Your cart is currently empty!
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 5 DÉCEMBRE 2023
(n° / 2023, 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04235 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLJT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Février 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021036097
APPELANTS
Monsieur [C] [H]
Né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 13] (92)
De nationalité française
[Adresse 11]
[Localité 5]
SUISSE
S.A.S. [H], désormais dénommée CBIMF, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 552 063 042,
Dont le siège social est situé [Adresse 8]
[Localité 7]
Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,
Assistés de Me Matthias PUJOS de la SELEURL SPARTANS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0288,
INTIMÉ
Monsieur [B] [H]
Né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 14]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,
Assisté de Me Xavier CARBASSE de la SELEURL Xavier Carbasse Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : J98,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [A] [S] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
M.[B] [H] et M.[C] [H] sont deux frères, tous deux actionnaires de la société familiale [H], société anonyme depuis 1972, fondée en 1930 par leur grand-père, aujourd’hui dénommée CBIMF1, qui a été immatriculée en 1955 au RCS de Nanterre et dont le siège social était initialement fixé à [Localité 9].
Cette société a pour objet l’achat, la vente, la négociation et la location de biens immobiliers ou de fonds de commerce. Plus précisément, elle exerce actuellement sous la marque Coldwell banker deux sortes d’activités, d’une part, une activité de franchiseur dans le cadre d’un réseau de 46 agences immobilières franchisées implantées en France, au Luxembourg et à [Localité 12] et d’autre part, une activité d’agent immobilier en propre.
Le capital de la société (ci-après la société [H]) était fixé, jusqu’à l’assemblée générale du 25 juin 2020, à 508.722,37 euros, divisé en 33.370 actions.
En 2010, le capital de la société était détenu comme suit :
-[C] [H]: 6.625 actions -[B] [H]: 6.425 actions
-[F] [H]: 640 actions
-[K] [O] (épouse [T] [H]): 750 actions
-[M] [H]: 1293 actions
-La société civile Ametza, représentée par [F] [H]:4.395 actions
-La société civile Nilhugo, représentée par [F] [H]: 4.097 actions
-La société civile Ulysse, représentée par [F] [H]:9.145 actions.
M.[C] [H] était alors le président de cette société.
Le 15 décembre 2017, [C] [H] a fait l’acquisition de la totalité des actions détenues par son frère [B] dans la société [H], soit 6.425 actions, moyennant un prix de 546.125 euros (85 euros/ action) dont il devait s’acquitter en un versement comptant et immédiat de 16.125 euros, le solde de 530.000 euros devant être réglé au plus tard le 15 septembre 2018.
A l’issue de cette cession, [C] [H] est devenu actionnaire de la société [H], directement à hauteur de 15.733 actions ( soit 47,15% du capital) et indirectement à hauteur de 52,85% au travers des sociétés civiles Ametza, Nilhugo et Ulysse, ayant acquis les actions détenues par son oncle [M] [H], et les parts de ses parents qui composaient le capital social des trois SCI.
[C] [H] ne s’est pas acquitté de l’intégralité du prix de cession des actions acquises auprès de [B] [H], seuls 136.125 euros ayant été réglés.
Par actes des 27 février 2019 et 4 mars 2019, [B] [H] a fait assigner [C] [H] et la société [H] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de résolution de la cession des actions.
Par conclusions régularisées pour l’audience du 2 juillet 2020, [C] [H] a demandé au tribunal de prendre acte de son acquiescement à la demande de résolution judiciaire du contrat de cession d’actions conclu entre eux le 17 décembre 2012, de prendre acte que [B] [H] redevient actionnaire propriétaire de 6.425 actions, (soit 19,25% du capital) qu’il détenait dans la société [H] et qu’en conséquence [C] [H] redevient actionnaire de la société [H], directement à hauteur de 9.398 actions(soit 27,89% du capital) et indirectement sans modification à hauteur de 52,85% au travers des sociés civiles Ametza, Nilhugo et Ulysse et de prendre acte que la société [H] procèdera dans les 15 jours qui suivront la décision à intervenir à la modification des registres de mouvements de titres en conséquence de cette résolution judiciaire, et d’ordonner à [B] [H] de luiverser la somme de 136.125 euros en conséquence de la résolution judiciaire du contrat de cession.
C’est dans ce contexte que par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du contrat de cession d’actions du 15 décembre 2017 et ordonné à [B] [H] de rembourser à [C] [H] la somme de 136.125 euros, à la société [H] de procéder à la modification correspondante des registres de mouvements de titres et des comptes d’actionnaires, pour traduire le retour de ‘[C]'[H] en tant qu’actionnaire à hauteur de 19,25% du capital, disposant de 6.425 actions de la société [H].
Le 11 décembre 2020, l’avocat de [B] [H] a demandé l’exécution du jugement et notamment la communication du RIB de [C] [H] en rappelant qu’il devait être procédé à la modification des registres de mouvements de titres.
Le 15 décembre 2020, l’avocat de la société [H] et de [C] [H] a répondu que le jugement n’avait pas été signifié à [C] [H] qui avait déclaré une adresse en Suisse dans ses conclusions régularisées pour l’audience du 2 juillet et que le jugement était entaché d’une erreur matérielle importante empêchant son exécution, le dispositif comprenant l’inversion du prénom des deux frères, [C] et non [B], à propos de sa réintégration comme associé et que ‘compte tenu des montants en jeu et par sécurité juridique, il conviendrait que soit déposée auprès du tribunal de commerce de Paris une requête en rectification d’erreur matérielle du dispositif de ce jugement’.
Le 22 décembre 2020, M.[B] [H] a déposé auprès du tribunal de commerce de Paris une requête en rectification d’erreur matérielle et a fait procéder à la signification du jugement du 6 novembre 2020 à l’adresse en Suisse de [C] [H].
