Augmentation de capital : décision du 7 juillet 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/03450
Augmentation de capital : décision du 7 juillet 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/03450

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/07/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/03450 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TFNH

Jugement (N° 18/01343)

rendu le 09 juin 2020 par le tribunal de grande instance de tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

Madame [J] [V]

née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Frédéric Vauvillé, membre de la SELARL Vivaldi.Avocats, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [W] [I]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 7]

La SCP des docteurs [W] et [J] [I] – [V]

prise en la personne de Monsieur [W] [I], en qualité d’associé-cogérant

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 6]

représentés et assistés de Me Stéphane Campagne, membre de la SELARL Cabinet Altura, avocat au barreau de Béthune

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l’audience publique du 02 mai 2022 après rapport oral de l’affaire par Céline Miller.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 juillet 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 avril 2022

****

Le 3 mai 1980, Monsieur [G] [V] s’est associé à sa fille, Madame [J] [V], et son époux, Monsieur [W] [I], pour la création d’une société civile professionnelle de chirurgiens-dentistes.

Le 31 janvier 1986, suite au départ à la retraite de Monsieur [G] [V], Monsieur [W] [I] et Madame [J] [V] sont devenus associés égalitaires et co-gérants de la société civile professionnelle de chirurgiens-dentistes des docteurs [W] et [J] [I]-[V] (ci-après dénommée la SCP [I]-[V]).

Le 31 mars 2013, Madame [J] [V] a fait valoir ses droits à la retraite et a cessé toute activité professionnelle au sein de la SCP [I]-[V].

Selon exploit d’huissier du 28 mars 2018, la SCP [I]-[V] et Monsieur [W] [I] ont fait assigner Madame [J] [V] devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins notamment de la voir condamnée à rembourser le solde débiteur de son compte courant d’associée, avec exécution provisoire

Par acte d’huissier du 27 novembre 2018, la SCP [I]-[V] et Monsieur [W] [I] ont à nouveau fait assigner Madame [J] [V] devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins notamment d’obtenir son retrait judiciaire de la SCP au 1er avri1 2013, ainsi que la révocation de ses fonctions de co-gérante à compter de la même date.

La jonction des deux instances a été ordonnée par le juge de la mise en état le 4 septembre 2019.

Par jugement du 9 juin 2019, le tribunal judiciaire de Béthune a :

– Condamné Madame [J] [V] à payer à la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] la somme de 32 955,77 euros en remboursement de son compte courant d’associée débiteur, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– Débouté la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] de sa demande d’anatocisme au titre de ces intérêts légaux ;

– Débouté Madame [J] [V] de sa demande tendant à voir différer le remboursement de son compte courant débiteur au moment de la liquidation de la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] ;

-Débouté [J] [V] de sa demande tendant à se voir accorder un délai de paiement au titre du remboursement de son compte courant d’associé débiteur ;

– Débouté la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] et Monsieur [W] [I] de leur demande tendant à obtenir le retrait judiciaire de Madame [J] [V] de la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] à compter du 31 mars 2013 ;

– Débouté la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] et Monsieur [W] [I] de leurs demandes subséquentes tendant à la fixation de la valeur des droits sociaux de l’associée retrayée à la somme d’un euro ou subsidiairement à renvoyer les parties à solliciter la désignation d’un expert pour fixer la valeur desdits droits sociaux;

– Débouté la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] et Monsieur [W] [I] de leur demande tendant à la notification du présent jugement au conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes aux fins de radiation de Madame [V] du tableau des praticiens en exercice;

– Débouté la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] et Monsieur [W] [I] de leur demande tendant à la révocation de Madame [J] [V] de ses fonctions de co-gérante de la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] à compter du 1er avril 2013 ;

– Dit que la demande reconventionnelle formée par Madame [J] [V] tendant au partage par moitié des résultats entre les associés de la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] depuis 2013 est recevable ;

– Débouté Mme [J] [V] de sa demande reconventionnelle tendant à ce que soit ordonnée la répartition par moitié entre les associés des résultats de la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] depuis 2013 ;

– Condamné Mme [J] [V] à payer à la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] et à M. [W] [I] la somme globale de 2 000 euros ;

– Condamné Mme [J] [V] aux entiers dépens de l’instance ;

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraire ;

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [J] [V] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 mars 2022, Mme [J] [V] demande à la cour de réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

– Ordonner la répartition des résultats de la SCP par moitié entre les associés en l’absence d’accord ;

