Augmentation de capital : décision du 5 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01895
Augmentation de capital : décision du 5 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01895
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3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°405

N° RG 20/01895 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QSE3

M. [F] [X]

S.A.S. PROXIA GROUPE

C/

M. [Y] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PRENEUX

Me LAHALLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [F] [X]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 5]

S.A.S. PROXIA GROUPE, immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 507 564 920 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentés par Me Morgane LE LUHERNE de la SELARL KACERTIS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentés par Me Jeremy SIMON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [M]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 10]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, Plaidant, avocat au barreau D’ANGERS

En septembre 2011, plusieurs personnes, dont Monsieur [F] [X] et Monsieur [Y] [M], se sont associées pour constituer la SAS FINANCIERE PROXIA, elle même destinée à acquérir la totalité du capital social de la SAS PROXIA GROUPE, courtier en assurances.

Le 3 octobre 2011, un pacte d’associés était signé entre ces mêmes personnes.

Le 31 décembre 2015, il a été procédé à la fusion par voie d’absorption de la SAS FINANCIERE PROXIA par la SAS PROXIA GROUPE, Monsieur [F] [X] en étant le président et Monsieur [Y] [M] le directeur général.

L’assemblée générale du 28 septembre 2017 a décidé de prononcer la révocation de Monsieur [Y] [M] de ses fonctions de directeur général.

Suite à cette révocation et fondant une demande de rachat de ses parts sur le pacte d’associés du 3 octobre 2011, Monsieur [Y] [M] a sollicité et obtenu du président du Tribunal de Nantes statuant en la forme des référés le 13février 2018 la désignation d’un expert pour fixer le prix de ses actions. Cet expert a déposé son rapport le 5 juin 2019 retenant une valeur de 442.963 €.

Le 2 juillet 20l9, sur requête de Monsieur [Y] [M], le juge de l’exécution près le Tribunal de Grande instance de Nantes a rendu une ordonnance autorisant une saisie conservatoire sur les comptes et actifs de Monsieur [F] [X] en garantie et paiement de cette somme.

Par acte du 04 septembre 2019, la SAS PROXIA GROUPE et Monsieur [F] [X] ont assigné Monsieur [Y] [M] devant le Tribunal de commerce de Nantes afin que celui-ci juge caduc le pacte d’associé du 13 octobre 2011 en raison de la disparition de la société FINANCIERE PROXIA et en conséquence caduque la promesse d’achat des parts sociales y étant insérée; constate subsidiairement que l’expert judiciaire a commis une erreur grossière dans l’évaluation de la valeur des parts sociales détenues par M. [M], en retenant comme date d’évaluation celle de sa révocation, annule le rapport et renvoie les parties devant la juridiction compétente pour voir désigner un nouvel expert, en déboutant M. [M] de toutes ses prétentions relatives à l’achat de ses parts.

M. [M] s’est opposé à ces prétentions.

Par jugement du 02 mars 2020, le tribunal de commerce de Nantes a:

– débouté la SAS PROXIA GROUPE et Monsieur [F] [X] de leur demande de juger que le pacte d’associés du 13 octobre 2011 est caduc du fait de la disparition de la SAS FINANCIERE PROXIA ;

– débouté la SAS PROXIA GROUPE et Monsieur [F] [X] de leur demande de juger que la promesse synallagmatique de vente stipulée dans le pacte d’associés est caduque ;

– condamné Monsieur [F] [X] à acquérir 1’intégralité des titres de la SAS GROUPE PROXIA que détient Monsieur [Y] [M] pour la somme de 442.963 € ;

– dit que cette somme supportera des intérêts aux taux légal à compter du 14 juin 2019 jusqu’à son parfait paiement ;

– débouté Monsieur [Y] [M] de sa demande au titre de la résistance abusive ;

– débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

– ordonné l’exécution provisoire;

– condamné la SAS PROXIA GROUPE et Monsieur [F] [X] solidairement à payer la somme de 10.000 € à Monsieur [Y] [M] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné la SAS PROXIA GROUPE et Monsieur [F] [X] solidairement aux entiers dépens.

Appelants de ce jugement, M. [X] et la SAS PROXIA GROUPE, par conclusions du 15 avril 2022, ont demandé que la Cour:

– les déclare recevables et bien fondés en leur appel ;

– infirme le le jugement du Tribunal de commerce de Nantes en date du 2 mars 2020,

– constate que le pacte d’associés en date du 13 octobre 2011 avait été régularisé entre les associés de la société FINANCIERE PROXIA et qu’il avait exclusivement pour objet d’encadrer leurs relations au sein de cette société ;

– constate que la société FINANCIERE PROXIA a disparu par l’effet de sa dissolution ;

– déclare caduc le pacte d’associés en date du 13 octobre 2011 du fait de la disparition de la société FINANCIERE PROXIA ;

– déclare caduque la promesse synallagmatique de vente stipulée dans ce pacte d’associés et inopposable à l’encontre de Monsieur [X] et de la société PROXIA GROUPE- – constate que dans le cadre de son rapport d’expertise, l’expert judiciaire a retenu comme date d’évaluation de la valeur des actions détenues par Monsieur [M], la date de sa révocation ;

