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ARRÊT N°22/
FA
R.G : N° RG 21/00861 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FRTG
S.A.R.L. FONCIERE I.A. [G]
C/
S.A.R.L. SERVICES DEVELOPPEMENT OCEAN INDIEN (S.D.O.I)
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022
Chambre commerciale
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 31 MARS 2021 suivant déclaration d’appel en date du 14 MAI 2021 RG n° 2019J01124
APPELANTE :
S.A.R.L. FONCIERE I.A. [G]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Chendra KICHENIN de la SELARL CHENDRA KICHENIN AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A.R.L. SERVICES DEVELOPPEMENT OCEAN INDIEN (S.D.O.I)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 20/06/2022
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 octobre 2022 devant Monsieur ALZINGRE Franck, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 07 décembre 2022.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 07 décembre 2022.
* * *
LA COUR
FAITS ET PROCÉDURE
[Y] [U] [H] [G] et son épouse ont créé la société ETABLISSEMENT [U] [H] [G] ET CIE (SARL) puis, la société DIVAVALA (regroupant l’actif immobilier familial). Au décès du père, les enfants du couple ont pris le relai en tant qu’associés.
Des avances de fond ont été accordées par la société BAGELEC à la société [U] [H] [G] ET CIE.
Le 20 novembre 2003, la SARL [H] [G] ET CIE a signé au profit de la société BAGELEC une reconnaissance de dette, portant sur une somme de 1 490 000 euros avec un terme de remboursement fixé au plus tard le 31 décembre 2018 et, un taux d’intérêt de 1,50 % l’an.
Le 22 juin 2005, la société BAGELEC a changé de dénomination sociale, pour devenir la société SERVICES DEVELOPPEMENT OCEAN INDIEN (SDOI).
Le 3 octobre 2007, la société DIVAVALA a également changé de dénomination sociale, pour devenir la société FONCIERE IA [G].
Par acte en date du 8 mars 2019 la SDOI a fait assigner la société FONCIERE I.A. [G] aux fins d’obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer la somme en principale de 1 388 890,00 € assortie des intérêts au taux de 1,5 %, en outre la somme de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par un jugement en date du 31 mars 2021, le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis (Réunion) a :
– « CONDAMNÉ la société FONCIERE [G] à payer à la SARL SDOI la somme de 1 358 890 euros outre intérêts au taux de 1,50% l’an à compter du 1er janvier 2014 ;
– DIT n’avoir pas lieu à l’exécution provisoire ;
– DÉBOUTÉ la société FONCIERE [G] de sa demande reconventionnelle ;
– CONDAMNÉ la société FONCIERE [G] à payer à la SARL SDOI la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNÉ la société FONCIERE [G] aux entiers dépens de l’instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugements taxés et liquidés à la somme de 62.92 euros TTC, en ceux compris les frais de signification de la présente décision et de ses suittes s’il y a lieu »
*
Par déclaration d’appel en date du 14 mai 2021, la SARL FONCIERE IA [G] a relevé appel de la décision et sollicité l’infirmation de tous les chefs de jugement tranchés.
L’affaire a été renvoyée à la mise en état puis, l’intimé s’est constitué le 4 juin 2021.
Par RPVA du 5 août 2021, l’appelante a notifié ses premières conclusions auxquelles l’intimée a répondu par RPVA le 27 octobre 2021.