Devant le tribunal, [C] [H] a acquiescé à la demande de changement de prénom dans le dispositif, demandé que soit modifiée son adresse sur le jugement, que ne figure plus que son adresse en Suisse, et que soit supprimée la mention du pourcentage d’actions 19,25%, en expliquant qu’en raison d’une augmentation de capital intervenue postérieurement à la cession, les 6.425 actions rétrocédées à [B] [H] ne représentaient plus 19,25% du capital de la société [H].
Le 9 avril 2021, le tribunal de commerce a rectifié le jugement du
6 novembre 2020, en relevant que les parties s’accordaient sur la correction à apporter quant à l’inversion des prénoms et dit qu’il convenait de lire dans le dispositif ‘ordonne à la société [H] de procéder à la modification corespondante des registres de mouvement de titres et de comptes d’actionnaires pour traduire le retour de M.[B] [H] en tant qu’actionnaire de 19,25% du capital, disposant de 6425 actions de la société [H]’ . Il a rectifié certains passages dans l’exposé des faits qui faisaient mention à tort d’un héritage et d’un pourcentage inexact, [C] [H] détenant directement ou indirectement 80,75% des actions et son frère 19,25 %. Il a ajouté l’adresse suisse de [C] [H] à l’adresse parisienne et débouté [C] [H] de ses autres demandes.
Le jugement du 6 novembre 2020, rectifié par le jugement du 9 avril 2021, prévoyant, dans ses motifs, que la transcription de la propriété des actions de [B] [H] dans les registres des mouvements de titres et les comptes d’actionnaires de la société [H] devait intervenir ‘ dans un instant de raison qui ne saurait dépasser 8 jours’ après le versement de la somme de 136.125 euros correspondant au remboursement du prix des actions, [B] [H] a procédé au versement de cette somme sur le compte CARPA de son conseil les 15, 17 et 19 mars 2021.
Par courrier du 2 avril 2021, l’avocat de [B] [H] a mis en demeure [C] [H] de confirmer sous 10 jours la transcription de la propriété des 6.425 actions de [B] [H] dans les registres des mouvements de titres et les comptes d’actionnaires à la date de la cession du 15 décembre 2017.
Ne parvenant pas à obtenir l’accomplissement de cette formalité, [B] [H] a le 20 juillet 2021, fait assigner [C] [H] et la société [H] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris auquel il a demandé, essentiellement, d’assortir l’exécution du jugement du 6 novembre 2020 d’une astreinte, d’ordonner en tant que de besoin à la société [H] et à [C] [H] de procéder à la modification des registres des mouvements de titres et de comptes d’actionnaires de la société pour traduire son retour en tant qu’actionnaire à hauteur de 19,25% du capital, disposant de 6 425 actions de la société [H].
Devant le juge de l’exécution, [C] [H] et la société [H] ont demandé qu’un sursis à statuer soit ordonné dans l’attente du résultat de l’appel qu’ils avaient interjeté le 28 juillet 2021 à l’encontre du jugement rectificatif du 9 avril 2021, de prononcer la nullité de la signification à partie du jugement du 9 avril 2021. Ils ont reconnu l’inexécution du jugement affirmant que la décision est inexécutable en l’état puisqu’une augmentation de capital était intervenue entre la cession et le jugement et que depuis les 6.425 actions ne représentaient plus 19,25% du capital social.
Par jugement du 17 novembre 2021, le juge de l’exécution a pour l’essentiel rejeté la demande de sursis à statuer, rejeté la demande de nullité de la signification du jugement rectificatif du 9 avril 2021, assorti l’injonction faite par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 6 novembre 2020, rectifié le 9 avril 2021, à la société [H] de procéder à la modification correspondante des registres de mouvements de titres et des comptes d’actionnaires, pour traduire le retour de [B] [H] en tant qu’actionnaire à hauteur de 19,25% du capital, disposant de 6 425 actions de la société [H], d’une astreinte provisoire de 5.000 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois, passé le délai d’un mois après la signification de la présente décision et condamné la société [H] à payer à [B] [H] 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi qu’une indemnité procédurale.
En parallèle de ces procédures judiciaires, [C] [H] a convoqué une assemblée générale mixte de la société [H] qui s’est tenue le 7 avril 2020 (en l’absence de [B] [H], non convoqué), laquelle a opéré, entre autres résolutions, le transfert du siège social du [Adresse 4] vers le [Adresse 6] , la transformation de la société anonyme [H] en SAS, a adopté de nouveaux statuts dans lesquels a été introduite une procédure de rachat forcé des actions (article 10.6), a nommé en qualité de Président de la société avec effet immédiat, [C] [H], toutes les résolutions étant adoptées à l’unanimité, par le seul vote de [C] [H], en son nom personnel et comme représentant des SCI actionnaires.
Une seconde assemblée générale mixte de la société [H] s’est tenue le 25 juin 2020, avec notamment pour ordre du jour une augmentation du capital de la société. Il a été décidé que le capital social de la société par actions simplifiée [H] soit augmenté à 550.000 euros, en portant la valeur nominale des actions ordinaires déjà émises à 16 euros et en émettant 1 005 nouvelles actions ordinaires d’une valeur nominale de 16 euros sans prime d’émission, la période de souscription courant jusqu’au 15 juillet 2020, 18 heures. Il y a été pris acte de la démission de [C] [H] de ses fonctions de président.Un nouveau président a été nommé, la société de droit suisse Augustus Investment AG, avec effet du 26 juin 2020 à 0 heure. Les nouveaux statuts ont été adoptés. Toutes les résolutions ont été adoptées à l’unanimité, sur le vote du seul [C] [H].
Le 10 décembre 2020, la société Augustus Investment Management, en sa qualité de nouveau président de la société [H], représentée par [C] [H], président, a décidé de transférer le siège social de la société au [Adresse 8]. Les statuts de la société ont à nouveau été modifiés en conséquence le 10 décembre 2020.