– déclare que l’expert judiciaire a commis une erreur grossière dans l’évaluation de la valeur des actions détenues par Monsieur [M] ;

– déclare le rapport d’expertise judiciaire et que ces conclusions sont inopposables aux parties à la présente instance ;

– renvoie les parties devant la juridiction compétente pour faire désigner un nouvel expert judiciaire afin qu’il procède à l’évaluation des titres sociaux détenus par Monsieur [M] à la date la plus proche de leur remboursement;

– confirme le jugement du Tribunal de commerce de Nantes en ce qu’il a débouté Monsieur [M] de sa demande de condamnation pour résistance abusive ;

– déboute Monsieur [M] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamne Monsieur [M] à réparer l’intégralité du préjudice subi par les appelantes en raison de l’exécution forcée aux risques et périls de Monsieur [M] de la décision du Tribunal de Commerce de Nantes du 2 mars 2020, soit la restitution de la somme de 442.963,00 € ainsi qu’à l’intégralité des frais induits par cette exécution, soit les intérêts légaux afférents à cette somme, courant dès la signification de la décision outre la somme de 3.278,54 €, montant à parfaire, au titre des conséquences dommageables de l’exécution forcée ;

– infirme le jugement du Tribunal de commerce de Nantes en ce qu’il a condamné Monsieur [X] au paiement de la somme de 10.000,00€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamne Monsieur [M] au paiement de la somme de 30.000,00 € à chacun des défendeurs au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

– condamne Monsieur [M] au paiement des entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions du 20 avril 2022, M. [M] a demandé que la Cour:

– confirme le jugement entrepris,

– condamne Monsieur [X] à acquérir les titres PROXIA GROUPE détenus par Monsieur [M] au prix de 442.963 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2019, date à laquelle Monsieur [M] a fait savoir qu’il entendait être payé de sa participation au capital de PROXIA GROUPE, conformément au rapport d’expertise de Monsieur [V].

– constate qu’en vertu de l’exécution provisoire les titres de Monsieur [M] ont été cédés et le prix principal payé,

– condamne solidairement Monsieur [X] et la société PROXIA GROUPE à payer à Monsieur [M] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamne Monsieur [X], solidairement avec la Société PROXIA GROUPE, à payer à Monsieur [M] une indemnité de 15.000 euros en application de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamne la Société PROXIA GROUPE et Monsieur [X] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la caducité du pacte d’associé:

Monsieur [M] entend voir M. [X] obligé de lui racheter ses parts sociales de la société PROXIA GROUPE en se fondant sur les dispositions de l’article 14 du pacte d’associés de la société FINANCIERE PROXIA, daté du 03 octobre 2011.

Cet article, intitulé ‘promesse synallagmatique de cession des actions de la société FINANCIERE PROXIA en cas de révocation d’un mandataire social associé’, prévoyait que chacun des associés, en cas de révocation de ses fonctions de président ou de directeur général s’engageait à céder aux autres associés ses actions de la société FINANCIERE PROXIA et les autres associés à les lui acheter.

M. [X] et la société PROXIA GROUPE soutiennent que ce pacte d’associé est caduc en raison de la disparition de la société FINANCIERE PROXIA, absorbée par la société PROXIA GROUPE aux termes d’une fusion absorption du 31 décembre 2015.

Le pacte d’associé de la société FINANCIERE PROXIA a été signé le 03 octobre 2011, immédiatement après l’immatriculation de la société.

A cette date, la société PROXIA GROUPE existait déjà et le préambule du protocole rappelle que ‘les soussignés se sont associés dans la société FINANCIERE PROXIA afin d’acquérir la totalité du capital social puis gérer et développer les activités de la société PROXIA GROUPE (…) devenue à ce jour et concomitamment à la conclusions du présent pacte d’associés filiale à 100% de la société FINANCIERE PROXIA et la société PROXIA GROUPE étant elle-même la société mère des sociétés suivantes (…) PROXIA COURTAGE (…) PROXIA VIE ET PATRIMOINE (…) PROXIA DEVELOPPEMENT (…) PROXIA EVOLUTIV’ASSURANCES’.

Le protocole rappelle ensuite que de convention expresse, les soussignés ‘ont entendu prolonger le pacte social de la société FINANCIERE PROXIA et convenir des modalités de management des six sociétés composant le groupe PROXIA désignées ci-avant’.

Il en résulte que la société GROUPE PROXIA existait à la date à laquelle a été signé le pacte d’associés et que l’objet même de la création de la société FINANCIERE PROXIA était l’acquisition de ses parts sociales.

Ensuite, lorsque les associés ont entendu ‘prolonger’ le pacte social de la société FINANCIERE PROXIA, il ne pouvait s’agir d’une prolongation temporelle, la société venant d’être immatriculée, mais d’une extension de son domaine d’application aux six autres sociétés du groupe, dont la société PROXIA GROUPE.

