Augmentation de capital : décision du 3 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10973
Augmentation de capital : décision du 3 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10973
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10973 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3FV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -TJ de PARIS RG n° 17/02362

APPELANT

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

INTIMES

Madame [I] [P]

Monsieur [Y] [P]

Domiciliés [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère

M. Stanislas DE CHERGE, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur [Z] [F] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Finaréa Alpha a pour objet principal la gestion et l’animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés des participations prises dans les entreprises. Elle a souscrit au capital des sociétés Pacific Biotech en avril 2009 et Shine le 10 juin 2009.

M. [Y] [P] et Mme [I] [P] ont souscrit le 15 juin 2009 la somme de 5.000 euros et le 17 mai 2010 la somme de 4.500 euros au capital de la société Finarea Alpha. La société Finaréa Alpha leur a délivré une attestation fiscale les 31 juillet 2009 et 18 mai 2010, précisant que la souscription directe à une société opérationnelle est éligible à une réduction d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre de l’article 885-O-V bis du code général des impôts (CGI).

À ce titre, M. [Y] [P] et Mme [I] [P] ont bénéficié d’une réduction d’ISF en 2009 et 2010 sur le fondement de l’article 885-0 V bis du CGI en faveur de la souscription au capital de PME, ouvrant droit à une réduction d’ISF de 75 % des versements.

Le 7 décembre 2012, M. et Mme [P] ont été destinataires d’une proposition de rectification de l’ISF au titre des années 2009 et 2010.

Le 28 janvier 2013, M. et Mme [P] ont contesté la proposition de rectification du 7 décembre 2012.

Le 27 mars 2013, l’administration fiscale a répondu aux observations des contribuables et maintenu la rectification d’imposition.

Le 20 septembre 2013, l’administration fiscale a procédé à la mise en recouvrement de l’imposition pour les montants de 2.706 euros pour l’année 2009 et de 3.387 euros pour l’année 2010 en principal, de 455 euros pour l’année 2009 et de 406 euros pour l’année 2010 au titre des intérêts de retard.

M. et Mme [P] ont formé une réclamation contentieuse le 10 février 2014 puis le 30 juillet 2014 qui ont été rejetées par l’administration fiscale les 15 juillet 2014 et 28 janvier 2015. A l’issue d’une nouvelle contestation contentieuse en date du 24 décembre 2015, l’administration fiscale a rendu une décision de rejet le 5 septembre 2016.

Par acte d’huissier en date du 26 octobre 201, M. et Mme [P] ont fait assigner la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 3 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

– Déboute M. [Y] [P] et Mme [I] [P] de leur demande de communication sous astreinte des deux rescrits délivrés aux sociétés Truffle et Partech,

– Rejette la demande d’annulation pour cause d’irrégularités de la procédure de rectification fiscale initiée par proposition de rectification n° 2120 en date du 7 décembre 2012,

– Infirme la décision de rejet du 5 septembre 2016 du directeur général des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, de la réclamation contentieuse de M. [Y] [P] et Mme [I] [P] portant sur la proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 en date du 7 décembre 2012,

– Dit qu’il appartiendra au directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, de notifier la décharge du rehaussement des droits au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par M. [Y] [P] et Mme [I] [P] pour les années 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard appliqués,

– Condamne le directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, aux dépens mentionnés à l’article R. 207-1 du livre des procédures fiscales,

– Condamne le directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, à payer la somme totale de 1.500 euros à M. [Y] [P] et Mme [I] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 juin 2021, le directeur régional des finances publiques a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 2 mai 2022, le directeur régional des finances publiques demande à la cour :

Vu les articles 885-0 V bis du code général des impôts et L. 80 A du livre des procédures fiscales,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le contribuable de sa demande de communication des rescrits ;

-Confirmer le jugement en ce qu’il a confirmé la régularité de la procédure mise en ‘uvre par l’administration ;

– Infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

– Reconnaître le rappel fondé en droit et en fait ;

En conséquence,

– Rejeter toutes les demandes du contribuable ;

– Condamner le contribuable aux entiers dépens d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit ;

– Condamner le contribuable à verser à l’État la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 27 janvier 2022, M. et Mme [P] demandent demande à la cour :