– Juger en toute hypothèse que la répartition des bénéfices unilatéralement effectuée par M. [I] sans assemblée générale est inopposable à Mme [V] ;

– En conséquence, débouter M. [I] et la SCP [I]-[V] de l’ensemble de leurs demandes, spécialement de leur demande de paiement du solde débiteur de compte courant d’associé de Mme [V] ;

A titre subsidiaire,

– Dire irrecevable la demande de M. [I] s’agissant du compte courant en application du principe de cohérence ;

– Dire que si Mme [V] devait rembourser le compte courant, la dette sera réglée au moment de la liquidation de la SCP ;

– A défaut, dire qu’elle disposera d’un délai de deux ans, sans intérêt, pour acquitter sa dette ;

En toute hypothèse,

– Juger que Mme [V] a droit à la moitié de tous les honoraires rétrocédés à la SCP après son départ en retraite et que le liquidateur de la SCP devra le moment venu en tenir compte pour déterminer les droits de chacun ;

– Condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle indique à cette fin que l’article 17 des statuts de la SCP [I]-[V], modifié après le départ de son père de cette société, dispose que les bénéfices nets ‘sont répartis de façon suivante entre chacun des associés : M. [W] [I], à concurrence de 50%, Mme [J] [I]-[V] à concurrence de 50%. En application de l’article 23, alinéa 2 du décret du 24 août 1978, il est précisé que la répartition des résultats est établie en considération du temps de travail respectif de chaque associé au sein du cabinet aux fins de réalisation de l’activité. Elle sera modifiée sur commun accord des parties au cas où le temps de travail respectif de chaque associé ne sera plus équivalent.’ ; qu’elle a pris sa retraite le 31 mars 2013 ; que conformément à l’article 17 des statuts et dès lors que le temps de travail respectif des associés n’était plus équivalent, il convenait de procéder à une modification d’un commun accord entre les associés de la répartition des résultats ; que tel n’a pas été le cas en l’espèce, les associés ne s’étant jamais mis d’accord, après son départ à la retraite, pour modifier la répartition des résultats qui s’était toujours faite, jusqu’alors, à raison de la moitié pour chacun des associés ; que le premier juge a interprété les statuts en estimant que la commune intention des parties avait été de répartir les résultats à raison du temps de travail respectif des parties, mais que cette interprétation est erronée alors que le temps de travail des associés n’a en réalité jamais été similaire, Mme [V] travaillant moins que son époux pour pouvoir assurer les tâches administratives de la SCP et s’occuper de l’entretien du ménage et de l’éducation des enfants. Elle soutient dès lors que la volonté des associés a toujours été clairement de procéder à une répartition des résultats par tête, quel que soit le temps de travail de chaque associé, les statuts n’ayant été modifiés que pour satisfaire aux exigences du code de la santé publique ; qu’il est parfaitement clair dans les statuts que la modification de la répartition des résultats devait être décidée d’un commun accord entre les associés, ce qui n’a pas eu lieu ; que la clause étant parfaitement claire, le juge n’avait pas à l’interpréter. Elle ajoute que sa créance ne saurait être prescrite puisque les bénéfices de l’année 2013 ne pouvaient être demandés avant la fin de l’année 2013 et que sa demande a été faite par ses conclusions de 2018 ; que l’enrichissement sans cause ou injustifié n’a pas sa place dans la discussion puisque l’enrichissement s’explique par le jeu des statuts de la SCP ; qu’il importe peu qu’elle n’ait pas acquitté de cotisations sociales sur les sommes en question dès lors qu’il lui appartiendra de régulariser sa situation de ce point de vue si sa demande était jugée bien fondée ; que M. [I] a réparti les bénéfices de la SCP sans avoir convoqué la moindre assemblée générale depuis 2013.

Elle ajoute que si M. [I] invoque à titre principal les dispositions de l’article R4113-69 du code de la santé publique en application desquelles l’associé perd, à compter de sa cessation d’activité, les droits attachés à sa qualité d’associé, cette règle n’a pas été reprise par les statuts de la société de 1986 alors qu’elle remonte au décret du 24 août 1978 pris pour l’application au chirurgien-dentiste de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ; que M. [I] affirme sans aucun fondement que cette disposition serait d’ordre public et pourrait donc s’appliquer mécaniquement nonobstant les termes des statuts alors que l’ordre des chirurgiens-dentistes leur a demandé en 1986 de mettre les statuts en harmonie avec le décret de 1978 ; que dès lors, on ne peut invoquer cette seule disposition pour faire valoir qu’elle ne peut plus participer au partage des bénéfices ; que si les statuts ne prévoient pas que l’associé à la retraite conservera une part de bénéfice, il est prévu que la modification des résultats en considération du temps de travail peut être modifiée d’un commun accord, lequel accord n’est jamais intervenu.