Soutenant que ces délibérations avaient été adoptées au mépris des dispositions du code de commerce, et en fraude manifeste de ses droits d’actionnaire de la société, [B] [H] a attrait [C] [H] et la société [H] devant le tribunal de commerce de Paris. Il a fait valoir que la situation était d’autant plus problématique qu’il avait appris, par le biais de recherches auprès du Service de la Publicité Foncière, d’une part, qu’une opération massive de cession d’actifs avait été réalisée en décembre 2020 par la société [H], concernant l’ensemble des actifs détenus par la société, situés [Adresse 10], soit un immeuble entier qui constituait le principal actif de la société [H], et son patrimoine historique, initialement acquis par [U] [H], fondateur de la société, d’autre part, qu’au cours de l’année 2020, d’autres actifs immobiliers qu’elle détenait situés [Adresse 4], où se trouvait historiquement le siège social de la société avaient été cédés, [B] [H] a été autorisé à assigner à bref délai la société [H] et [C] [H], par assignations en date du 21 juillet 2021, devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins de solliciter l’annulation des délibérations irrégulières de la société, et de tous les actes de la société en découlant.
Par jugement du 25 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a:
– rejeté la demande de la SAS [H] tendant à voir déclarer irrecevable l’action intentée par [B] [H] contre elle et [C] [H] en ce que l’acte introductif d’instance n’a pas été régulièrement signifié à l’un des défendeurs,
– rejeté la demande de [C] [H] de déclarer nul l’acte introductif d’instance,
– annulé l’assemblée générale des actionnaires de la SAS [H] convoquée le 7 avril 2020 et les délibérations qu’elle a prises ce jour-là,
– annulé l’assemblée générale des actionnaires de la SAS [H] convoquée le 25 juin 2020 et les délibérations qu’elle a prises ce jour-là,
– annulé les mises à jour des statuts de la SAS [H] des 7 avril, 25 juin, 26 juin et 10 décembre 2020,
– condamné in solidum la SAS [H] et M. [C] [H] à effectuer, dans le mois de la signification du jugement, les formalités de publicité que l’annulation de l’assemblée générale des actionnaires de la SAS [H] convoquée le 7 avril 2020 et les délibérations qu’elle a prises ce jour-là, de l’assemblée générale des actionnaires de la SAS [H] convoquée le 25 juin 2020 et les délibérations qu’elle a prises ce jour-là et des mises à jour des statuts de la SAS [H] des 7 avril, 25 juin, 26 juin et 10 décembre 2020 impliquent, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant soixante jours,
– débouté la SAS [H] et [C] [H] de leurs demandes respectives de condamner [B] [H] à leur verser la somme de 15.000 euros au titre des dommages et intérêts en application de l’article 32-1 du code de procédure civile,
– condamné la SAS [H] et [C] [H] à payer chacun la somme de 5.000 euros à [B] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné la SAS [H] à payer les dépens.
Par déclaration du 8 mars 2022, la société [H] et M. [C] [H] ont relevé appel à l’encontre de ce jugement.
Ainsi qu’ils y avaient été autorisés, les appelants ont par acte du
12 avril 2022 fait à assigner à jour fixe M.[B] [H] pour l’audience du 12 décembre 2022.
Dans leurs conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 mai 2022, la société [H] et M.[C] [H] demandent à la cour de les déclarer recevables en leur appel, infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, statuant à nouveau, in limine litis, déclarer irrecevable l’action intentée contre eux par [B] [H] devant le tribunal de commerce en ce que l’acte introductif d’instance n’a pas été régulièrement signifié à l’un des défendeurs, déclarer nul l’acte introductif d’instance signifié à [C] [H] en ce qu’aucune prétention le visant ne figurait dans son dispositif, à titre principal, déclarer irrecevable l’action intentée par [B] [H] en ce qu’il est dépourvu de tout intérêt à agir n’étant pas actionnaire de la société [H] à la date de délivrance de l’acte introductif d’instance, à titre subsidiaire, déclarer [B] [H] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions, en tout état de cause, débouter [B] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions et le condamner à leur verser à chacun la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l’article 32-1 du code de procédure civile, 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le
28 octobre 2022, M.[B] [H] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, déclarer les appelants mal fondés en leur appel, les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions, y ajoutant, condamner in solidum la société [H] et M. [C] [H] à lui verser une somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.
La cour a demandé à l’audience de plaidoirie que lui soit communiqué, par note en délibéré, le procès verbal d’huissier de justice constatant la réintégration de [B] [H], en sa qualité d’actionnaire, à compter du 12 janvier 2022.
Le procès verbal de constat, auquel est annexé l’ordre de mouvement opérant la réintégration de [B] [H], a été transmis le 5 janvier 2023.
Il a été également porté à la connaissance de la cour que [B] [H] n’était plus associé de la société CBIMF depuis le 25 avril 2022, date à laquelle il a été exclu par décision du Président. Ce nouveau litige a donné lieu à un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 14 avril 2023.
SUR CE,
A l’audience, ainsi que cela a été noté au plumitif, les appelants ont déclaré abandonner leur demande tendant à voir déclarer nul l’acte introductif d’instance signifié à M. [C] [H] en ce qu’aucune prétention le visant ne figurait dans son dispositif. Cette prétention ne sera donc pas examinée.
– Sur la nullité de la signification de l’assignation à la société [H]
Les appelants maintiennent en revanche que la signification de l’assignation du 21 juillet 2021 est nulle au visa de l’article 654 du code de procédure civile en ce qu’elle a été délivrée à une salariée d’une société tierce (la société CBP), qui n’était pas habilitée à recevoir l’acte pour le compte de la société [H], que cette irrégularité a causé à la société [H] un grief évident se trouvant attraite en justice par le biais d’un acte remis à un destinataire non salarié de sa structure.
[B] [H] réplique que l’assignation a été délivrée au siège social de la société [H], situé [Adresse 8], et a été valablement remise à Mme [L] [V], assistante, qui a déclaré être habilitée à recevoir l’acte, et qu’ ainsi la signification a été faite à personne et qu’en tout état de cause, la société [H] ne justifie d’aucun grief.