Le 18 mars 2022, la société appelante a déposé par RPVA un deuxième jeu de conclusions. La société intimée a fait de même le 21 mars suivant.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Selon dernières conclusions, l’appelante sollicite la Cour de voir, au visa des articles 1103 1162 et suivants, 1835, 2254 du Code civil, L. 511-6 du Code monétaire et financier, L.223-19 du code de commerce, et 32, 122 et suivants du Code de procédure civile :
– « JUGER recevable et bien-fondé l’appel de la société FONCIERE [G] ;
– INFIRMER le jugement du 31 mars 2021 du Tribunal mixte de commerce de Saint- Denis en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– JUGER que le contrat de prêt dont se prévaut la société SDOI est illicite,
– JUGER que ce contrat de prêt est nul,
En conséquence,
– CONDAMNER la société SDOI à restituer à la société FONCIERE [G] la somme provisionnelle de 96 000 euros,
– ORDONNER une mesure d’expertise financière pour déterminer le solde exact des sommes à restituer
Subsidiairement
– JUGER que l’obligation de la Société FONCIERE [G] envers la Société SDOI n’est fondée ni sur une transmission universelle de patrimoine, ni sur une substitution de débiteur ;
– JUGER que l’attestation de Madame [N] en date du 1er décembre 2007 est nulle et en tous cas insuffisante à valoir TUP ;
– CONDAMNER la SARL SERVICES DEVELOPPEMENT OCEAN INDIEN “SDOI” à payer la Société FONCIERE I.A. [G] la somme de 5 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civiles ainsi qu’aux entiers dépens. »
En réplique, la SDOI conclut en ces termes, au visa des article 1844-5 et suivants du code civil, L 236-1, L 236-3 et L 223-42 du code de commerce :
« I ‘ STATUER ce que de droit sur la recevabilité de l’appel formé par la société FONCIERE IA [G].
II – JUGER que la déclaration d’appel du 14 mai 2021 ne peut déférer à la Cour la demande reconventionnelle faite par l’appelante devant les premiers juges,
III – CONSTATER que la dissolution de la société IA [G] et Cie a bien été ‘nalisée,
CONSTATER que la société DIVAVALA (aujourd’hui FONCIERE [G]) est devenue propriétaire de 100 % du capital social de la SARL IA [G] et Cie en 2007 et qu’elle a absorbé ladite société dans le cadre d’une transmission universelle de patrimoine après dissolution de la société IA [G] et Cie sans liquidation,
CONSTATER que cette transmission de patrimoine est effective dans les comptes do la société FONCIERE [G] depuis 2008,
CONSTATER que depuis cette date la société FONCIERE [G] a bien réglé les créanciers de la société IA [G] et Cie soit en totalité soit partiellement, notamment les comptes courant d’associés des gérants actuels de la société FONCIERE [G].
IV ‘ JUGER prescrite la demande de nullité du « contrat de prêt » présentée pour la première fois devant la Cour d’appel le 18 mars 2022,
JUGER qu’en tout état de cause, le prêt consenti ne peut être déclaré illicite ou nul,
JUGER que la restitution des sommes avancées à la société FONCIERE IA [G] est en toute hypothèse incontournable,
JUGER que la créance de la concluante résulte tant de la reconnaissance de dette du 20 novembre 2003 que de la comptabilité de la société FONCIERE IA [G] elle-même, et de son exécution partielle,
En conséquence,
JUGER tant par l’effet de la TUP que par une substitution de débiteur prouvé, la société F0NCIERE [G] est bien débitrice du solde de la créance de la SDOI formalisé par reconnaissance de dette
du 20 novembre 2003,
CONFIRMER le jugement du 31 mars 2021 en toutes ses dispositions,
CONDAMNER la société FONCIERE IA [G] au paiement de 8 000 euros de frais irrépétibles et aux entiers dépens. »
*
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, et en application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure
Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 7 décembre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire
Il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », et que les demandes de «constater », « donner acte » ou « dire et juger » ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions.
Sur l’absence d’effet dévolutif de la demande reconventionnelle
L’intimée considère que la déclaration d’appel du 14 mai 2021 ne peut déférer à la Cour la demande reconventionnelle faite par l’appelante.
Cette demande, consistant d’une part à voir condamner la société SDOI à restituer à la société FONCIERE [G] la somme provisionnelle de 96 000 euros, et d’autre part à voir ordonner une mesure d’expertise financière pour déterminer le solde exact des sommes à restituer, était reprise dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives déposées pour l’audience du 4 novembre 2020 devant le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion.