Elle soutient que la position débitrice de son compte courant, à hauteur de 32 955,77 euros depuis le 31 décembre 2014 est liée au fait que, depuis la fin du 1er trimestre 2013, tous les bénéfices ont été attribués à M. [I], en contradiction avec les statuts et ajoute que si la cour devait ordonner une répartition des bénéfices par moitié depuis la fin du 1er trimestre 2013, les comptes devraient être modifiés en conséquence et son compte courant deviendrait alors largement créditeur.

A titre subsidiaire, si sa demande quant à la répartition des bénéfices devait être rejetée, Mme [V] demande à la cour de bien vouloir ordonner que le paiement de son compte courant ait lieu lors de la liquidation de la SCP, laquelle ne rencontre à ce jour aucune difficulté de trésorerie. Très subsidiairement, elle sollicite l’octroi d’un délai de deux ans pour acquitter sa dette.

Elle indique enfin que M. [I] étant désormais lui-même à la retraite, il ne peut prétendre agir au nom de la SCP et demander paiement d’un compte courant d’associé et donc le paiement d’une créance de la société, alors que compte tenu de son argumentation, les deux époux ne sont plus ni associés ni co-gérants, de sorte que sa demande doit être jugée irrecevable en application du principe de cohérence qui impose de sanctionner par l’irrecevabilité le plaideur qui soutient des positions inconciliables.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 mars 2022, M. [W] [I] et la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] (ci-après dénommée SCP [I]-[V]) demandent à la cour, au visa des statuts de la SCP [I]-[V], pris notamment en leurs articles 2, 9, 11, 16 et 17, des dispositions des articles R4113-48 et R4113-69 du code de la santé publique et de l’état des comptes généraux au 31 décembre 2014 de ladite société, de:

– Confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Béthune en date du 9 juin 2020 ;

– Débouter purement et simplement Mme [V] de ses appel, fins et conclusions ;

– Juger recevables et bien-fondés la SCP [I]-[V] et M. [I] en leur appel incident ;

– Juger que Mme [V] a perdu les droits attachés à sa qualité d’associée, à compter de sa cessation d’activités professionnelles en date du 31 mars 2013;

– Juger qu’elle a en conséquence perdu ses droits aux bénéfices rémunérant l’activité professionnelle en qualité de praticien à compter de cette date ;

– Juger en effet qu’en application des statuts pris en leur article 17 et des dispositions légales de l’article 4113-48 du code de la santé publique, le droit aux bénéfices est ouvert aux seuls associés exerçant en activité ;

– Condamner Mme [J] [V] au paiement de la somme de 32 955,77 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mars 2018 ;

– Juger que les intérêts porteront eux-mêmes capital dans le délai d’un an en vertu des dispositions des articles 1154 et suivants du code civil ;

– Condamner Mme [J] [V] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et argumentation fallacieuse ;

– La condamner au paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils font essentiellement valoir que Mme [V] a fait valoir ses droits à la retraite en 2013 sans solliciter le constat de sa sortie du capital social de la société ; qu’elle est titulaire d’un compte courant d’associé à la position débitrice qui constitue une créance de la SCP, laquelle est légitime à en demander le remboursement ; que Mme [V] entend obtenir la rémunération d’un travail qu’elle n’a pas fourni puisqu’à la retraite depuis 2013 ; que cependant, un associé d’une société civile professionnelle de chirurgiens-dentistes non exerçant ne peut recevoir de rémunération d’un temps de travail qu’il ne fournit pas, la société civile n’étant pas une société commerciale et la pratique professionnelle d’une profession libérale de santé étant la seule source de rétribution du praticien.