L’article 654 du code de procédure civile dispose que ‘ La signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. »
La signification d’un jugement à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à toute personne habilitée, sans que l’huissier de justice ait à vérifier la qualité déclarée par la personne à qui est remise la copie de l’assignation.
En l’espèce, l’assignation à bref délai a été délivrée à la société [H] le
21 juillet 2021 à l’adresse de son siège social. S’agissant des modalités de remise de l’acte, l’huissier de justice a coché la case ‘ au destinataire personne morale’ en précisant que l’acte était remis à Mme [V] [L], ‘qualité assistante’, qui a déclaré être habilitée à recevoir l’acte’.
Il résulte des énonciations de l’acte que celui est régulier et conforme aux prescriptions du texte précité.
Il doit être souligné que Mme [V], dans l’attestation qu’elle a fournie aux appelants, ne soutient pas qu’elle n’était pas habilitée à recevoir l’acte, mais seulement qu’elle n’était pas salariée de la société [H], ce qui est inopérant en l’espèce.
C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de la société [H] et de [C] [H] tendant à voir annuler la signification de l’assignation à la société [H] et déclarer irrecevables les demandes de [B] [H].
Le jugement sera confirmé sur ce point.
– Sur le défaut d’intérêt à agir de [B] [H]
Les appelants soulèvent le défaut d’intérêt à agir de [B] [H] en ce qu’il est dépourvu de la qualité d’actionnaire de la société [H]. Ils font valoir que la résolution d’une cession d’actions n’a pas ipso facto pour effet de faire recouvrer au cédant sa qualité d’actionnaire, le transfert de la qualité d’actionnaire s’opérant par le transfert de la propriété des actions lequel résulte exclusivement de leur inscription sur les registres de mouvements de titres et des comptes d’actionnaires, ainsi que le prévoient les articles L228-1 du code de commerce, L 211-17 I du code monétaire et financier ainsi que l’article R225-86 alinea 1er du code de commerce et qu’à la date de l’introduction de l’instance ce transfert de propriété n’était pas intervenu, la société [H] ayant procédé aux formalités nécessaires, le 12 janvier 2022.
[B] [H] réplique qu’il a bien qualité à agir. Il souligne liminairement que le défaut d’inscription de son actionnariat dans les registres des mouvements de titres et les comptes d’actionnaire de la société a pour seule et unique cause le refus totalement abusif de la société [H] de procéder à cette inscription, ordonnée par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 6 novembre 2020 rectifié le 9 avril 2021, définitif et passé en force de chose jugée, et qu’il a fallu que le juge de l’exécution ordonne sous astreinte l’exécution du jugement du 6 novembre 2020 pour que la société [H] se résigne à lui communiquer son RIB afin qu’il puisse être procédé au versement des 136.125 euros correspondant au remboursement du prix des actions, et ce alors même que ce RIB avait été demandé à de très nombreuses reprises par son conseil et qu’il avait restitué le prix des actions sur le compte CARPA de son conseil depuis de nombreux mois. Il rappelle que le juge de l’exécution a dans son jugement du 17 novembre 2021, reconnu le caractère abusif de la résistance des défendeurs à exécuter le jugement du 6 novembre 2020 et l’a sanctionnée mais surtout qu’il a reconnu sa qualité d’actionnaire et qu’en toute hypothèse, en application du principe de droit’ nemo auditur propriam turpitudinem allegans’ (‘ nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude’), les appelants ne peuvent se prévaloir d’une augmentation de capital qu’ils ont eux-mêmes mise en ‘uvre sans le convoquer au mépris des dispositions les plus élémentaires du code de commerce, et de leur propre refus de transcrire la propriété de ses actions dans les registres de la société, pour tenter de faire échec à l’exercice par celui-ci de ses droits d’actionnaire.
Il prétend en outre qu’en invoquant les dispositions de l’article L.228-1 du Code de commerce, les appelants se livrent à un détournement des règles de droit applicables, en opérant une confusion manifeste entre le transfert de propriété visé par l’article L.228-1 du code de commerce, résultant d’une ‘ cession de valeurs mobilières’ et les conséquences juridiques d’une résolution de cession d’actions prononcée par la voie judiciaire, comme en l’espèce. Il expose que les conséquences juridiques de l’annulation d’une cession d’actions sont bien différentes de celles qui résultent de la cession elle-même, et sont totalement indépendantes de l’inscription en compte dans les registres de la société, puisqu’en vertu de l’article 1178 du code civil, le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé et qu’il y a lieu à remise des parties dans la situation qui était la leur avant la cession.
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’intérêt au succès ou au rejet d’une prétention s’apprécie au jour de l’introduction de la demande en justice.
En l’espèce, par acte du 21 juillet 2021, [B] [H], se prévalant de sa qualité d’actionnaire de la société [H] retrouvée après le jugement du 6 novembre 2020, a saisi le tribunal de commerce de Paris pour voir annuler les délibérations adoptées lors des assemblées générales des 7 avril 2020 et 25 juin 2020 et prononcer en conséquence la nullité des modifications statutaires du 7 avril 2020, du 25 juin 2020, du 3 novembre 2020 et du 10 décembre 2020.
Le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 novembre 2020 a prononcé la résolution du contrat de cession.
Selon l’article 1229 du code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable en l’espèce ” la résolution met fin au contrat. La résolution prend effet selon les cas, soit à la date de réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut au jour de l’assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9″.
En l’espèce, en l’absence de date fixée dans le jugement, la résolution a pris effet à la date de l’assignation en justice, soit le 4 mars 2019.
La résolution d’un contrat, par l’effet rétroactif qui lui est attaché, implique la remise des parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat, ce qui entraîne par nature des restitutions réciproques, la restitution de la chose et du prix constituant une conséquence légale de la résolution du contrat.