Vu les articles 107 et 108-3, 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la décision n° 596/A/2007 de la Commission européenne ayant validé le dispositif issu de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 au regard du droit des aides d’État, les articles 6-1 de la CEDH et 1er-1 du Premier protocole additionnel à la CEDH, les articles L. 55, L 57, L. 76 B, L. 80 A, L. 80 B, L. 143 du livre des procédures fiscales, 3, 8, 10, 11, 132, 133, 134, 138, 142, 143, 144, 699, 700, 775 et 916 du code de procédure civile, L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, 1134, 1165, 1842 du code civil, 885-0-V-bis, 885 I ter, 1740 A, 299 septies et 350 terdecies annexe III du code général des impôts,

Liminairement, vu les articles 592 et 901 du code de procédure civile,

– Déclarer l’appel dépourvu d’effet dévolutif,

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause :

– Déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse ;

– En conséquence, annuler ladite procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements ;

– Rejeter comme étant infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement prise à l’encontre des concluants ;

– En conséquence, prononcer la décharge des rehaussements ;

Le cas échéant :

– Ordonner la communication par la direction générale des finances publiques, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels ;

– Ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d’une demande de liquidation de l’astreinte provisoire et fixation de l’astreinte définitive ;

En cas de difficulté d’interprétation du droit de l’Union européenne, poser à la cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles, dans les termes suivants ;

« La décision de la Commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription voire dont l’actif n’est pas encore principalement composé de titres de participations ‘ »

« Le droit des aides d’État (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du Traité CE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l’application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales) doit-il être interprété comme interdisant l’édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d’investissement dans les PME ‘ Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable ‘ » ;

« En présence d’un contribuable revendiquant l’application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d’effectivité du droit de l’Union européenne, ensemble la réglementation des aides d’État (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l’application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales) et les principes de libertés de circulation des capitaux, d’établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d’ordonner la production du rescrit litigieux ‘ ».

– Condamner le directeur régional des finances publiques, ès qualités au paiement de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel

M. et Mme [P] font valoir, au visa des articles 562 et 901 du code de procédure civile, que la déclaration d’appel n’a pas opéré d’effet dévolutif au motif qu’elle ne contient pas les chefs du jugement critiqué. L’appelant ne peut se prévaloir d’une pièce complétant sa déclaration d’appel qu’à titre exceptionnel et dans la seule hypothèse où celle-ci dépasserait les 4080 caractères permis par le RPVA. Les intimés affirment qu’ils n’ont pas reçu l’annexe de la déclaration d’appel et estiment que les demandes de l’appelante doivent être déclarées irrecevables.

Le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris fait valoir qu’il ne résulte pas des textes précités que les chefs de jugement critiqués doivent être visés dans le formulaire dématérialisé du RPVA. Elle s’appuie sur l’arrêté du 25 février 2022 pour affirmer que sa déclaration d’appel qui comprend une annexe dont il est expressément indiqué qu’elle fait corps avec elle est conforme à l’article 901 du code de procédure civile. Elle ajoute qu’en l’occurrence, la précision des chefs de jugement critiqués n’était pas indispensable, l’objet du litige étant indivisible.

Ceci étant exposé,

Selon l’article 901 du code de procédure civile, alors applicable, « la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le troisième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle. »

Selon l’arrêté NOR : JUSC2205501A du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel : « L’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 susvisé est complété par l’alinéa suivant : « Lorsque ce fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’article 4. » L’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 susvisé est remplacé par les dispositions suivantes :« Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. « Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. » Le présent arrêté entre en vigueur le lendemain de sa publication. Il est applicable aux instances en cours. »

D’une part, M. et Mme [P] se réfèrent aux dispositions de l’article 901 du code de procédure civile. De ce point de vue, si le conseiller de la mise en état est compétent pour relever l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, selon l’article 910-4 du dit code, M. et Mme [P] ne l’ont pas saisi en vue de statuer sur leur contestation de la déclaration d’appel en date du 11 juin 2021, avec pour conséquence d’empêcher son éventuelle couverture.

D’autre part, la déclaration d’appel RG 21/07344 en date du 11 juin 2021 du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris mentionne les chefs de jugement suivants :

« – Infirme la décision de rejet du 5 septembre 2016 du directeur général des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, de la réclamation contentieuse de M. et Mme [P] t portant sur la proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 en date du 7 décembre 2012,

– Dit qu’il appartiendra au directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, de notifier la décharge du rehaussement des droits au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par M. et Mme [P] pour les années 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard appliqués,

– Condamne le directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, aux dépens mentionnés à l’article R. 207-1 du livre des procédures fiscales,

– Condamne le directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris, à payer la somme totale de 1.500 euros à M. et Mme [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et en ce qu’il a débouté le directeur général des finances publiques de ses demandes tendant à : « débouter M. et Mme [P] de leurs demandes (‘). »

Par ailleurs, M. et Mme [P] omettent l’existence de l’arrêté du 25 février 2022, modifiant l’arrêté du 20 mai 2020, applicable aux instances en cours, invalidant leurs allégations sur l’existence du « fichier récapitulatif », ou « corps du formulaire dématérialisé » reprenant les données XLM, et qui « tiendrait lieu de déclaration d’appel ».

Il en résulte que la cour est régulièrement saisie par le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris.

La demande de M. et Mme [P] doit en conséquence être rejetée.

Sur la régularité de la procédure de rehaussement

Le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris fait valoir, au visa de l’article L.57 du livre des procédures fiscales (LPF), que la proposition de rectification a permis au contribuable d’exercer ses droits de contestation et de défense. Elle ajoute que les informations, sur lesquelles se base la proposition de rectification, ressortent de la vérification de comptabilité de la société Finaréa au regard des dispositions de l’article 885-0 V bis du CGI. Les contribuables en sont actionnaires et disposaient d’informations privilégiées sur son fonctionnement. Aucune disposition législative ou réglementaire ne l’oblige à lister les documents qu’elle cite dans la proposition de rectification. La réponse aux observations des contribuables démontre que l’obligation de motivation prévue par l’article L. 57 du LPF a parfaitement été respectée ; l’administration a répondu aux critiques des contribuables sur le prétendu manque de cohérence de l’action de l’administration.

M. et Mme [P] soutiennent sur le fondement des articles L. 57 et L. 76 B du LPF et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que l’administration fonde ses redressements sur des éléments qu’elle a recueillis en dehors du dossier du contribuable alors qu’elle aurait dû conformément au principe du respect du contradictoire, d’égalité des armes, et de loyauté, communiquer à l’appui du redressement. La proposition de rectification ne dresse pas la liste des documents cités et l’origine des pièces est inexacte. L’administration fiscale n’a pas respecté l’obligation renforcée de motivation, qui pesait sur elle, dans sa réponse au contribuable.

Ceci étant exposé,

Selon l’article L57 du LPF, « l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (‘) Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. »

Selon l’article L76 B du LPF, « l’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L.57 ou de la notification prévue à l’article L.76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ».

M. et Mme [P] contestent la procédure menée à leur encontre.

Mais, d’une part, l’administration fiscale réplique point par point et de manière motivée aux contestations soulevées. La proposition de rectification adressée aux époux [P] le 07 décembre 2012 rappelle le droit applicable, mentionne les faits constatés lors de la vérification de la comptabilité de la société Finaréa Alpha et l’analyse qui en a été faite.

Dans un courrier de réponse en date du 27 mars 2013, l’administration fiscale analyse les justificatifs transmis par les époux [P] les 31 janvier 2013 et 25 avril 2013. De fait, l’administration fiscale a communiqué aux époux [P] les modalités de contrôle de la société Finaréa Alpha et l’identité du tiers auprès duquel la procédure a été diligentée.

M. [U] [M] « président de Finarea Sas agissant en qualité de mandataire des époux [P] », signataire des deux réponses, étaye sa position par des éléments tirés de la vérification de comptabilité de la société Finaréa Alpha. L’administration fiscale les rejette comme ne pouvant permettre de revendiquer pour la société Finaréa Alpha la qualité de holding animatrice, au sens du Bofip 7-S-3-08, pour l’exercice 2009 et 2010, ce qui contredit les allégations des époux [P] sur un défaut de motivation et l’inexistence « d’éléments à décharge ».

D’autre part, les époux [P] allèguent une « multitude de documents emportés » et l’obligation de lister les pièces obtenues auprès de la société Finaréa Alpha. Mais la société Finaréa Alpha a signé sans observation un accusé de réception avec l’administration fiscale de 8 documents listés (pièce 33). Elle lui a adressé un courriel en date du 12 septembre 2012 : « nous notons que vous ne contestez pas avoir à votre disposition d’innombrables justificatifs au titre de notre démonstration de l’animation effective des sociétés holdings sur leurs filiales » (pièce 32).

Si les époux [P] reprochent l’absence de communication de pièces qui auraient été recueillies auprès de tiers, cette information ressortit du domaine public et l’administration fiscale, qui les a adressées le 20 juin 2013 (pièce 98), rappelle le recours à des informations légales et financières accessibles au public (bilan, rapports de gestion).

Enfin, les attestations délivrées par la société Finaréa Alpha aux époux [P] les 31 juillet 2009 et 18 mai 2010 ne s’imposent nullement à l’administration fiscale, de sorte que leur absence de prise en compte ne constitue pas une irrégularité dans la procédure de rectification. Il en est de même pour l’absence de rectification de l’imposition pour la société Finaréa Alpha à l’issue de sa vérification de comptabilité, qui n’est ni une prise de position formelle ni une interprétation d’un texte fiscal.

Il en résulte que la procédure de redressement est régulière. La proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable n’ont pas contrevenu aux dispositions précitées contenues dans le livre des procédures fiscales.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur le caractère de holding animatrice

Le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris fait valoir, au visa de l’article b du 1 du I de l’article 885-0 V bis du CGI, que la société Finaréa Alpha n’exerçait pas d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale durant les deux années litigieuses. Le bilan de la société montre que son actif brut était composé de participations minoritaires dans les sociétés opérationnelles. Les contribuables ne produisent aucun document probant de nature à démontrer que la société Finarea impulse la stratégie des sociétés opérationnelles et encore moins qu’elle en contrôle la mise en ‘uvre.

M. et Mme [P] soutiennent que la société Finaréa Alpha a eu pour objet social, dès sa création, la prise de participation dans de jeunes PME, l’animation de ces participations, c’est-à-dire l’implication dans la gestion desdites PME. La société Finaréa Alpha a imposé aux fondateurs de PME : un modèle de statuts-types en contrepartie de ses prises de participation ; une transformation en Sas desdites PME ; un contrat d’animation détaillant les prestations fournies moyennant rémunération aux PME cibles ; un pacte d’actionnaires type. Il n’est pas possible au président, quelle que soit sa quote-part du capital social de la PME, de décider d’une dépense sans l’aval de Finaréa.

Ceci étant exposé,

L’article 885-O V bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose que : « 1. Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l’exercice de l’activité, à l’exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, ainsi qu’au titre de souscriptions dans les mêmes conditions de titres participatifs dans des sociétés coopératives ouvrières de production définies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 ou dans d’autres sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 50 000 euros. La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Être une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie) ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles. Cette condition n’est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l’article L.443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ; (…)

f) Être en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d’Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02) ;

g) Ne pas être qualifiable d’entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d’Etat au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté ou relever

des secteurs de la construction navale, de l’industrie houillère ou de la sidérurgie ;

h) Le montant des versements mentionnés au premier alinéa ne doit pas excéder le plafond fixé par décret. Ce plafond ne peut excéder 1, 5 million d’euros par période de douze mois.

2.L’avantage fiscal prévu au 1 s’applique également aux souscriptions effectuées par des personnes physiques en indivision. Chaque membre de l’indivision peut bénéficier de l’avantage fiscal à concurrence de la fraction de la part de sa souscription représentative de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés vérifiant les conditions prévues au 1.3.L’avantage fiscal prévu au 1 s’applique également aux souscriptions en numéraire au capital d’une société satisfaisant aux conditions suivantes:

a) La société vérifie l’ensemble des conditions prévues au 1, à l’exception de celles prévues aux b, fet h ;

b) La société a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b du 1 ;

c) La société ne compte pas plus de cinquante associés ou actionnaires ;

d) La société a exclusivement pour mandataires sociaux des personnes physiques ;

e) La société n’accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions ni aucun mécanisme automatique de sortie au terme de cinq ans. (…)

II.-1. Le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au I est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription. La condition relative à la conservation des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital s’applique également à la société mentionnée au premier alinéa du 3 du I et à l’indivision mentionnée au 2 du I. (…) ».

Il doit être relevé que l’article précité ne désigne pas les holdings comme étant les bénéficiaires de l’avantage fiscal. Cette possibilité est prévue par la doctrine administrative et l’instruction 7 -S- 3-08 selon laquelle la holding animatrice éligible à l’avantage fiscal est celle qui participe activement à la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales.

Dans la présente espèce, le pacte d’associés et le contrat d’animation conclus avec la société Pacific Biotech ont été signés le 30 mars 2009. Le compte-rendu de réunion « conférence téléphonique business review » du 23 juillet 2009 (pièce 79) mentionne un simple plan d’action. Les époux [P] fournissent également des éléments extérieurs à l’instance concernant la société Finaréa Omega (pièce 29bis), succincts ou postérieurs à l’attestation fiscale des 31 juillet 2009 et 18 mai 2010. Les statuts ont été signés le 19 octobre 2009 entre les sociétés Finaréa Alpha et Star Invest.

Par ailleurs, le compte de résultat 2009 et 2010 indique que la société Finarea Alpha n’emploie pas de salariés. Elle achète des prestations de conseil stratégique et de contrôle de gestion (51 625 euros en 2009 et 36 030 euros en 2010) et rémunère la présidence et la présence aux conseils de surveillance et d’investissement. La déclaration de Tva de la société Finaréa Alpha date du 18 janvier 2013.

Le procès-verbal du conseil de direction de la société Pacific Biotech en date du 9 décembre 2009 est une résolution unique autorisant un découvert de 5 000 000 francs cfp. Celui du 20 janvier 2010 arrête le budget 2010 (« Finarea Alpha assiste par visioconférence »). Celui du 25 mars 2010 examine succinctement les comptes 2009. Un compte-rendu « réunion stratégie » est tardivement daté du 03 septembre 2012, comme celui du 21 septembre 2012 prévoyant un investissement par augmentation de capital, bien après les exercices litigieux.

Le rapport de gestion de la société Finaréa Alpha du 30 juin 2010 (pièce 21) mentionne comme filiales les sociétés Pacific Biotech (33,5%) et Shine (33,3%). Il indique un chiffre d’affaires 2009 pour la société Shine de 0 euro, et pour la société Pacific Biotech de 69 820 euros, ce qui infirme leur caractère opérationnel, même en phase de démarrage.

S’il est précisé que 34 sociétés du réseau Finaréa ont « investi dans plus de 40 PME françaises », il n’est pas justifié de la mise en ‘uvre d’une animation de filiale, du contrôle concret d’une filiale opérationnelle et d’une participation à la conduite de la politique du groupe en 2009 et 2010.

Il se déduit de ce qui précède que la société Finaréa Alpha ne remplit pas les conditions de la holding animatrice éligible à l’avantage fiscal sollicité en 2009 et 2010.

Toutefois, les premiers juges ont retenu dans leur motivation qu’il convenait de se placer au 15 juin 2009 et au 17 mai 2010 pour apprécier les conditions du rôle animateur de la société Finaréa Alpha. Mais ils ont reconnu que la prise de participation de la société Finaréa Alpha était « minoritaire » pour en déduire à tort qu’elle disposait de moyens réels de contrôle et d’orientation de la société Pacific Biotech. Ils ont également qualifié la participation dans la société Shine « d’apport en capital significatif » sans pour autant en déterminer un rôle animateur.

C’est en conséquence à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge des rehaussements prononcés au titre de l’ISF 2009 et 2010.

Il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a infirmé la décision de rejet du 5 septembre 2016 du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris de la réclamation contentieuse de M. et Mme [P] portant sur la proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 en date du 7 décembre 2012 et dit qu’il appartiendra au directeur régional des finances publiques de notifier la décharge du rehaussement des droits au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par M. et Mme [P] pour les années 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard appliqués.

Le rappel de l’administration fiscale portant sur les années 2009 et 2010 doit être considéré comme fondé en droit et en fait.

Sur les questions préjudicielles

Le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris réplique que le dispositif de l’article 885-0 V bis du code général des impôts n’est pas contraire au droit de l’Union européenne. Elle ajoute que le dispositif ne fausse pas la concurrence au niveau de la fourniture du marché de capital-investissement, au sens des articles 107 et 108 du TFUE, au motif que, selon la Commission, les risques de distorsion ou d’éviction de la concurrence pouvant découler du dispositif étaient limités. Au surplus, elle soutient que l’issue du litige ne dépend pas de la réponse aux questions préjudicielles posées par le contribuable. S’agissant des rescrits, dont la communication est sollicitée par le contribuable, elle soutient qu’ils ne constituent ni des prises de position de portée générale ni des aides d’État, que leur communication serait sans intérêt pour la résolution du litige, lequel repose sur l’appréciation de circonstances de faits et que le secret professionnel s’oppose à leur communication.

M. et Mme [P] estiment que les rehaussements dont ils ont fait l’objet seraient contraires au droit de l’Union européenne ce qui pourrait justifier trois questions préjudicielles :

-En l’état de la décision rendue le 11 mars 2008 restreignant le bénéfice de la réduction ISF-PME aux PME aux stades liminaires de leur développement, est-il possible de réserver le bénéfice de cette réduction aux holdings d’ores et déjà pleinement animatrices, en excluant celles qui sont en phase de démarrage ‘

-Le droit des aides d’État doit-il être interprété comme interdisant l’édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d’investissement dans les PME ‘ Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable ‘

– En présence d’un contribuable revendiquant l’application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d’effectivité du droit de l’Union européenne, ensemble la réglementation des aides d’État et les principes de libertés de circulation des capitaux, d’établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d’ordonner la production du rescrit litigieux ‘

Ceci étant exposé,

La demande de communication des rescrits Truffle et Partech ne peut prospérer puisque l’animation de la holding s’apprécie concrètement en tenant compte des pièces versées aux débats et la position fiscale prise à l’occasion de ces procédures distinctes n’est pas nécessairement transposable à la situation spécifique de la société Finaréa Alpha.

Il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner la communication desdits rescrits ni de poser de questions préjudicielles relatives à leur notification préalable ou à leur production.

Par décision du 11 mars 2008 la Commission européenne a précisé que la loi française TEPA n° 2007-1223 du 21 août 2007, dans sa partie relative à la réduction d’ISF pour les contribuables investissant dans une PME afin de leur permettre d’obtenir des financements nécessaires au démarrage de leur activité ou à leur développement, est constitutive d’une aide compatible avec le traité CE, en application de son article 87 (3).

La question relative à l’éligibilité de la réduction fiscale aux holdings animatrices ne détenant pas encore de participation relève de l’application par le juge national de l’article 885-O V bis du CGI, sans nécessité de saisir la CJUE d’une demande d’interprétation de la décision de la commission européenne précitée.

Les demandes relatives aux questions préjudicielles doivent ainsi être rejetées.

Le jugement déféré doit être confirmé sur ce chef.

La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes.

PAR CES MOTIFS

la cour

DIT l’appel recevable

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a infirmé la décision de rejet du 5 septembre 2016 du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris de la réclamation contentieuse de M. [Y] [P] et Mme [I] [P] portant sur la proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 en date du 7 décembre 2012 et dit qu’il appartiendra au directeur régional des finances publiques de notifier la décharge du rehaussement des droits au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune dû par M. [Y] [P] et Mme [I] [P] pour les années 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard appliqués ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

DIT que les sommes de 2.706 euros, 3.387 euros, 455 euros et 406 euros mises en recouvrement pour les années 2009 et 2010 sont fondées en droit et en fait ;

CONFIRME pour le surplus ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE solidairement M. [G] [P] et Mme [L] [P] à payer à la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M. [G] [P] et Mme [L] [P] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS

 


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