Ils soulignent que si Mme [V] a cessé définitivement son activité professionnelle le 31 mars 2013, elle est restée inscrite au tableau de l’ordre des chirurgiens-dentistes du Pas-de-Calais jusqu’au 26 février 2014, puis elle a été inscrite sur la liste des praticiens retraités. Ils ajoutent que lors de son départ en 2013, les comptes faisaient état du débit de son compte courant d’associée à hauteur de 87 205,77 euros au 31 décembre 2013 puis qu’au 31 décembre 2014, le débit de ce compte courant a été ramené à 32 955,77 euros après imputation du résultat ; que depuis cette date, le débit n’a pas changé puisque Mme [V] n’exerçait plus son activité et ne percevait donc pas de résultat, mais qu’elle ne l’a pour autant pas remboursé et qu’elle ne participe plus aux charges de la SCP, lesquelles sont supportées par M. [I], seul praticien.

Ils soutiennent qu’en application des dispositions d’ordre public des articles R4113-48 et R4113-49 du code de la santé publique, hormis une part mineure et plafonnée correspondant à la rémunération des apports, les bénéfices des associés de la SCP sont répartis en fonction de critères professionnels et non pas en fonction de critères personnels et conjugaux. Ils ajoutent que l’associée ayant cessé son activité, elle a perdu les droits attachés à sa qualité d’associée depuis le 31 mars 2013, date de sa cessation d’activité enregistrée par l’ordre des chirurgiens-dentistes du Pas-de-calais, et qu’elle ne peut en conséquence plus participer au partage des bénéfices à quelque titre que ce soit.

Ils ajoutent que l’article 17 des statuts mis à jour au 31 janvier 1986 et rectifié, suivant les recommandations du conseil de l’ordre, pour le mettre en conformité avec les dispositions légales du décret de 1978 imposant de préciser les critères professionnels donnant lieu à la répartition des bénéfices, stipule une répartition en fonction du temps de travail des associés ; que depuis le 1er avril 2013, Mme [V] n’a plus vocation à recevoir une part de bénéfices, conformément à la lettre des statuts lesquels ne prévoient nullement que l’associé ayant fait valoir ses droits à la retraite conserve une part aux bénéfices en rémunération de l’absence d’exercice professionnel.

Ils soutiennent que Mme [V] formule deux demandes nouvelles dans ses dernières écritures, lesquelles doivent être déclarées irrecevables en application de l’article 564 du code de procédure civile, à savoir :

– Juger en toute hypothèse que la répartition des bénéfices unilatéralement effectuée par M. [I] sans assemblée générale est inopposable à Mme [V] ;

– Juger que Mme [V] a droit la moitié de tous les honoraires rétrocédés à la SCP après son départ en retraite et que le liquidateur de la SCP devra le moment venu en tenir compte pour déterminer les droits de chacun.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la portée de l’appel

Aux termes de l’article 901 4 °du code de procédure civile, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’article 954 dudit code précise que les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Dans sa déclaration d’appel en date du 2 septembre 2020, Mme [J] [V] a indiqué former appel du jugement du 9 juin 2020 en ce qu’il a :

– Condamné Mme [J] [V] à payer la somme de 32 955,77 euros,

– Débouté Mme [J] [V] de sa demande de différé de remboursement et de délai,

– Débouté Mme [J] [V] de sa demande de répartition par moitié des résultats de la SCP depuis 2013,

– Condamné Mme [J] [V] aux dépens et au paiement de la somme globale de 2 000 euros.

Par conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par la voie électronique le 31 mars 2022, M. [W] [I] et la SCP des docteurs [W] et [J] [I] demandent à la cour de:

– Confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Béthune en date du 9 juin 2020 ;

– Débouter purement et simplement Mme [V] de ses appel, fins et conclusions ;

– Juger recevables et bien-fondés la SCP [I]-[V] et M. [I] en leur appel incident ;

– Juger que Mme [V] a perdu les droits attachés à sa qualité d’associée, à compter de sa cessation d’activités professionnelles en date du 31 mars 2013;

– Juger qu’elle a en conséquence perdu ses droits aux bénéfices rémunérant l’activité professionnelle en qualité de praticien à compter de cette date ;

– Juger en effet qu’en application des statuts pris en leur article 17 et des dispositions légales de l’article R4113-69 du code de la santé publique, le droit aux bénéfices est ouvert aux seuls associés exerçant en activité ;

– Condamner Mme [J] [V] au paiement de la somme de 32 955,77 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mars 2018 ;

– Juger que les intérêts porteront eux-mêmes capital dans le délai d’un an en vertu des dispositions des articles 1154 et suivants du code civil ;

– Condamner Mme [J] [V] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et argumentation fallacieuse ;

– La condamner au paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Ils ne précisent cependant pas quelles dispositions du jugement déféré ils entendent critiquer.