La résolution repose d’autre part, sur des considérations de bonne foi et d’équité, qui sont le support de la justice contractuelle et de l’équilibre contractuel, le principe de bonne foi dans la négociation, la formation et l’exécution du contrat ayant été érigé en dispostion d’ordre public par l’article 1104 issu de l’ordonnance du 10 février 2016.
Les appelants ne sauraient se prévaloir de leur refus abusif d’inscrire des titres au nom de [B] [H] sur les registres de la société, alors au surplus qu’en acquiescant en juillet 2020 à la demande de résolution, ils s’étaient engagés à procéder dans les 15 jours qui suivront la décision à procéder à la modification des registres de mouvements de titres, pour lui dénier sa qualité d’actionnaire, alors d’une part que l’inscription sur les registres de mouvements et comptes d’actionnaire ne constitue que l’exécution de l’obligation de délivrance à laquelle est tenu le cédant, et n’est pas une condition de forme du contrat, d’autre part, que dans le cas d’espèce, [B] [H] a automatiquement retrouvé sa qualité d’actionnaire du fait de la résolution du contrat de cession puisque celle-ci a emporté anéantissement de la cession, et non pas transfert de propriété, les obligations nées du contrat résolu étant censées n’avoir jamais existé, de troisième part, que faire dépendre la qualité d’actionnaire de [B] [H] de l’inscription de ses titres à son compte d’actionnaire, par la société consacrerait une condition potestative, nulle selon l’article 1304-2 du code civil.
Il résulte de ce qui vient d’être exposé que du fait de la résolution prononcée le
6 novembre 2020, [B] [H] avait retrouvé sa qualité d’actionnaire à la date du
4 mars 2019, de sorte qu’il avait bien qualité et intérêt à agir à la date de l’assignation du 21 janvier 2021 .
Les appelants seront déboutés de leur demande d’irrecevabilité et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
– Sur la nullité des assemblées générales des 7 avril 2020 et 25 juin 2020
[B] [H] soutient que les assemblées générales des 7 avril et 25 juin 2020 doivent être annulées au visa d’une part de l’article L225-104 du code de commerce dès lors qu’il n’a pas été convoqué et d’autre part de l’article L225-121 pour non respect de son droit à l’information, la question de la contrariété à l’intérêt social n’étant pas une condition sine qua non de la nullité de ces assemblées générales.
[B] [H] soutient que les assemblées générales du 7 avril 2020 et du 25 juin 2020 ont été à bon droit annulées par le tribunal de commerce de Paris, dès lors qu’il aurait légitimement dû prendre part à toutes les décisions collectives qui sont intervenues depuis la date de la cession. Il conteste que le juge, pour prononcer l’annulation, doive, comme le prétendent les appelants, impérativement prendre en compte l’atteinte portée à l’intérêt social par les résolutions adoptées à l’issue de l’assemblée litigieuse et le fait qu’aucune nullité de décisions sociales ne puisse être prononcée sans démonstration de leur contrariété à l’intérêt social.Il affirme qu’il est incontestable que les résolutions votées au cours de ces assemblées générales ont été prises par ruse, dans le dessein manifeste de réorganiser la société à son détriment et pour lui nuire. Il prétend que la nullité des assemblées générales des 7 avril 2020 et 25 juin 2020 s’impose également en raison de son défaut d’information dans le cadre de ces assemblées. Il ajoute que la nullité de l’assemblée générale du 7 avril 2020 s’impose dès lors que cette assemblée a approuvé la transformation de la société en société par actions simplifiée sans recueillir l’unanimité des actionnaires et que la nullité de la transformation s’infère par ailleurs de l’article 1836 du code civil, et de la lecture combinée des articles L.225-96 et L.225-121 du code de commerce, étant souligné que la nullité de l’assemblée générale s’impose également en raison de l’adoption, lors de cette assemblée de nouveaux statuts introduisant de façon irrégulière, puisqu’une telle clause nécessitait l’accord unanime des associés, une clause de rachat forcé. En tout état de cause, et à titre surabondant, la transformation de la société [H] en société par actions simplifiée était également irrégulière en ce qu’elle n’a pas été prise, conformément à l’article L.225-244 du code de commerce, à la suite d’un rapport des commissaires aux comptes attestant que les capitaux propres étaient au moins égaux au capital social. Il ajoute que la nullité de la transformation a pour effet de replacer la société dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la transformation et qu’il y a donc lieu d’annuler l’assemblée subséquente du 25 juin 2020, l’augmentation de capital n’ayant pas été soumise aux règles applicables aux sociétés anonymes qui prévoient le consentement unanime des associés et les statuts modifiés comme l’a fait le tribunal. Il prétend que les décisions de transformation de la société et de modification des statuts adoptées lors de l’assemblée générale du 7 avril 2020 ainsi que la décision d’augmentation de capital adoptée lors de l’assemblée générale du 25 juin 2020 procèdent d’un abus de majorité manifeste de la part de [C] [H], qu’elles sont contraires à l’intérêt social et ont pour effet de conférer à un seul homme, [C] [H], la maitrise totale et absolue de la société.
La société [H] et [C] [H] répliquent que ni le défaut de convocation, ni le défaut d’information d’un actionnaire ne sont de nature à entraîner la nullité des résolutions adoptées, s’agissant de nullités facultatives.