D’autre part, l’examen du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2015 démontre que les associés, après avoir approuvé le traité de fusion aux termes duquel la société FINANCIERE PROXIA fait apport à titre de fusion absorption à la société PROXIA GROUPE de l’intégralité des éléments d’actif et passif composant son patrimoine, ont décidé de procéder à un échange des actions et à une répartition des actions issues de l’augmentation de capital selon les mêmes proportions entre eux que la répartition antérieure, en rappelant que les actions nouvelles seront entièrement assimilées aux actions anciennes.

De la même façon, la gouvernance de la société FINANCIERE PROXIA a été dupliquée à la société PROXIA GROUPE, en ce que les associés ont pris au sein de la société PROXIA GROUPE les fonctions qu’ils occupaient au sein de la société FINANCIERE PROXIA.

M. [X] met cependant en exergue les dernières dispositions de l’article 13 du contrat, qui envisage la démission d’un mandataire social, contient la promesse que le démissionnaire s’engage irrévocablement à vendre ses parts sociales et l’engagement que les autres associés acceptent la promesse et lèvent l’option d’achat dans un délai de deux années.

Ces dispositions prévoient en effet que la promesse de vente et l’engagement d’achat sont valables y compris si les actions détenues au moment de la signature du pacte ont été remplacées totalement ou partiellement par d’autres titres, pour quelque raison que ce soit (transformation, fusion, acquisition etc …).

Selon M. [X], le fait que cette précision ne soit pas reprise dans l’article 14 relatif aux conséquences de la révocation d’un mandataire social démontre que les associés n’entendaient pas que la promesse synallagmatique de rachat des parts sociales du mandataire révoqué soit applicable en cas de remplacement des parts sociales.

Une telle analyse ne peut être retenue en l’espèce dans la mesure où les parts sociales de la société FINANCIERE PROXIA ont été remplacées par les parts sociales d’une des sociétés rentrant expressément dans le champ d’application du pacte d’associé, laquelle était en outre l’émanation de l’affectio societatis des signataires en ce qu’elle est venue remplacer la société qui avait été créée spécifiquement pour acquérir son patrimoine.

Par conséquent, M. [M] est fondé à se prévaloir de cette promesse synallagmatique.

Sur l’erreur grossière d’appréciation de l’expert:

M. [X] fait ensuite valoir que l’expert aurait commis une erreur grossière d’appréciation en évaluant les parts sociales à la date du 30 septembre 2017, soit le lendemain de la date de révocation de M. [M], plutôt qu’à la date la plus proche de la cession des parts sociales, comme il en aurait eu l’obligation.

Ce reproche avait déjà été émis dans un dire et l’expert judiciaire avait répondu que le juge l’ayant désigné lui avait fixé comme mission, dans son ordonnance du 13 février 2018, de fixer à la date de sa révocation le prix des actions de M. [M].

Toutefois, le dispositif de l’ordonnance était rédigé comme suit:

‘ Faisons droit à la demande d’expertise

Désignons à cet effet ….’.

Il en résulte que les motifs de l’ordonnance n’étant pas décisoires, l’expert judiciaire avait toute latitude pour choisir lui-même le mode et la date d’évaluation des parts sociales.

En revanche, s’il est établi que le principe est que l’évaluation de parts sociales doit se faire à la date la plus proche du prix de la cession, ce principe souffre une exception lorsqu’il est démontré que les bénéficiaires de la cession ont entendu de manière délibérée agir sur le prix de cession pour le minorer.

Tel a été le cas en l’espèce, où une augmentation de capital a été décidée moins de trois mois après la révocation de M. [M] et malgré ses protestations, ayant pour conséquence de faire passer la participation de M. [M] de 49,92% à 21,91% du capital social de PROXIA GROUPE.

Or, une décote est toujours attachée à l’actionnariat minoritaire, décote d’autant plus importante que la participation au capital est faible.

L’expert judiciaire a donc à juste titre, afin de pallier les conséquences de cette tentative de diminution de la valeur des parts, décidé de fixer celle-ci à la date de la révocation de M. [M], cette date apparaissant comme étant la plus proche possible de la cession.

Le moyen n’est pas fondé.

En conséquence de ce qui précède, M. [X] et la société PROXIA GROUPE sont déboutés de leurs demandes et le jugement déféré confirmé en ce qu’il a dit le pacte d’associés non caduc, et condamné M. [X] à acquérir l’intégralité des titres de la société GROUPE PROXIA détenus par M. [M] pour un prix de 442.963 euros outre intérêts.

Sur la demande indemnitaire de M. [M]:

En l’absence de démonstration que la résistance opposée par M. [X] et la société PROXIA GROUPE aux prétentions de M. [M] aient eu d’autres finalités que celle de faire valoir leurs droits, la prétention indemnitaire de M. [M] est rejetée.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

M. [X] et la société PROXIA GROUPE, qui succombe, sont condamnés aux dépens d’appel et paieront à M. [M] une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Confirme le jugement déféré.

Condamne M. [X] et la société PROXIA GROUPE, solidairement, aux dépens.

Condamne M. [X] et la société PROXIA GROUPE, solidairement, à payer à M. [M] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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