Augmentation de capital : décision du 7 mars 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/02376
Augmentation de capital : décision du 7 mars 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/02376
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2024

N° 2024/ 34

Rôle N° RG 20/02376 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTON

[E] [B]

C/

[F] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe TRAVERT

Me Philippe-laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 15 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06879.

APPELANT

Monsieur [E] [B]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5] (69), demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Philippe TRAVERT de l’ASSOCIATION TRAVERT – ROBERT – CEYTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [F] [Y]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Philippe-laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté deMe Alain BOFFARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [E] [B] et M. [F] [Y] se sont associés pour reprendre l’activité de la société Picosil en liquidation judiciaire.

Ils ont constitué le 23 mai 2003 une société holding, la SA LR2M Venture, détenue à hauteur de 50,01% par M. [B] et de 46,92% par M. [Y], le reste du capital étant détenu par d’autres personnes physiques, M. [F] [Y] étant désigné PDG de cette société.

Le 30 juin 2003 était créée la SA Kemesys, filiale opérationnelle de la SA LR2M Venture, M. [E] [B] étant désigné PDG.

Des investisseurs sont entrés au capital de la société Kemesys par le biais d’une augmentation de capital votée le 21 juillet 2005.

Des pactes d’actionnaires ont été signés les 22 juillet 2005 et 29 août 2005.

Le 30 janvier 2004, MM [B] et [Y] ont constitué la SCI Cantagaï, chacun détenant la moitié du capital et étant désigné cogérant. Cette SCI a acquis l’ensemble immobilier dans lequel était exploitée l’activité reprise et a donné les locaux à bail à la SA Kemesys, société d’exploitation, qui a elle-même consenti une sous-location d’une partie des locaux à la société Beauvilliers Flavors.

Un conflit important et durable a opposé M. [E] [B] et M. [F] [Y].

Ce différend s’est notamment traduit à l’occasion de diverses procédures consécutives au défaut de paiement des loyers dus par la société Kemesys à la SCI Cantagaï, pour un montant de 133323,42 euros suivant commandement de payer délivré le 22 juin 2010, M. [Y] souhaitant poursuivre la résiliation du bail et la saisie des loyers de sous-location et M. [B] s’y opposant.

La paralysie de la gestion de la SCI Cantagaï a conduit à la désignation de Maître [X] [P], en qualité d’administrateur provisoire de la SCI par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 9 novembre 2010 et à la signature d’un protocole transactionnel le19 avril 2012 entre la société Cantagaï, la société Kemesys et la société Beauvilliers Flavors, prévoyant le versement par la société Kemesys de la somme de

77 276,88 euros TTC qui avait fait l’objet d’une saisie conservatoire, une délégation de paiement entre le sous-locataire et le propriétaire et un échéancier pour le solde de la dette.

Par une ordonnance de référé du 10 janvier 2011, le président du tribunal de commerce de Marseille a désigné Maître [T] en qualité d’administrateur provisoire de la société LR2M Venture, sur la requête de M. [Y] qui exposait qu’à la suite de la démission de M. [B] de ses fonctions d’administrateur et de l’absence d’accord sur la désignation d’un nouvel administrateur, la société était en situation de blocage.

Le 12 mars 2012, la société Technic France a adressé à M. [B] une lettre d’intention pour le rachat de la SA Kemesys, moyennant 200 000 euros pour les actions, avec plusieurs conditions suspensives, notamment la renonciation formelle et définitive de M. [Y] et de la SCI Cantagaï à toutes les actions et recours lancés à l’encontre de la SA Kemesys, la transmission à titre gratuit de l’ensemble des brevets et marques que détenait la société LR2M à la SA Kemesys.

Interrogé par M. [B] qui souhaitait recueillir la position de l’ensemble des associés sur cette offre, M. [Y] n’a pas fait connaître sa réponse.

Par ordonnance du 25 avril 2012, le président du tribunal de commerce de Marseille a ajouté à

la mission de Me [T] la convocation de l’assemblée générale extraordinaire afin qu’il soit voté sur la cession de la totalité des actions de la société Kemesys à la société Technic France, aux conditions mentionnées dans sa lettre d’intention et sur la dissolution amiable de la société.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire de la société LR2M Venture du 22 juin 2012 convoquée par l’administrateur provisoire, les résolutions tendant à la vente de la société Kemesys à la société Technic et à la dissolution anticipée de la société LR2M ont été rejetées.

Une résolution aux fins de révocation de M. [F] [Y] de ses fonctions d’administrateur a été adoptée, MM. [J] [Y] et [E] [B] étant désignés en qualité de nouveaux administrateurs.

M. [F] [Y] a proposé de racheter les actions détenues par M. [B] dans le capital de la société LR2M au montant fixé par Technic France, ce que M. [B] a refusé.

Le 16 juillet 2012, M. [B] a été nommé président du conseil d’administration de la société LR2M Venture.

Les sociétés LR2M Venture et Kemesys ont fait l’objet de procédures de liquidation judiciaire ouvertes par jugements des 24 octobre 2012 et 14 mai 2013.

Le fonds de commerce et le stock de la société Kemesys ont été repris par la société Technic France dans le cadre d’un plan de cession pour le prix de 95000 euros.

Par acte du 14 janvier 2015, M. [E] [B], agissant en sa qualité d’associé des sociétés Kemesys, LR2M Venture et de la SCI Cantagaï a assigné M. [F] [Y] en sa qualité d’associé de la société Kemesys, d’associé et de dirigeant de la société LR2M Venture, de signataire de plusieurs pactes d’actionnaires et de cogérant de la SCI Cantagaï, lui reprochant d’avoir commis diverses fautes préjudiciables.

M. [F] [Y] a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, devant lequel il a été assigné, au profit du tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 16 décembre 2015, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence s’est déclaré compétent.

Par arrêt du 29 septembre 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence statuant sur contredit a :

– confirmé le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a retenu sa compétence pour trancher le litige relatif aux fautes imputées à M. [F] [Y] en sa qualité d’administrateur, de président et directeur général de la société LR2M et d’administrateur et dirigeant de la société Kemesys,

– renvoyé l’affaire de ce chef devant les premiers juges,

L’infirmant quant au surplus,

– dit que le tribunal de commerce n’est pas compétent pour trancher le litige concernant le rôle de M. [F] [Y] dans le fonctionnement de la SCI Cantagaï et dans l’exécution du pacte d’actionnaires, en ce incluse la question de l’abus de minorité,

– renvoyé la cause et les parties, de ces chefs, devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence.

L’instance s’est ainsi poursuivie devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, M. [E] [B] demandant à cette juridiction de :

-Juger que M. [Y] a engagé sa responsabilité en sa qualité de co-dirigeant et associé de la SCI Cantagaï, pour avoir violé les pactes d’actionnaires le liant à lui, pour avoir, tant en sa qualité d’associé de la SCI Cantagaï que de la société LR2M Venture, poursuivi un intérêt personnel au détriment des autres associés et par là même d’avoir abusé de sa minorité,

-Condamner M. [Y] à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 53 357 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par lui, directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte de 200 000 euros par le groupe Technic France lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012, la somme de 68 367 euros relatif au compte courant de M. [E] [B] au sein de LR2M Venture, la somme de 51 211 euros correspondant à la moitié de la dette locative due par Kemesys à Cantagaï, devenue

irrécouvrable du fait de l’opposition de M. [Y] à la vente de Kemesys au groupe Technic France, la somme de vingt mille euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, outre la somme de dix mille euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a :

-Débouté M. [B] de l’ensemble de ses prétentions ;

-Rejeté la demande reconventionnelle de M. [Y] ;

-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

-Rejeté les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné M. [E] [B] aux dépens.

M. [E] [B] a interjeté appel de cette décision le 14 février 2020.

Par conclusions déposées et notifiées le 20 août 2020, M. [B] demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants, 1382 et suivants et 1832 et suivants du code civil, de :

-Réformer le jugement rendu le 15 novembre 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle à titre de dommages et intérêts de M. [F] [Y] et sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

-Dire et juger que M. [F] [Y] a engagé sa responsabilité :

en sa qualité de cogérant et associé de la SCI Cantagaï,

pour avoir violé les pactes d’actionnaires le liant à M. [E] [B],

pour avoir, tant en sa qualité d’associé de la SCI Cantagaï que de la société LR2M Venture, poursuivi un intérêt personnel au détriment des autres associés et par là-même d’avoir abusé de sa minorité.

En conséquence,

-Condamner M. [F] [Y] à régler à M. [E] [B] les sommes suivantes :

– 53357,00 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par ce dernier, directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte de 200000 euros par le Groupe Technic France lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012,

– 68367,00 euros relatifs au compte courant de M. [E] [B] au sein de la LR2M Venture,

– 51211,00 euros correspondant à la moitié de la dette locative due par Kemesys à Cantagaï devenue irrécouvrable du fait de l’opposition de M. [F] [Y] à la vente de Kemesys au Groupe Technic France,

– 20000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre de préjudice moral.

-Condamner M. [F] [Y] à payer à M. [E] [B] la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile relative aux frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

-Condamner M. [F] [Y] à payer à M. [E] [B] la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile relative aux frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions déposées et notifiées le 16 novembre 2020, M. [Y] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence le 15 novembre 2019 en ce qu’il a débouté M. [E] [B] de l’ensemble de ses demandes ;

-Dire et juger que les demandes formulées en cause d’appel par M. [E] [B] sont irrecevables et mal fondées, le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions d’appel ;

-Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence le 15 novembre 2019 en ce qu’il a débouté M. [F] [Y] de sa demande de condamnation de M. [E] [B] en dommages-intérêts pour abus d’ester en justice ;

-Et reconventionnellement, condamner M. [E] [B] au paiement de la somme de 10000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. [F] [Y] causé par la procédure abusive mise en oeuvre et réitérée en cause d’appel par M. [E] [B] ;

-Condamner M. [E] [B] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée le 4 juillet 2023.

MOTIFS :

Conformément aux termes de l’arrêt rendu par cette cour le 29 septembre 2016, ne seront examinées que les demandes présentées par M. [B] en indemnisation de préjudices résultant de fautes reprochées à M. [Y] en ses qualités d’associé et co-gérant de la SCI Cantagaï et en sa qualité d’associé lié par les pactes d’actionnaires et au titre de l’abus de minorité allégué.

M. [Y] prétend que M. [B] serait irrecevable à poursuivre un contentieux lié aux relations d’associés et à la gestion de la SCI Cantagaï en raison de la signature par les parties, du procès-verbal d’une assemblée générale de la SCI tenue le 22 mars 2016, aux termes duquel il aurait été mis fin à tous leurs contentieux.

Le procès-verbal comporte un exposé préalable rédigé comme suit :

‘Lors de la création de la société les deux associés égalitaires ont été désignés gérants pour une durée indéterminée, elle a acquis un bien immobilier à usage industriel en janvier 2004 sis à [Localité 6] quartier [Adresse 4] qui a été donné à bail commercial à la société Kemesys.

Par suite de dissensions entre associés en raison de loyers impayés par Kemesys et selon ordonnance du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 9 novembre 2010 rendue au contradictoire de M. [F] [Y], Maître [X] [P] a été désigné administrateur provisoire de la SCI Cantagaï avec une mission complète de gestion des intérêts de celle-ci dans les fonctions de gérant.

Ces dissensions et oppositions entre associés sont exposées dans des assignations et conclusions auxquelles ils renvoient.

Les associés déclarent que leur entier désaccord est exprimé dans ces différentes procédures qu’ils affirment parfaitement connaître et les membres de l’assemblée se dispensent mutuellement d’en faire une plus ample description.

Après négociation, les comparants, conscients que la situation juridique actuelle de la société Cantagaï ne peut qu’être contraire à l’intérêt social et à ceux de ses associés, se sont rapprochés et ont décidé de mettre un terme à leurs contentieux.

Ils ont consécutivement pris les décisions suivantes :’

Suivent 13 résolutions relatives à la fin de la mission de Maître [P], le choix d’un cabinet d’expertise comptable, l’approbation des comptes 2011 à 2014, la distribution des bénéfices, la gestion de l’immeuble appartenant à la société, la gérance, le transfert du siège social, le recours à la médiation ou conciliation en cas de différend entre associés et ou gérants.

Il ne résulte pas des termes de ce procès-verbal une décision expresse de renoncer à la poursuite des instances en cours opposant les deux associés.

La fin de non-recevoir tirée de ce procès-verbal sera écartée.

L’intimé oppose également une fin de non-recevoir tirée du fait que M. [B] n’aurait pas mis en oeuvre la procédure en vue de saisir un arbitre contenue dans les pactes d’actionnaires.

Les clauses insérées aux pactes d’actionnaires des 22 juillet 2005 et 29 août 2005 instaurent une option entre un tribunal arbitral et le tribunal de grande instance.

En tout état de cause, le non-respect d’une clause d’arbitrage ne peut donner lieu qu’à une exception d’incompétence et non à une fin de non-recevoir, or il a déjà été statué, dans le cadre de la présente procédure, sur la compétence du tribunal de grande instance.

La fin de non-recevoir tirée de la clause d’arbitrage sera en conséquence écartée.

M. [Y] soulève encore une irrecevabilité tirée de la règle de l’estoppel, faisant valoir que M. [B] ne peut plus soutenir dans ses conclusions d’intimé du 20 août 2020 que les pactes ont retrouvé force de loi au sens de l’article 1134 du code civil après que lui-même les ait déclarés caducs le 22 juin 2012.

La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui sanctionne l’attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d’une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

En l’espèce, les contradictions imputées à M. [B] n’ont pas été exprimées au cours de la même instance, M. [Y] se référant à des déclarations effectuées plusieurs années avant l’introduction de l’instance, de sorte que l’irrecevabilité n’est pas encourue sur ce fondement.

C’est par ailleurs à tort que l’intimé soutient que M. [B], qui s’est abstenu d’agir en nullité de la décision de l’assemblée générale dans le délai de prescription de trois ans, n’est plus recevable à faire sanctionner un abus de droit commis lors de cette assemblée générale.

L’action en réparation du préjudice causé par un abus de minorité est en effet distincte et autonome de l’action en nullité de l’assemblée générale et est soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

Elle peut être exercée dans ce délai alors même qu’aucune action en nullité de l’assemblée générale n’aurait été engagée et qu’une telle action serait prescrite.

M. [B], qui a introduit son action le 14 janvier 2015, est recevable à solliciter l’indemnisation d’un préjudice résultant d’un abus de minorité commis lors d’une assemblée générale du 22 juin 2012.

M. [B] sollicite en premier lieu la condamnation de M. [F] [Y] à lui régler la somme de 53357 euros correspondant au pourcentage des actions détenues par lui directement ou indirectement au travers de LR2M Venture sur la base de la valorisation offerte par le groupe Technic France, lors de l’offre du 12 mars 2012 et du 20 septembre 2012, ainsi que la somme de 68367,00 euros correspondant au montant de son compte courant d’associé non recouvré.

Il précise avoir subi ces pertes financières du fait de l’absence de cession amiable de Kemesys à Technic France. Il résulte des développements complémentaires contenus dans ses écritures qu’il reproche à M. [F] [Y] de ne pas avoir accepté l’offre de la société Technic France de racheter 100% du capital de la société Kemesys pour le prix de 200000 euros et d’avoir émis un vote défavorable à cette cession lors de l’assemblée générale extraordinaire du 22 juin 2012 convoquée par Maître [T], administrateur provisoire, en exécution d’une ordonnance du 23 avril 2012 alors que selon lui, cette cession devait permettre d’assurer la pérennité de la société Kemesys et la solvabilité de la société LR2M.

L’appelant prétend qu’en utilisant sa minorité de blocage pour faire obstacle à la cession, M. [Y] a commis un abus de minorité, en favorisant ses intérêts personnels au détriment de l’ensemble des autres associés.

Il sera relevé que M. [B] ne s’étend pas sur la démonstration du lien de causalité entre l’abus de minorité qu’il reproche à M. [Y] et les pertes financières qu’il allègue à hauteur de 53357 euros et 68367,00 euros.

La conséquence préjudiciable du vote défavorable de M. [Y] ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de réaliser la cession des titres de la société Kemesys au prix global de 200000 euros, dont 53,35% revenant à LR2M, pour laquelle la société Technic France n’avait émis qu’une simple lettre d’intention ne constituant pas une offre d’achat, soumise à diverses conditions, de sorte que même en cas de vote favorable des associés de la société LR2M Venture, la réalisation effective de la cession au prix de la lettre d’intention n’était pas garantie.

La cession devait en outre être suivie, selon la proposition soumise au vote de l’assemblée générale, de la dissolution de la société LR2M Venture et de sa liquidation amiable, au terme de laquelle M. [B] n’aurait pu prétendre au remboursement de son compte courant d’associé, en concurrence avec d’autres créanciers, et à sa quote part d’un éventuel boni de liquidation, que dans la limite de l’actif disponible, aucun élément d’information n’étant produit sur ce point.

En tout état de cause, M. [B] ne démontre pas que le vote défavorable de M. [Y] lors de l’assemblée générale du 22 juin 2012 serait constitutif d’un abus de minorité.

Ainsi que le rappelle M. [Y], l’assemblée générale des associés était appelée à se prononcer sur l’autorisation de cession à la société Technic France de la totalité des titres de la société Kemesys détenus par la société LR2M Venture aux conditions mentionnées dans la lettre d’intention du 12 mars 2012, et quel que soit le résultat de ce premier vote, sur la dissolution de la société LR2M Venture et la nomination d’un liquidateur amiable.

Les conditions mentionnées dans la lettre d’intention du 12 mars 2012 comportaient notamment:

– la renonciation formelle et définitive de M. [F] [Y] et de la SCI Cantagaï à toutes les actions et recours lancés à l’encontre de la SA Kemesys,

– la transmission à titre gratuit de l’ensemble des brevets et marques que détient la holding LR2M à sa fille la SA Kemesys,

– le renouvellement anticipé du bail commercial avec résiliation du bail de sous-location,

– l’accord des parties sur les modalités de la collaboration avec M. [B], tant au regard de sa rémunération que de ses fonctions,

– l’établissement d’une garantie d’actif et de passif et d’une clause de non-concurrence.

Au regard de ces différentes conditions, M. [Y] a pu légitimement, sans commettre un abus, émettre un vote défavorable à une décision imposant des sacrifices à la SCI Cantagaï et à la société LR2M elle-même et entraînant la disparition de la société après transmission à titre gratuit de ses marques et brevets, et dont M. [B] devait tirer un intérêt personnel par une proposition de collaboration.

M. [B] ne démontre pas que M. [Y] aurait émis un vote défavorable dans l’unique dessein de favoriser ses intérêts personnels au détriment de l’intérêt général.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] de ses demandes à ce titre.

M. [B] ne démontre pas non plus de lien de causalité direct entre la non-réalisation de la cession des actions de la société Kemesys à la société Technic France et la perte par la SCI Cantagaï de sa créance contre la SA Kemesys, d’autant plus que la proposition de la société Technic France était soumise à la condition de renonciation formelle et définitive de la SCI Cantagaï à toutes les actions et recours lancés à l’encontre de la SA Kemesys.

Il a en tout état de cause été retenu que l’abus de minorité reproché à M. [Y] n’était pas constitué.

Par ailleurs, l’appelant ne saurait sans se contredire reprocher à M. [Y] à la fois d’avoir laissé se constituer une dette de loyer de la SA Kemesys à l’égard de la SCI Cantagaï et d’avoir engagé des poursuites pour le recouvrement de cette dette.

La responsabilité de la création de la dette incombe en premier lieu à M. [B], dirigeant de droit de la SA Kemesys.

Le fait pour M. [Y] d’engager, au nom de la SCI bailleresse, des procédures de recouvrement contre sa locataire défaillante relève d’une saine gestion et ne peut être considéré comme un acte de gestion fautif ni caractériser la poursuite d’un intérêt personnel.

Le blocage du fonctionnement de la SCI Cantagaï provient du montage choisi initialement par les associés fondateurs leur conférant une égalité de droits et de pouvoirs, et de la dégradation ancienne et durable de leurs relations, dont il n’est pas établi que M. [Y] serait le seul responsable.

M. [B] sera en conséquence débouté de sa demande en indemnisation au titre du caractère irrécouvrable de la dette de la SA Kemesys à l’égard de la SCI Cantagaï, le jugement étant également confirmé sur ce point.

M. [B] invoque différents autres griefs à l’encontre de M. [Y], qui soit constituent des fautes de gestion du dirigeant de LR2M échappant au périmètre de la présente instance telle que définie par l’arrêt rendu par cette cour le 29 septembre 2016 (utilisation des moyens humains et financiers de la société Kemesys aux fins de développer des gammes de produits cosmétiques au profit de LR2M et de déposer des marques au nom de LR2M , transfert de la trésorerie de Kemesys à la société LR2M Venture afin de lui permettre de rembourser son propre compte courant), soit dépourvus de tous liens avec les préjudices allégués (création d’une société Dedugest prétendument concurrente, saisine du conseil de prud’hommes pour solliciter un complément de rémunération). Il n’y a donc pas lieu de les examiner.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande en paiement d’une somme de 20000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, faute pour l’appelant de démontrer que les différentes procédures engagées par M. [Y] l’ont été de manière abusive et dans le dessein de lui nuire.

M. [F] [Y], qui ne démontre pas que le droit pour M. [B] d’agir en justice et de former un recours contre une décision qui lui fait grief aurait dégénéré en abus, sera pareillement débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, la décision de première instance étant également confirmée sur ce point.

Partie succombante, M. [B] sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles d’appel conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [E] [B] à payer à M. [F] [Y] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [E] [B] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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