Ils insistent sur la parfaite conformité à l’intérêt social de la société des résolutions adoptées les 7 avril, 25 juin 2020 et 10 décembre 2020, et sur la nécessité de privilégier la sécurité juridique, ce qui exclut toute nullité à raison d’irrégularités dans la tenue des assemblées générales, alors que ni le défaut de convocation ou d’information d’un actionnaire, ni la méconnaissance de la règle de l’unanimité ne sont de nature à entraîner la nullité automatique des résolutions qui auraient été irrégulièrement adoptées. Ils affirment que [C] [H] n’a commis aucun abus de majorité susceptible d’entraîner la nullité des dites résolutions, les SCI étant intervenues, et que le succès du développement international de la société [H] au cours des dernières années est le meilleur témoignage de ce que les mesures aujourd’hui critiquées par [B] [H] étaient en réalité extrêmement bénéfiques pour la société et partant, totalement conformes à son intérêt social. Ils soutiennent que l’absence de rapport du commissaire aux comptes dans le cadre de l’opération de transformation de la société [H] en SAS n’emporte pas nullité de la résolution n°5 du 7 avril 2020, étant précisé que la société [H] n’avait pas de commissaire aux comptes et n’était pas légalement tenue d’en désigner un. Les appelants expliquent encore que les résolutions adoptées postérieurement à la transformation de la société [H] en SAS l’auraient été quand bien même [B] [H] aurait été convoqué et aurait exprimé un vote défavorable à leur adoption, l’exigence d’unanimité n’étant pas requise dans les sociétés par actions pour l’adoption par l’assemblée générale des associés, pour l’introduction d’une clause de rachat forcé dans les statuts, pour l’augmentation de capital social, enfin pour le transfert du siège social, de sorte qu’il n’existe aucun grief et qu’il y a lieu de faire application de la théorie du vote utile ou du vote efficace. Ils affirment en outre qu’il est impossible de prononcer des annulations en cascade et que la Cour de cassation considère que la nullité d’une délibération n’entraîne pas celle des actes accessoires qui ont découlé de cette dernière et qu’il y a lieu de canaliser les nullités subséquentes. Ils affirment que ne sauraient être annulés les statuts modifiés le 7 avril 2020, le 25 juin 2020, le 3 novembre 2020 ( qui n’existe pas ) et le 10 décembre 2020(simple changement de numéro),chacune des modifications statutaires critiquées étant parfaitement régulière et ne portant manifestement pas la moindre atteinte à l’intérêt social de la société. Ils concluent en disant que les juges de première instance auraient du refuser de statuer sur le dispositif irrégulier figurant dans l’assignation qui n’étaient pas de nature à les saisir de la moindre prétention, certaines demandes étant portées par la formulation
‘ dire et juger’ et les autres n’étant que la conséquence de ces demandes.
Sur ce:
Est dénuée de toute pertinence l’affirmation selon laquelle le tribunal aurait dû refuser de statuer sur le dispositif irrégulier figurant dans l’assignation, ce qui justifierait l’infirmation du jugement, alors qu’il résulte des énonciations du jugement que [B] [H] a demandé au tribunal, réitérant et précisant les termes de son assignation, la procédure étant orale devant le tribunal de commerce, de prononcer la nullité des délibérations adoptées lors des assemblées générales des 7 avril 2020 et 25 juin 2020, prononcer en conséquence la nullité des modifications statutaires du 7 avril 2020, 25 juin 2020, du 3 novembre 2020 et du 10 décembre 2020, de sorte qu’il a bien formulé des prétentions sur lesquelles le tribunal de commerce devait statuer .
La chronologie des faits, révélée par les pièces versées aux débats, est la suivante:
– suite au non paiement d’une grande partie du prix de cession, [B] [H] a le 4 mars 2019, saisi le tribunal de commerce d’une demande de résolution de la cession,
– par un premier jugement du 17 janvier 2020, le tribunal de commerce a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par [C] [H] et la société [H] et a enjoint aux parties de conclure au fond,
– le 6 avril 2020 a été dressé le procès verbal du conseil d’administration de la société [H] signé par [C] [H] président de séance, qui a à l’unanimité approuvé le rapport du président du conseil d’administration, arrêté les comptes sociaux de l’exercice clos le 31 décembre 2019, décidé de transférer le siège social de la société [H] du [Adresse 4] au [Adresse 6], et décidé de convoquer les actionnaires en assemblée générale mixte pour le lendemain,
7 avril 2020, afin notamment que soit examiné le projet de transformation de la société anonyme [H] en société par actions simplifiée, afin de lui permettre de bénéficier d’un assouplissement du cadre la régissant et compte tenu du fait que la société [H] était dans l’impossibilité de faire désigner le nombre minimum d’administrateurs requis dans les sociétés anonymes, la transformation devant prendre effet au jour de la décision de l’assemblée générale mixte des actionnaires, statuant dans les conditions de l’article
L 224-3 du code de commerce, soit à l’unanimité des actionnaires,
– le 7 avril 2010, s’est tenue l’assemblée générale mixte de la société [H] qui a adopté, à l’unanimité, les résolutions suivantes: approbation des comptes sociaux annuels de l’exercice clos le 31 décembre 2019, quitus entier et définitif de sa mission au conseil d’administration pour l’exercice clos le 31 décembre 2019, ratification du transfert du siège social de la société [H] au [Adresse 6], approbation de la transformation de la société anomyme [H] en société par actions simplifiée et de la fin au mode de gestion actuel de la société avec effet immédiat et avec pour conséquence que les fonctions des administrateurs cessent de plein droit, et qu’il est mis fin aux fonctions de président du conseil d’administration avec effet immédiat de [C] [H] (résolution 5), adoption des nouveaux statuts de la société par actions simplifiée [H] ( résolution 6), nomination, en qualité de président de la société avec effet immédiat de [C] [H], demeurant en Suisse, lequel déclare accepter les fonctions qui viennent de lui être conférées ( résolution 7);
– le 27 mai 2020 les nouveaux statuts de la société, datés du 7 avril 2020, signés de [C] [H] ont été déposés. L’article 10.6 des nouveaux statuts prévoit une procédure de rachat forcé: dès lors qu’un associé, personne physique, ne répond pas aux critères d’éligibilité fixés à l’article 3 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 (dite loi Hoguet), quel qu’en soit le motif, ou n’est pas en mesure de justifier d’une compétence professionnelle en lien direct avec l’exercice de l’activité encadrée par la loi précitée, il est tenu de céder sans délai ses actions à la société, à la valeur nominale, à charge pour elle de les céder ou de les annuler conformément aux dispositions de l’article L227-19 du code de commerce. Il est précisé que l’associé personne morale ne peut faire l’objet d’une telle procédure de rachat forcé, que l’engagement et la réalisation de la procédure de rachat forcé ne sont pas subordonnés à la démonstration d’une faute qu’il aurait commise, que la méconnaissance de l’obligation imposée à l’associé personne physique entraîne pour son auteur à titre de clause pénale paiement d’un montant de 50.000 euros au bénéfice des autres associés, au prorata de leurs participations respectives et sans préjudice des dommages-intérêts qui pourront être judiciairement revendiqués;
– le 25 juin 2020, s’est tenue l’assemblée générale mixte de la société [H], qui a adopté diverses résolutions à l’unanimité, notamment, la quatrième résolution, par laquelle l’assemblée générale, statuant aux conditions de quorum et de majorité des assemblées générales extraordinaires, approuve une augmentation de capital à 550.000 euros selon les modalités suivantes: (i) en portant la valeur nominale des actions ordinaires déjà émises à 16 euros et (ii) en émettant 1.005 nouvelles actions ordinaires de valeur nominale de 16 euros sans prime d’émission, la période de souscription courant jusqu’au 15 juillet 2020, et que les titres non souscrits à titre irréductible puissent faire l’objet d’une souscription à titre réductible par celui ou ceux des actionnaires qui en exprimera ( ont) par tout moyen le voeu, en ses 5ème et 6ème résolutions n°5, l’assemblée générale a pris acte de la démission de [C] [H] de ses fonctions de président à effet du 25 juin 2020 et statuant aux conditions de quorum et de majorité des assemblées générales ordinaires, a nommé en qualité de président de la société [H] avec effet à compter du 26 juin 2020 à 00h00 la société de droit suisse Augustus Investment AG immatriculée, laquelle a déclaré accepter cette fonction. En sa 7ème résolution, l’assemblée générale, statuant aux conditions de quorum et de majorité des assemblées générales extraordinaires, a modifié l’article 16 des statuts relatif au caractère facultatif de la désignation d’un commissaire aux comptes et en sa 8ème résolution a adopté les nouveaux statuts modifiés,
– les statuts ont été mis à jour le 25 juin 2020.
– c’est dans ce contexte, après que toutes ces résolutions ont été votées, que par conclusions régularisées devant le tribunal de commerce pour l’audience du 2 juillet 2020, que [C] [H], en se domiciliant en Suisse, a demandé au tribunal de prendre acte de son acquiescement à la demande de [B] [H] relative à la résolution judiciaire du contrat de cession d’actions conclu entre eux le 17 décembre 2012, de prendre acte que [B] [H] redevient actionnaire propriétaire de 6.425 actions, (soit 19,25% du capital) qu’il détenait dans la société [H] et qu’en conséquence [C] [H] redevient actionnaire de la société [H], directement de 9.398 actions(soit 27,89% du capital) et indirectement sans modification à hauteur de 52,85% au travers des sociés civiles Ametza, Nilhugo et Ulysse, de prendre acte que la société [H] procèdera dans les 15 jours qui suivront la décision à intervenir à la modification des registres de mouvements de titres en conséquence de cette résolution judiciaire, ordonner à [B] [H] de lui verser la somme de 136.125 euros en conséquence de la résolution judiciaire du contrat de cession.
– par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris ‘ avec l’accord des deux parties’ a procédé à la résolution de la cession des titres de décembre 2017 et rétabli les parties en l’état.
– le 10 décembre 2020, par décision du président le siège social de la société a été transféré du 7 au 8 de la rue Lamennais,
– le 10 décembre 2020, les statuts datés du 26 juin 2020 ont été mis à jour. L’article 7 des statuts modifiés mentionne que le capital social est fixé à la somme de 550.000 euros et divisé en 34.375 actions de 16 euros chacune, entièrement libérées.
Il est établi que [B] [H], associé réintégré à la suite de la résolution de la cession de ses parts, n’a pas été convoqué aux assemblées générales des 7 avril 2020 et 25 juin 2020. Il peut donc agir en nullité des assemblées qui se sont tenues entre la cession et sa réintégration, en invoquant le fait qu’il n’a pas été convoqué à ces assemblées.
Aux termes de l’article L.225-104, dernier alinéa, du code de commerce ‘Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. Toutefois, l’action en nullité n’est pas recevable lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés’.
Il est constant que, s’agissant d’une nullité facultative, les juges saisis d’une demande d’annulation ne sont pas liés par la constatation de l’existence de l’irrégularité tirée de l’absence de convocation. Par ailleurs, le pouvoir d’appréciation dont les juges disposent pour prononcer la nullité des assemblées générales irrégulièrement convoquées exclut que la notion d’intérêt social soit exclusive et déterminante de leur décision.
La cour relève tout d’abord, que les deux assemblées litigieuses ne se sont pas tenues dans des conditions habituelles pour régler, à l’échéance de l’exercice, les affaires courantes de la société mais que l’ordre du jour de ces deux assemblées générales mixtes, tenues en trois mois d’intervalle, et dans la précipitation, comprenait des décisions fondamentales pour la vie de la société, notamment, le transfert du siège social, le changement de président, les nouveaux pouvoirs accordés au président, la transformation de la forme sociale de la société anonyme en société par actions simplifiée (qui nécessite l’accord de tous les actionnaires), l’adoption de nouveaux statuts comprenant une procédure de rachat forcé des actions et donc d’éviction de certains actionnaires, qui elle aussi nécessitait l’accord unanime des associés ou la décision d’augmentation du capital social, de laquelle [B] [H] a, de fait, été exclu.
Or ces deux assemblées ont été convoquées dans des délais extrêmement brefs, alors que [B] [H] avait engagé une procédure de résolution du contrat de cession à l’issue de laquelle il allait manifestement recouvrer la propriété de ses titres, et ce d’autant que [C] [H] a finalement acquiescé à la résolution de la cession, et se sont tenues alors que l’instance en cours devant le tribunal de commerce était paralysée par la crise sanitaire, ainsi que le rappelle le jugement.
