Augmentation de capital : décision du 7 septembre 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00563
Augmentation de capital : décision du 7 septembre 2022 Cour d’appel de Bastia RG n° 21/00563
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Chambre civile

Section 2

ARRÊT n°

du 7 SEPTEMBRE 2022

n° RG 21/00563

n° Portalis DBVE-V-

B7F-CBT6 JD – C

Décision déférée à la cour :

jugement au fond, origine tribunal de commerce d’Ajaccio, décision attaquée du 7 juin 2021, enregistrée sous le n° 2020/1120

[B]

C/

[D]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

SEPT SEPTEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANTS :

M. [A] [B]

né le 16 août 1998 à [Localité 3] (Corse-du-Sud)

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Marie-Laetitia AUDISIO, avocate au barreau d’AJACCIO

Mme [J] [B]

née le 3 avril 2002 à [Localité 3] (Corse-du-Sud)

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Laetitia AUDISIO, avocate au barreau d’AJACCIO

Mme [N], [J], [F] [B]

prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P]

née le 18 juillet 2012 à [Localité 3] (Corse-du-Sud)

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Laetitia AUDISIO, avocate au barreau d’AJACCIO

INTIMÉ :

M. [Z] [D]

né le 23 mai 1978 à [Localité 7] (Corse-du-Sud)

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-Laétizia CLADA de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocate au barreau d’AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 mai 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Alléguant la création d’une S.A.S. GM au capital de 6 000 euros avec M. [U] [B], une augmentation de capital décidée le 27 novembre 2015 par l’émission de 294 000 et 2 200 000 actions d’une valeur d’un euro, la réservation de 294 000 actions aux associés historiques, le paiement de 294 000 euros puis l’émission par la société d’un ordre de mouvement de 147 000 titres au bénéfice de son associé à charge de lui rembourser la

somme de 147 000 euros, le décès de ce dernier et la présence à l’actif de la succession de 150 000 actions, par acte du 2 mars 2020, M. [Z] [D] a assigné M. [A] [B], Mme [J] [B], Mme [N] [B], mineure prise en la personne de Mme [W] [P], sa mère, en présence de Me [X] [O] notaire, devant le tribunal de commerce d’Ajaccio pour obtenir leur condamnation in solidum au paiement de 147 000 euros, de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par jugement du 7 juin 2021, le tribunal de commerce a :

– condamné in solidum les héritiers requis de [U] [B] à payer à M. [Z] [D] la somme de 147 000 euros au titre de la cession des titres,

– condamné in solidum les héritiers requis de [U] [B] à payer à M. [Z] [D] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au paiement des dépens y compris les frais de greffe.

Par déclaration reçue le 23 juillet 2021, M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], ont interjeté appel de la décision.

Par conclusions communiquées le 22 octobre 2021, M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale Mme [W] [P] ont sollicité au visa des articles 2276 et 1103 du code civil, de :

– dire et juger que M. [B] ne produit aucun contrat de prêt, aucun acte de vente ni aucune reconnaissance de dette, que l’ordre de mouvement de titres n’indiquait pas si la nature de la convention était la vente, la donation, l’échange ou toute autre transaction, que la cession des titres de M. [D] à M. [B] constituait un don, que le pacte d’associés en date du 3 décembre 2015 est un contrat qui s’applique à ses signataires, que le pacte d’associés emporte renonciation des signataires du pacte à toute réclamation qu’ils pourraient avoir ou qu’ils ont eu ou peuvent avoir à l’encontre de l’un d’entre eux au titre desdits pactes, accords ou conventions antérieurs,

En conséquence,

– réformer le jugement du tribunal de commerce d’Ajaccio du 7 juin 2021 en toutes ses dispositions,

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuer ce que de droit quant aux dépens.

Ils ont fait valoir l’absence de contrat de prêt et l’absence d’acte de vente, l’absence de réclamation avant le décès et avant cinq années, la cession des parts dont ils avaient héritées à FIP Kalliste, le don manuel opéré par M. [D], l’inopposabilité du pacte d’associés et l’absence de toute mention d’une contrepartie financière.

Par conclusions communiquées le 17 novembre 2021, M. [Z] [D] a sollicité de :

– relever qu’il a cédé, le 3 décembre 2015, à son associé, [U] [B] 147 000 titres qu’il détenait au sein de la S.A.S. GM, que lesdits titres s’évaluaient à la somme de 147 000 euros, qu’il n’a jamais reçu le prix correspondant à cette cession de 147 000 titres soit la somme de 147 000 euros,

– dire et juger que M. [Z] [D] est créancier de feu [U] [B] de la somme de 147 000 euros en principal,

– confirmer le jugement,

– condamner in solidum les héritiers appelants au paiement des dépens et de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a rappelé les relations entre lui et [U] [B], l’absence d’intention libérale, la réalité de la cession, l’absence de preuve du paiement, l’incapacité des appelants à bénéficier du pacte d’associés, d’autant qu’ils ont cédé la totalité des parts et fait valoir que le mouvement de titres était concomitant au pacte d’associés rappelant ladite cession en contrepartie d’un prix de 147 000 euros et la nécessaire confirmation du jugement.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 avril 2022.

L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 12 mai 2022. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le tribunal a retenu sa compétence, la qualité d’ayants droit des défendeurs ne leur permettant pas de se prévaloir des termes du contrat. Il a considéré que les mentions du pacte d’associés et le transfert en pleine propriété des actions, ainsi que l’absence de preuve du paiement justifiaient de faire droit à la demande de paiement, M. [D] ayant fait une avance de trésorerie à M. [B], ayant ainsi acquis la totalité des parts pour en «distribuer» la moitié à M. [B], sans preuve d’une donation, d’un échange ou d’une compensation de dette .

Par ordonnance du 3 février 2020, le président du tribunal de commerce a considéré que M. [D] justifiait d’une créance paraissant fondée en son principe et qu’il existait des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement et il a autorisé le blocage du montant de la sa créance par une saisie-conservatoire de ladite somme entre les mains de

la Caisse des dépôts et consignations sur le compte ouvert par Me [X] [O], à qui les ordonnances ont été régulièrement signifiées le 4 février 2020 et dénoncées aux héritiers de [U] [B] le 6 février 2020. Suivant assignation en rétractation délivrée le 28 février 2020, par ordonnance de référé du 30 juin 2020, le président du tribunal de commerce a débouté M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], de leur demande de rétractation.

Le pacte d’associés du 3 décembre 2015 indique que l’augmentation de capital est organisée pour créer la société GM, permettre l’acquisition et la rénovation d’un immeuble situé à [Localité 4] et une nouvelle répartition du capital entre les actionnaires historiques, M. [D] et [U] [B], désormais titulaires de 150 000 actions chacun au lieu de 3000 chacun, d’une valeur nominale d’un euro, représentant une augmentation de capital de 294 000 euros (147 000 chacun) et les nouveaux actionnaires, les sociétés FIP Kalliste 6, FIP Kalliste 7 et FIP Kalliste 8, respectivement titulaires de

875 000 et 450 000 actions de préférence dites actions P pour aboutir à une augmentation de capital de 2 200 000 euros par ces actions P. Il précise que M. [D] «a cédé ce jour à M. [U] [B] 147 000 actions de la société pour un montant de 147 000 euros avec effet à compter de la date réalisation de l’augmentation de capital».

Ce pacte prévoit notamment un droit de préemption obligatoire, réalisé par la notification du droit de préemption accompagnée du prix, que les actes de cession doivent être remis au cessionnaire contre paiement du prix par chèque de banque à l’auteur de le transmission et que la transmission de tout droit de souscription ou attribution de titre à la suite d’une augmentation de capital est assimilée à la transmission des titres et soumise à l’exercice du droit de préemption. L’article 21 du pacte précise que chacun des signataires dont feu [U] [B] -fondateur et associé- oblige ses héritiers et ayants droit solidairement et «indivisiblement» entre eux et qu’aucun des héritiers ou ayants droit, fût-il mineur ou incapable ne pourra faire obstacle à l’application amiable du pacte. L’ordre de mouvement porte cession et transfert en pleine propriété de 147 000 titres -actions ordinaires- à [U] [B] le 3 décembre 2015.

Il résulte de ces éléments que les dispositions du pacte d’associés sont opposables aux appelants. [U] [B] est entré en possession de 147 000 actions le 3 décembre 2015, par la cession que M. [D] lui en a faite. [U] [B] est décédé le 15 juin 2018, les actions sont entrées dans l’actif de succession, valorisées 269 200,50 euros et elles ont été vendues par ses héritiers le 18 septembre 2019 pour ce prix aux fonds d’investissement FIP Kalliste 6, FIP Kalliste 7 et FIP Kalliste 8.

Il n’existe aucun indice en faveur d’un prêt ou d’une donation, qui doivent faire l’objet d’une déclaration fiscale compte tenu des montants et il ne résulte d’aucune pièce que la cession des titres a donné lieu à un paiement, fût-il en nature. En effet, l’allégation suivant laquelle [U] [B] se serait, en contrepartie, chargé des travaux de rénovation de l’hôtel n’est nullement prouvée par des pièces. De plus, les statuts prévoyaient (page 8) que les actions émises en représentation d’un apport en nature doivent être intégralement

libérées lors de l’émission, que le souscripteur et les cessionnaires successifs seront tenus solidairement au paiement du montant non libéré de l’action. En l’espèce, M. [D], salarié d’Air Corsica, s’est libéré du paiement des actions à la société, avant de les céder à [U] [B], hôtelier, pour réaliser l’augmentation de capital.

Nonobstant l’opposition des appelants, la cession est une vente : M. [D] n’a pas donné les actions à [U] [B] puisque l’ordre de mouvement mentionne une cession, tout comme le pacte d’associés. Il n’existe aucune contestation sur le fait que M. [D] était propriétaire des actions qu’il a cédées et qu’il démontre avoir préalablement acquises. Réciproquement, s’il n’en avait pas été propriétaire, il n’aurait pas pu les céder. Enfin, le pacte d’associés emportait résiliation et renonciation aux réclamations relatives aux conventions antérieures et résiliation et renonciation aux conventions qu’il contenait.

L’ordre de mouvement porte cession et transfert en pleine propriété de 147 000 titres – actions ordinaires – à [U] [B] le 3 décembre 2015. Il s’agit de titres de la société, valeurs mobilières, entrées en possession de l’associé puis de ses héritiers, lesquels ont à leur tour cédé les titres par un ordre de mouvement exactement semblable à celui par lequel M. [D] les avait cédés à leur ayant cause, aux fonds d’investissements FIP Kalliste Capital 6, 7 et 8, le 18 décembre 2019. Or, cet ordre de mouvement portant «transfert en pleine propriété (cession)» a été consenti moyennant paiement même s’il n’en est fait nulle mention, de sorte que les appelants ne peuvent pas, sans se contredire, soutenir que la cession de titres réalisée le 27 novembre 2017 par l’ordre de mouvement du 3 décembre 2015, n’impliquait pas une contrepartie financière.

D’ailleurs soutenir que le pacte d’associés emporte «résiliation de plein droit de tous pactes accords ou conventions antérieurs entre les signataires et relatifs aux titres de la société» laisserait [U] [B] et ses héritiers, en possession de ses seules 3 actions de départ. Si le pacte d’associés indique qu’il emporte «renonciation de leur part (des signataires) à toute réclamation qu’ils pourraient avoir eu ou qu’ils ont eu ou peuvent avoir à l’encontre de la société ou de l’un d’entre eux au titre des pactes, accords ou conventions antérieurs», il n’en reste pas moins que ce pacte d’associés qui suit l’ordre de mouvement permet de porter le nombre d’actions ordinaires pour chacun de 3 (statuts) à 150 000 (ordre de mouvement) outre 2 200 000 actions de préférence (augmentation de capital). Sans la cession entre le dirigeant et l’associé, l’augmentation en capital n’était pas possible. De plus, le contrat précise que chacun des signataires oblige ses héritiers et ayants droit à l’exécution, de sorte qu’il leur est opposable. Enfin, à la date de l’action, les appelants ne détiennent plus les titres, qu’ils ont cédés, de sorte qu’ils ne peuvent plus invoquer ni ces dispositions ni la possession.

Surabondamment, M. [D] réclame seulement le montant nominal des actions aux héritiers, ces derniers ont bénéficié de leur valorisation de 3 +147 000 à 269 200,50 euros montant de la cession, soit 119 200 euros.

Autrement dit, il résulte de ce qui précède que le jugement doit être confirmé, sans qu’il y ait lieu de procéder aux constats sollicités et que les appelants doivent être déboutés de leurs demandes contraires.

M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], qui succombent sont condamnés au paiement des dépens d’appel, le jugement étant confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], sont déboutés de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamnés à ce titre à payer à M. [Z] [D] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

– Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

– Déboute M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], de leurs demandes contraires,

– Condamne M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], in solidum au paiement des dépens,

– Condamne M. [A] [B], Mme [J] [B] et Mme [N] [B], prise en la personne de sa représentante légale, Mme [W] [P], in solidum à payer à M. [Z] [D], une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

 


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