec avis de réception des 25 et 27 octobre 2016, interrogé la société Gramax France Gmbh, les sociétés Gramax Capital AG (Allemagne et Suisse), les filiales ci-dessus désignées, ainsi que la société Gorlink AG, sur les emplois disponibles en leur sein et pour chaque poste proposé :

– l’entité d’accueil,

– l’intitulé et le descriptif du poste à pouvoir,

– les éléments de classification du poste,

– les principales compétences requises,

– le lieu de travail,

– la rémunération,

– la durée et les horaires de travail,

– la convention collective applicable et le cas échéant, le droit applicable,

– les contraintes spécifiques éventuelles,

– les coordonnées de la personne à contacter.

Le mandataire liquidateur a joint à ses courriers une liste des salariés concernés précisant pour chacun d’eux leur ancienneté, le libellé de leur emploi, leur catégorie professionnelle, leur coefficient, la nature de leur contrat de travail.

Des sommations interpellatives ont également été délivrées à la société Gramax France Gmbh, aux sociétés Gramax Capital AG et à la société Gorlink AG.

Il ne peut donc être valablement soutenu d’une part, que Me [C] n’a pas effectué des recherches de reclassement au sein du groupe et d’autre part, qu’il s’est borné à envoyer aux différentes sociétés de simples lettres circulaires.

En effet, s’agissant de ce dernier point, il sera rappelé que la lettre de recherche de reclassement adressée par le liquidateur à une société du groupe est suffisamment personnalisée dès lors qu’elle comporte une liste des salariés concernés avec leur classification et la dénomination de leur emploi.

Concomitamment, le mandataire liquidateur a demandé à chaque salarié s’il acceptait de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et sous quelles restrictions, notamment en matière de rémunération et de localisation. Il a expressément cité les sociétés au sein desquelles le reclassement était recherché ainsi que leur siège social.

Chaque salarié était donc parfaitement informé de l’étendue du périmètre de reclassement au sein du groupe et était invité à renseigner le questionnaire de mobilité qui lui était adressé.

La lecture du questionnaire de mobilité permet de constater que les questions posées concernaient :

– l’accord ou non donné par le destinataire pour recevoir des offres de reclassement dans les établissements cités situés hors du territoire national,

– les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts (nature de l’emploi, temps de travail, congés payés, rémunération, conditions de travail, niveau de compétence professionnelle inférieur),

– les langues parlées autres que le français et le niveau de maîtrise de ces langues.

Cependant, cette dernière précision souhaitée par le mandataire liquidateur ne peut s’analyser comme une condition préalable à l’envoi des propositions de reclassement.

En effet, dans les offres effectivement proposées, le mandataire liquidateur a clairement exposé qu’elles concernaient les postes compatibles avec la qualification professionnelle du salarié, “sans préjuger défavorablement de votre aptitude à maîtriser la langue du pays où se situe l’emploi proposé”.

La réponse apportée par le salarié avait ainsi vocation à déterminer si une formation complémentaire pour la maîtrise de la langue concernée était nécessaire, afin de faciliter son insertion dans l’emploi proposé à l’étranger.

Il sera rappelé que si l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur fait défaut.

………………………..

Suivant courrier du 28 octobre 2016, la société Gorlink AG a répondu négativement à la demande de reclassement présentée par le mandataire liquidateur.

Suivant courriels du 2 novembre 2016, les sociétés Gramax France Gmbh et Gramax Capital AG ont également communiqué au mandataire liquidateur des réponses négatives, hormis concernant une filiale allemande et une filiale portugaise lesquelles disposaient de 7 postes disponibles, à savoir :

– au sein de la société CS Schmalmöbel, producteur allemand de meubles, situé à Waldmohr en Allemagne :

* responsable de la gestion et du développement des produits,

* responsable des achats,

* ingénieur industriel,

* ébéniste dans le département de l’échantillonnage,

* commis aux stocks en consignation,

– au sein de la société Textil Gramax Internacional, producteur de lingerie portugaise, située à Sacavem au Portugal :

* responsable commercial expérimenté,

* responsable de la conception de produits industriels.

Le mandataire liquidateur a en outre précisé, que la société CS Schmalmöbel, ci-dessus citée, avait également proposé un poste de cariste “chargement conducteur de chariot élévateur” à temps plein en son sein.

Suivant courriers le mandataire liquidateur a envoyé au salarié des offres de reclassement sur des postes disponibles sur le territoire national au sein d’entreprises situées dans les départements déterminés par le PSE, ci-dessus cités.

Me [C] a donc mis en ‘uvre un reclassement externe et non un reclassement interne au sein du groupe Gramax, étant rappelé que, la société Darbo ne faisant plus partie du groupe Sonae depuis la cession intervenue, celui-ci était devenu un interlocuteur externe.

Il s’en déduit, qu’au-delà de l’incertitude subsistant sur l’accord donné ou non par le salarié à la communication d’offres de reclassement à l’étranger, le mandataire liquidateur ne disposait au sein du groupe Gramax d’aucun poste disponible de même catégorie que celui occupé par le salarié dans l’entreprise Darbo, compatible avec ses qualifications et ses compétences.

Le mandataire liquidateur de la société Darbo, qui n’a procédé à aucune proposition de poste au sein du groupe Gramax, ne peut encourir le reproche tiré d’offres de reclassement insuffisamment personnalisées.

Les offres de reclassement critiquées doivent être examinées ci-après dans le cadre du reclassement externe.

3- Sur le reclassement en externe

Conformément aux dispositions du PSE, Me [C], es qualités, a :

– suivant courrier du 25 octobre 2016, saisi la commission paritaire nationale de l’emploi Panneaux à bois, notamment aux fins d’obtenir les possibilités de reclassement existant au sein des entreprises adhérentes et communication des moyens mobilisés par la branche d’activité pour contribuer à l’accompagnement dans la recherche d’emploi des salariés,

-effectué des recherches de reclassement auprès de la SA Sonae Industria et ses filiales, à savoir pour ces dernières :

* la SA Glunz AG (Allemagne),

* la SAS Isoroy (France),

* la SAS Sonae Arauco France (France),

* la SA Sonae Industria Ltd (Royaume Uni),

* la SA Sonae Novobord Ltd (Afrique du sud),

* la sarl Sonae Tafibra International BV Global Export (Pays Bas),

* la sarl Tafibra Tableros Tradema SI (Espagne),

* la SA Tafisa Suisse (canton de [Localité 8]),

* la société Tafisa Canada Inc (Québec),

* la SAS Tafisa France (France).

Suivant courriers du 26 octobre 2016, il a interrogé chacune de ces sociétés et leur a communiqué la liste des salariés concernés mentionnant leur emploi, leur catégorie professionnelle, leur niveau et coefficient, le type de contrat.

Suivant courriers du même jour, il a également interrogé plus de 300 sociétés et des institutionnels situés dans les départements des Landes, Gers, Gironde, Lot et Garonne, Pyrénées Atlantiques.

Le mandataire liquidateur a donc procédé de façon effective à des recherches de reclassement au sein des acteurs concurrents de la société Darbo ainsi qu’au sein des institutionnels de la filière bois.

Au regard des réponses reçues, Me [C] a proposé au salarié plusieurs postes.

S’agissant d’offres d’emploi en externe, ils n’encourent pas la critique tirée de l’absence des mentions prévues pour le reclassement interne alors que le PSE a expressément prévu qu’il incomberait aux salariés concernés de prendre attache avec les entreprises mentionnées aux fins de plus amples renseignements.

Les mentions y figurants à l’intitulé du poste, à l’entreprise concernée et au responsable à contacter (nom, adresse électronique et numéro de téléphone) étaient suffisamment précises pour ce faire.

Il se déduit de tous ces éléments que le mandataire liquidateur de la société Darbo a rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement dans le bref délai qui lui était imparti par la procédure collective.

Le jugement entrepris doit en conséquence, par substitution de motifs, être confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à l’encontre du mandataire liquidateur de la société Darbo.

Sur la clause de garantie de l’emploi

Le salarié intimé ne soutien pas cette demande en cause d’appel.

Le CGEA de [Localité 2] fait valoir pour sa part que la société Darbo ne peut être condamnée pour une faute dont elle n’est pas l’auteur.

……………..

La clause de garantie de l’emploi est une stipulation du contrat de travail par laquelle l’employeur s’interdit de licencier le salarié pendant une certaine période, sauf à lui verser des dommages et intérêts.

Si la clause de garantie de l’emploi résulte généralement du contrat de travail ou des dispositions conventionnelles, elle peut également résulter d’une convention de cession d’actions à laquelle intervient l’employeur ou d’un pacte d’actionnaires auquel il est partie.

En l’espèce, la société Darbo n’a pas été partie à l’acte de cession du 6 juillet 2015 conclu entre les sociétés Tafisa France et Sonae Industria d’une part et Gramax Capital AG et G Holding Gmbh d’autre part, aux termes duquel ces dernières se sont engagées à ne pas procéder à des licenciements collectifs pour motif économique pendant un délai de 18 mois.

Les membres du comité d’entreprise ont rencontré les interlocuteurs de Gramax lors d’une réunion extraordinaire le 16 juin 2015, et se sont prononcés à l’unanimité favorablement au projet de cession sur la base des engagements de Gramax résumés dans le Business Plan, distribué et commenté, et dont il ressort que Gramax “prévoit la conduite des opérations en maintenant le niveau d’emploi permanent actuel, ce qui signifie qu’aucun licenciement économique n’est considéré nécessaire pour le retour de Darbo à la profitabilité”.

Pour autant, l’engagement unilatéral du repreneur Gramax ne peut être opposé à la société Darbo laquelle est demeurée étrangère audit engagement.

Les salariés de la société Darbo ne sont donc pas en droit de se prévaloir à l’encontre de la société Darbo de l’engagement pris dans l’acte de cession par les sociétés Gramax Capital AG et G Holding Gmbh de ne pas procéder à des licenciements collectifs pour motif économique pendant un délai de 18 mois.

Il sera en outre rappelé qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre d’une société placée en liquidation judiciaire et que la créance indemnitaire revendiquée par le salarié ne fait pas partie des sommes dues en exécution du contrat de travail à la date d’ouverture de la procédure collective, seules garanties par l’AGS.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce qu’il a condamné la société Darbo à payer au salarié intimé une indemnité au titre de la garantie de l’emploi, in solidum avec les sociétés Gramax et Sonae, mais confirmé en ce qu’il a jugé que le jugement n’était pas opposable au CGEA de [Localité 2].

Sur la garantie de l’AGS

La garantie de l’AGS ne peut porter que sur les créances salariales nées avant l’ouverture de la procédure collective de l’employeur dans les conditions et limites des dispositions des articles L3253-8, L3253-17, L3253-19 et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que cette garantie n’est due ni pour les dépens ni pour les sommes allouées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En raison de l’absence de créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Darbo dans l’intérêt du salarié, cette garantie n’a plus vocation à être mise en ‘uvre.

Le Centre de Gestion et d’études AGS doit donc être mis hors de cause.

Sur le surplus des demandes

Il y a lieu de dire qu’en cause d’appel chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, la cour confirmant par ailleurs les dépens prévus en première instance.

Il apparaît équitable, au regard de la situation économique respective des parties, de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, réputé contradictoire, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris hormis’:

– en ce que le conseil de prud’hommes de Dax s’est déclaré compétent pour juger si les sociétés Sonae Industria, Gramax France Gmbh et Gramax Capital AG sont ou non co-employeurs des salariés de la SAS Darbo,

– en ce que le conseil de prud’hommes de Dax s’est déclaré compétent pour juger si les règles de reclassement ont été observées hors jugement sur le PSE lui-même,

– en ce qu’il a rejeté la demande présentée à l’encontre des sociétés Sonae Industria, Gramax France Gmbh, Gramax Capital AG et Darbo sur le fondement de la collusion frauduleuse,

– en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes de condamnation in solidum de la SAS Darbo, prise en la personne de son liquidateur, Me [C],

– en ce qu’il a dit que le jugement n’était pas opposable au CGEA de [Localité 2], délégation AGS,

– les dépens

Le confirme sur ces points,

Statuant nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme [D] [R], ayant droit de M. [L] [O],

Déclare irrecevables les demandes de condamnation à l’encontre de la SAS Darbo,

Déclare recevable la demande de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Darbo,

Dit que les sociétés Sonae Industria, G Holding France Gmbh, Gramax Capital AG n’ont pas la qualité de co-employeurs des salariés de la SAS Darbo,

Dit que l’obligation de reclassement individuel a été respectée par la selarl Ekip, venant aux droits de la société [C], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Darbo,

Dit que la clause 13.3 du contrat de cession signé par le 3 juillet 2015 portant engagement des sociétés Gramax Capital AG et G Holding Gmbh à ne pas procéder à des licenciements collectifs dans un délai de 18 mois n’est pas opposable la SAS Darbo,

Déclare le CGEA de [Localité 2] hors de cause,

Dit n’y avoir lieu faire application de l’article L1235-4 du code du travail,

Dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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