Dès lors, la cour ne peut que constater qu’elle n’est saisie d’aucun appel incident et que l’effet dévolutif n’a joué qu’en ce qui concerne l’appel principal limité aux chefs de jugement expressément critiqués formé par Mme [V].

Sur la recevabilité des demandes nouvelles formées par Mme [V]

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 566 ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

L’article 563 précise que pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Mme [V] demande à la cour dans ses dernières écritures de :

‘- Juger en toute hypothèse que la répartition des bénéfices unilatéralement effectuée par M. [I] sans assemblée générale est inopposable à Mme [V] ;

– Juger en toute hypothèse que Mme [V] a droit la moitié de tous les honoraires rétrocédés à la SCP après son départ en retraite et que le liquidateur de la SCP devra le moment venu en tenir compte pour déterminer les droits de chacun.’

Les intimés demandent à la cour de déclarer ces demandes irrecevables comme étant nouvelles en cause d’appel.

Cependant, la première de ces demandes de ‘dire et juger’ ne s’analyse pas en un véritable chef de demandes au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais en un moyen formulé à l’appui de la demande principale de Mme [V] tendant à obtenir la répartition des résultats de la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] par moitié entre les associés, demande qui était déjà formulée en première instance.

Ce moyen nouveau est donc recevable.

Le second tend à obtenir la reconnaissance d’une créance de Mme [V] sur la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] au titre des honoraires rétrocédés par des confrères à la SCP après le départ à la retraite de Mme [V].

Cette demande ne saurait être assimilée à une demande nouvelle dès lors qu’il s’agit toujours, pour Mme [V], d’obtenir la répartition de la moitié des résultats dégagés par la SCP, les honoraires de rétrocession versés par des confrères ayant été amenés à effectuer des remplacements en utilisant les infrastructures de la SCP étant intégrés aux comptes de résultats de la société.

Cette demande est donc recevable.

Sur la demande de répartition par moitié des résultats de la SCP

Aux termes de l’article 1 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, il peut être constitué, entre personnes physiques exerçant une même profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et notamment entre officiers publics et ministériels, des sociétés civiles professionnelles qui jouissent de la personnalité morale et sont soumises aux dispositions de la présente loi. Ces sociétés civiles professionnelles ont pour objet l’exercice en commun de la profession de leurs membres, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire réservant aux personnes physiques l’exercice de cette profession.

L’article 6 de cette loi précise que les sociétés civiles professionnelles sont librement constituées dans les conditions prévues au décret particulier à chaque profession, qui déterminera la procédure d’agrément ou d’inscription et le rôle des organismes professionnels.

L’article 7 ajoute que les statuts de la société doivent être établis par écrit et qu’un décret particulier à chaque profession détermine les indications qui doivent obligatoirement figurer dans les statuts.

Le décret n°78-906 du 24 août 1978, désormais intégré au code de la santé publique, précise l’application aux chirurgiens-dentistes de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles.

A cet égard, l’article 23 de ce texte, devenu par la suite R4313-48 du code de la santé publique, dispose que la rémunération servie aux parts représentant les apports prévus à l’article 11 (a) ne peut excéder le taux des avances sur titres de la Banque de France diminué de deux points. La rémunération des parts sociales représentant les apports prévus à l’article 11 (b, c, d) ainsi que des parts distribuées à la suite d’une augmentation de capital ne peut excéder ce même taux majoré de deux points.

L’alinéa 2 de ce texte ajoute que le surplus des bénéfices, après constitution éventuelle de réserves, est réparti entre les associés selon des bases de répartition périodique fondées sur les critères professionnels fixés par les statuts.

L’article 38 du décret du 24 août 1978, devenu R4113-63 du code de la santé publique dispose qu’en cas de modification des statuts, une copie du procès-verbal complet de l’assemblée générale ou de l’acte modificatif est immédiatement portée à la connaissance du conseil départemental de l’ordre, à la diligence d’un des gérants.

L’article 39 du décret de 1978 devenu R4113-64 du code de la santé publique ajoute que si les nouvelles dispositions des statuts ne sont pas conformes aux dispositions législatives ou réglementaires et si la régularisation n’est pas opérée dans le délai imparti par le conseil départemental, celui-ci, après avoir appelé les intéressés à présenter leurs observations orales ou écrites, prononce, par décision motivée, la radiation de la société.