La Juridiction de première instance a expressément, dans son dispositif, rejeté la demande reconventionnelle puis, la déclaration d’appel est libellée comme suit : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le Tribunal a : (‘) débouté la société FONCIERE IA [G] de sa demande reconventionnelle (…) ». De surcroît, la déclaration d’appel comporte bien ce chef de jugement.
Il en résulte que la Cour est valablement saisie de la demande de par l’effet dévolutif visé à l’article 562 du code de procédure civile.
Sur la nullité du prêt
L’appelante soutient que la reconnaissance de dette, portant également conclusion d’un prêt, signée par les sociétés [U] [H] [G] (emprunteur) et BAGELEC (prêteur) est assimilable à une opération de banque, interdite à toute personne autre qu’un établissement de banque par l’article L 511-5 du code monétaire et financier ; dès lors, le contrat est nul car, conclu au mépris des règles impératives relatives à l’octroi des crédits et à l’exercice de la profession de banquier ; par ailleurs, l’intimée n’a pas rapporté la preuve de la remise des fonds, les écritures comptables devant être considérées comme insuffisantes.
En réplique, l’intimée fait valoir que la nullité de l’acte contracté ne peut être invoquée du fait de la prescription ; en outre, si tant est qu’elle puisse être retenue, la nullité a été couverte par sa ratification au travers de la reconnaissance de dette et par son exécution même partielle ; enfin, l’intimée n’a jamais fait d’opérations de banque au sens du code monétaire et financier, c’est à dire pratiqué des prêts de façon habituelle et professionnelle.
Sur ce, à titre liminaire, l’intimée fait valoir, dans le corps de ses dernières conclusions, que l’illicéité et donc la nullité du contrat de prêt est soulevée pour la première fois en cause d’appel, sous-entendant ainsi une irrecevabilité pour cause de demande nouvelle. Pour autant, le dispositif des mêmes conclusions n’exprime pas formellement une telle demande puisqu’il est seulement sollicité de voir « prononcer la prescription de la demande en nullité du contrat de prêt présentée pour la première fois devant la Cour d’appel le 18 mars 2022 ». Dans ces conditions, la Cour n’est pas saisie d’une demande d’irrecevabilité pour demande nouvelle. Au demeurant, il est souligné que le moyen de défense tend à la même fin que les prétentions soumises au premier juge, à savoir la remise en cause de la reconnaissance de dette.
*
L’article 2224 du code civil mentionne que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Au cas d’espèce, compte tenu de l’ancienneté de la reconnaissance de dette, la question est celle du point de départ de la prescription, étant précisé que l’appelante estime n’en avoir eu connaissance qu’en 2016.
L’analyse des pièces (pièces n°4 et n°5 de l’intimée) montre pourtant qu’au 3 octobre 2007 :
– les sociétés ETABLISSEMENT [U] [G] ET CIE et FONCIERE IA [G] (ex DIVAVALA) comportent une dimension familiale commune en ce que les associés de l’une et de l’autre sont identiques (Mme [P] [H] [G], M. [U] [H] [G], Mme [A] [H] [G], Mme [H] [G] [I] épouse [K], Mme [B] [O], Mme [Z] [T] [H] [G], Mme [F] [D] et, M. [J] [H] [G]) ;
– la SARL DIVAVALA est, en 2007, avant qu’elle ne devienne la société FONCIERE IA [G], associée majoritaire dans le capital des ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] ET CIE ;
– le même jour, le 3 octobre 2007, chacune des deux sociétés a tenu une assemblée générale portant la mention et la signature de huit associés ;
– la première résolution du procès-verbal de l’assemblée générale mixte des ETABLISSEMENTS [H] [G] ET CIE est rédigée comme suit : « L’assemblée générale, après avoir pris connaissance du rapport de gestion de la gérance sur l’activité de la société, des comptes annuels de l’exercice clos le 30 juin 2007, approuve ledit rapport de gestion ainsi que l’inventaire et les comptes annuels clos le 30 juin 2007 lesquels font apparaître une perte de 425 674 euros ».
– la reconnaissance de dette a été prise par le représentant de la SARL IA [G] & CIE, en la personne de Mme [I] [H] [G] (pièce n°1 de l’intimée), qui est également associée de la société FONCIERE IA [G].
Ainsi, il s’en déduit qu’à cette date du 3 octobre 2007, les associés de la société FONCIERE IA [G], dont la société DIVAVALA, ont eu nécessairement connaissance de la situation financière des ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] ET CIE, comprenant la dette contractée auprès de la SDOI, sauf à considérer que les comptes annuels clos le 30 juin 2007 étaient erronés, ce qui n’est pas démontré.
Par conséquent, il y a lieu de dire l’action en nullité du contrat de prêt soulevée par l’appelante prescrite, ce qui a pour effet de rendre sans objet les autres moyens, qui seront donc rejetés.
Sur la transmission universelle de patrimoine
En premier lieu, l’appelante explique, au visa de l’article 1844-5 du code civil, que l’intimée ne justifie pas que la société FONCIERE [G] est devenue associée unique de la société [U] [H] [G], et donc qu’aucune transmission universelle de patrimoine n’a pu s’opérer en ce que :
* les deux procès-verbaux en date du 3 octobre 2017 (le premier est un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire de la société DIVAVALA devenue FONCIERE [G] et le second est un procès-verbal d’assemblée mixte de la SARL ETABLISSEMENT [U] [H] [G] ET COMPAGNIE) ne comportent pas la preuve que la société FONCIERE [G] est devenue le seul actionnaire de la société [U] [H] [G], autrement dit il n’est jamais question dans ces délibérations de la réunion de toutes les parts sociales de [U] [H] [G] entre les mains d’un seul associé ;
* la qualité d’associé unique de la FONCIERE [G] aurait dû s’accompagner de formalités spécifiques, notamment au titre de l’augmentation de capital ; ainsi, les dispositions prévues par les articles R 123-105 et R 123-106 du code de commerce pour une augmentation de capital, n’ont pas été respectées (recueil par le gérant des fonds provenant des souscriptions puis dépôt par ses soins dans les huit jours de leur réception auprès de la caisse des dépôts et consignations, d’un notaire ou d’une banque qui établit un certificat de dépositaire) ; aucune modification des statuts de la société [U] [H] [G] n’a été enregistrée ; aucune modification de l’identité des associés et de la répartition du capital social n’a suivi l’augmentation de capital qui aurait été financée uniquement par la société FONCIERE [G] ;
* la décision unilatérale de la gérante du 1er décembre 2007, Mme [N], par laquelle celle-ci se présentait comme étant à la fois la gérante de [U] [H] [G] et de la FONCIERE [G] et procédait à la dissolution de la première des deux sociétés, n’emporte pas la preuve d’une transmission universelle de patrimoine ou encore acquiescement des associés de la société absorbante ; en outre, Mme [N] restait tenue d’une obligation d’information envers les associés de la société FONCIERE [G], et ce en vertu d’un devoir de loyauté peu à peu dégagé par la Jurisprudence et du devoir du dirigeant d’agir dans les intérêts de la société ; encore, toute délibération des associés était subordonnée aux dispositions des articles du code de commerce et de l’article 9 des statuts de la société FONCIERE [G] ; or, aucune délibération n’a été prise au sujet d’une prétendue transmission universelle de patrimoine, pas plus qu’aucun mandataire n’a été choisi ; enfin, l’acte déclaratif de dissolution n’a été enregistré au RCS qu’en 2019, sans compter que le K BIS ne comportait aucune mise à jour avant le 19 novembre 2019 ; il s’en déduit que la décision susvisée est nulle et que le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à partir du 8 mars 2019, date d’assignation par laquelle les associés de la société FONCIERE [G] ont découvert l’existence d’une transmission universelle de patrimoine ;
En réponse, l’intimée explique que :
– l’existence de la créance ne saurait être remise en cause, les comptabilités des deux sociétés étant concordantes et, les écritures comptables font foi entre commerçants ; dans les comptes de la FONCIERE [G], il est constaté au 1er décembre 2007 la reprise de la dette des ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] vis à vis de la SDOI ;
– la société FONCIERE [G] est devenue débitrice de la dette litigieuse à la suite d’une transmission universelle de patrimoine de la SARL ETABLISSEMENT [H] [G] ; cette transmission résulte en particulier des procès-verbaux des assemblées des deux sociétés, en date du 3 octobre 2007, lesquels témoignent d’un vote à l’unanimité d’une part de la réduction du capital à zéro, d’autre part de l’émission de nouvelles parts pour un montant de 142 600 euros en autorisant le gérant DIVAVALA à souscrire toutes ces parts, comprenant ainsi que tous les associés présents et signataires avaient renoncé à leur droit de souscription du nouveau capital ;
– l’augmentation du capital s’est faite par compensation de compte courant ;
– la transmission universelle de patrimoine d’une SARL à une EURL s’analyse comme une fusion simplifiée qui ne nécessite pas d’assemblée générale des associés de la société absorbée ; elle résulte de la déclaration du représentant de la société unique associé actant sa décision de dissoudre sa filiale à 100 % ;
– les formalités attachées à la Transmission universelle de patrimoine ne prévoient pas le dépôt au greffe du Tribunal de commerce, des procès-verbaux d’assemblée générale extraordinaire des sociétés absorbantes et absorbées ; reste que ladite transmission a toujours été voulue et connue par tous les associés de la société FONCIERE [U] [H] [G] puisqu’elle a fait l’objet d’une publicité dans le JIR le 7 décembre 2007, que cette société a réglé les dettes de la BFC, de la SOFIDER et partiellement celles de la SDOI ; que l’absence de mention sur un K BIS n’a aucune incidence sur la régularité et l’effectivité de l’opération ; que l’expert comptable a communiqué à l’appelante les comptes de la société sur cahier de transmission, en 2016.
Sur ce, la Cour rappelle, d’une part, que la dissolution par confusion de patrimoines permet la transmission universelle du patrimoine d’une société, dont toutes les parts ou actions sont réunies en une seule main, à la société mère, sans donner lieu à liquidation, et ce quelle que soit la cause de dissolution ; que, d’autre part, la transmission universelle du patrimoine correspond à l’opération par laquelle les droits et obligations d’une personne morale sont transférés à une autre, elle a pour caractéristique de porter sur l’ensemble des éléments d’actif et de passif de cette personne.
Ces différentes mécanismes, prévus par le Code civil (article 1844-5) et aussi par le Code de commerce (art. L. 237-2), obéissent à un formalisme juridique très allégé et rapide (décision de l’associé unique) et échappent aux règles applicables en matière de fusion. L’objectif recherché par le législateur étant de faciliter le regroupement et la restructuration des sociétés.
L’article 1844-5 du code civil, dont l’application est sujette à discussion, prescrit : « La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n’a pas été régularisée dans le délai d’un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.
L’appartenance de l’usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans conséquence sur l’existence de la société.
En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique, sans qu’il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l’opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n’est réalisée et il n’y a disparition de la personne morale qu’à l’issue du délai d’opposition ou, le cas échéant, lorsque l’opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.
Les dispositions du troisième alinéa ne sont pas applicables aux sociétés dont l’associé unique est une personne physique. »
Au cas d’espèce, la lecture du procès-verbal de l’assemblée générale mixte du 3 octobre 2007 des ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] ET CIE (pièce n°4 de l’intimée) montre que les associés, tous présents et représentés, devaient prendre une décision conformément aux dispositions de l’article L 223-42 du code de commerce, lequel correspond à la situation où les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital. Ils décident de ne pas procéder à la dissolution anticipée de la société (Troisième résolution), mais aussi et surtout de « réduire le capital social à zéro, par compensation avec les pertes cumulées » (quatrième résolution) et, ensuite, de « procéder à une augmentation de capital d’une somme de 142 600 euros par création de 71 300 parts nouvelles, à souscrire et libérer en numéraire » (cinquième résolution).
Le même jour, et en présence des mêmes personnes physiques, qui sont également associés de la société DIVAVALA (devenue FONCIERE IA [G]), l’assemblée générale extraordinaire de cette société « autorise la gérante à participer à l’augmentation de capital de la société IA [G] à hauteur de 142 600 euros ».
Force est de constater que l’augmentation de capital porte dans un cas comme dans l’autre sur le même montant, à savoir 142 600 euros, et que la décision a été prise à l’unanimité des associés après qu’ils aient eu connaissance par ailleurs que le capital de la SARL ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] était réduit à zéro. Or, il est impératif de souligner que la société DIVAVALA est associée majoritaire de la société absorbée. Dès lors, ces circonstances de concomitance invitent à une lecture complémentaire et non distincte des deux procès-verbaux discutés, ce qui conduit à affirmer que les associés de la société FONCIERE IA [G] ont, en toute connaissance de cause, accepté que leur société (et non pas les associés pris individuellement, ce qui se comprend au regard du fait que la gérante ne peut pas être investi d’un pouvoir de représentation pour les associés, personnes physiques) participe à une augmentation de capital la conduisant à devenir associé unique des ETABLISSEMENTS [U] [H] [G].
A ce moment précis, aucune transmission universelle de patrimoine n’est opérée puisqu’aucune dissolution n’est encore intervenue. En effet, il est nécessaire de souligner que la dissolution de plein droit est écartée par l’alinéa 1 de l’article 1844-5 du code civil et que la transmission n’intervient selon l’alinéa 3 de ce même article qu’après dissolution. Dès lors, il importe peu que la notion de transmission universelle de patrimoine n’ait pas été formellement actée ou évoquée dans les procès-verbaux discutés.
*
Quant aux formalités prévues aux articles R 123-105 et R 123-106 du code de commerce – lesquelles consistent en un dépôt au greffe du Tribunal de commerce de la copie du procès-verbal de la délibération des associés ou, celles prévoyant que le gérant recueille les fonds et les dépose dans les huit jours de leur réception auprès de la Caisse des dépôt et consignations, d’un notaire ou d’une banque – il s’agit de prescriptions exclusivement attachées à une augmentation de capital qui ne remettent pas en cause la transmission universelle de patrimoine, celle-ci étant envisagée par l’alinéa 3 de l’article 1844-5 précité comme une conséquence automatique de la dissolution de la société (alinéa 3 de l’article 1844-5 précité). Sans compter que ces règles ne sont pas édictées à peine de nullité mais uniquement aux fins d’information voire de protection des tiers. Le fait que de telles formalités n’aient jamais été accomplies est donc parfaitement inopérant.
*
En second lieu, pour justifier que l’acte portant dissolution de la société ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] en date du 1er décembre 2007 est nul et qu’il ne peut entraîner la transmission universelle de patrimoine, l’appelante fait valoir que l’action en nullité intentée sur le fondement de l’article 1157 du code civil se prescrit par 3 ans à compter du 8 mars 2019, date de l’assignation par laquelle elle a été informée de la transmission universelle de patrimoine.
Cependant, il résulte des pièces versées aux débats que :
– selon procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2007, la gérante de la société FONCIERE IA [G], en l’occurrence Mme [A] [N], s’est trouvée investie de « tous pouvoirs pour signer tous actes, et généralement faire le nécessaire » (cinquième résolution du procès-verbal) ; c’est donc en toute légitimité juridique, et sans violer son devoir de loyauté, qu’elle a pu décider unilatéralement de procéder à la dissolution de la société sans en référer à ses associés, étant précisé qu’aucune obligation légale ne lui imposait de faire se tenir une assemblée générale ; l’appelante ne peut pas aujourd’hui se prévaloir de sa propre imprudence quinze ans plus tôt quand, dans le même temps, les accusations de fraude qu’elle formule à l’encontre de Mme [A] [N] ne sont pas suffisamment étayées en procédure ;
– la déclaration de dissolution sans liquidation de la société EURL ETABLISSEMENT [U] [H] [G] a été effectuée le 1er décembre 2007 par son associé unique et enregistrée au service des impôts le 4 janvier 2008, après avoir été publiée dans le JIR le 7 décembre 2007 ; c’est donc à partir de cette publication que les associés de la société FONCIERE IA [G] étaient en mesure de connaître l’existence de la dissolution, et donc de la transmission universelle de patrimoine, ce d’autant plus que l’assemblée générale extraordinaire de la société FONCIERE IA [G] avait confié la gérance à Mme [B] [O] à partir du 1er janvier 2008 (2ème résolution) ;
– les écritures comptables de la société FONCIERE IA [G] reflètent la prise en compte d’une transmission universelle de patrimoine dès 2007 ; ainsi, le grand livre des comptes de la société pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 (pièces n°9 et n° 10 de l’intimée) retrace des mouvements au profit de Mme [I] [K] et de Mme [B] [O] avec la mention explicative « TUP IA [G] » ; en outre, le cabinet d’expert comptable écrit le 21 décembre 2007 à deux créanciers : « l’augmentation de capital a été souscrite uniquement par la SARL DIVAVALA, qui se retrouve ainsi seule associée. Compte tenu de cette situation, nous avons fait reprendre par DIVAVALA la totalité des actifs et passifs de la SARL ETS IA [G] ET CIE. Cette transmission universelle de patrimoine a été publiée le 7 décembre 2007 dans les colonnes des annonces légales du JIR » (pièce n°8 de l’intimée) ; enfin, les relevés de compte de cette même société (pièce n°14 de l’intimée), pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, comprennent à la rubrique débit la mention « reclassement emprunt SDOI », « 1 490 000 », puis, pour la période du 23, octobre 2013 au 22 juin 2015 plusieurs virements pour une somme totale de 96 110 euros.
Du tout il en résulte que l’acte portant dissolution de la société ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] est parfaitement régulier.
Par suite, et conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 1844-5 du code civil, il y a lieu de considérer que la date d’effet de la transmission universelle du patrimoine doit être fixée à l’expiration du délai d’opposition de 30 jours à compter de la publication de la dissolution dans un journal habilité à recevoir les annonces légales. Un avis du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés précise même à propos de ce délai d’opposition des créanciers qu’il est de 30 jours francs de sorte que la transmission universelle du patrimoine intervient à la première minute du 31e jour (avis CCRCS n° 2012-026, 30 mai 2012), soit dans le cas d’espèce, le 8 janvier 2008. Et ce, quand bien même les formalités de radiation au greffe du registre commerce n’ont été opérées que le 14 novembre 2019 et enregistrées le 19 novembre 2019 à effet au 1er décembre 2017, ainsi qu’en atteste l’extrait K BIS du 20 août 2020. Ces formalités ne sont effectivement pas de nature à remettre en cause l’effectivité de la transmission universelle de patrimoine.
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En troisième et dernier lieu, l’appelante conteste être tenue envers l’intimée du remboursement de la dette souscrite le 20 novembre 2003 par la SARL ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] ET CIE, par application d’une substitution de débiteur qui ne se présume pas et, qui ne peut être déduite des paiements effectués par la société FONCIERE [G] au profit de l’intimée, notamment ceux effectués en 2013. En effet, elle estime que ces paiements ont été décidés frauduleusement par Mme [N], dénominateur commun entre la société SDOI et la société FONCIERE [G] – la SDOI est gérée par le mari de Mme [N] et elle en est aujourd’hui le directeur général. L’attestation de Mme [N], du 1er décembre 2007, serait nulle.
Or, comme il a été indiqué précédemment, la transmission universelle de patrimoine emporte automatiquement transfert des droits et obligations d’une personne morale à une autre, et elle a pour caractéristique de porter sur l’ensemble des éléments d’actif et de passif de cette personne. L’expert comptable, dans son courrier précité, rappelle fort bien cette conséquence. Il s’ensuit qu’à partir du moment où l’effectivité de la transmission universelle de patrimoine a été reconnue, le moyen en sa première branche soulevé par l’appelante est devenue sans objet. Il sera donc rejeté. Quant à la seconde branche du moyen, fondés sur des accusations d’agissements frauduleux, force est de constater qu’aucune pièce pénale ne permet de les étayer. Il sera donc lui aussi écarté.
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De l’ensemble, il en est déduit que l’acte de prêt n’est pas entaché d’irrégularité et que la reconnaissance de dette, établie à hauteur de 1 490 000 euros outre intérêts au taux de 1,50 % l’an à compter du 1er janvier 2004, ne peut être remise en cause, y compris par le fait que Mme [A] [N] se serait rendue coupable d’agissements frauduleux, ces derniers n’étant pas établis puisqu’il n’est question – en l’absence de preuves formelles – que de suspicions ; que la mise en oeuvre de l’article 1844-5 du code civil a eu pour effet de rendre effective la transmission universelle de patrimoine de la société ETABLISSEMENTS [U] [H] [G] au profit de la société FONCIERE IA [G] à compter du 8 janvier 2008 ; que la société débitrice n’indique pas avoir soldé cette dette puisque la somme due figure dans le grand livre (pièce n°14) et il est soutenu que les paiements effectués venant en déduction de sa dette devrait lui être remboursée.
La décision de première instance sera donc de ce chef confirmée, la société FONCIERE IA [G] étant ainsi condamnée à payer à la SARL SDOI la somme de 1 358 890 euros outre intérêts au taux de 1,50 % l’an à compter du 1er janvier 2014.
Sur la demande reconventionnelle
L’appelante fait valoir que :
– au titre des conséquences de la nullité du contrat, l’illicéité d’une convention ne fait pas obstacle aux restitutions, les sommes perçues par la SDOI étant indues ;
– sur la demande d’expertise, et sur la base de la copie de plusieurs chèques rédigés et signés par Mme [N], il est démontré que la société SDOI a perçu bien plus que la somme de 96 110 euros, autrement dit des paiements non comptabilisés ou figurant dans la comptabilité détenue par Mme [N].
L’intimée s’y oppose par adoption des motifs du Tribunal mixte de commerce.
Ceci étant indiqué, la Cour relève que les remboursements réclamés correspondent à des versements actés dans la comptabilité de la société FONCIERE IA [G] (pièce n°14) et que, pour chacun d’entre eux, les écritures comptables sont libellées comme suit : « remboursement emprunt SDOI ». Il s’en déduit donc, comme l’a fait le Tribunal mixte de commerce, que ces paiements sont intervenus en règlement d’une dette de 1 490 000 euros et que leur caractère indû n’est pas démontré. Cette demande reconventionnelle sera donc rejetée.
Quant à l’expertise, il y a lieu de considérer qu’elle n’est pas nécessaire à la solution du litige dans la mesure où les sommes discutées sont parfaitement déterminées et que le principe de leur paiement a été tranché à travers la question de la transmission universelle de patrimoine.
La décision de première instance sera confirmée, de ce chef également.
Sur les mesures accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée ses frais irrépétibles, l’appelante sera donc condamnée à lui payer la somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante, partie qui succombe, sera également condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe, conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement du 31 mars 2021 rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion,
y ajoutant,
CONDAMNE la société FONCIERE IA [G] à payer à la SOCIETE SERVICES DEVELOPPEMENT OCEAN INDIEN la somme 6 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société FONCIERE IA [G] aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE