Augmentation de capital : décision du 30 janvier 2024 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01693
Augmentation de capital : décision du 30 janvier 2024 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01693
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N° RG 22/01693 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LK7S

C2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES

la SELARL LEXWAY AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 30 JANVIER 2024

Appel d’un Jugement (N° R.G. 19/03659)

rendu par le Tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 22 mars 2022

suivant déclaration d’appel du 26 avril 2022

APPELANTS :

M. [H] [R]

né le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Mme [S] [R] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentés par Me Marie-Bénédicte PARA de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulante, et ayant pour avocat plaidant Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SCP Bondiguel & Associés, avocate au barreau de Rennes

INTIMÉ :

L’ETAT représenté par le Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Département des Bouches du Rhône, élisant domicile en ses bureaux situés : [Adresse 6])

représenté par Me Philippe LAURENT de la SELARL LEXWAY AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ   :

Mme Catherine CLERC, Présidente,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 novembre 2023, Madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

*****

FAITS , PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi “TEPA” a instauré un dispositif de réduction d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en faveur de l’investissement dans des petites et moyennes entreprises (PME) au sens communautaire.

Ce dispositif, codifié à l’article 885-0 V bis, I, 1 du code général des impôts, prévoyait, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1143 du 30 décembre 2008 applicable au présent litige, que les contribuables redevables de l’ISF pouvaient imputer sur leur contribution, dans la limite annuelle de 50’000 €, 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, ou encore de souscription de titres participatifs dans des sociétés coopératives, à la condition que la société bénéficiaire remplisse les conditions prévues aux a) à g) du même texte, à savoir notamment, selon le a), être une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I au règlement (CE) n° 800 / 2008 de la Commission européenne du 6 août 2008 et, selon le b) exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Le point 3 du même texte prévoyait encore que l’avantage fiscal énoncé au 1 s’appliquait également aux souscriptions au capital d’une société ayant “pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b) du 1.”

Enfin, était assimilée à une telle société, conformément à la doctrine administrative reprise par la chambre commerciale de la Cour de cassation notamment dans plusieurs arrêts en date du 3 mars 2021, la société holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME répondant aux critères de la loi, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, holding alors qualifiée d’« animatrice ».

En vue de bénéficier de ce dispositif, M. [H] [R] et son épouse Mme [S] [F] (les époux [R]) ont souscrit à des augmentations de capital d’une société FINAREA DEMETER, créée le 7 avril 2009 à la suite d’une scission d’une précédente société, et ayant pour objet social : “à titre principal, la gestion et l’animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés de participations prises dans les entreprises”.

Ils ont mentionné ces investissements dans leurs déclarations au titre de l’ISF pour les années 2009 et 2010, en joignant à celles-ci, à chaque fois, une attestation fournie par la société FINAREA DEMETER attestant :

d’une part du versement des sommes déclarées correspondant à une augmentation de capital,

d’autre part être une société dont l’objet est, à titre principal, la gestion et l’animation, sous toutes formes et par tous moyens appropriés, de participations prises dans des sociétés éligibles au dispositif de la loi “TEPA” et satisfaisant aux conditions mentionnées par l’article 885-0 V bis du code général des impôts et ses décrets d’application.

En septembre puis en décembre 2009, le comité d’investissement de la société FINAREA DEMETER avait émis des avis favorables pour des investissements à réaliser dans les sociétés IS PROCOM et NYS, ces dernières ayant respectivement pour objet social :

la société IS PROCOM : “la vente de télécommunications et de toute transmission, émission, ou réception de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons (…) la vente et l’installation de tous réseaux de télécommunications et tout ensemble de matériels assurant l’acheminement de signaux de télécommunications”,

la société NYS la création et l’exploitation de services de conciergerie à destination des personnes des entreprises.

L’investissement global de la société FINAREA DEMETER dans la société IS PROCOM, réalisé le 22 décembre 2009, s’est élevé à environ 500’000 € pour 34 % du capital, et celui dans la société NYS courant 2010, à la somme totale de 777 094,05 € répartie entre une augmentation de capital à hauteur de 45 %, et l’émission d’obligations convertibles pour le surplus.

Le 3 décembre 2012, l’administration fiscale, considérant que la société FINAREA DEMETER ne remplissait pas les conditions prévues pour être qualifiée de “holding animatrice”, a adressé aux époux [R] une proposition de rectification portant sur l’ISF des années 2009 et 2010 pour les montants respectifs de 15’000 € pour la première et 11 250 € pour la seconde, outre intérêts de retard.

Après un échange de courriers avec la société FINAREA DEMETER agissant en qualité de mandataire des époux [R], l’administration fiscale a maintenu sa position et mis en recouvrement le 9 décembre 2013 les rappels d’imposition correspondant, outre majorations et intérêts de retard pour une somme totale de 30 120 €.

Par lettre recommandée du 31 août 2016, elle a rejeté la réclamation contentieuse formée par les époux [R] le 24 décembre 2015 contre l’avis de mise en recouvrement.

Par acte du 21 octobre 2016, les époux [R] ont assigné l’administration des finances publiques, représentée par le Directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, devant le tribunal de grande instance de Valence aux fins de voir prononcer la décharge des rehaussements, en invoquant :

l’irrégularité de la procédure suivie,

subsidiairement le caractère infondé de la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement en l’état de l’attestation conforme que leur avait fourni la société FINAREA DEMETER,

encore plus subsidiairement, la qualité de “holding animatrice” de la société FINAREA DEMETER.

Ils demandaient encore, “le cas échéant” :

que soit ordonnée sous astreinte la communication par la direction générale des finances publiques des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels,

en cas de difficulté d’interprétation du droit de l’Union européenne, que soient posées à la Cour de justice de cette Union, des questions préjudicielles dans les termes précisés dans leurs écritures.

Par jugement du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Valence a :

débouté les époux [R] de l’intégralité de leurs prétentions,

en conséquence, confirmé la décision de rejet de la réclamation contentieuse des contribuables en date du 31 août 2016,

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné les époux [R] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 26 avril 2022, les époux [R] ont interjeté appel de ce jugement.

Par uniques conclusions notifiées le 28 juin 2022, ils demandent à cette cour d’infirmer le jugement déféré et de :

déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la procédure judiciaire,

en conséquence annuler la procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements,

rejeter comme infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement,

en conséquence prononcer la décharge des rehaussements,

“le cas échéant” (sic) :

ordonner la communication par le représentant légal de l’Administration des finances publiques, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1 000 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir,

en cas de difficulté d’interprétation du droit de l’Union européenne, poser à la Cour de justice de l’Union européenne, trois questions préjudicielles selon les termes précisés dans leurs écritures auxquelles il est renvoyé sur ce point,

condamner le représentant légal de l’administration des finances publiques aux dépens et à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir, pour l’essentiel :

* sur l’irrégularité de la procédure :

que l’administration fiscale a fondé sa proposition de rectification sur des pièces obtenues, non pas du contribuable lui-même mais de tiers (bilan de la holding, contrat d’animation, rapport de gestion, etc…) dont elle ne leur a pas fourni la liste, ni a fortiori ne les leur a communiquées avant la mise en recouvrement, en violation des articles L. 57 et L. 76 B du Livre des procédures fiscales et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

qu’elle n’a pas davantage répondu à l’ensemble des observations du contribuable en motivant son rejet en violation du dernier alinéa de l’article L. 57 du Livre des procédures fiscales,

* sur l’absence de fondement du rappel de l’imposition :

que le bénéfice de la réduction de l’ISF pour souscription au capital d’une société holding dite “animatrice” ne résulte pas d’une simple tolérance administrative, mais de la loi elle-même, en ce qu’une telle holding, en s’immisçant dans la gestion des PME, est en effet réputé exercer elle-même une activité opérationnelle,

qu’en cette matière, la preuve est libre et peut être administrée par tout document, en particulier par des correspondances,

qu’en l’espèce, la société FINAREA DEMETER remplit les conditions pour être qualifiée de holding animatrice,

qu’ainsi, elle a mis en place un Comité d’investissement chargé d’analyser les dossiers des PME et de sélectionner les investissements à réaliser,

qu’en outre, elle a imposé aux fondateurs des PME dans lesquelles elle entend investir un modèle de statuts types, comportant notamment leur transformation en SAS, ainsi qu’un contrat d’animation et un pacte d’actionnaire type,

que le processus de prise de décision au sein de chaque filiale a été aménagé en sorte qu’aucune décision importante ne puisse être prise sans l’accord de la holding FINAREA,

qu’ainsi les décisions importantes, telles que l’approbation et la modification du budget annuel, ou l’embauche des principaux cadres dirigeants, doivent être prises à la majorité qualifiée c’est-à-dire celle comprenant la voix du Membre investisseur,

qu’en outre la holding FINAREA a supporté des coûts dont la conformité à l’objet social, et donc la déductibilité, ont été validées par l’administration,

qu’enfin, le présent litige pose, ainsi que l’a énoncé la Cour de cassation dans six arrêts rendus le 3 mars 2021, des questions de droit de l’union européenne qui méritent que la Cour de justice soit saisie par voie de question préjudicielle sur trois points précis énoncés dans leurs conclusions.

Il est renvoyé à leurs écritures pour plus ample exposé.

La Direction générale des finances publiques, par uniques conclusions notifiées le 5 septembre 2022, demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et la condamnation des époux [R] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle reprend, en les développant, les motifs du jugement par lesquels le tribunal a reconnu d’une part comme régulière la procédure suivie, d’autre part comme bien-fondé le rappel d’imposition mis en recouvrement, en faisant valoir plus particulièrement :

que la Cour de cassation a précisé que, pour qu’une société holding soit considérée comme “animatrice”, il faut qu’elle exerce effectivement les fonctions d’animation requises et non pas seulement qu’elle ait mis en oeuvre les moyens pour le faire,

que la réalité de cette animation peut s’apprécier en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice,

qu’en l’espèce, les contribuables contestant ne démontrent pas ce rôle effectif d’animation, se contentant d’évoquer la structuration mis en place par la société FINAREA DEMETER, sans justifier que cette dernière détermine réellement la politique commerciale ou les orientations stratégiques de la société opérationnelle au capital de la quelle elle participe,

que la société FINAREA DEMETER ne peut, en raison de la composition de son actif brut comptable, prétendre être une société holding dite “intermédiaire” au sens du 3. de l’article 885-0 V bis, I, du code général des impôts évoqué plus haut,

qu’elle n’est pas davantage “animatrice” comme n’exerçant pas effectivement, au plus tard au jour du fait générateur de l’impôt, un contrôle de ses filiales ni une conduite de la politique du groupe,

qu’en effet, après la prise de participation par elle dans les capitaux respectifs des sociétés ISP PROCOM le 22 décembre 2009 et NYS le 15 mars 2010, la société FINAREA DEMETER ne détenait que 34 % du capital de la première et 45 % du capital de la seconde, le surplus demeurant détenu par les associés historiques,

que, par ailleurs, la société FINAREA DEMETER n’exerce aucune prérogative réelle, ne disposant d’aucun moyen propre tant en salariés qu’en matériels, les termes tant du pacte d’associés que des conventions d’animation confirmant cet état de fait, en ce qu’ils rappellent que les dirigeants de la société opérationnelle demeurent maîtres de leur affaire qui reposent entièrement sur leur personnalité, leur expérience et leur implication, ces dirigeants historiques présentant seulement à FINAREA leur stratégie de développement puis la conduisant eux-mêmes,

que, pour assurer les services prévus au contrat d’animation, le GIE FINAREA SERVICES a décidé de faire appel à un prestataire de services l’EURL MIJAVA, dont la mission, aux termes de l’article 3.2.2 de la convention qui les lie, consiste à “accompagner la PME en fonction de besoins mis en avant par ses dirigeants, aider ces derniers par ses conseils, son expertise et son expérience, et participer, en support des dirigeants de la PME, à la réflexion liée à l’élaboration des plans stratégiques’,

qu’il ne s’agit donc, tout au plus, que d’une mission d’assistance et de conseil, et en aucun cas d’un rôle d’animation à proprement parler.

Il est renvoyé à ses écritures pour le surplus.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 10 octobre 2023.

MOTIFS

Sur les demandes de communication de pièces et aux fins de questions préjudicielles

Ces demandes telles que formulées dans le dispositif des conclusions des appelants sont précédées de la locution adverbiale ‘le cas échéant’ laquelle n’a pas de sens par elle-même à défaut d’autre précision.

Dans le corps de leurs conclusions (pages 28 à 33), ils justifient ces demandes par la circonstance que le rehaussement en cause serait contraire au droit de l’Union Européenne.

Il convient donc de statuer sur ces demandes.

# Sur la demande aux fins de communication sous astreinte des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels

Le rescrit individuel, prévu par l’article L. 80 B,1er du livre des procédures fiscales, ne peut être opposé par un contribuable à l’administration fiscale que si, au regard des deux premiers alinéas de l’article L. 80 A du même livre, l’administration y a formellement soit interprété un texte fiscal, soit pris formellement position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal.

En l’espèce, il n’est pas établi que les rescrits pris respectivement le 12 janvier 2010 pour le groupe Truffle Capital, et le 17 mars 2010 pour le group Partech International Partners, qui n’ont pas été publiés et n’ont donc pas de portée générale et dont les appelants ne produisent que des extraits, se soient appliqués à des situations factuelles et juridiques strictement identiques à celles du groupe FINAREA dont fait partie la société FINAREA DEMETER, les époux [R] ne fournissant aucun élément ni pièce justificative de nature à l’établir.

Par ailleurs, la règle du secret professionnel s’oppose à la communication de ces décisions de rescrit dans leur intégralité, par application de l’article L. 103 du livre des procédures fiscales interdisant de divulguer des informations concernant un autre contribuable.

C’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande en communication des rescrits Truffle et Partech.

# Sur les demandes aux fins de questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union Européenne

Les deuxièmes et troisièmes questions énoncées dans le dispositif des conclusions des appelants portent sur la communication de rescrits, dont il a été démontré plus haut qu’elle n’avait pas à s’appliquer en l’espèce. C’est donc à bon droit que le tribunal a jugé que ces questions étaient sans intérêt dans le présent litige.

S’agissant de la première question, elle porte, selon ses termes, sur l’interprétation de ‘la décision de la Commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement’ (sic), la ‘décision’ en cause étant, à la lecture des paragraphes qui précèdent le libellé de la question dans le corps des conclusions des appelants (n° 110 à 114 page 29 et 30) celle en date du 11 mars 2008 produite par eux en pièce n° 14 de leur bordereau de communication de pièces.

Or, d’une part la décision en cause du 11 mars 2008 de la Commission européenne ne réserve pas, comme soutenu par les appelants, ‘la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement’, mais relève seulement que le dispositif mis en place par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 ne satisfait pas au point n° 4.3.2. de l’ECR, – dont le point (46) du 3.2 de la décision précise qu’il s’agit des ‘Lignes directrices concernant les aides d’état visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises’ auxquelles se réfère l’article 885-0 V bis du CGI -, ce point 4.3.2 étant ainsi libellé :

‘4.3.2 Restriction au financement des phases d’amorçage, de démarrage et d’expansion :

La mesure de capital-investissement doit se limiter à prévoir un financement jusqu’à la phase d’expansion pour les petites ou les moyennes entreprises situées dans des régions assistées. Elle doit se limiter à prévoir un financement jusqu’à la phase de démarrage pour les moyennes entreprises situées dans des régions non assistées.’

En outre, la question préjudicielle telle qu’elle est formulée par les appelants ne porte pas sur l’interprétation de ce point (à savoir les PME éligibles tel que développé aux 5.2 et suivants de la décision du 11 mars 2008), puisqu’elle concerne, selon ses termes, la composition de l’actif des holdings animatrices ainsi que la souscription de participations, par les investisseurs désirant bénéficier d’une exonération de l’ISF, dans des ‘holdings en phase liminaire de développement’, la question que souhaitent poser les appelants portant par conséquent sur la phase liminaire de développement des holdings, et non pas celle du développement des PME comme analysé par la décision du 11 mars 2008.

Il en résulte que la question posée ne porte pas, contrairement à ce qui est allégué, sur l’interprétation d’un texte communautaire.

Le jugement sera donc, par ces motifs substitués, confirmé en ce qu’il a rejeté la demande des époux [R] tendant à voir poser trois questions préjudicielles à la cour de justice de l’Union Européenne.

Sur la demande tendant à la décharge des rehaussements

# sur la régularité de la procédure suivie

Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : ‘l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée en fait et en droit, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (…) Lorsque l’administration rejette les observationsc du contribuable, sa réponse doit également être motivée.’

Aux termes de l’article L. 76 B du même livre : ‘L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande.’

Les époux [R] font tout d’abord grief à l’administration fiscale d’une information insuffisante en ce que la liste des pièces sur lesquels se fondait la proposition de rectification n’était, selon eux, pas clairement énoncée, et que les pièces recueillies auprès de tiers ne leur avaient pas été communiquées. Ils se prévalent encore d’un non respect de l’obligation de motivation de la réponse aux observations du contribuable.

Sur la question de l’énonciation des pièces ayant fondé la proposition de rectification du 3 décembre 2012, le tribunal a retenu, après un examen complet, détaillé et pertinent des pièces produites, que l’administration fiscale avait rempli son obligation d’information quant aux documents sur lesquels reposait cette proposition, en ce que les différentes pièces lui ayant permis de parvenir à la conclusion d’un non respect des conditions légales, en particulier le bilan de la société FINAREA DEMETER clos au 30 juin 2010 (en haut de la page 4 de la proposition de rectification), le rapport de gestion de la même société à la même date (milieu de cette même page 4), et les contrats de prestation de service mis en place par cette société (au bas de la même page 4), enfin le règlement intérieur du GIE FINAREA Services (en haut de la page 5) sont ainsi clairement énoncés, puis analysés en page 5 du document, aucune disposition légale n’imposant qu’une liste séparée de ces pièces en soit établie et soit jointe à la proposition de rectification.

S’agissant de la communication des pièces en cause avant la mise en recouvrement édictée par l’article L. 76 B in fine, l’administration fiscale justifie y avoir procédé par l’envoi, par lettre du 23 octobre 2013 aux époux [R], de 5 pièces énumérées dans cette lettre, à savoir :

bilan (actif) de la société FINAREA DEMETER,

contrat d’animation,

rapport de gestion,

contrat de prestation de service,

réglement intérieur GIE FINAREA Services,

toutes ces pièces étant celles visées et dans la notification de la proposition de rectification 3 décembre 2012, et cette transmission ayant bien été effectuée antérieurement à la mise en recouvrement opérée le 9 décembre 2013.

S’agissant, enfin, de la motivation des réponses de l’administration fiscale aux observations du contribuable tel que prévu par l’article L. 57 in fine du Livre des procédures fiscales :

les époux [R] reprochent tout d’abord à l’administration fiscale de n’avoir pas répondu à l’argument formulé, selon eux, dans ‘une première réponse à la proposition de rectification (pièce n° 40)’, argument ainsi reproduit : ‘nous sommes d’autant plus surpris que nous avions été informés de la bonne fin de la vérification fiscale subie en 2010 par Finarea SAS (…) et que ses dirigeants viennent de m’informer qu’il en était de même en 2012 pour toutes les sociétés holdings Finaréa (…) dans la mesure où nous avons respecté l’ensemble des obligations qui nous incombent au titre des souscriptions que nous avons réalisées, nous contestons l’ensemble des rappels proposés’ ; or l’examen de la pièce n° 40 invoquée p permet de constater que, si ce document contient bien les mentions ci-dessus, il s’agit d’une lettre dactylographiée ne comportant aucune en-tête, dont les mentions relatives au destinataire n’ont pas été complétées, qui ne comporte ni date ni signature ; il n’est donc pas établi que cette lettre aurait été, comme les époux [R] le laissent entendre, adressée par eux à l’administration fiscale ;

leur pièce numérotée 40 bis correspond à une lettre recommandée de 12 pages, en date du 23 janvier 2013, adressée à l’administration fiscale par ‘M. [C], président de Finaréas SAS agissant en qualité de mandataire de M et Mme [R] [H]’ ; cette lettre, comportant en objet : ‘Votre proposition de rectification n° 2120 du 03/12/ 2012 concernant M. et Mme [R] [H]’, ne mentionne pas qu’elle viendrait en complément d’une lettre précédemment envoyée par ces derniers ce qui corrobore l’absence d’envoi du document précédent ; les époux [R] sont donc mal fondés à reprocher à l’administration fiscale de n’avoir pas répondu à un moyen contenu dans une lettre qu’il ne justifient pas lui avoir adressée.

S’agissant de la lettre recommandée du 23 janvier 2013, l’administration fiscale y a répondu par une lettre en date du 12 avril 2013 (pièce n° 42 des appelants) comportant huit pages, reprenant point par point et selon le même plan que la lettre du 23 janvier 2013, les différents moyens tant de procédure qu’au fond développés dans cette dernière, et y répondant de façon complète, circonstanciée et particulièrement claire puisque, pour chaque point, apparaît tout d’abord le rappel des ‘Arguments du contribuable’ puis l’énoncé de la ‘Position du service’.

Le tribunal a donc justement écarté les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure suivie.

# sur le bien-fondé du rappel de l’imposition au titre de l’ISF

s’agissant des participations prises par les époux [R] le 15 juin 2009, et de l’imposition au titre de l’ISF pour cette même année 2009

Il est constant que la société FINAREA DEMETER, au capital de laquelle les époux [R] ont souscrit, n’est pas une société ‘opérationnelle’ au sens du b) de l’article 885-0 V bis, I, 1 du code général des impôts, en ce qu’elle n’a jamais exercé aucune activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale durant les années 2009 et 2010.

S’agissant de sa prétendue qualité de ‘holding animatrice’ au sens de la jurisprudence déjà cité, le tribunal a justement relevé qu’au vu des pièces produites, la société FINAREA DEMETER ne détenait, au jour de leur prise de participation par les époux [R] en 2009, aucun titre dans aucune PME, étant souligné qu’au vu des statuts de cette société versés aux débats par les appelants (leur pièce n° 19), elle n’avait pas d’existence avant le 7 avril 2009, date de tenue d’une assemblée générale extraordinaire des associés d’une société déjà dénommée FINAREA DEMETER au cours de laquelle la scission de cette dernière a été décidée entre une nouvelle société FINAREA DEMETER (au capital de laquelle les époux [R] ont souscrit) et une société FINAREA GOLD.

Enfin, au cours de cette même année 2009, le comité d’investissement de la société FINAREA DEMETER avait seulement, en septembre puis en décembre émis des avis favorables pour des investissements à réaliser dans les sociétés IS PROCOM et NYS, ces prises de participation n’étant donc pas encore mises en oeuvre, a fortiori à la date du 15 juin 2009 à laquelle les époux [R] ont souscrit au capital de la société FINAREA DEMETER .

C’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande des époux [R] tendant à voir prononcer la décharge des rehaussements au titre de l’année 2009.

s’agissant des participations prises par les époux [R] le 24 mai 2010, et de l’imposition au titre de l’ISF pour cette même année 2010

Au vu du premier bilan de la société FINAREA DEMETER pour l’exercice clos le 30 juin 2010, son actif brut était alors majoritairement composé de valeurs mobilières de placement, de disponibilité et d’autres actifs, et minoritairement de participations, titres immobilisés et créances rattachées à des participations (à concurrence de 41,39 % de l’actif).

Pour qu’elle puisse être considérée comme une ‘holding animatrice’ au sens de la jurisprudence déjà citée, et donc ouvrir droit, pour les époux [R], au bénéfice de la décharge d’imposition au titre de l’ISF, il faut qu’elle ait eu, au cours de cet exercice, pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME répondant aux critères de la loi, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Or, ainsi que l’a justement retenu le tribunal, tant d’une part la circonstance que la société FINAREA DEMETER n’ait détenu, au cours de cet exercice, qu’une part minoritaire du capital des sociétés ISP PROCOM et NYS (à hauteur de 34 % des parts sociales de la première et 45 % des parts sociales de la seconde) rendant difficilement possible un contrôle effectif de ces sociétés, d’autre part les pièces du dossier, en particulier les conventions conclues avec ses deux filiales, ne permettent pas de conclure que la société FINAREA DEMETER ait eu pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et et au contrôle de ses filiales ; en effet :

les ‘contrats d’animation’ conclus entre d’une part la société FINAREA DEMETER, d’autre part les sociétés IS PROCOM le 30 décembre 2009 et NYS le 15 mars 2010 prévoyaient, à la charge de la société FINAREA DEMETER, des missions de prestations de conseil et de contrôle de gestion, qui ne caractérisent pas une véritablement animation de ces filiales,

nonobstant la signature de ces conventions, la société FINAREA DEMETER n’était, en outre, pas amenée à intervenir elle-même dans le conseil et le contrôle de gestion de ses filiales, dès lors qu’au vu de ses comptes annuels elle n’employait aucun salarié et que, par l’intermédiaire d’un GIE Finerea Service constitué entre elle et trente autres sociétés du groupe FINAREA, elle avait conclu avec une EURL MIJAVA dénommée ‘gérant de participation’, une convention de prestation de services pour chacune des filiales concernées, dont l’objet était de confier à cette EURL la mission de réaliser, avec ses moyens propres, les mission de prestation de conseil et de contrôle de gestion prévue dans les ‘contrats d’animation’,

les ‘pactes d’associés’ (pièces n° 25 et 25 bis des appelants) conclus entre la société FINAREA DEMETER et les dirigeants des sociétés IS PROCOM et NYS aux mêmes dates que les ‘contrats d’animation’ ci-dessus évoqués :

distinguent le ‘membre investisseur’ (FINAREA DEMETER) des ‘membres entrepreneurs’ (les associés historiques),

prévoient un conseil de direction dans lequel le ‘membre investisseur’ (FINAREA DEMETER) est minoritaire,

mentionnent, en préambule, que l’investissement est réalisé par FINAREA DEMETER en considération de plusieurs facteurs déterminants, parmi lesquels :

‘la personnalité et l’expérience des (entrepreneur nommément désignés) et leur implication dans le développement de la société’,

‘la détention, par les entrepreneurs, d’un niveau de participation (…) au capital de la société’, niveau de participation qualifié d”équivalent à leur participation actuelle’ dans le contrat conclu avec les dirigeants de la société IS PROCOM et de ‘significatif’ dans le contrat conclu avec les dirigeants de la société NYS,

‘la volonté de la Société (NB : IS PROCOM dans un cas, et NYS dans l’autre) de conduire la stratégie de développement présentée à l’investisseur’,

l’ensemble de ces mentions exprimant clairement la volonté des parties que la stratégie de développement de la PME concernée soit élaborée et conduite par les entrepreneurs et non pas par l’investisseur.

Enfin, le tribunal a justement considéré, au vu de l’ensemble de ces constatations et des pièces produites, qu’il n’était établi par aucun des éléments du dossier qu’au-delà de l’organisation théorique ainsi mise en place, la société FINAREA DEMETER ait effectivement et réellement animé les filiales dans lesquelles elle a pris une participation en 2010.

Par conséquent, c’est à bon droit que le tribunal a considéré que la souscription faite par les époux [R] à l’augmentation de capital de cette holding le 24’mai 2010 ne remplissait pas les conditions leur permettant une décharge de l’ISF au titre du texte invoqué, et qu’il les a déboutés de leurs demandes à ce titre.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les époux [R], qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

Il est équitable de faire application en appel de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’Etat représenté par le Directeur régional des finances publiques.

Les mesures accessoires du jugement querellé sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [R] et Mme [S] [F] épouse [R] à payer à l’Etat représenté par le Directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne M. [H] [R] et Mme [S] [F] épouse [R] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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