Enfin l’article 45 du décret de 1978 devenu R4113-70 du code de la santé publique précise que sous réserve de l’application de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et de la présente section, toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’exercice de la profession de médecin ou de chirurgien-dentiste et spécialement à la déontologie et à la discipline sont applicables aux membres de la société et, dans la mesure où elles sont applicables aux personnes morales, à la société civile. professionnelle elle-même.

Il résulte de l’ensemble de ces textes que la rédaction des statuts des sociétés civiles professionnelles visant à l’exercice en commun de la profession de chirurgien-dentiste, soumise au contrôle du conseil départemental de l’ordre de cette profession, doit comporter certaines mentions obligatoires, dont notamment la mention de la justification de la clef de répartition des bénéfices entre les associés par des critères professionnels et non au regard du prorata du nombre de parts détenues par chacun d’eux.

En l’espèce, il est constant que la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] était initialement composée de trois associés, à savoir M. [I] et Mme [V], ainsi que le père de cette dernière, M. [G] [V].

A la suite du départ à la retraite de M. [G] [V], les associés de la SCP se sont réunis en assemblée générale extraordinaire le 31 janvier 1986, à l’occasion de laquelle M. [G] [V] a cédé l’intégralité de ses parts aux deux autres associés, dans des proportions égales. L’assemblée générale extraordinaire a également décidé de la modification des statuts s’agissant notamment de la dénomination sociale, de la gérance et de la répartition des bénéfices entre les associés restants.

Cependant, l’article 17 des statuts ainsi modifiés ne prévoyant pas de référence à des critères professionnels pour la répartition des bénéfices, l’ordre national des chirurgiens-dentistes, qui avait été destinataire de l’acte de cession des parts de M. [G] [V] et du projet de modification des statuts, a alerté le président du conseil départemental de l’ordre du Pas-de-Calais sur ce point, demandant la mise en conformité des statuts de la société avec l’article 23 alinéa 2 du décret du 24 août 1978 précité.

L’article 17 des statuts de la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] a alors en conséquence été rectifié en sa deuxième partie pour faire référence au temps de travail effectif des associés et stipule désormais que :

‘Les produits nets de la société constatés par les documents sociaux d’inventaire, déduction faite de tous frais généraux, charges sociales, de tous amortissements, toutes provisions jugées nécessaires utiles par la gérance constituent des bénéfices nets. Ces derniers sont répartis de la façon suivante entre les associés :

– Monsieur [W] [I], à concurrence de 50 %,

– Madame [J] [I]-[V], à concurrence de 50 %.

En application de l’article 23 alinéa 2 du décret du 24 août 1978, il est précisé que la répartition des résultats est établie en considération du temps de travail respectif de chaque associés au sein du cabinet aux fins de réalisation de l’activité.

Elle sera modifiée sur commun accord des parties au cas où le temps de travail respectif de chaque associé ne sera plus équivalent.

Les pertes s’il en survenait seront réparties de façon similaire.’

Or les parties sont en désaccord sur l’interprétation de ce texte.

Mme [J] [V], qui a fait valoir ses droits à la retraite et a cessé d’exercer toute activité professionnelle depuis le 31 mars 2013, que ce soit au sein de la SCP [I] [V] ou sous quelque autre forme que ce soit, sollicite l’infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci l’a déboutée de sa demande de répartition par moitié entre les associés des résultats de la société civile professionnelle des docteurs [W] et [J] [I]-[V] depuis 2013 et soutient que la clause litigieuse prévoit une répartition des bénéfices nets par moitié entre les associés et que si cette clé de répartition peut être modifiée au regard de la modification du temps de travail effectif de chaque associé, c’est d’un commun accord entre les parties, lequel n’est pas intervenu, de sorte qu’elle pourrait toujours prétendre à la moitié des résultats dégagés par la SCP quand bien même elle n’exercerait plus d’activité depuis 2013.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement entrepris au motif que la répartition des résultats entre les associés dépend de leur temps de travail effectif respectif, de sorte que Mme [V], qui a cessé son activité professionnelle depuis le 31 mars 2013, ne pourrait plus prétendre à percevoir sa part de résultats.

Ceci étant exposé, l’article 44 du décret n° 78-906 du 24 août 1978 devenu article R4113-69 du code de la santé publique dispose que l’associé perd, à compter de sa cessation d’activité, les droits attachés à sa qualité d’associé, à l’exception toutefois des rémunérations afférentes aux apports en capital et de sa part éventuelle dans le capital et dans les réserves et les plus-values d’actif.

Par ailleurs, la cour observe que les statuts de la SCP ne régissent pas la situation du départ à la retraite de l’un des associés, de sorte qu’en application de l’article 44 précité, l’associé perd effectivement, à compter de sa cessation d’activité, les droits à rémunération prévus à l’article 23 alinéa 2 du décret du 24 août 1978.

En outre, si l’article 17 des statuts stipule la répartition par moitié des résultats entre les associés, il précise expressément que cette répartition est établie en considération du temps de travail respectif de chaque associé au sein du cabinet aux fins de réalisation de l’activité.

Or, quand bien même cette dernière disposition aurait été ajoutée afin de mettre les statuts en conformité avec l’article 23 alinéa 2 du décret du 24 août 1978 alors que les associés n’avaient en réalité pas le même temps de travail effectif, et quand bien même aucune décision serait intervenue ultérieurement d’un commun accord entre les associés pour modifier la répartition des résultats, il n’en reste pas moins que cette disposition ne peut s’appliquer qu’à des associés exerçant de manière effective leur activité, conformément à l’article 44 du décret susvisé, cette interprétation étant corroborée, ainsi que l’a pertinemment relevé le premier juge, par l’article 2 des statuts de la SCP intitulé ‘Objet’, qui stipule notamment que ‘la société a pour objet l’exercice en commun de la profession de chirurgien dentiste’ et aux termes duquel l’exercice professionnel de la profession de chirurgien-dentiste constitue bien le coeur de l’objet social.

Mme [V] soutient en toute hypothèse que la répartition des bénéfices unilatéralement effectuée par M. [I] sans assemblée générale lui serait inopposable. Elle ne précise cependant pas quel fondement juridique elle invoque à l’appui de ce moyen ni quel grief lui serait causé par cette omission alors qu’elle n’est plus fondée, compte tenu de son départ à la retraite en 2013 et de son absence d’activité professionnelle depuis lors, à prétendre à la répartition des résultats nets dégagés par la SCP.

Dans ces conditions, la décision déférée sera confirmée en ce que, estimant que Mme [J] [V], qui n’a plus exercé aucune activité professionnelle au sein de la SCP [I]-[V] depuis le 1er avril 2013, n’était pas fondée à solliciter sa part dans les résultats dégagés par cette société depuis cette date, elle l’a déboutée de sa demande reconventionnelle à ce titre.

Sur la demande tendant à obtenir la moitié des rétrocessions d’honoraires versées à la SCP

Mme [J] [V] entend obtenir la moitié des rétrocessions d’honoraires versées à la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] par les confrères ayant effectué des remplacements en utilisant l’infrastructure de la SCP et prétend qu’il s’agit pour la SCP de recettes non liées à l’activité des associés.

La rétrocession d’honoraires est une opération comptable qui consiste, pour un professionnel libéral, à reverser une partie de ses recettes perçues sous forme d’honoraires à un autre professionnel libéral en contrepartie de services rendus, comme par exemple, lors d’un remplacement.

Or, Mme [J] [V] ayant fait valoir ses droits à la retraite à partir de mars 2013 et n’ayant plus exercé son activité depuis lors, sa patientèle ayant même été cédée, elle ne saurait prétendre à percevoir la moitié des honoraires perçus par la SCP après rétrocession aux confrères ayant effectué des remplacements dans le cabinet de M. [I] postérieurement à la date du départ à la retraite de Mme [V], étant précisé que ces honoraires rétrocédés viennent en compensation de l’utilisation par ces confrères de l’utilisation des infrastructures et moyens de la SCP dont Mme [V] ne paye plus les charges depuis son départ à la retraite.

Elle sera donc déboutée de cette demande.

Sur la demande en remboursement du compte courant d’associé débiteur de Mme [J] [V]

Aux termes de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

C’est très justement que le premier juge a exposé qu’en l’absence de définition légale, le compte courant d’associé pouvait se définir comme la matérialisation comptable d’un contrat de prêt unissant une société à l’un de ses associés, la société étant l’emprunteuse lorsque le solde du compte courant d’associé est créditeur et étant prêteuse lorsque ledit solde est débiteur, cette dernière hypothèse n’étant pas possible en principe dans les sociétés commerciales, mais n’étant pas exclue pour les sociétés civiles en raison de l’obligation indéfinie et conjointe des associés aux dettes sociales, résultant de l’article 1857 du code civil.

L’organisation et le fonctionnement des comptes courants d’associés obéissent au droit commun des obligations.

Par principe, les comptes courants d’associés sont remboursables à première demande, sauf stipulation contraires dans les statuts des sociétés ou dans le cadre d’une éventuelle convention de compte courant souscrite entre la société et l’associé.

En l’espèce, les statuts de la SCP, versés aux débats par les parties, n’interdisent pas aux associés de posséder un compte courant d’associé débiteur et ne prévoient pas de modalités particulières pour en demander le remboursement, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a estimé que la SCP [I]-[V] était recevable à solliciter le remboursement immédiat du compte courant débiteur de l’un de ses associés, étant précisé que M. [W] [I] n’ayant pas indiqué, que ce soit en première instance ou en appel, exercer l’action ut singuli à l’encontre de Mme [V], il s’ensuit que seule la SCP [I]-[V] est recevable à agir à l’encontre de Mme [V] en remboursement de son compte courant.

Mme [J] [V] a fait valoir ses droits à la retraite le 31 mars 2013.

Il ressort des balances des comptes généraux et du courrier du M. [H], expert-comptable de la SCP en date du 12 novembre 2019 produits par les demandeurs qu’au regard de l’arrêté des comptes au 31 décembre 2013, le compte courant d’associé de Mme [V] présentait à cette date un solde débiteur de 87 205,77 euros, lequel a été ramené à 32 955,77 euros au 31 décembre 2014 après versement sur ce compte, au cours de l’exercice 2014, de sa part de bénéfices au titre de son activité exercée en 2013, antérieurement à son départ à la retraite.

M. [H] précise en outre que le compte courant débiteur de Mme [V] n’a plus de résultat à attendre au vu des explications données par M. [I], autrement dit qu’il n’a plus vocation à être crédité de résultats.

Mme [V] ne conteste pas cet état de fait compte tenu de son absence d’exercice depuis lors et ne prétend pas avoir remboursé tout ou partie de son solde débiteur de compte courant.

Il résulte d’ailleurs des balances des comptes généraux arrêtées aux 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016 et du courrier de M. [H] que le solde débiteur du compte courant de Mme [V] n’a pas fluctué.

C’est donc à bon droit que le premier juge, ayant constaté que le compte courant d’associé de Mme [V] était toujours débiteur pour un montant de 32 955,77 euros et que la SCP justifiait d’une créance certaine, liquide et immédiatement exigible auprès de Mme [V], en a ordonné le remboursement en refusant de retarder celui-ci au moment de la liquidation de la société.

C’est également à juste titre qu’il a refusé de faire application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil relatif aux délais de paiement, Mme [V] n’ayant pas justifié de sa situation financière actuelle, ce qu’elle ne fait toujours pas en cause d’appel.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a condamné Mme [J] [V] à payer à la SCP [I]-[V] la somme de 32 955,77 euros en remboursement de son compte courant d’associé débiteur et en ce qu’elle l’a déboutée de ses demandes en report du paiement de la dette ou en délais de paiement.

La cour n’étant pas valablement saisie de l’appel incident formé par M. [W] [I] et la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] en l’absence de précision des chefs de jugement critiqués, il ne sera pas statué sur leur demande d’anatocisme des intérêts, pour laquelle ils avaient été déboutés en première instance, la condamnation devant porter intérêt au taux légal à compter de la décision de première instance.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l’espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de l’appelante ayant dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de ses droits par Mme [V] n’étant pas suffisante à caractériser l’existence d’un abus au sens des dispositions susvisées de sorte qu’il y a lieu de débouter M. [W] [I] et la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, la cour précisant cependant que c’est par simple omission matérielle que dans le dispositif du jugement attaqué, il n’est pas mentionné que la condamnation de Mme [J] [V] au paiement de la somme globale de 2 000 euros l’est au titre de cet article.

Mme [J] [V] succombant en son appel sera tenue aux entiers dépens d’appel.

Elle sera également condamnée à payer à la société civile professionnelle des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, sauf à préciser que la condamnation de Mme [J] [V] au paiement de la somme globale de 2 000 euros l’est au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [J] [V] de sa demande tendant à obtenir la moitié de tous les honoraires rétrocédés à la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] après son départ en retraite ;

Déboute M. [W] [I] et la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [J] [V] aux entiers dépens d’appel,

Condamne Mme [J] [V] à payer à la SCP des Docteurs [W] et [J] [I]-[V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [J] [V] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.

 


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