Ainsi la convocation de ces deux assemblées et le vote des résolutions visaient à permettre l’éviction de [B] [H] de la société et de neutraliser le succès de l’action judiciaire qu’il avait engagée. Il n’est effet pas démontré que la transformation de la société en SAS, l’adoption de nouveaux statuts et l’augmentation de capital devaient être décidées en urgence, sans attendre l’issue de l’instance en cours. Ce n’est qu’une fois les modifications votées, que [C] [H] a acquiescé à la résolution de la cession.
Après avoir décidé la transformation de la société en société par action simplifiée, les statuts de la société ont été modifiés pour prévoir l’exclusion de l’actionnariat de la société de toute persone physique n’exerçant pas l’activité d’agent immobilier, sous le prétexte d’une mise en conformité avec la loi Hoguet, qui ne prévoit pas qu’un actionnaire minoritaire, qui n’est ni le représentant légal, ni le représentant statutaire de la société, doit posséder une carte professionnelle . Cette clause ne vise en réalité que [B] [H].
De même, l’opération d’augmentation de capital décidée pendant l’instance, avant la réintégration de [B] [H], a eu pour conséquence de diluer la participation de ce dernier dans la société [H], ses 6.425 actions représentant désormais, non plus 19,25% du capital de la société – tel que cela était le cas avant la cession des actions- mais 18,8% . Ayant été privé de l’exercice de ses droits sociaux durant cette période, [B] [H] n’a pas eu la possibilité de participer à cette augmentation de capital et de limiter la dilution constatée.
Le caractère dilatoire des arguments procéduraux (défaut de signification du jugement en Suisse, défaut de signification à avocat, nécessité d’une requête en erreur matérielle, demande de modification des dispositions du jugement, contestation de la qualité d’actionnaire) avancés par [C] [H] et la société [H] pour refuser, alors que [C] [H] avait expressément acquiescé à la résolution de la cession, de réintégrer [B] [H] dans ses droits d’actionnaire, démontre que n’est pas en cause dans la présente espèce une simple irrégularité formelle -le défaut de convocation- mais que c’est en réalité le droit substantiel de participer aux décisions collectives de [B] [H] qui a été violé et sa qualité même d’actionnaire qui a été bafouée.
Ce droit, d’ordre public, est pourtant reconnu par l’article 1844 alinéa 1er du code civil qui prévoit, de façon impérative et absolue que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
Dans ce contexte, les appelants ne peuvent revendiquer à leur profit l’application réaliste et pragmatique de la théorie dite du vote utile ou efficace qui prétend ne sanctionner de nullité que les résolutions atteintes d’une irrégularité ayant pu, au regard du nombre de droits de vote détenus par [B] [H], avoir eu une influence sur les décisions prises, et consistant pour le juge à écarter, lorsqu’il le peut, la nullité d’une décision sociale pour cette raison que l’irrégularité entachant l’adoption de cette décision n’aurait pas, au regard de la répartition des voix, d’incidence réelle sur la situation de droit et la décision susceptible d’être prise et ainsi ne ferait pas grief à la victime.
Refuser a posteriori de prononcer la nullité des assemblées générales au motif que la participation de [B] [H] n’avait pas eu d’incidence sur la décision finale aboutit indirectement à le priver de ses prérogatives au seul motif qu’il est minoritaire et est incompatible avec le principe de collégialité qui sous-tend le droit des sociétés.
Les appelants ne peuvent non plus sérieusement se prévaloir du principe de sécurité juridique, lequel s’il commande de veiller à ne pas remettre en cause des situations nées d’irrégularités vénielles sans véritable conséquence, impose aussi au juge de s’assurer de la régularité de la composition des assemblées et du respect des prérogatives des associés quant à leurs droits essentiels. Or, en l’espèce, le comportement des appelants atteste de leur volonté de ne pas exécuter les décisions de justice intervenues, mettant près de deux ans pour réintégrer [B] [H] dans ses droits d’actionnaire en inscrivant ses titres à son compte d’actionnaire dans les registres de la société, et d’exciper des nouvelles dispositions statutaires pour le soumettre à la clause de rachat forcé de ses actions afin de l’exclure de la société, en lui signifiant le 25 avril 2022 son exclusion de la société moyennant remise d’un chèque de 97.948,49 euros représentant la valeur nominale de ses actions.
En présence des irrégularités constatées, ne pas prononcer la nullité des deux assemblées des 7 avril 2020 et 25 juin 2020 ainsi que de l’ensemble des résolutions qui y ont été adoptées, de même que les modifications statutaires prises en application de ces résolutions, qui sont des actes indivisiblement liés entre eux, serait de nature à consacrer la stratégie mise en oeuvre pour évincer [B] [H] de la société.
En conséquence, la cour confirmera le jugement en ce qu’il a annulé les deux assemblées générales et l’ensemble des résolutions adoptées par les assemblées des 7 avril 2020 et 25 juin 2020 ainsi que les mises à jour des statuts de la société [H] des 7 avril, 25 juin, 26 juin et 10 décembre 2020.
– Sur les demandes indemnitaires formées par les appelants
Compte tenu du sort réservé l’appel, les appelants ne peuvent qu’être déboutés de leur demande tendant à l’octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Les dispositions du jugement seront sur ce point confirmées
– Sur les frais irréptibles et les dépens
Les appelants, qui succombent et seront condamnés aux dépens, ne peuvent prétendre à l’octroi de sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité commande au contraire de les condamner in solidum au paiement d’une indemnité procédurale de 15.000 euros à ce titre.
Les dispositions du jugement seront confirmées .
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société [H] et M.[C] [H] à payer à M.[B] [H] une indemnité procédurale de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne in solidum la société [H] et M. [C] [H] aux dépens
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT